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Enseignements élémentaire et secondaire
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LUTTE CONTRE LE RACISME ET L’ANTISÉMITISME Mesures visant à prévenir, signaler les actes à caractère raciste ou antisémite en milieu scolaire et sanctionner les infractions NOR : MENE0402224C
RLR : 552-4
CIRCULAIRE N°2004-163 DU 13-9-2004
MEN - DESCO B6 INT JUS
Texte adressé aux rectrices et recteurs d’académie
; au préfet de police ; aux préfètes et préfets de régions et de départements (métropole et outre-mer ); aux Hauts-commissaires ; au directeur général de la police nationale ; au directeur général de la gendarmerie nationale ; aux procureures et procureurs généraux ; aux procureures et procureurs de la République
Face à l’accroissement des infractions à caractère
raciste ou antisémite dans notre pays ces dernières années, le Président de la
République et le Gouvernement ont décidé de mobiliser l’ensemble des services
de l’État contre ces atteintes aux principes fondateurs de notre démocratie.
La création, par le décret n° 2003-1164 du 8 décembre 2003, du comité interministériel
de lutte contre le racisme et l’antisémitisme est la traduction institutionnelle
de cet engagement.
Nombre de ces actes se produisent à l’intérieur des établissements scolaires comme à leurs abords. Ils impliquent une population de plus en plus jeune, aussi bien parmi les auteurs que parmi les victimes. Les enseignants ont également à subir le phénomène qui met en cause, outre leur enseignement, leur personne même. Cette situation intolérable demande des réponses pertinentes, rapides, efficaces et systématiques. Elles procèdent de la parfaite collaboration des services de l’État concernés dans le traitement ferme et déterminé des actes caractérisés et de la mission éducative confiée par la Nation à l’école de la République. Parmi ces réponses, figure un dispositif législatif (1) que les lois du 3 février 2003 et du 9 mars 2004 ont complété en créant, à l’article 132-76 du code pénal, une nouvelle circonstance aggravante à caractère raciste, xénophobe ou antisémite. Pour sa part, le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a mis en place un ensemble de mesures préconisant d’une part, la plus grande fermeté face aux actes racistes et antisémites et renforçant d’autre part, la formation civique des élèves. La présente circulaire a pour objet de préciser les objectifs que vous devrez poursuivre et les dispositifs de coordination que vous devrez mettre en œuvre, en particulier dans le cadre des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC), pour améliorer la prévention, le signalement et la sanction des actes antisémites et racistes dans les établissements scolaires et à leurs abords.
(1) L’ensemble du dispositif est en ligne
sur le site du ministère de la justice : www.justice.gouv.fr
I - Améliorer la réactivité face aux actes racistes et antisémites
L’insuffisance du signalement, la difficulté à qualifier les faits et le manque d’information sur les procédures retardent le traitement des actes et la prise en charge des victimes. Des conventions et partenariats éducation nationale, police, gendarmerie, justice, existent déjà. Souvent fort dynamiques, ces dispositifs doivent être utilisés, actualisés ou complétés pour apporter des réponses adaptées à la gravité des faits.
1) Relations établissements, procureurs de la République, services de police et unités de gendarmerie
Sans préjudice des termes de l’article 40 du code
de procédure pénale, qui dispose que “toute autorité constituée, tout
officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions,
acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en
donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat
tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs”,
il convient de veiller à une information rapide et réciproque des principaux
intervenants dans ce domaine. L’acte à caractère raciste ou antisémite (propos, dessin, acte de violence, de menace ou de dégradation, ...), doit être signalé sans délai au procureur de la République et à l’autorité académique. Il appartiendra aux acteurs locaux de déterminer, dans le cadre des protocoles qu’ils auront élaborés, les modalités de leur information réciproque, en particulier celle du chef de circonscription de sécurité publique ou du commandant de brigade de gendarmerie territorialement compétent. Le mode de saisine devra privilégier des procédures de droit commun (télécopie, appel téléphonique, courriel) de manière à autoriser des signalements quel que soit le moment de la commission des faits. À ce titre, pour faciliter le mécanisme de remontée et de circulation de l’information et le dialogue entre les établissements scolaires, les services de police, les unités de gendarmerie et les parquets, des procédures simples et rapides doivent être organisées dans chaque académie, si elles n’existent pas encore : protocoles de signalement, fiches normalisées permettant une description précise des faits. En effet, le signalement, quelle que soit son origine, est le point de départ d’une relation étroite entre l’établissement scolaire, le service de police ou l’unité de gendarmerie et le parquet, auquel il appartient de veiller à la cohérence et à la complémentarité des réponses apportées. C’est dans ce domaine qu’interviendront de manière privilégiée les correspondants institués dans le cadre du protocole d’accord entre le ministère de l’éducation nationale et celui de l’intérieur. Il appartient à ces correspondants d’être les garants de la fluidité des relations entre les services des trois ministères qui seront conduits à collaborer activement. L’ensemble des partenaires doit être convaincu que ces relations ont pour objectifs, d’une part d’assurer une meilleure articulation entre les différentes procédures (de médiation, disciplinaires ou pénales) qui peuvent être mises en œuvre pour lutter contre l’antisémitisme et le racisme en milieu scolaire, d’autre part de garantir la cohérence de l’action des autorités publiques lorsque des faits sont commis. Lorsque des procédures judiciaires auront été engagées, les procureurs de la République, dans le respect des dispositions de l’article 11 du code procédure pénale, feront connaître aux chefs d’établissement les suites judiciaires réservées aux signalements effectués en application de l’article 40 du code de procédure pénale.
