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Lettre de la direction des affaires juridiques du ministÈre de l'Éducation nationale, de l'enseignement supÉrieur et de la recherche | ||||||||||
LIJ N°192 - MARS 2016 |
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ÉDITORIAL | ||
On peut sans doute espérer que le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires sera définitivement adopté dans les prochaines semaines.
S’il est une de ses dispositions qui n’a guère varié depuis le dépôt du projet de loi à l’Assemblée nationale en juillet 2013, c’est celle qui introduit à l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires le principe selon lequel, dans l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire est tenu à l’obligation de neutralité.
Comme le relève l’étude d’impact du projet de loi, la définition de la neutralité est « l’impartialité de l’État à l’égard des croyances de tous les membres de la collectivité nationale ». La neutralité du fonctionnaire est donc une condition nécessaire de la laïcité de la République et du service. Corollaire du principe d’égalité, le principe de neutralité, qui s’applique à la fonction publique et à ses agents, garantit que le service public n’établit aucune distinction ou préférence entre les citoyens selon leurs opinions.
Mais comme le note également l’étude d’impact, rares sont les décisions du Conseil d’État qui mentionnent expressément l’obligation de neutralité, comme sont rares également les décisions des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.
Or, il se trouve que plusieurs décisions ont été rendues en 2015 à propos de sanctions disciplinaires infligées à des enseignants auxquels il était reproché d’avoir méconnu le principe de neutralité, comme le rappelle le commentaire que nous faisons dans ce numéro de la LIJ d’un jugement du 9 décembre 2015 du tribunal administratif de Nantes.
Dans les affaires mentionnées, les enseignants sanctionnés ont, dans le cadre de leur enseignement, soit revendiqué leur engagement politique, soit imposé à leurs élèves leur position affirmée et sans nuances sur des questions de société, alors que le principe de neutralité leur interdit de faire état de leurs convictions dans l’exercice de leurs fonctions. Pour apprécier la légalité des sanctions infligées à ces enseignants, les juges ont bien évidemment pris en compte la teneur et la gravité des faits reprochés, mais également la nature de leurs fonctions, car ainsi que l’exposait Rémy Schwartz dans ses conclusions sur l’avis Mlle Marteaux du 3 mai 20001 à propos de l’expression des opinions religieuses des agents publics en service : « Si la neutralité est exigée de tous services publics, elle est plus requise encore pour ceux qui ont la charge de l’encadrement et de la formation des élèves. »
Catherine MoreauNOTE |
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SOMMAIRE | ||
Jurisprudence | ||
Enseignement scolaireQUESTIONS GÉNÉRALESOrganisation de l'enseignement scolaire Élève handicapé – Projet personnalisé de scolarisation – Chien d’assistanceT.A. Amiens, 15 décembre 2015, n° 1401059
Relations des établissements scolaires avec les collectivités territoriales Enseignement des langues et cultures d’origine (ELCO) – Incompétence de la commune pour refuser d’autoriser la mise en place d’un ELCO dans une écoleC.A.A. Lyon, 10 décembre 2015, n° 13LY01400
SECOND DEGRÉAdministration et fonctionnement des établissements scolaires Exercice des pouvoirs de police – Interdiction d’accès au serviceT.A. Melun, 15 avril 2015, n° 1400506
Enseignement supérieur et rechercheADMINISTRATION ET FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEURQuestions communes Listes des différents collèges – Régularité du règlement du scrutin – Prime majoritaireC.A.A. Marseille, 2 novembre 2015, n° 13MA00617
PersonnelsQUESTIONS COMMUNESObligations des fonctionnaires Principe de neutralité des services publics – Enseignement orienté politiquement – SanctionT.A. Nantes, 9 décembre 2015, n° 1301615
Personnel enseignant – Obligations de service – Journée de solidarité – Absence de service fait – Retenue sur traitementT.A. Pau, 2 décembre 2015, n° 1402675
Cumul d’activités sans autorisation – Obligation de mettre fin aux activités irrégulières lorsque l’administration en a connaissance – Partage de responsabilitéC.A.A. Paris, 15 décembre 2015, n° 14PA01450
Rémunérations, traitement et avantages en nature Indemnité de charges administratives – Prime de charges administratives – Inspecteur de l’éducation nationale exerçant une responsabilité administrative – Personnel enseignant – Responsabilités et compétences élargiesT.A. Amiens, 5 juin 2015, n° 1300089
Heures supplémentaires – Qualification – Demande du supérieur hiérarchiqueT.A. Nîmes, 24 novembre 2015, n° 1302906
Cessation de fonctions Fonctionnaires et agents publics – Cessation de fonctions – Abandon de poste – Cas d’un agent en congé de maladie qui se soustrait à une contre-visite médicaleC.E., 11 décembre 2015, Commune de Breteuil-sur-Iton, n° 375736, au Recueil Lebon
Position de disponibilité – Demande d’indemnité de départ volontaire – Éléments de rémunération pris en compte pour le calcul de l’indemnitéT.A. Toulouse, 26 novembre 2015, n° 1205056
Questions propres aux agents non titulaires Fonctionnaires et agents publics – Droit à l’allocation d’assurance chômage (art. L. 5424-1 du code du travail) – Annulation de la décision de licenciement – Remboursement des allocations pour perte d’emploiC.E., 11 décembre 2015, n° 386441, aux tables du Recueil Lebon
QUESTIONS PROPRES AUX PERSONNELS DE L’ENSEIGNEMENT SCOLAIREPersonnels enseignants Personnels enseignants – Stage – Illégalité – ResponsabilitéC.A.A. Bordeaux, 12 janvier 2016, n° 14BX01205
Établissements d’enseignement privésRELATIONS AVEC L’ÉTATOuverture des établissements d’enseignement privés – Pouvoir d’opposition du recteur – Délai d’oppositionT.A. Rouen, 24 novembre 2015, n° 1501983
PERSONNELSMaîtres contractuels Maîtres de l’enseignement privé sous contrat – Possibilité de prolonger la suspension de fonctions au-delà d’un délai de quatre mois (oui) – Respect d’un délai raisonnableC.E., 25 novembre 2015, n° 386280
Demande de mutation formulée par un maître contractuel d'un établissement d'enseignement privé sous contrat d’association – Méconnaissance par l’autorité académique de l’ordre des priorités dans l’examen des candidaturesT.A. Nantes, 5 janvier 2016, n° 1309861
ResponsabilitéQUESTIONS GÉNÉRALESMise en cause de la responsabilité de l’administration Réparation des préjudices subis à raison de la durée excessive de la procédure disciplinaire – Responsabilité de l’ÉtatC.E., 23 décembre 2015, n° 385172
ACCIDENTS SUBIS OU CAUSÉS PAR DES ÉLÈVES ET ÉTUDIANTSResponsabilité administrative de droit commun Accident scolaire – École maternelle – Responsabilité de l’État (oui) – Défaut dans l’organisation du service – Surveillance effective – Cour de récréationT.A. Paris, 27 novembre 2015, n° 1402998 et n° 1410900
Technologies de l’information et de la communication (TIC)FICHIERS (TRAITEMENTS AUTOMATISÉS DE DONNÉES)Données à caractère personnel – Transfert de données à caractère personnel vers les États-Unis – Régime de la « sphère de sécurité » (Safe Harbor) – Niveau de protection inadéquat – Pouvoirs de l’autorité nationale de contrôle – Protection des personnes physiquesC.J.U.E., 6 octobre 2015, X c/ Data Protection Commissioner, n° C-362/14
Droit communautaireAPPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE PAR LE JUGE ADMINISTRATIFPrincipes d’égalité de traitement et de non-discrimination en fonction de l’âge – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Indemnité de fin de contrat de travail à durée déterminée – Travail durant les vacances scolaires ou universitairesC.J.U.E., 1er octobre 2015, X c/ Bio Philippe Auguste S.A.R.L., n° C-432/14
Autres jurisprudencesFORMATION PROFESSIONNELLE Contrat d’apprentissage – Enregistrement tardif du contrat – Absence de nullité du contratCass. soc., 28 octobre 2015, n° 14-13274, au Bulletin
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Consultations | ||
Enseignement scolaireQUESTIONS GÉNÉRALESOrganisation de l’enseignement scolaire Service minimum d’accueil – Personnels en charge des élèves handicapés – Régime de responsabilitéNote DAJ A1 n° 15-179 du 2 juillet 2015
Enseignement supérieur et rechercheVIE ÉTUDIANTEDroits d’inscription Étudiants – Stagiaires de la formation continue – Affiliation et couverture des accidents du travailNote DAJ B1 n° 15-274 du 24 décembre 2015
PersonnelsQUESTIONS COMMUNESCongés Fonctionnaire stagiaire – Congé de maladieNote DAJ A2 n° 2015-061 du 18 décembre 2015 | ||
Le point sur | ||
La lutte contre la cyberviolence touchant les enfants en droit français
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ActualitÉs | ||
TEXTES OFFICIELS
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Jurisprudence | ||
Enseignement scolaireQUESTIONS GÉNÉRALESOrganisation de l'enseignement scolaire iNCLUSION SCOLAIRE Élève handicapé – Projet personnalisé de scolarisation – Chien d’assistance
Les parents de deux enfants handicapés scolarisés dans la même école élémentaire avaient saisi le tribunal administratif d’Amiens d’une requête en annulation de la décision du directeur académique des services de l’éducation nationale de l’Oise refusant la présence dans l’école du chien des enfants aux motifs qu’il n’était pas établi que l’animal pouvait être regardé comme un chien d’assistance d’une personne handicapée et que sa présence auprès des enfants durant le temps scolaire ne figurait pas dans le plan de compensation de leur handicap et n’était pas inscrite dans le projet personnalisé de scolarisation (P.P.S.) de chacun d’eux.
Le tribunal a rappelé qu’il résulte de l’article 88 de la loi du 30 juillet 1987 portant diverses mesures en matière sociale que les lieux permettant une activité professionnelle, formatrice et éducative sont ouverts aux chiens guides d’aveugle ou chiens d’assistance accompagnant les personnes titulaires de la carte d’invalidité prévue à l’article L. 241-3 du code de l’action sociale et des familles.
