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Massification scolaire et mixité sociale

Ce numéro de la revue Éducation & formations propose de mettre en perspective des données statistiques pour éclairer les transformations de l’École par les politiques publiques. Il aborde des sujets tels que la massification scolaire et l’allongement de la durée des études, l’hétérogénéité sociale entre collèges publics et privés, l’impact des procédures d’affectation sur la mixité sociale et scolaire des lycées, l’effet de la composition des classes sur la réussite des élèves de seconde, l’approche localisée de la lutte contre le décrochage, les usages des comparaisons internationales dans l…

Rédaction en chef : Caroline Simonis-Sueur

La massification scolaire sous la Ve République : une mise en perspective des statistiques de l’Éducation nationale (1958-2014)

Florence Defresne, MENESR-DEPP, unité des méthodes et synthèses statistiques ; Jérôme Krop, Université d’Artois, ESPE Lille-Nord de France

Les débats suscités par l’actuelle réforme du collège doivent être éclairés à l’aune de l’histoire du système scolaire, notamment à travers la question de la pertinence de l’existence du collège unique, qui ressurgit implicitement ou explicitement dans les prises de position suscitées par les politiques scolaires. Les données statistiques produites au cours des dernières décennies par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère en charge de l’éducation nationale, en particulier le suivi longitudinal de la scolarité de panels représentatifs d’élèves, permettent de remettre en perspective ces débats en dressant un tableau de la transformation du système scolaire.

Comment mesurer la ségrégation dans le système éducatif ? Une étude de la composition sociale des collèges français

Pauline Givord et Marine Guillerm, Insee, direction de la méthodologie et la coordination statistique et internationale ; Olivier Monso, MENESR-DEPP, unité des méthodes et synthèses statistiques ; Fabrice Murat, MENESR-DEPP, bureau des études sur les établissements et de l’éducation prioritaire

La mesure de la ségrégation consiste à quantifier un état de séparation de personnes appartenant à des groupes (sociaux, ethniques, etc.) différents, sur un territoire donné. Son opposé correspond à la mesure, plus positive, de la mixité sociale. Mesurer la ségrégation, en particulier celle qui existe entre les établissements scolaires, est un enjeu fort pour l’analyse et le pilotage du système éducatif. Cet article rappelle les principes généraux des indicateurs permettant de mesurer la ségrégation, et discute les propriétés des principaux indices habituellement utilisés. Nous nous appuyons sur l’un de ces indicateurs, l’indice d’entropie normalisé, pour proposer des éléments de diagnostic sur la ségrégation sociale entre les collèges français, à partir des données issues du système d’information Scolarité. Ces éléments permettent, dans un premier temps, de caractériser les territoires selon un degré plus ou moins fort de ségrégation entre les collèges : nous mettons en évidence une ségrégation plus forte dans les académies et dans les départements urbains. L’indice d’entropie normalisé, de par sa propriété de décomposabilité, permet de mettre en évidence des mécanismes de ségrégation différents selon les groupes sociaux et d’évaluer l’importance du secteur d’enseignement dans la ségrégation.

La ségrégation sociale entre les collèges : quelles différences entre public et privé, aux niveaux national, académique et local ?

Pauline Givord et Marine Guillerm, Insee, direction de la méthodologie et la coordination statistique et internationale ; Olivier Monso, MENESR-DEPP, unité des méthodes et des synthèses statistiques ; Fabrice Murat, MENESR-DEPP, bureau des études sur les établissements et de l’éducation prioritaire