2) Information et prise en charge des victimes
Quelle que soit la gravité de l’acte, il est essentiel que le directeur d’école ou le chef d’établissement rencontre les parties prenantes à l’acte et leur famille. Cette intervention ne doit pas nuire au bon déroulement de l’enquête pénale. Une attention particulière sera portée à la ou aux victimes qui devront être informées de la décision de signalement ainsi que des démarches qu’elles peuvent elles-mêmes effectuer, telles que le dépôt de plainte. Il appartiendra aux procureurs de la République de veiller à faire connaître aux victimes d’infractions à caractère raciste ou antisémite les suites judiciaires qui auront été réservées aux faits commis à leur encontre, conformément aux dispositions de l’article 40-2 du code de procédure pénale. Les relations concertées entre les établissements, les services de police, les unités de gendarmerie et les parquets doivent contribuer à accompagner les victimes dans leurs démarches administratives ou judiciaires : les correspondants “aide aux victimes” mis en place au sein des commissariats de police et des groupements de gendarmerie en facilitent la mise en œuvre.
3) Actions de prévention et d’éducation
L’école ou l’établissement sont des lieux d’apprentissage. Des actions éducatives y seront développées, et tout particulièrement dans les établissements exposés à des actes racistes et antisémites. Des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie peuvent y apporter leur concours dans les conditions définies dans le protocole d’accord signé entre le ministère de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les magistrats pourront être associés à ces démarches de prévention. Leur expertise sur ces sujets et leurs contributions ont déjà démontré leur efficacité. Les équipes enseignantes et d’éducation peuvent y avoir recours dans le cadre de leur enseignement ou de leur projet. Ces interventions doivent, le cas échéant, compléter les dispositions prévues par les conventions passées entre les différents services concernés et sur des contenus arrêtés en commun. Le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté constitue le cadre privilégié pour la mise en œuvre de ces partenariats. En cas de sanction, qu’elle soit disciplinaire ou pénale, des prolongements éducatifs doivent être systématiquement recherchés. Les sanctions disciplinaires, conformément aux circulaires n° 97-085 du 27 mars 1997 et n° 2000-105 du 11 juillet 2000, peuvent notamment donner lieu à des mesures de réparation et d’accompagnement. Elles doivent s’inscrire dans une perspective éducative qui trouve son prolongement dans la démarche de relance de la formation civique des élèves figurant parmi les mesures annoncées par le ministre de l’éducation nationale pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme.