Il a cité l’article L. 112-2 du code de l’éducation qui prévoit que tout élève handicapé a droit à une évaluation de ses compétences dont les résultats permettent de proposer aux parents un parcours de formation « qui fait l’objet d’un projet personnalisé de scolarisation », lequel constitue un élément du plan de compensation de son handicap, ainsi que l’article D. 351-5 du même code qui précise que le P.P.S. définit notamment les modalités de déroulement de la scolarité des élèves handicapés.
Enfin, le tribunal a rappelé que l’article L. 114-1-1-1 du code de l’action sociale et des familles dispose que les besoins de compensation de toute personne handicapée sont inscrits dans un plan de compensation de son handicap et que l’article L. 245-3 du même code indique que la prestation de compensation qui peut être octroyée à une personne handicapée dans ce cadre peut être liée aux charges afférentes à l’attribution d’une aide animalière.
Le tribunal a par conséquent jugé « qu’il résulte de l’article L. 112-2 du code de l’éducation précité que le plan personnalisé de scolarisation, qui constitue un élément du plan de compensation visé à l’ article L. 146-8 du code de l'action sociale et des familles, a pour objet de proposer des modalités de déroulement de la scolarité coordonnées avec les mesures permettant l’accompagnement de celle-ci figurant dans ce plan de compensation et, selon l’article D. 351-5 du code de l’éducation précité, définit les actions pédagogiques, psychologiques, éducatives, sociales, médicales et paramédicales répondant aux besoins particuliers d’un élève présentant un handicap ; qu’il appartient ainsi à un élève ou à ses représentants légaux désireux d’introduire un chien d’assistance durant le temps scolaire de solliciter l’inscription de cet animal dans le plan personnalisé de scolarisation en se conformant à la procédure décrite aux articles L. 146-8 et L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles et de solliciter, le cas échéant et en application de l’article L. 245-1 du même code, auprès de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, une prestation compensatoire de handicap destinée à être affectée aux charges liées à l’entretien de cette aide animalière, conformément à l’article D. 245-24 [du même code] (…) ».
Le tribunal a, par suite, jugé que le directeur académique des services de l’éducation nationale n’avait pas commis d’erreur de droit en refusant que les enfants soient accompagnés dans l’école par un chien faute d’inscription de cet animal dans le P.P.S. des deux enfants.
Relations des établissements scolaires avec les collectivités territoriales UTILISATION DES LOCAUX SCOLAIRES Enseignement des langues et cultures d’origine (ELCO) – Incompétence de la commune pour refuser d’autoriser la mise en place d’un ELCO dans une écoleC.A.A. Lyon, 10 décembre 2015, n° 13LY01400
Un inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’éducation nationale, avait fait connaître au maire d’une commune son intention de mettre en place un enseignement de langue et culture d’origine (ELCO) de turc dans l’école primaire de la commune pendant le temps scolaire. Le conseil municipal de la commune avait décidé « de ne pas autoriser ni prendre en charge l’application du programme ELCO sur la commune » au motif que la commune n’avait pas à « supporter les contraintes logistiques et financières du programme ELCO qu’elle n’a pas initié ou négocié ».
Confronté au refus du maire de faire rapporter cette délibération du conseil municipal, le préfet l’avait déférée devant le tribunal administratif de Grenoble qui l’avait annulée. La commune avait interjeté appel de ce jugement.
Après avoir rappelé les dispositions des articles L. 211-1 et L. 212-4 du code de l’éducation qui déterminent les compétences respectives de l’État et de la commune en matière d’éducation, aux termes desquelles l’État est compétent pour, notamment, « 1° la définition des voies de formation, la fixation des programmes nationaux, l’organisation et le contenu des enseignements » et la commune a la charge de l’investissement, de l’équipement et du fonctionnement des écoles publiques, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que la création d’un enseignement ELCO relevait du 1° de l’article L. 211-1 et, par suite, de la seule autorité du ministre de l’éducation nationale. Elle en a déduit que la commune était incompétente pour « refuser d’autoriser » la création du programme ELCO dans l’école dont elle a la charge.
La cour a également refusé de faire droit à la demande que lui avait présentée la commune de substituer au motif initial de la délibération litigieuse, tiré de l’existence de contraintes logistiques et financières du programme ELCO qu’elle n’avait pas « initié », un nouveau motif tiré du non-respect des règles de concertation entre le directeur de l’école, le maire et l’enseignant étranger sur les horaires de cet enseignement.
La cour, après avoir relevé que la commune ne précisait pas dans quelles dispositions législatives ou réglementaires ces règles de concertation trouvaient leur fondement, a relevé que leur méconnaissance ne saurait, en tout état de cause, donner compétence à la commune pour « refuser d’autoriser un programme relevant exclusivement d’une prérogative ministérielle » et que ce motif n’était donc pas de nature à fonder légalement la délibération en litige.
SECOND DEGRÉAdministration et fonctionnement des établissements scolaires CHEF D’ÉTABLISSEMENT Exercice des pouvoirs de police – Interdiction d’accès au serviceT.A. Melun, 15 avril 2015, n° 1400506
M. X, adjoint technique territorial des établissements d’enseignement, était affecté en cette qualité au service de restauration d’un lycée. Dans le cadre d’un conflit l’opposant à sa supérieure hiérarchique, M. X avait sciemment incorporé dans les préparations servies aux usagers du service de restauration des denrées dont la date limite de consommation était dépassée.
Par décision du 17 janvier 2014, le proviseur du lycée avait, sur le fondement de l’article R. 421-12 du code de l’éducation, pris à l’encontre de l’intéressé une décision d’interdiction d’accès au service de restauration de l’établissement.
Par requête formée devant le tribunal administratif de Melun, M. X demandait l’annulation de cette décision en faisant valoir notamment qu’il ne présentait pas une menace pour l’établissement.
Après avoir rappelé les faits en cause, le tribunal administratif a rejeté la requête de M. X, en retenant « que [le] manquement indéniable [de M. X] aux règles élémentaires de la restauration collective formalisées par le respect de la méthode H.A.C.C.P. [Hazard Analysis Critical Control Point : Analyse des dangers – points critiques pour leur maîtrise] devait conduire la proviseure à prendre une mesure en vue d’assurer le respect de ces règles ; que la proviseure du lycée dispose en sa qualité de chef d’établissement de l’autorité sur le personnel affecté dans son établissement bien qu’elle ne dispose pas à l’égard des agents territoriaux du pouvoir disciplinaire qui ne relève que de la collectivité de rattachement dudit établissement, en l’occurrence la région Île-de-France ; que la décision attaquée (…) qui “interdi[t] tout accès à la restauration du lycée (…) pour mise en danger d’autrui” est fondée sur les dispositions (…) de l’article R. 421-12 du code de l’éducation qui attribue un pouvoir de police au proviseur ; que l’objet de ce pouvoir est de garantir le respect du règlement intérieur ainsi que de toutes dispositions législatives ou réglementaires relatives à la sécurité, la salubrité et la tranquillité dans l’établissement ; qu’en l’espèce, l’objet de la mesure était de prévenir d’autres situations dans lesquelles le requérant aurait pu enfreindre les règles applicables à la restauration collective et mettre ainsi en danger la santé des élèves ; que, par suite, en prenant une telle décision, la proviseure n’a commis ni détournement de pouvoir, ni erreur manifeste d’appréciation ».
N.B. : À raison des faits en cause, M. X a fait l’objet par ailleurs d’une sanction disciplinaire prononcée par arrêté du président du conseil régional d’Île-de-France du 15 avril 2014.
Enseignement supérieur et rechercheADMINISTRATION ET FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEURÉLECTIONS AUX INSTANCES DES ÉTABLISSEMENTS Listes des différents collèges – Régularité du règlement du scrutin – Prime majoritaire C.A.A. Marseille, 2 novembre 2015, n° 13MA00617
La cour administrative de Marseille a rejeté la requête de M. X, maître de conférences à l’université de Nîmes, tendant à l’annulation des élections des représentants des collèges A (professeurs des universités et assimilés) et B (maîtres de conférences) de cet établissement, dont les résultats avaient été proclamés par procès-verbal du 17 octobre 2012.
Sur les listes des différents collèges (collèges A et B) et la régularité du règlement électoral :
Le cinquième alinéa de l’article L. 719-1 du code de l'éducation, dans sa rédaction alors en vigueur, disposait que : « Pour les élections des représentants des enseignants-chercheurs et des personnels assimilés au conseil d'administration de l’université, une liste de professeurs des universités et des personnels assimilés et une liste de maîtres de conférences et des personnels assimilés peuvent s'associer autour d'un projet d'établissement. Chaque liste assure la représentation des grands secteurs de formation enseignés dans l’université concernée (…). Dans chacun des collèges, il est attribué à la liste qui obtient le plus de voix un nombre de sièges égal à la moitié des sièges à pourvoir ou, dans le cas où le nombre de sièges à pouvoir est impair, le nombre entier immédiatement supérieur à la moitié des sièges à pourvoir. Les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle au plus fort reste. »
Le troisième alinéa de l'article 22 du décret du 18 janvier 1985 prévoyait que : « Pour l'élection des représentants des enseignants-chercheurs et des personnels assimilés au conseil d'administration de l'université, chaque liste de candidats assure la représentation des grands secteurs de formation enseignés dans l'université concernée, définis à l'article L. 719-1 du code de l'éducation. Les listes peuvent être incomplètes dès lors qu'elles comportent un nombre de candidats au moins égal à la moitié des sièges à pourvoir. Une liste de professeurs des universités et des personnels assimilés et une liste de maîtres de conférences et des personnels assimilés peuvent s'associer autour d'un projet d'établissement. »
Aux termes de l'article 10 du décret n° 2012-614 du 30 avril 2012 relatif à l’université de Nîmes, dans sa version applicable à la date des élections attaquées : « I. Pour l'élection des représentants des personnels et des étudiants au conseil d’université, les conditions d'exercice du droit de suffrage, d'éligibilité, le déroulement et les conditions de régularité du scrutin et les modalités de recours contre les élections sont fixés par le décret du 18 janvier 1985 (…) sous réserve des dispositions ci-après. Les électeurs des différentes catégories sont répartis dans les collèges électoraux définis à l'article 4 du même décret. Les représentants des personnels et des étudiants sont élus au scrutin de liste à un tour avec représentation proportionnelle au plus fort reste, et sans panachage. Lorsqu'un seul siège est à pourvoir dans un collège déterminé, l'élection a lieu au scrutin uninominal majoritaire à un tour (...). »
Aux termes de l'article 10 de l'arrêté en date du 10 septembre 2012 du président de l’université relatif au mode de scrutin : « Il s'agit d'un scrutin de liste à un tour avec représentation proportionnelle au plus fort reste, sans panachage. Pour les collèges A et B, il est attribué à la liste qui obtient le plus de voix un nombre de siège égal à la moitié des sièges à pourvoir ou, dans le cas où le nombre de sièges à pourvoir est impair, le nombre entier immédiatement supérieur à la moitié des sièges à pourvoir. »
En premier lieu, la cour a écarté le moyen tiré de l’illégalité de l’article 5 de l'arrêté en date du 17 septembre 2012 du président de l’université relatif à la convocation des électeurs pour le scrutin en ce qu’il édictait des règles de recevabilité des listes de candidats différentes pour le collège A et le collège B : cet arrêté prévoyait en effet, uniquement pour le collège A, de déclarer recevables les listes incomplètes compte tenu du faible nombre de professeurs des universités.