La ségrégation sociale entre les collèges français est importante : en 2015, un dixième des collèges scolarisent moins de 14,6 % d’élèves d’origine sociale défavorisée et un dixième en scolarisent plus de 62,7 %. Cette ségrégation, mesurée par l’indice d’entropie normalisé, peut se décomposer en trois parties. La première correspond aux différences de composition sociale entre secteurs public et privé, très variables d’une académie à l’autre. Les deux suivantes correspondent à la ségrégation au sein des collèges de chaque secteur. La ségrégation entre collèges privés est plus forte que celle entre collèges publics dans la grande majorité des académies. À l’échelle nationale, les disparités entre collèges sont restées stables depuis 2003. D’un côté, la ségrégation a diminué entre les collèges du secteur public. De l’autre, l’écart de composition sociale entre secteur public et secteur privé a augmenté. La ségrégation sociale entre collèges est aussi le reflet de la ségrégation urbaine. En particulier dans les grandes agglomérations urbaines, les élèves de milieu défavorisé sont surreprésentés dans certaines zones d'habitation. Dans les collèges publics, l'affectation se fait en tenant compte de la proximité géographique, et le degré de ségrégation est dû en partie à cette concentration urbaine des élèves défavorisés. Néanmoins, d'autres dynamiques locales sont également présentes. Les indices locaux de Moran permettent de confronter la composition sociale d’un collège avec celle des collèges alentour. Quatre types de collèges sont ainsi définis selon que le collège accueille une proportion d’élèves d’origine défavorisée supérieure ou inférieure à celle de l’académie et selon que les collèges autour de lui sont également en moyenne plutôt favorisés ou défavorisés. La confrontation de cette typologie avec la répartition des élèves défavorisés sur le territoire permet de repérer les collèges dont la composition sociale est en décalage avec leur environnement. En Seine-Saint-Denis en particulier, la composition sociale des collèges privés, plutôt favorisée, se distingue de celle des collèges alentour.

L’impact du choix scolaire régulé sur la mixité sociale et scolaire dans les lycées parisiens : les enseignements de la procédure Affelnet

Gabrielle Fack, Université Paris 1 Pantheon Sorbonne et PSE – École d’économie de Paris ; Julien Grenet, CNRS et PSE – École d’économie de Paris

L’étude approfondie de la procédure Affelnet à Paris révèle que la mixité sociale et scolaire des lycées généraux et technologiques de la capitale est le résultat d’une interaction complexe entre les préférences scolaires des familles et les règles mises en œuvre par l’académie pour réguler les choix exprimés. Cette étude s’appuie sur les résultats d’une enquête réalisée en 2013 auprès d’environ 10 000 collégiens parisiens et sur l’exploitation inédite de données extraites des bases de gestion de l’académie de Paris. Elle montre ainsi que la capacité des procédures d’affectation à agir sur la mixité sociale et scolaire se heurte à deux obstacles majeurs. La contrainte géographique constitue le premier d’entre eux, car elle rend la composition des lycées dépendante de la ségrégation résidentielle entre districts d’affectation. La différenciation sociale et scolaire des vœux des familles, quant à elle, prédétermine largement la segmentation sociale et scolaire des lycées. L’analyse indique cependant qu’en dépit de ces contraintes, les règles qui gouvernent l’affectation des élèves exercent une influence déterminante sur la mixité sociale et scolaire. Par certains aspects, la procédure Affelnet utilisée à Paris contribue à réduire cette mixité : le rôle central joué par les notes dans le barème d’affectation participe à la stratification des établissements en fonction du niveau scolaire de leurs élèves et réduit la mixité sociale. À l’inverse, le bonus mis en place en faveur des élèves boursiers a permis d’accroître sensiblement la mixité sociale dans les lycées généraux et technologiques de la capitale.

Retrouver ses camarades de classe en seconde : un atout pour la scolarité au lycée

