Rapport sur la mise en œuvre des conventions ruralité
À l'occasion du 3e comité interministériel aux ruralités, Alain Duran, sénateur de l'Ariège, a remis son rapport sur la mise en oeuvre des conventions ruralité, le 20 mai 2016, au Premier ministre Manuel Valls, en présence de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et de Patrick Kanner, ministre de la Ville de la Jeunesse et des Sports.
Ce rapport présente 12 recommandations pour une contractualisation efficace entre l'éducation nationale et les élus locaux en intégrant l'ensemble des problématiques auxquelles sont confrontés les territoires ruraux et de montagne.
Synthèse du rapport
Le 21 octobre 2015, le Premier ministre a chargé Alain Duran, Sénateur de l'Ariège, d'une mission visant à accompagner la démarche des "conventions pour une politique active en faveur de l'école rurale et de montagne", engagée par la Ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Comment proposer une offre éducative de qualité et de proximité dans des territoires ruraux et de montagne fragilisés, en particulier par une baisse démographique tendancielle, au travers de la réorganisation de réseaux d'écoles, tout en conservant la spécificité de l'école rurale et de montagne ? Telle a été la problématique ayant animé les cinq mois de travail de la mission, dédiée à définir les voies et les moyens d'une contractualisation efficace entre l'éducation nationale et les élus locaux.
À cet effet, plusieurs déplacements en académies et de nombreuses auditions au Sénat ont permis de rencontrer plus d'une centaine d'acteurs de l'école rurale et de montagne, représentant la communauté éducative dans sa diversité : élus locaux et nationaux, préfets, recteurs, inspecteurs d'académie-DASEN, personnels des services départementaux de l'éducation nationale, organisations syndicales représentatives des personnels enseignants, parents d'élèves, associations d'éducation populaire, universitaires, directions du ministère de l'éducation nationale.
Une tendance structurelle de baisse des effectifs du 1er degré est à l'œuvre dans les territoires ruraux éloignés des pôles urbains. Si au niveau national, la décennie 2005-2015 a été caractérisée par une hausse continue des effectifs scolaires du 1er degré public (+2,8% sur la période), est observée dans la vingtaine de départements les plus marqués par la ruralité une baisse de l'ordre de 10 000 élèves sur la période 2011-2014, appelée à s'amplifier avec la baisse attendue de 25 000 élèves sur l'ensemble du territoire national à horizon 2018. Alors que 84% des familles avec enfants résident aujourd'hui dans l'espace des grandes aires urbaines, la proportion de familles avec enfants en âge d'être scolarisés est la plus faible dans les communes isolées hors influence des pôles urbains.
Cette évolution démographique négative engendre une fragilisation du tissu scolaire, particulièrement douloureuse et préjudiciable pour les communes, les citoyens et leurs élus, lorsqu'elle se traduit par des fermetures de classes et surtout d'écoles.
Les regroupements pédagogiques intercommunaux qui se sont constitués ont été une réponse adaptée et suffisante en leur temps. Il convient aujourd'hui de réfléchir à de nouveaux modes d'organisation des réseaux scolaires en procédant à court et à moyen terme à des mutualisations et des restructurations. Le recours à une contractualisation entre l'éducation nationale et les élus locaux, se matérialisant par la signature de conventions, est une voie à explorer pour créer les meilleures conditions d'une école rurale de qualité et de proximité.
Chaque convention est un accord au terme duquel l'État s'engage aux côtés d'élus du département concerné à établir, pour une durée donnée, les conditions de mise en œuvre d'un schéma territorial pluriannuel d'évolution de l'organisation scolaire dans le 1er degré. Elle suppose un diagnostic partagé et une volonté commune de faire évoluer le réseau des écoles en vue de proposer une offre pédagogique et éducative adaptée et de qualité, en tenant compte de facteurs tels que l'existence de bassins de vie, l'enclavement du territoire, les temps de transports acceptables. Il s'agit pour l'État d'accompagner ces démarches, en apportant une visibilité pluriannuelle (trois ans renouvelables) et en limitant le nombre de suppressions d'emplois d'enseignants, dans une perspective d'amélioration des conditions de scolarisation des élèves de l'école rurale et d'optimisation du réseau scolaire du 1er degré, pendant la durée de la convention. Pour la mettre en œuvre, des objectifs de réorganisation identifiés en commun dans des zones fragilisées sont fixés, des critères de suivi et des modalités d'évaluation sont définies, sous l'égide d'un "comité de pilotage" qui a vocation à réunir l'ensemble des partenaires de la convention et des membres de la communauté éducative.