La cour a retenu qu’au regard du nombre de maîtres de conférences électeurs du collège B, soit 67 pour les différents secteurs de formation, la possibilité de constituer des listes incomplètes, comme pour le collège A, n’était pas justifiée. La situation relative au nombre d’électeurs étant différente entre les collèges A et B, la cour a donc jugé que le requérant n’était pas fondé à invoquer la violation du principe d’égalité de traitement entre les collèges A et B.
En second lieu, la cour a écarté le moyen tiré de l’irrégularité du règlement du scrutin en cause, en jugeant :
– d’une part, « que (…) l'application de la règle de la "prime majoritaire" prévue à l'article L. 719-1 du code de l'éducation et reprise à l'article 10 de l'arrêté du 17 septembre 2012 n'a pu avoir aucune incidence sur la régularité du scrutin en cause dès lors qu'une seule liste de candidats a été présentée pour le collège A, laquelle a remporté la totalité des suffrages exprimés ; qu'il s'en suit que la circonstance, à la supposer établie, qu'en dessous de quatre sièges à pourvoir, la règle de la "prime majoritaire" supprimerait toute représentation proportionnelle dans le mode d'attribution des sièges en méconnaissance du deuxième alinéa de l'article 10-I précité du décret en date du 30 avril 2012 est sans incidence sur la sincérité du scrutin querellé ; (…) que, par ailleurs, en retenant la règle de la “prime majoritaire" à l'article 10 de l'arrêté en date du 17 septembre 2012, le président de l'université (…) s'est borné à se conformer aux dispositions de l'article L. 719-1 du code de l'éducation ; que la circonstance que, pour cette université, le nombre de sièges à pourvoir dans chaque collège ne soit que de trois ne permet pas de déroger à ces dispositions législatives qui, contrairement à ce que soutient M. X, ne prévoient pas que ladite règle ne serait applicable que lorsque le nombre de sièges à pourvoir dans chaque collège est au moins égal à quatre » ;
– d’autre part, « que l'application de la règle de la "prime majoritaire" prévue à l'article L. 719-1 du code de l'éducation et reprise à l'article 10 de l'arrêté du 17 septembre 2012 n'a pu avoir aucune incidence sur la régularité du scrutin en cause dès lors qu'une seule liste de candidats a été admise pour le collège B, laquelle a remporté la totalité des suffrages exprimés ».
PersonnelsQUESTIONS COMMUNESObligations des fonctionnaires NEUTRALITÉ Principe de neutralité des services publics – Enseignement orienté politiquement – SanctionT.A. Nantes, 9 décembre 2015, n° 1301615
Un enseignant d’histoire-géographie demandait l’annulation de la sanction disciplinaire d’exclusion temporaire de fonctions d’un an prononcée à son encontre à raison d’agissements contrevenant aux obligations des fonctionnaires, notamment l’obligation de neutralité.
Les faits reprochés au requérant étaient, d’une part, d’avoir « dispensé un enseignement orienté délibérément, (…) en procédant ainsi à un “détournement des programmes à des fins idéologiques”, avec notamment une obsession du complot (….) et des références multiples et univoques à des auteurs de la droite extrême, n’ayant pas lieu d’être dans l’enseignement secondaire [et] en ne traitant pas certaines questions » et, d’autre part, d’avoir proposé à ses élèves au cours des travaux personnels encadrés (T.P.E.) « des bibliographies idéologiquement orientées, sans que les auteurs et leurs ouvrages ne leur aient été présentés, en méconnaissance des exigences scientifiques et éthiques d’un professeur ».
Le tribunal a retenu « que la matérialité de ces griefs [était] établie [notamment] par les (…) documents bibliographiques distribués aux élèves, qui ne souffrent d’aucune ambiguïté quant à leur orientation idéologique et leur destination de nature prosélyte ».
Il a estimé « qu’au regard de leur portée sur le fonctionnement du service dont relève [le requérant], il ne ressort pas des pièces du dossier que l’autorité investie du pouvoir disciplinaire les a inexactement qualifiés de fautes disciplinaires ».
Il a jugé « qu’eu égard à la nature de ces faits (…), l’autorité disciplinaire (…) n’a pas (…) pris une sanction disproportionnée » en dépit du fait « que l’intéressé a jusqu’alors été positivement évalué par sa hiérarchie et que le procureur de la République n’a pas retenu d’incrimination pénale et a classé sans suite le signalement du recteur ».
N.B. : Ce jugement illustre l’application par le juge administratif de l’obligation de neutralité dans le cadre du contentieux disciplinaire. Ce principe de valeur constitutionnelle, corollaire du principe d’égalité, s’impose aux fonctionnaires tenus d’assurer le caractère neutre du service public (cf. Cons. const., 18 septembre 1986, n° 86-217 DC, considérant 15). Il s’applique à l'expression de toutes les opinions (politique, syndicale, religieuse…) et prime sur la liberté d’expression qu’il encadre. La légalité de la sanction est appréciée en fonction de la nature de l’expression des opinions, du niveau hiérarchique de l’agent, ainsi que des fonctions qu’il exerce ou encore des avertissements qui auraient déjà pu lui être adressés. La sanction doit également être proportionnée.
Le service public de l’enseignement fait l’objet d’une attention particulière compte tenu des risques de prosélytisme (cf. C.E., 15 octobre 2003, n° 244428, au Recueil Lebon, pour un enseignant ayant utilisé l’adresse électronique de son établissement d’enseignement au profit d’une association cultuelle ; C.E., 22 novembre 2004, n° 244515, aux tables du Recueil Lebon, pour un enseignant de collège ayant dispensé un contenu d’enseignement à caractère révisionniste ; C.A.A. Marseille, 5 mai 2015, n° 14MA02048, pour un enseignant ayant diffusé un film dénonçant l’I.V.G. et distribué à plusieurs classes des tracts émanant d’une association de lutte contre l’avortement ; C.A.A. Douai, 17 décembre 2015, n° 14DA01109, pour un enseignant ayant évoqué devant ses élèves son engagement politique en mettant à leur disposition lors d’un cours des tracts de nature politique et en évoquant son expérience personnelle en matière de grève).
OBLIGATIONS DE SERVICE Personnel enseignant – Obligations de service – Journée de solidarité – Absence de service fait – Retenue sur traitementT.A. Pau, 2 décembre 2015, n° 1402675
Le requérant, professeur agrégé, demandait au tribunal administratif l’annulation de la décision par laquelle le recteur de l’académie de Toulouse avait procédé à une retenue d’un trentième sur son traitement en raison de son absence à la manifestation « portes ouvertes » du lycée organisée par le proviseur un samedi matin au titre de la journée de solidarité prévue par la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
Le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Après avoir rappelé les dispositions applicables en l’espèce (notamment article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, article 4 de la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 de finances rectificatives pour 1961 et article 6 de la loi du 30 juin 2004), le tribunal a retenu que la participation à une manifestation telle qu’une demi-journée « portes ouvertes » de son établissement scolaire faisait partie des obligations de service d’un enseignant.
Il a par conséquent jugé qu’en n’étant « pas présent à cette manifestation et [en n’ayant] pas régulièrement justifié son absence », le requérant n’avait pas exécuté une partie des obligations s’attachant à ses fonctions et que, dès lors, « l’[administration] était tenue (…) de procéder à la retenue d’un trentième (…) sur [son] traitement » pour service non fait.
N.B. : Il ressort d’une jurisprudence constante que les obligations de service des personnels enseignants ne se limitent pas au service d’enseignement qu’ils sont tenus d’assurer devant les élèves.
Plusieurs tribunaux administratifs avaient déjà eu l’occasion de juger qu’une retenue sur traitement en cas d’absence injustifiée à une journée « portes ouvertes » organisée dans un établissement scolaire était légale : cf. T.A., Rennes, 3 novembre 2011, n° 0900785, s’agissant du refus de participer à une journée portes ouvertes organisée au titre de la journée de solidarité ; T.A., Besançon, 9 octobre 2008, n° 0701005, jugeant que la participation d’un professeur agrégé de l’enseignement du second degré à une journée portes ouvertes organisée à l’initiative de l’établissement dans lequel il était affecté « fai[sait] partie des actions d’éducation qui peuvent lui être normalement dévolues et sont de nature à contribuer à l’élaboration des projets d’orientation des élèves de l’établissement » et qu’à ce titre était fondée la décision de l’administration procédant à une retenue d’un trentième sur son traitement.
CUMUL D’ACTIVITÉS OU D'EMPLOIS Cumul d’activités sans autorisation – Obligation de mettre fin aux activités irrégulières lorsque l’administration en a connaissance – Partage de responsabilitéC.A.A. Paris, 15 décembre 2015, n° 14PA01450
Un agent de la fonction publique territoriale avait effectué au cours de l’année 2010-2011 des vacations auprès d’une université sans en avoir demandé l’autorisation auprès de l’autorité dont il relevait. Cet agent demandait le versement de la somme correspondant aux heures ainsi effectuées.