4) Sensibilisation des acteurs
Ces violences dépassent le cadre de la communauté scolaire qui ne peut apporter seule des réponses globales et efficaces. Des formations peuvent être proposées sur ce domaine dans le cadre des plans de formation des trois ministères. Elles doivent avoir pour objectif la compréhension des enjeux par les professionnels concernés mais aussi la connaissance des dispositifs de prévention, des procédures de signalement, d’accompagnement et de suivi des actes. Cette thématique pourra être intégrée dans des programmes de formation interministérielle. Ces approches conjointes favorisent la confiance et améliorent les pratiques de travail entre les établissements scolaires et les autres acteurs de la lutte contre la violence raciste et antisémite. Elles doivent être complétées par l’élaboration d’outils spécifiques. De nombreux documents (guides méthodologiques, recueil de bonnes pratiques, fascicules de vulgarisation) élaborés par les trois ministères participent à cet objectif d’information. Ils sont disponibles sur les sites ministériels (2) et doivent aider les partenaires et leur permettre de mieux connaître les contraintes ou procédures réciproques. La parution du guide “L’idée républicaine aujourd’hui” dont l’objet est de rappeler et de contribuer à la défense des valeurs de la République constitue un outil à la disposition des équipes dans les établissements scolaires pour les aider dans cette démarche. De même, le guide du ministère de la justice relatif aux dispositions pénales en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations, disponible sur le site internet (3) de la Chancellerie, peut fournir aux équipes éducatives un instrument pertinent en la matière. Enfin, le ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, éditera au mois de septembre, un guide à caractère procédural à l’usage des policiers et des gendarmes, également disponible en ligne.
(2) http://www.interieur.gouv.fr/ ou http://intranet.mi/
http://www.education.gouv.fr ou http://eduscol.education.fr
(3) http://www.justice.gouv.fr/
II - Pilotage des dispositifs et des politiques partenariales
Les partenariats sont l’élément central de la réactivité et de l’efficacité d’une politique nécessairement adaptée aux spécificités locales. Ils doivent toutefois s’inscrire dans une cohérence d’ensemble organisée au niveau départemental et académique.
1) Réseau de vigilance : le rôle des correspondants désignés dans les services déconcentrés
Le travail en réseau de l’ensemble des acteurs, correspondants référents dans les académies, chefs d’établissement et équipes éducatives, magistrats référents des parquets, police et gendarmerie, associations antiracistes ou de parents d’élèves, permet d’assurer une fonction de veille et d’alerte et conditionne l’efficacité des mesures prises. Dans cette perspective, les correspondants académiques dans les rectorats sur les questions de racisme et d’antisémitisme, qui viennent d’être désignés et placés sous l’autorité du recteur, ont un rôle essentiel. Chargés du suivi des incidents avec les établissements, ils sont les interlocuteurs des associations pour les questions d’antisémitisme et de racisme. Ils assurent en outre le lien avec les référents “racisme, antisémitisme” des services préfectoraux, des parquets généraux, de la police, les officiers prévention- partenariat des groupements de gendarmerie, contribuant ainsi à la mise en cohérence des dispositifs.
2 ) Pilotage des dispositifs de prévention et de lutte contre le racisme et l’antisémitisme à l’école
Les CESC, en cours de généralisation à tous les établissements, doivent être le lieu privilégié de mise en œuvre des dispositifs ayant vocation à lutter contre la violence à l’école et à promouvoir la citoyenneté ; la lutte contre l’antisémitisme et le racisme y trouve naturellement toute sa place. Ils doivent être les organes où les différents participants échangent leurs points de vue, diagnostiquent une situation, assurent le suivi des événements et décident de la stratégie à mettre en œuvre et des actions à engager au sein d’un établissement en liaison, le cas échéant, avec les services partenaires et l’autorité judiciaire. Les conférences départementales de sécurité garantissent la cohérence de l’action des acteurs administratifs et judiciaires. Elles assurent la centralisation et le suivi des informations et mesures concernant la sécurité des personnes et des biens et partant, ce qui touche au racisme et à l’antisémitisme. Les comités locaux de sécurité et de prévention de la délinquance et les conseils départementaux de prévention constituent également les cadres privilégiés du partenariat autour du maire ou du président du conseil général. Compte tenu de l’importance et de la gravité du phénomène, l’action ainsi conduite doit être portée à la connaissance du public. À ce titre, les commissions départementales d’accès à la citoyenneté qui interviennent sous l’autorité du préfet, peuvent offrir un cadre pour informer les associations antiracistes ou d’autres structures engagées dans la lutte contre ce phénomène. Elles permettront au préfet, au recteur et au procureur de la République de faire un point régulier sur l’évolution des faits recensés, les mesures prises et les résultats obtenus dans le respect des dispositions légales relatives au secret de l’enquête et de l’instruction.
Le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche François FILLON
Le ministre de l’intérieur, de
la sécurité intérieure et des libertés locales Dominique de VILLEPIN Le garde des sceaux, ministre de la justice Dominique PERBEN
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