L'objet de la convention n'est pas d'imposer le modèle urbain d'organisation scolaire en zone rurale, mais de construire une école rurale attractive, qui s'émancipe de la menace récurrente des effets comptables résultant de la démographie, afin de maintenir un climat de travail serein et constructif entre les élus et les autorités académiques au profit de la communauté éducative locale.
Amorcée depuis 2014 avec la première convention signée dans le Cantal, la démarche conventionnelle est appelée à voir son déploiement s'accélérer dès la rentrée scolaire 2016 à la faveur d'un contexte favorable :
- avec la loi pour la refondation de l'école de la République et la création de 60 000 nouveaux postes, ce sont 14 000 postes d'enseignants titulaires qui sont créés dans le 1er degré public depuis le début du quinquennat
- l'amplification conjuguée de la baisse démographique dans le 1er degré pour les prochaines rentrées, crée les conditions opportunes pour un rééquilibrage de l'affectation de moyens entre les territoires, lesquels bénéficient d'une allocation spécifique par le ministère lorsqu'ils s'engagent dans la démarche conventionnelle. Ce sont ainsi 120 postes supplémentaires qui sont attribués à la ruralité pour la rentrée 2016
- sans écarter ni revenir sur les débats et difficultés que ces réformes ont par ailleurs pu occasionner, la mise en œuvre des nouveaux rythmes scolaires et des PEDT ainsi que l'application de la loi "NOTRe" et la définition de nouvelles intercommunalités entraînent sur le terrain une culture rénovée de travail et de collaboration, qui constitue un terreau favorable à la démarche de conventionnement en faveur de l'école rurale et de montagne.
Le dialogue tissé au cours de la mission a permis de constater que la plupart des acteurs de l'école sont globalement favorables à une telle démarche, à la condition que soit proposé, et surtout pas imposé, un cadre suffisamment souple et modulable pour qu'en interne, chaque territoire prenne en compte les spécificités qui lui sont propres.
C'est autour de ce constat essentiel qu'une douzaine de recommandations ont été formulées par le rapport sur la mise en œuvre des conventions ruralité.
1. accorder du temps et de la visibilité aux élus locaux, autorités académiques et acteurs de la communauté éducative associés pour créer les conditions d'un travail pluriannuel de réorganisation du tissu scolaire serein , dissocié de l'exercice annuel de la carte scolaire
2. utiliser la plasticité de l'outil qu'est la convention pour permettre aux partenaires et signataires de la moduler afin de recueillir l'assentiment de chacun d'entre eux, de sorte à atteindre les objectifs conjointement fixés et tenir les engagements souscrits réciproquement
3. donner aux circonscriptions du 1er degré une véritable logique territoriale en faisant de l'intercommunalité et des bassins de vie les deux niveaux de référence dans lesquels inscrire le travail de réorganisation des réseaux d'école
4. élaborer des engagements réciproques sincères et réalistes entre, l'État qui accepte le principe d'une suspension de tout ou partie des suppressions de postes d'enseignants qui auraient logiquement résulté de la situation de la démographie scolaire, et les élus locaux qui s'engagent, en contrepartie, à conduire un travail de réorganisation du réseau scolaire en identifiant des zones de fragilité à traiter en priorité, lequel sera soumis à évaluation en fin de convention
5. réunir des signataires, pertinents à l'échelon de signature de la convention, qui s'engagent à mettre en œuvre les moyens de sa réussite
6. associer dans la consultation, la concertation et la co-construction le plus grand nombre de partenaires légitimes représentatifs de la communauté éducative et des parents d'élèves
7. réaliser un diagnostic des territoires objectif et partagé, visant à identifier les zones et réseaux justifiant une réflexion préalable à une restructuration en mettant l'accent sur la qualité de l'accès global aux services publics, et reposant notamment sur une connaissance fine des temps et itinéraires de transport des élèves
8. constituer comme organe fonctionnel de réflexion et de travail un "comité de pilotage" représentatif, légitime et efficace
9. dialoguer dans la transparence sans hésiter à recourir à la communication
10. réserver des temps réguliers d'évaluation intermédiaire avant l'évaluation finale, afin de corriger les éventuels points de blocage et préparer la suite de la convention
11. bâtir un avenant qui pérennise le processus conventionnel par-delà sa durée initiale, en intégrant les enseignements qui en ont été tirés
12. faire de la liaison école-collège le cadre naturel du travail à plus long terme de réorganisation du maillage scolaire avec le collège de territoire
Rapport sur la mise en œuvre des conventions ruralité
- Introduction
- Première partie - Les constats
La convention, une démarche raisonnée mais non aboutie - Deuxième partie - Les recommandations
La convention, un outil souple et modulable - Conclusion
- Liste des recommandations
- Liste des personnes rencontrées
- Listes des annexes
- Annexes