La cour administrative d’appel de Paris a retenu qu’en l’absence d’autorisation de son employeur, les vacations effectuées par cet agent à l’université étaient irrégulières et que cet établissement d’enseignement supérieur avait pu à bon droit refuser le paiement des heures de vacations effectuées durant l’année 2010-2011 en méconnaissance de l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de l’article 4 du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l’État, qui subordonne l’exercice d’une activité accessoire à la délivrance d’une autorisation.
La cour a jugé « que, du fait de l’exercice irrégulier de l’activité exercée au profit de l’université, [l’agent] a bien commis une faute, comme l’ont retenu avec raison les premiers juges, quand bien même c’est [un professeur] qui l’avait sollicité pour exercer ces fonctions et quand bien même lesdites fonctions présentent un caractère de connexité avec ses fonctions [principales] (…) ».
La cour a cependant relevé que « l’université (…) [ayant] laissé [l’agent] continuer à effectuer ses heures de vacations au cours de l’année 2010-2011 alors que les services de l’université avaient eu connaissance au plus tard en décembre 2010 du caractère irrégulier de ces vacations (…), c’est à raison que les premiers juges ont estimé que l’université (…) avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ».
Elle a ajouté « que, par ailleurs, eu égard aux faits de l’espèce, l’université (…) n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal a retenu un partage de responsabilité de 50 % ».
N.B. : Cet arrêt peut être rapproché de la décision n° 188257 du 30 juin 2000 par laquelle le Conseil d’État avait reconnu un partage de responsabilité, dans le cadre d’un cumul d’activités, entre un enseignant-chercheur et l’université dont il dépendait.
Rémunérations, traitement et avantages en nature PRIMES ET INDEMNITÉS Indemnité de charges administratives – Prime de charges administratives – Inspecteur de l’éducation nationale exerçant une responsabilité administrative – Personnel enseignant – Responsabilités et compétences élargiesT.A. Amiens, 5 juin 2015, n° 1300089
M. X, inspecteur de l’éducation nationale, avait été nommé directeur adjoint, puis directeur d’un institut universitaire de formation des maîtres (I.U.F.M.). Le président de l’université dont dépendait l’I.U.F.M. dans lequel M. X exerçait les fonctions de directeur avait attribué à ce dernier, sur le fondement du décret n° 90-50 du 12 janvier 1990, une prime de charges administratives d’un montant inférieur à celui de l’indemnité de charges administratives qu’il percevait jusqu’alors en tant qu’inspecteur de l’éducation nationale, sur le fondement du décret n° 90-427 du 22 mai 1990.
M. X demandait au tribunal d’annuler la décision du président de l’université, au motif notamment que la décision contestée lui appliquait des dispositions auxquelles il n’était pas soumis en sa qualité d’inspecteur de l’éducation nationale.
Le tribunal administratif d’Amiens a rappelé que l’article 2 du décret n° 90-50 du 12 janvier 1990 instituant une prime d'administration et une prime de charges administratives attribuées à certains personnels de l'enseignement supérieur prévoit que : « Une prime de charges administratives (…) peut être attribuée (…) à certains personnels enseignants affectés dans les établissements d’enseignement supérieur (…) qui exercent une responsabilité administrative (…). »
Il a relevé qu’en sa qualité d’inspecteur de l’éducation nationale, « le requérant ne p[ouvai]t être regardé comme faisant partie du “personnel enseignant” au sens des dispositions précitées ; (…) par suite, l’université (…) ne pouvait légalement fixer le régime indemnitaire de l’intéressé sur le fondement de dispositions qui n’étaient pas applicables à sa situation ».
Le tribunal a rappelé qu’en revanche, l’article 1er du décret n° 90-427 du 22 mai 1990 portant attribution d’une indemnité de charges administratives aux personnels d’inspection, dans sa version applicable à l’époque des faits, prévoyait que cette indemnité pouvait être versée aux inspecteurs de l’éducation nationale.
Il a jugé « que si M. X occupe l’emploi fonctionnel de directeur de l’institut universitaire de formation des maîtres, [il] appartient au corps des inspecteurs de l’éducation nationale ; qu’à défaut de toute disposition législative ou réglementaire portant indemnisation des charges administratives qu’il supporte en qualité de directeur de l’institut universitaire de formation des maîtres, M. X peut prétendre au versement de l’indemnité de charges administratives prévue par les dispositions précitées en faveur du corps des inspecteurs de l’éducation nationale (…) ».
Le tribunal administratif d’Amiens a donc annulé la décision du président de l’université attribuant au requérant une prime de charges administratives sur le fondement de l’article 2 du décret du 12 janvier 1990, et renvoyé le requérant devant l’université pour le calcul de l’indemnité de charges administratives qui aurait dû lui être versée sur le fondement de l’article 1er du décret n° 90-427 du 22 mai 1990.
Heures supplémentaires – Qualification – Demande du supérieur hiérarchiqueT.A. Nîmes, 24 novembre 2015, n° 1302906
Mme X, affectée dans un collège, s’était vu réclamer, par décision du recteur de son académie de rattachement, le remboursement d’une somme correspondant à des heures supplémentaires qu’elle avait elle-même saisies dans l’application « ASIE » (aide à la saisie des indemnités en établissement) prévue à cet effet et dont le recteur considérait que, pour partie d’entre elles, ces heures supplémentaires avaient été rémunérées à un taux horaire supérieur à celui qui lui était applicable et que, pour l’autre partie de ces heures, elles n’avaient pas été autorisées par son supérieur hiérarchique.
La requérante ne contestait pas être redevable du trop-perçu au titre des heures supplémentaires rémunérées à un taux horaire supérieur à celui auquel elle avait droit. En revanche, elle soutenait que le recteur lui réclamait à tort le remboursement des heures supplémentaires qu’il n’avait pas autorisées dès lors qu’elle les avait accomplies, et qu’elles devaient donc lui être rémunérées.
Le tribunal a rejeté sa requête en retenant qu’en application des dispositions des articles 1er, 2 et 4 du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires (applicable aux fonctionnaires de catégories B et C), « la qualification d’heures supplémentaires ne peut (…) résulter de la seule présence de l’agent sur son lieu de travail et doit résulter d’une demande de l’administration ou, à défaut, d’une nécessité du service ».
Par conséquent, quand bien même l’agent peut justifier de l’accomplissement d’heures supplémentaires, il ne peut en exiger la rémunération s’il n’est pas établi que celles-ci ont été préalablement sollicitées par son supérieur hiérarchique ou imposées par une nécessité du service. La circonstance que le supérieur hiérarchique de l’agent n’a pas rempli correctement sa mission de contrôle et n’a pas contesté les heures supplémentaires au moment de leur déclaration dans l’application ASIE n’est pas de nature à établir que les heures supplémentaires ont été accomplies à sa demande.
N.B. : Cette décision est en adéquation avec la jurisprudence du juge judiciaire selon lequel « seules les heures supplémentaires accomplies avec l’accord de l’employeur peuvent être rémunérées comme des heures supplémentaires » (Cass. soc., 30 mars 1994, n° 90-43246).
Cessation de fonctions ABANDON DE POSTE Fonctionnaires et agents publics – Cessation de fonctions – Abandon de poste – Cas d’un agent en congé de maladie qui se soustrait à une contre-visite médicaleC.E., 11 décembre 2015, Commune de Breteuil-sur-Iton, n° 375736, au Recueil Lebon
Le requérant, employé communal, s’étant abstenu de se présenter à deux contre-visites médicales auxquelles il avait été convoqué au cours d’un congé de maladie, la commune l’avait mis en demeure au cours de ce congé de reprendre ses fonctions à l’issue de son congé de maladie, puis l’avait radié des cadres pour abandon de poste à cette date.
Le tribunal ayant annulé cette radiation des cadres, la commune avait interjeté appel devant la cour administrative d’appel de Douai qui, par un arrêt n° 13DA00081 du 10 décembre 2013, avait rejeté sa requête aux motifs, d’une part, que la circonstance que l’agent se soit soustrait sans justification à deux contre-visites médicales demandées par son employeur ne permettait pas de considérer qu’il avait rompu tout lien avec le service et, d’autre part, que la mise en demeure de reprendre son service lui avait été adressée à une date où il demeurait en position régulière de congé de maladie.
Le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la cour et lui a renvoyé l’affaire : il a jugé qu’elle avait commis une erreur de droit en ne recherchant pas si, compte tenu du refus non justifié de l’agent de se soumettre à des contre-visites, la commune avait pu, en respectant les exigences définies en matière de mise en demeure, prendre la décision litigieuse.
N.B. : Le refus d’un agent public en congé de maladie de se soumettre à une contre-visite médicale organisée par son employeur ne peut pas être regardé comme ayant entraîné la rupture de tout lien de l’agent avec le service et fonder une radiation des cadres pour abandon de poste (cf. C.E., 12 avril 1995, Office national des forêts, n° 151517).
Ce refus peut cependant constituer la manifestation de cette intention de rupture et être à l’origine de la décision de l’administration d’engager une procédure pour abandon de poste comprenant une mise en demeure.
Jusqu’à cette décision du 11 décembre 2015, la jurisprudence administrative retenait que n’était pas régulière une mise en demeure adressée à un agent pendant qu’il était en congé de maladie (cf. C.E., 17 décembre 1994, n° 133264, qui a considéré qu’en l’absence d’une mise en demeure postérieure à la fin du congé de maladie, l’attitude de l’agent ne saurait être regardée comme ayant entraîné la rupture du lien qui l’unit à l’administration ; C.E., 10 janvier 2000, n° 197591, au Recueil Lebon, qui a considéré que ne constitue pas une mise en demeure régulière une lettre adressée par l’autorité administrative à un agent à une date où celui-ci est toujours en position de congé de maladie).
Par cette décision, le Conseil d’État affine sa jurisprudence en précisant que l’agent placé en congé de maladie qui se soustrait sans justification à une contre-visite médicale demandée par son administration peut faire l’objet pendant ce congé de maladie d’une mise en demeure de reprendre son poste à l’expiration du congé.