Son Thierry Ly et Arnaud Riegert, PSE – École d’économie de Paris

La transition collège-lycée est un moment difficile de la scolarité. L’entrée au lycée général et technologique, en particulier, se caractérise par des exigences scolaires plus élevées, mais aussi par un nouvel environnement et un nouveau réseau social à construire. Nous nous intéressons ici à l’effet de la composition des classes de seconde sur la réussite scolaire au lycée, et plus particulièrement à l’effet du nombre de camarades de classe de troisième conservés en seconde. À partir d'une expérience naturelle, l'étude montre que des élèves affectés de manière quasi aléatoire dans leur classe de seconde ont des résultats très différents selon qu’ils retrouvent ou non des camarades de troisième dans leur nouvelle classe. L’analyse montre que des élèves issus de la même classe du même collège, qui arrivent dans le même lycée avec des profils scolaires très similaires ont des résultats très différents selon qu’ils retrouvent ou non des camarades de troisième dans leur nouvelle classe. On observe en effet que les élèves qui conservent plus de camarades de classe ont une probabilité réduite de redoubler la seconde, et une probabilité plus élevée d’obtenir leur baccalauréat, trois ans plus tard. Cet effet concerne essentiellement les élèves de niveau moyen à faible, issus des classes populaires. Nous analysons les mécanismes de ce phénomène, qui suggèrent qu’il s’agit plutôt d’un effet de familiarité avec le nouvel environnement plutôt que d’une aide directe apportée par les camarades de classe. Alors que, très souvent, les groupes d’élèves venant d’une même classe d’un même collège sont éclatés entre les différentes classes du lycée, ces résultats suggèrent qu’il serait bénéfique de les laisser ensemble dans une certaine mesure.

Le décrochage scolaire : un phénomène qui déstabilise les acteurs de l’institution scolaire

Christiane Aubrée, Rectorat de l’académie de Nantes

En posant notre regard aux différents niveaux d’intervention, de l’international au niveau local, l’action publique apparaît comme la configuration d’acteurs interdépendants. Depuis les lois de décentralisation engagées en 1982-1983 et le principe de subsidiarité 1 initié au niveau européen en 1992, la dimension territoriale ne cesse de prendre une place grandissante dans les politiques publiques. En matière de lutte contre le décrochage scolaire, les mobiles qui motivent l’action publique aux niveaux européen, national, académique et régional convergent tous vers la prévention pour réduire les sorties précoces du système éducatif. Au niveau infra départemental, le rôle déterminant des territoires dans la reproduction sociale oriente les stratégies vers une plus grande attention aux réalités locales. Celles-ci conditionnent les actions entreprises, mais les carrières des acteurs sont aussi un élément à ne pas négliger. Selon les conceptions de l’éducation scolaire, l’articulation entre école et société qui en découle n’implique pas les mêmes investissements en matière de prévention. L’objectif de « réussite pour tous » réclame une réelle compensation des inégalités sociales et la création des conditions de l’égalité des chances. Il repose sur une action préventive structurelle indépendamment des publics. C’est en réalité une profonde mutation qui appelle une cohésion d’action de tous les professionnels du système éducatif et de leurs partenaires.

Du bon usage des comparaisons internationales dans l’aide au pilotage des systèmes éducatifs

Florence Lefresne, MENESR-DEPP, Mission aux relations européennes et internationales

De plus en plus mobilisées dans le débat public, les données de comparaisons internationales sont aussi devenues des outils d’aide au pilotage des systèmes éducatifs. Les données considérées ici sont principalement issues de deux types de sources : les indicateurs internationaux de l’éducation, comme ensemble de mesures d’une dimension définie des systèmes éducatifs, qu’il s’agit de décrire, d’une part, et les grandes enquêtes internationales fondées sur la passation de tests (mesure de performance) ou de questionnaires (remontée d’informations), sur un échantillon de personnes, d’autre part. Portées au plan européen et international par un ensemble d’institutions (OCDE, Unesco, IEA, Commission européenne, etc.), les comparaisons internationales sont au centre d’enjeux de connaissance des caractéristiques des systèmes éducatifs nationaux ; de recherche de variables explicatives de leur performance ; et enfin de gouvernance pour les pays européens engagés, depuis la Stratégie de Lisbonne en 2000, dans un cadre commun de coopération dans le champ de l’éducation et la formation. Ces trois enjeux sont successivement examinés, à partir d’exemples précis. Le premier d’entre eux permet de décrire les conditions de construction, d’usage et d’interprétation des indicateurs internationaux de l’éducation. Le deuxième enjeu renvoie à la production des données d’enquêtes internationales et à la sphère des recherches qui les mobilisent. Le troisième enjeu permet de poser la question d’indicateurs communs de suivi au plan européen et de leur cohérence avec les outils de pilotage national.

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