Le contenu de cette mise en demeure devra respecter les exigences jurisprudentielles précisées par la décision de Section n° 147511-147512 du 11 décembre 1998 (au Recueil Lebon), aux termes de laquelle « (…) une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l’agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai qu’il appartient à l’administration de fixer ; (…) une telle mise en demeure doit prendre la forme d’un document écrit, notifié à l’intéressé et l’informant du risque qu’il encourt d’une radiation des cadres sans procédure disciplinaire (...) » (cf. également : C.E., 15 juin 2005, n° 259743,aux tables du Recueil Lebon).
Cette mise en demeure devra, en outre, si c’est le refus de l’agent placé en congé de maladie de se soumettre à une contre-visite médicale qui conduit à envisager la mesure de radiation des cadres, lui préciser explicitement qu’en raison de ce refus non justifié de se soumettre à la contre-visite médicale à laquelle il était convoqué, il court le risque d’une radiation sans mise en œuvre de la procédure disciplinaire, alors même qu’à la date de notification de cette mise en demeure il bénéficie d’un congé de maladie.
Si, dans le délai fixé par la mise en demeure, l’agent ne justifie pas son absence à la contre-visite à laquelle il était convoqué, n’informe l’administration d’aucune intention et ne se présente pas à elle, sans justifier, par des raisons d’ordre médical ou matériel, son refus de reprendre son poste et si aucune circonstance particulière, liée notamment à la nature de sa maladie, ne peut expliquer son refus, l’administration est en droit d’estimer qu’il a rompu tout lien avec le service.
DÉMISSION Position de disponibilité – Demande d’indemnité de départ volontaire – Éléments de rémunération pris en compte pour le calcul de l’indemnitéT.A. Toulouse, 26 novembre 2015, n° 1205056
M. X, professeur des écoles, avait été placé à sa demande en position de disponibilité pour convenances personnelles du 1er septembre 2005 au 31 août 2012. Par un courrier du 31 mars 2012, il avait présenté sa démission et avait demandé à bénéficier de l’indemnité de départ volontaire pour la création d’une entreprise. Par une décision du 19 mai 2012, le directeur académique des services de l’éducation nationale avait d’abord fait droit à sa demande avant de l’informer du refus des services du rectorat de mettre en paiement l’indemnité.
Le requérant demandait au tribunal administratif d’annuler la décision par laquelle le directeur académique des services de l’éducation nationale avait retiré sa décision du 19 mai 2012 lui accordant le bénéfice de l’indemnité de départ volontaire.
Le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Après avoir rappelé les dispositions, dans leur rédaction alors applicables, des articles 1er et 2 du décret n° 2008-368 du 17 avril 2008 instituant une indemnité de départ volontaire, puis celles de son article 6 selon lesquelles : « Le montant de l'indemnité de départ volontaire ne peut excéder une somme équivalente à 24 fois un douzième de la rémunération brute annuelle perçue par l'agent au cours de l'année civile précédant celle du dépôt de sa demande de démission. Le montant de l'indemnité peut être modulé à raison de l'ancienneté de l'agent dans l'administration », le tribunal a relevé que « ce décret ne comporte aucune disposition spécifique relative aux fonctionnaires se trouvant en position de disponibilité au moment de leur démission ».
Il a cependant retenu « que la décision [par laquelle le directeur académique des services de l’éducation nationale a finalement rejeté la demande de M. X de bénéficier de ladite indemnité] a été prise non en raison de ce qu[’il] était en position de disponibilité, mais au motif qu’il n’avait perçu aucune rémunération au cours de l’année civile précédant [celle du dépôt de] sa [demande de] démission ».
Il a ainsi jugé « que (…) la rémunération prise en compte pour le calcul de [l’]indemnité [de départ volontaire] ne peut (…) être constituée, s’agissant d'un fonctionnaire quittant définitivement la fonction publique de l'État, que d'émoluments effectivement versés par l'État au cours de l'année civile précédant celle du dépôt de la demande de démission de l'intéressé ; que (…) M. X se trouvait en [position de] disponibilité (…) depuis le 1er septembre 2005 ; qu’il n’a reçu aucune rémunération de la part de l’administration au cours de l’année civile précédant celle de sa demande de démission acceptée par le directeur académique (…) ; que, dans ces conditions, le montant de l’indemnité de départ volontaire auquel M. X pouvait prétendre était, en application de l’article 6 du décret du 21 juillet 2008, nécessairement nul ».
N.B. : Si le dispositif prévu par le décret du 17 avril 2008 n’exclut pas expressément du bénéfice de l’indemnité de départ volontaire les agents en position de disponibilité, l’absence de rémunération versée par l’État aux agents placés dans cette position au cours de l'année civile précédant celle du dépôt de leur demande de démission peut dans certains cas, comme en l’espèce, les en priver de facto.
Questions propres aux agents non titulaires PROTECTION SOCIALE Fonctionnaires et agents publics – Droit à l’allocation d’assurance chômage (art. L. 5424-1 du code du travail) – Annulation de la décision de licenciement – Remboursement des allocations pour perte d’emploiC.E., 11 décembre 2015, n° 386441, aux tables du Recueil Lebon
Mme X s’était vu signifier en 2006 la fin de son stage d’adjoint administratif et son licenciement par le maire de la commune par laquelle elle avait été recrutée comme secrétaire de mairie.
Après avoir obtenu devant le tribunal administratif de Toulouse, en 2009, l’annulation de ces décisions pour un motif d’irrégularité de procédure, Mme X avait ensuite demandé l’annulation des décisions du maire refusant de lui verser l’allocation d’assurance pour les travailleurs involontairement privés d’emploi, aujourd’hui prévue à l’article L. 5422-1 du code du travail.
Le tribunal administratif de Toulouse avait fait droit à sa demande en annulant les décisions refusant de lui verser l’allocation pour perte d’emploi et en condamnant la commune au paiement de ces allocations.
Saisie en appel par la commune, la cour administrative d’appel de Bordeaux avait annulé cette condamnation prononcée par le tribunal, en jugeant que Mme X n’avait aucun droit au versement de l’allocation pour perte involontaire d’emploi : la cour avait relevé que « l’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu » et en avait déduit que l’annulation prononcée par le tribunal administratif et les décisions ensuite prises par le maire pour régulariser la position statutaire de Mme X avaient « nécessairement pour conséquence que cette dernière ne pouvait être regardée comme ayant été involontairement privée d’emploi au sens des dispositions (…) de l’article L. 5422-1 du code du travail ».
Saisi d’un pourvoi en cassation par Mme X, le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux pour erreur de droit et renvoyé les parties devant cette juridiction en relevant « qu’en vertu des dispositions des articles L. 5422-1 et L. 5422-2 du code du travail, applicables aux agents publics des collectivités territoriales en vertu de l’article L. 5424-1 du même code, un agent public d’une collectivité territoriale a droit, dans les conditions qu’elles définissent, au versement de l’allocation d’assurance qu’elles prévoient dès lors qu’il doit être regardé comme ayant été involontairement privé d’emploi ; qu’il ne saurait être privé de ce droit au seul motif que la décision prononçant son licenciement a été postérieurement annulée par le juge administratif ».
N.B. : Cette décision du Conseil d’État est en adéquation avec la jurisprudence du juge judiciaire. La chambre sociale de la Cour de cassation a en effet déjà jugé que « la nullité du licenciement n'a pas pour effet de priver rétroactivement un travailleur du droit à l'allocation d'assurance que l'Assedic lui a servie pendant la période comprise entre son licenciement et sa réintégration, où il était involontairement privé d'emploi, apte au travail et à la recherche d'un emploi » (Cass. soc., 11 mars 2009, n° 07-43336, au Bulletin).
Les dispositions des articles L. 5422-1 et L. 5422-2 du code du travail s’appliquent également aux agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'État en vertu de l’article L. 5424-1 de ce même code.
QUESTIONS PROPRES AUX PERSONNELS DE L’ENSEIGNEMENT SCOLAIREQUESTIONS COMMUNES Personnels enseignants – Stage – Illégalité – ResponsabilitéC.A.A. Bordeaux, 12 janvier 2016, n° 14BX01205
À la suite de la décision n° 341775 du 28 novembre 2011 du Conseil d’État ayant annulé l’article 3 de l’arrêté du ministre de l’éducation nationale du 12 mai 2010 portant définition des compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d’éducation pour l’exercice de leur métier en tant qu’il abroge les dispositions de l’arrêté interministériel du 19 décembre 2006 portant cahier des charges de la formation des maîtres en institut universitaire de formation des maîtres, autres que celles de son article 5 et de la troisième partie de son annexe, M. X, professeur certifié stagiaire au cours de l’année scolaire 2010-2011, avait recherché la responsabilité de l’État en réparation des troubles dans ses conditions d’existence qu’il estimait avoir subis du fait de l’illégalité des conditions dans lesquelles s’était déroulé son stage.
Le tribunal administratif de Grenoble avait fait partiellement droit à ses conclusions indemnitaires. Le ministre avait interjeté appel de ce jugement. M. X avait formé un appel incident.
La cour administrative d’appel de Bordeaux, après avoir rappelé « que les professeurs de l’enseignement secondaire, comme tous les fonctionnaires, sont dans une situation légale et réglementaire et ne peuvent se prévaloir d’aucun droit au maintien de la réglementation en vigueur », a relevé « que, pendant [son] année de stage, les conditions de travail et de formation [de M. X] ne lui ont pas imposé des obligations de service excédant ses obligations statutaires et n’ont pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale (…) [et que si] le requérant a été soumis à des conditions [de stage] foncièrement différentes de celles fixées [par l’arrêté du 19 décembre 2006 abrogé], [il] n’a pas apporté d’éléments permettant d’établir que, dans son cas particulier, le déroulement de [sa] formation dans les conditions fixées par l’arrêté illégalement abrogé ou par un arrêté légalement adopté lui aurait causé des troubles matériels et psychologiques, dans sa vie privée et professionnelle, moindres que ceux qu’il a effectivement subis ».
Elle a jugé, en conséquence, que « c’est à tort que le tribunal administratif de Limoges a estimé que M. X justifiait d’un préjudice présentant un lien de causalité avec l’illégalité constatée ».
N.B. : La cour administrative d’appel de Paris s’est également prononcée sur des litiges similaires (C.A.A. Paris, 10 décembre 2015, n° 14PA02189).
Après avoir retenu que, eu égard aux décisions du Conseil d’État n° 341775 du 28 novembre 2011 (Fédération des syndicats généraux de l’éducation nationale et de la recherche publique, aux tables du Recueil Lebon) et n° 341775 du 1er juin 2012, l’État avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en organisant l’année de stage de Mme X, professeur stagiaire au cours de l’année scolaire 2011-2012, en méconnaissance des dispositions de l’arrêté du 19 décembre 2006 illégalement abrogées, la cour administrative d’appel de Paris a également jugé que la seule circonstance que la durée de la formation théorique de Mme X avait été réduite pendant sa période de stage par rapport à celle résultant de l’application de l’arrêté du 19 décembre 2006 ne suffisait pas à établir que le droit à la formation professionnelle, garanti par le treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, et les dispositions de article 22 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires auraient été méconnus.
Elle a par ailleurs retenu que n’étaient établis ni l’existence d’une ingérence disproportionnée de l’autorité publique dans l’exercice du droit de Mme X au respect de sa vie privée familiale résultant de la réglementation qui lui a été appliquée, ni le caractère discriminatoire d’une telle réglementation, en méconnaissance des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La cour administrative d’appel de Douai a aussi rejeté les conclusions indemnitaires d’enseignants stagiaires qui invoquaient un préjudice résultant de l’insuffisance de la formation qu’ils avaient reçue pendant leur stage en l’absence d’application du cahier des charges définissant la formation des enseignants, prévu par l’arrêté interministériel du 19 décembre 2006 illégalement abrogé (C.A.A. Douai, 2 juillet 2015, n° 14 DA00956 ; C.A.A. Douai, 2 juillet 2015, n° 14DA00957).
Établissements d’enseignement privésRELATIONS AVEC L’ÉTATOuverture des établissements d’enseignement privés – Pouvoir d’opposition du recteur – Délai d’oppositionT.A. Rouen, 24 novembre 2015, n° 1501983
Le 18 août 2014, une association avait déclaré son intention d’ouvrir un établissement d’enseignement privé du premier degré à compter de la rentrée scolaire de septembre auprès de l’inspecteur d’académie, directeur académique des services de l’éducation nationale (I.A.-DASEN), en application des dispositions de l’article L. 441-2 du code de l’éducation.
L’ouverture des établissements d’enseignement privés du premier degré est en effet soumise à un régime de déclaration préalable auprès du maire, du préfet, de l’autorité académique et du procureur de la République, assortie d’une faculté d’opposition du maire et de l’autorité académique, pour des motifs tirés principalement des bonnes mœurs ou de l’hygiène (articles L. 441-1 et L. 441-2 du code de l’éducation), dans des délais prévus par la loi (huit jours pour le maire, un mois pour l’I.A.-DASEN). L’article L. 441-2 précise qu’à défaut d’opposition des autorités compétentes, l’école est ouverte à l’expiration d’un délai d’un mois à compter du dépôt de la déclaration d’ouverture, sans aucune autre formalité.
Par une décision non datée adressée à l’association intéressée le 22 décembre 2014, soit plus de quatre mois après réception de la déclaration d’ouverture, le recteur d’académie s’était toutefois opposé à l’ouverture de l’établissement. L’association contestait devant le tribunal administratif de Rouen cette décision et la décision de rejet de son recours gracieux.
Pour faire droit à cette demande de l’association, le tribunal administratif a, à juste titre, relevé que la décision d’opposition lui avait été notifiée après l’expiration du délai d’un mois prévu à l’article L. 441-2 du code de l’éducation, alors même qu’à cette date, l’école était régulièrement ouverte. Par suite, l’administration académique ne pouvait donc plus s’opposer à son ouverture.
Le tribunal a en outre relevé que cette décision tardive d’opposition à l’ouverture était, au surplus, fondée en partie sur un motif non prévu par les dispositions législatives susmentionnées, à savoir la méconnaissance des dispositions réglementaires relatives au contrôle du contenu des connaissances requis des enfants relevant de l’obligation scolaire qui reçoivent une instruction dans leur famille ou dans les classes des établissements d’enseignement privés hors contrat (articles D. 131-11 et D. 131-12 du code de l’éducation).
N.B. : Il convient de rappeler que les motifs susceptibles de fonder une décision d’opposition sont limitativement énumérés par la loi (articles L. 441-1 et L. 441-2 du code de l’éducation pour les établissements d’enseignement privés du premier degré, article L. 441-7 pour les établissements d’enseignement privés du second degré et article L. 441-11 pour les établissements d’enseignement technique privés).
Pour tous les établissements, des motifs tirés de l’hygiène et des bonnes mœurs peuvent légalement fonder l’opposition à l’ouverture.
Pour les écoles privées du premier degré, lorsque le demandeur est un instituteur public révoqué désireux de s’installer dans la commune où il exerçait, la décision d’opposition peut également être fondée sur des considérations d’« ordre public ».
Pour les établissements d’enseignement technique privés, l’opposition peut également être fondée sur le fait qu’il résulterait des programmes de l’enseignement dispensé que l’établissement n’aurait, en réalité, pas le caractère d’un établissement d’enseignement technique.
Par contre, aucune de ces dispositions législatives ne permet de s’opposer à l’ouverture d’un établissement privé au motif que l’enseignement qui y est dispensé méconnaîtrait l’article L. 131-1-1 du code de l’éducation relatif aux connaissances de base que leur droit à l’instruction doit permettre aux enfants d’acquérir, ou l’article L. 111-1 du même code relatif au droit des enfants à l’éducation.
Ces motifs peuvent, en revanche, justifier un signalement au procureur de la République et, le cas échéant, la fermeture de l’établissement dans le cadre du contrôle des établissements privés après leur ouverture prévu à l’article L. 442-3 du code de l’éducation.
PERSONNELSMaîtres contractuels Maîtres de l’enseignement privé sous contrat – Possibilité de prolonger la suspension de fonctions au-delà d’un délai de quatre mois (oui) – Respect d’un délai raisonnableC.E., 25 novembre 2015, n° 386280
Mme X, maître contractuel de l’enseignement privé sous contrat, avait demandé au tribunal administratif de Nancy l’annulation des arrêtés de l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’éducation nationale de la Meuse, du 1er septembre 2011 la suspendant de ses fonctions, du 19 décembre 2011 prolongeant cette suspension et du 19 janvier 2012 prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle. Cette demande avait été rejetée par un jugement du 7 mai 2013.
Par un arrêt du 28 mai 2014, la cour administrative d’appel de Nancy avait rejeté l’appel formé par Mme X contre ce jugement.
Estimant notamment que la cour administrative d’appel de Nancy avait commis une erreur de droit en jugeant que les dispositions de l’article R. 914-104 du code de l’éducation ne faisaient pas obstacle à ce que la suspension d’un maître contractuel de l’enseignement privé sous contrat soit prolongée au-delà d’un délai de quatre mois, Mme X avait formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Après avoir rappelé les dispositions de l’article R. 914-104 du code de l’éducation, le Conseil d’État a indiqué que la suspension d’un maître contractuel en application de ces dispositions, qui est une mesure provisoire et conservatoire prise dans l’intérêt du service, « peut être prononcée lorsque les faits imputés à l’intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité, l’autorité académique statuant sur sa situation dans les quatre mois ». Il a précisé « que, faute de décision prise dans les quatre mois, l’administration peut prolonger cette suspension aux fins, dans un délai raisonnable, soit de réintégrer l’agent dans ses fonctions, soit d’engager une procédure disciplinaire ». Le Conseil d’État en a déduit que, « contrairement à ce que [soutenait Mme X], la cour n’a[vait] pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’expiration du délai mentionné ci-dessus n’imposait pas sa réintégration de plein droit dans ses fonctions mais seulement, en l’absence d’engagement de poursuites pénales, le versement de l’intégralité de sa rémunération, dont il résult[ait] des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’elle n’a[vait] jamais été interrompue ».
Le Conseil d’État, après avoir écarté les autres moyens, a rejeté le pourvoi formé par Mme X.
N.B. : Il ne résulte d’aucun texte ni d’aucun principe général du droit que l’exercice de l’action disciplinaire à l’égard d’un agent suspendu de ses fonctions serait enfermé dans un délai déterminé, en l’occurrence un délai de quatre mois à compter de l’entrée en vigueur de la décision de suspension de fonctions (cf. C.E., 12 février 1988, n° 72309, au Recueil Lebon ; C.E., 12 mars 2014, n° 367260).
S’agissant de la durée de la suspension de fonctions, les règles applicables ne sont pas identiques selon que le personnel concerné est un fonctionnaire (l’article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit que si, à l’expiration d’un délai de quatre mois, aucune décision n’a été prise par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire, l’intéressé est, sauf s’il est l’objet de poursuites pénales, automatiquement rétabli dans ses fonctions) ou un maître contractuel de l’enseignement privé sous contrat.
Dans cette dernière hypothèse, le Conseil d’État a confirmé que, faute de décision prise dans les quatre mois suivant la décision prononçant la mesure de suspension de fonctions, l’administration pouvait légalement, même en l’absence de poursuites pénales mais sous réserve de verser au maître l’intégralité de sa rémunération, prolonger la mesure de suspension aux fins, dans un délai raisonnable, soit de réintégrer le maître dans ses fonctions, soit d’engager une procédure disciplinaire à son encontre.
Demande de mutation formulée par un maître contractuel d'un établissement d’enseignement privé sous contrat d’association – Méconnaissance par l’autorité académique de l’ordre des priorités dans l’examen des candidaturesT.A. Nantes, 5 janvier 2016, n° 1309861
Mme X, maître contractuel de l’enseignement privé titulaire d’un contrat définitif, demandait l’annulation de la décision par laquelle le recteur de l’académie de Rennes avait implicitement opposé un refus à sa demande de mutation en vue d’obtenir une affectation dans le département d’Ille-et-Vilaine.
Le tribunal administratif de Nantes a d’abord rappelé qu’il résulte des dispositions de l’article R. 914-77 du code de l’éducation que : « (…) Sont présentées par ordre de priorité les candidatures : 1° Des maîtres titulaires d’un contrat définitif dont le service a été supprimé ou réduit à la suite de la résiliation totale ou partielle d’un contrat d’association ; 2° Des maîtres titulaires d’un contrat définitif candidats à une mutation (…). »
Le tribunal administratif a donc estimé que « la décision attaquée a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article R. 914-77 du code de l’éducation » et en a prononcé l’annulation.
ResponsabilitéQUESTIONS GÉNÉRALESMise en cause de la responsabilité de l’administration Réparation des préjudices subis à raison de la durée excessive de la procédure disciplinaire – Responsabilité de l’ÉtatC.E., 23 décembre 2015, n° 385172
Le requérant, professeur des universités-praticien hospitalier, recherchait la responsabilité de l’État pour la réparation de préjudices qu’il estimait avoir subis à raison de la durée excessive de la procédure disciplinaire dont il avait fait l’objet et pendant laquelle il avait été suspendu de ses fonctions.
Le Conseil d’État a fait droit en partie à sa demande de réparation en considérant « qu’il résulte de l’instruction que M. X a fait l’objet d’une mesure de suspension de ses fonctions par un arrêté du 12 avril 2006 du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et du ministre de la santé ; que la juridiction disciplinaire, saisie le 12 avril 2006, a entendu M. X pour la première fois le 16 octobre 2006 ; que, par une décision du même jour, elle a sursis à statuer et ordonné des mesures d’instruction supplémentaires ; que les rapports d’expertise sollicités ont été produits en mars et septembre 2007 ; que la juridiction disciplinaire ne s’est réunie à nouveau que le 10 décembre 2010 pour juger que les faits reprochés à M. X n’étaient pas établis et proposer la reprise de son activité professionnelle ; qu’ainsi, entre le moment où la juridiction disposait des éléments qui lui permettaient de se prononcer et la date où elle a statué, il s’est écoulé un délai de trois ans et deux mois, alors que le jugement de l’affaire ne présentait pas de difficulté particulière ; que, dès lors, M. X a subi, du fait de la durée excessive de cette instance qui le maintenait dans une situation de suspension de l’exercice de ses fonctions, un préjudice moral consistant en des désagréments qui vont au-delà de ceux habituellement provoqués par un procès ; qu’eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à M. X une indemnité de 5 000 euros, tous intérêts compris, à la date de la présente décision ».
Le Conseil d’État a, en revanche, rejeté la demande d’indemnisation de son préjudice matériel présentée par le requérant au motif qu’il n’était pas établi, dès lors notamment que l’intéressé « a[vait] continué à percevoir ses émoluments pendant la période de suspension » et qu’il n’avait « pas [produit] d’élément de nature à établir qu’il aurait effectivement subi [une perte de chance d’obtenir une promotion et d’accéder à des responsabilités de chef de service] à raison de la durée excessive de la procédure disciplinaire », ni que cette durée excessive « lui aurait causé des frais d’avocat supplémentaires ».
N.B : Aux termes des dispositions de l’article R. 311-1 du code de justice administrative : « Le Conseil d’État est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 5° Des actions en responsabilité dirigées contre l’État pour durée excessive de la procédure devant la juridiction administrative (…). »
Considérant que « la justice est rendue de façon indivisible au nom de l’État », le Conseil d’État a jugé que seule la responsabilité de l’État peut être recherchée du fait d’une décision juridictionnelle prise par le conseil d’administration d’une université siégeant en formation disciplinaire (C.E. Section, 27 février 2004, n° 217257, au Recueil Lebon).
Pour apprécier la responsabilité de l’État dans le cas d’une décision de justice rendue au terme d’une durée excessive de procédure, le Conseil d’État a estimé que « le caractère raisonnable du délai de jugement d’une affaire doit s’apprécier de manière à la fois globale – compte tenu notamment de l’exercice des voies de recours – et concrète, en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement de la procédure et, en particulier, le comportement des parties tout au long de celle-ci, mais aussi, dans la mesure où la juridiction saisie a connaissance de tels éléments, l’intérêt qu’il peut y avoir pour l’une ou l’autre, compte tenu de sa situation particulière, des circonstances propres au litige et, le cas échéant, de sa nature même, à ce qu’il soit tranché rapidement » (C.E. Assemblée, 28 juin 2002, Garde des Sceaux, ministre de la justice c/ X, n° 239575, au Recueil Lebon).
Par une décision n° 316292 du 26 mai 2010, mentionnée aux tables du Recueil Lebon, le Conseil d’État a précisé que « la durée globale du jugement (…) est à prendre en compte jusqu’à l’exécution complète de ce jugement ».
Dans une affaire disciplinaire relevant du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) siégeant en formation disciplinaire, le Conseil d’État a jugé que le délai de onze mois qui s’était écoulé entre la date à laquelle le requérant avait formé une demande de sursis à exécution et celle où cette demande était devenue sans objet du fait de la décision rendue au fond était excessif « eu égard à l’absence de difficultés particulières propres à cette affaire et à l’intérêt qui s’attachait à ce que la demande de sursis à exécution (…) fût examinée rapidement » (C.E., 13 février 2012, n° 346549, aux tables du Recueil Lebon).
ACCIDENTS SUBIS OU CAUSÉS PAR DES ÉLÈVES ET ÉTUDIANTSResponsabilité administrative de droit commun DÉFAILLANCE DANS L’ORGANISATION OU LE FONCTIONNEMENT DU SERVICE Accident scolaire – École maternelle – Responsabilité de l’État (oui) – Défaut dans l’organisation du service – Surveillance effective – Cour de récréationT.A. Paris, 27 novembre 2015, n° 1402998 et n° 1410900
Une enfant âgée de trois ans et demi s’était blessée en tombant dans la cour de récréation d’une école maternelle à la suite d’une bousculade entre élèves.
Ses parents demandaient devant le tribunal administratif de Paris la condamnation de l’État et de la Ville de Paris à leur verser une indemnité en réparation des préjudices résultant de cet accident, à raison de fautes commises dans l’organisation du service et d’un défaut d’entretien de l’ouvrage communal constitué par l’école.
Le tribunal administratif, après avoir écarté la responsabilité de la Ville de Paris pour défaut d’entretien normal du sol de la cour de récréation de l’école et d’un banc qui y était installé, a retenu la responsabilité de l’État pour défaut d’organisation du service public d’éducation.
En l’espèce, la déclaration d’accident rédigée par la directrice de l’école faisait état du fait qu’elle assurait seule la surveillance des 53 enfants jouant dans la cour. Le juge a d’ailleurs relevé qu’aucun adulte n’avait vu se dérouler l’accident et n’avait été, par conséquent, en mesure d’en préciser les circonstances exactes.
Or, l’article D. 321-12 du code de l’éducation prévoit que : « La surveillance des élèves durant les heures d'activité scolaire doit être continue et leur sécurité doit être constamment assurée en tenant compte de l'état de la distribution des locaux et du matériel scolaires et de la nature des activités proposées. L'accueil des élèves est assuré dix minutes avant l'entrée en classe. Le service de surveillance à l'accueil et à la sortie des classes, ainsi que pendant les récréations, est réparti entre les maîtres en conseil des maîtres de l'école. »
Le juge a par conséquent jugé « qu’il résult[ait] de l’instruction, et notamment de la configuration des lieux, qu’une surveillance renforcée, comportant à tout le moins un enseignant supplémentaire présent dans la cour de récréation, aurait permis d’éviter que les élèves adoptent un comportement inapproprié susceptible de provoquer la chute de l’un d’entre eux ».
Pour apprécier si les moyens mis en œuvre pour assurer la surveillance d’un groupe d’élèves est adéquate, le juge prend notamment en compte la configuration des lieux, comme en l’espèce, l’âge des enfants ou la nature des activités en cause.
Le juge a donc considéré que dans la mesure où les moyens mis en œuvre par l’école étaient insuffisants pour assurer une surveillance effective de la récréation au cours de laquelle l’accident s’était produit, les requérants étaient fondés à se prévaloir d’une faute dans l’organisation du service public d’éducation de nature à engager la responsabilité de l’État.
N.B. : Dans une espèce similaire relative au cas d’un enfant de six ans s’étant étouffé pendant une récréation avec sa balle rebondissante, la cour administrative d’appel de Bordeaux avait estimé que si, lors de la récréation, deux instituteurs assuraient la surveillance de 78 enfants, il ne résultait pas de l'instruction que ce nombre aurait été insuffisant et aurait révélé un défaut dans l'organisation du service public de l'enseignement (C.A.A. Bordeaux, 19 mars 2007, n° 04BX01687, LIJ n° 115, mai 2007).
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Consultations | ||
Enseignement scolaireQUESTIONS GÉNÉRALESOrganisation de l’enseignement scolaire Service minimum d’accueil – Personnels en charge des élèves handicapés – Régime de responsabilitéNote DAJ A1 n° 15-179 du 2 juillet 2015
Un recteur d’académie a interrogé la direction des affaires juridiques sur le régime de responsabilité applicable aux auxiliaires de vie scolaire (A.V.S.) en charge d’un élève handicapé lorsque celui-ci bénéficie du service minimum d’accueil (S.M.A.).
L’article L. 133-4 du code de l’éducation prévoit à son quatrième alinéa que : « La commune met en place le service d'accueil à destination des élèves d'une école maternelle ou élémentaire publique située sur son territoire lorsque le nombre des personnes qui ont déclaré leur intention de participer à la grève, en application du premier alinéa, est égal ou supérieur à 25 % du nombre des personnes qui exercent des fonctions d'enseignement dans cette école. »
Aux termes du premier alinéa de l’article L. 133-7 du même code : « Le maire établit une liste des personnes susceptibles d'assurer le service d'accueil prévu à l'article L. 133-4, en veillant à ce qu'elles possèdent les qualités nécessaires pour accueillir et encadrer des enfants. »
Dans sa décision n° 2008-569 DC du 7 août 2008, le Conseil constitutionnel a considéré qu’en instituant un droit d’accueil des enfants scolarisés dans les écoles maternelles ou élémentaires publiques ou privées sous contrat, le législateur a entendu créer un service public, distinct du service public de l’enseignement.
En effet, l’accueil par la commune des élèves en cas de grève des enseignants ne contribue pas à leur droit à l’éducation, puisque le service public dont il s’agit, s’il favorise la continuité du service public de l’enseignement en permettant aux enseignants non grévistes de faire cours à leurs élèves, ne suffit pas à assurer le droit à l’éducation de l’enfant dont l’enseignant est absent.
Dès lors qu’un enfant handicapé a le droit, comme tout élève, d’accéder au service minimum d’accueil, sa prise en charge relève de la commune qui est responsable de ce service. La collectivité a alors la possibilité, mais non l’obligation, de recourir à l’auxiliaire de vie scolaire en charge de l’enfant si ce dernier se trouve, le jour où ce service fonctionne, dans la situation de ne pas avoir cours du fait de la grève de son professeur. Ou bien elle peut recourir à une autre personne qui prendra en charge l’enfant durant la durée du service, sous réserve que cette personne ait les aptitudes lui permettant d’assurer cette prise en charge et que la collectivité ait été prévenue suffisamment à l’avance pour prendre toutes les dispositions matérielles nécessaires à l’accueil de l’enfant handicapé.
L’A.V.S. est alors placé sous l’autorité de la commune, mais le législateur ayant créé un régime de substitution de la responsabilité de l’État à celle des communes dans le cadre du S.M.A., le personnel communal chargé d’encadrer les enfants est garanti par l’État pour tout accident lié à l’organisation ou au fonctionnement de ce service. Le premier alinéa de l’article L. 133-9 du code de l’éducation dispose en effet que : « La responsabilité administrative de l'État est substituée à celle de la commune dans tous les cas où celle-ci se trouve engagée en raison d'un fait dommageable commis ou subi par un élève du fait de l'organisation ou du fonctionnement du service d'accueil. L'État est alors subrogé aux droits de la commune, notamment pour exercer les actions récursoires qui lui sont ouvertes. »
Par conséquent, lorsqu’un dommage a été commis ou subi par un élève en tant qu’« usager » du S.M.A., la responsabilité administrative de l’État est substituée à celle de la commune. Il en est également ainsi lorsque la commune a confié l’accueil des élèves à une autre commune, un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou une caisse des écoles.
Le même raisonnement s’applique à l’A.V.S. en charge d’un élève handicapé qui sera garanti par l’État pour tout accident dont l’élève pourrait être victime.
N.B. : L'article 124 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 a créé un article L. 917-1 au sein du code de l’éducation qui a instauré une catégorie nouvelle d’aides humaines auprès des élèves handicapés, les « accompagnants des élèves en situation de handicap » (A.E.S.H.), lesquels remplacent les assistants d’éducation qui avaient la charge des élèves handicapés en vertu des anciennes dispositions de l’article L. 916-1.
Enseignement supérieur et rechercheVIE ÉTUDIANTEDroits d’inscription Étudiants – Stagiaires de la formation continue – Affiliation et couverture des accidents du travailNote DAJ B1 n° 15-274 du 24 décembre 2015
Une université a interrogé la direction des affaires juridiques sur le point de savoir quelles sont les modalités d’affiliation et de couverture du risque « accidents du travail et maladies professionnelles » pour les personnes bénéficiaires de la formation continue, notamment lorsqu’elles effectuent un stage prévu dans leur cursus.
Les personnes bénéficiaires de la formation continue relèvent d’un régime juridique distinct de celui des étudiants de la formation initiale.
Pendant leur formation, les personnes bénéficiaires de la formation continue sont obligatoirement affiliées à un régime de protection sociale. Les modalités de couverture sociale diffèrent selon le statut occupé à la date précédant leur entrée en formation continue (demandeurs d’emploi indemnisés, personnes sans emploi et non rémunérées, ou personnes bénéficiaires d’un contrat de travail). Aux termes de l’article L. 6342-1 du code du travail : « Toute personne qui suit un stage de formation professionnelle continue [en vertu du livre III de la sixième partie législative du code du travail] est obligatoirement affiliée à un régime de sécurité sociale. / Le stagiaire qui, avant son stage, relevait, à quelque titre que ce soit, d'un régime de sécurité sociale reste affilié à ce régime pendant la durée de son stage. / Celui qui ne relevait d'aucun régime est affilié au régime général de sécurité sociale. / Toutefois, des exceptions peuvent, par décret, être apportées à la règle posée par les deuxième et troisième alinéas lorsque le stage de formation suivi prépare exclusivement et directement à une profession relevant d'un régime de sécurité sociale plus favorable que le régime général. »
Un stagiaire de la formation professionnelle bénéficie, aux termes du c du 2° de l’article L. 412-8 du code de la sécurité sociale, de la couverture accidents du travail et maladies professionnelles « pour les accidents [ou maladies] survenus par le fait ou à l’occasion de [sa] formation ».
Contrairement au régime applicable aux élèves et étudiants en formation initiale, dans lequel l’organisme cotisant aux risques accidents du travail et maladies professionnelles est déterminé par le montant de la gratification de stage (selon qu’il est ou non supérieur à 15 % du plafond horaire de la sécurité sociale), le montant de la gratification est, dans le régime applicable aux stagiaires de la formation professionnelle continue, sans influence sur la détermination de l’organisme devant cotiser. C’est la qualité au titre de laquelle un stagiaire accomplit un stage de formation professionnelle continue (personne bénéficiaire d’un contrat de travail, demandeur d’emploi rémunéré ou non rémunéré…) qui détermine l’organisme qui cotise aux risques accidents du travail et maladies professionnelles et qui est chargé de la déclaration.
L’affiliation à la couverture accidents du travail et maladies professionnelles incombe :
– à l’employeur, pour les stagiaires de la formation continue bénéficiaires d’un contrat de travail (stagiaires dans le cadre d’un plan de formation professionnelle, d’un congé de formation professionnelle ou d’un contrat de formation professionnelle). La formation suivie par un salarié au titre du plan de formation ou du congé de formation professionnelle est en effet assimilée à une mission accomplie dans le cadre de son contrat de travail ;
– à Pôle emploi ou à l’organisme qui prescrit l’action de formation, pour les demandeurs d’emploi.
La déclaration d’accident du travail incombe à la personne ou à l’organisme responsable de la gestion de l’établissement dans lequel est effectuée la formation, sauf dans le cas particulier des demandeurs d’emploi.
Aux termes du premier alinéa de l’article R. 412-5 du code de la sécurité sociale : « Pour les stagiaires de la formation professionnelle, les obligations de l'employeur autres que celles relatives au paiement des cotisations incombent à la personne ou à l'organisme responsable de la gestion de l'établissement dans lequel est effectuée la formation. » C’est donc l’établissement d’enseignement qui a la charge de déclarer auprès de la caisse primaire d’assurance maladie d’affiliation des intéressés les accidents du travail des stagiaires de la formation professionnelle continue bénéficiaires d’un contrat de travail.
Pour les demandeurs d’emploi, c’est Pôle emploi ou l’organisme qui a prescrit l’action de formation qui doit effectuer la déclaration. En effet, l’article D. 412-94 du même code prévoit que : « La déclaration à la caisse primaire d’affiliation de l’accident des personnes bénéficiaires des actions mentionnées au 11° de l’article L. 412-8 incombe aux organismes qui ont prescrit ces actions. Si l’accident ne se produit pas dans les locaux de ces organismes, ceux-ci doivent en être informés dans les vingt-quatre heures par le responsable de l’action. »
Enfin, concernant les demandeurs d’emploi en formation professionnelle continue, il est à noter qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose à une université d’informer Pôle emploi de l’existence et du montant d’une gratification de stage qu’elle verserait à un stagiaire de la formation professionnelle continue.
PersonnelsQUESTIONS COMMUNESCongés Fonctionnaire stagiaire – Congé de maladieNote DAJ A2 n° 2015-061 du 18 décembre 2015
Un recteur d’académie a appelé l’attention de la direction des affaires juridiques sur la situation d’un agent admis à la session 2015 du concours externe de recrutement de professeurs certifiés et affecté dans cette même académie pour y effectuer son stage à compter de la rentrée scolaire 2015-2016.
Ce professeur, qui n’avait pas auparavant la qualité d’agent public, ne s’était pas présenté dans son établissement d’affectation le 1er septembre 2015 et avait produit un arrêt de maladie pour justifier son absence.
Le recteur d’académie souhaitait savoir si cet agent pouvait être placé en congé de maladie et bénéficier, en conséquence, du versement d’un plein traitement, en application des dispositions du premier alinéa du 2° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.
La situation de cet enseignant a suscité les observations suivantes :
L’intéressé, ayant réussi les épreuves du concours de recrutement de professeurs certifiés, remplit les conditions pour être nommé à compter du 1er septembre 2015 dans le corps des professeurs certifiés en qualité de professeur stagiaire, notamment la condition d’aptitude physique exigée pour l’exercice des fonctions auxquelles le concours donne accès, appréciée au moment de l’admission.
Outre qu’une nomination dans un corps permet aux agents entrant dans le service d’occuper un emploi et d’exercer les compétences et missions dévolues à ce corps, elle les soumet aux règles du droit public, statutaires et réglementaires, et leur crée des droits, notamment en matière de traitement et de congés de maladie.
Les fonctionnaires stagiaires de l’État sont en effet soumis aux dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, en vertu des dispositions de l’article 2 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l’État et de ses établissements publics.
Ils bénéficient donc des congés de maladie, à plein traitement et à demi-traitement, prévus à l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans les conditions qui sont fixées par la législation et la réglementation applicables aux fonctionnaires titulaires en activité, sous réserve des dispositions des 1° à 3° de l’article 24 du décret du 7octobre 1994.
En l’espèce, l’intéressé, dont la nomination à un emploi de professeur certifié stagiaire a été prononcée par la direction générale des ressources humaines au cours du premier trimestre 2015, doit ainsi être regardé, nonobstant la circonstance que son procès-verbal d’installation n’a pas été signé par le chef de l’établissement dans lequel il a été nommé afin d’effectuer son stage, comme exerçant effectivement à compter du 1er septembre 2015 les fonctions de professeur certifié stagiaire, et doit donc être placé en congé de maladie ordinaire.
En s’abstenant de lui verser la rémunération à laquelle il a droit au cours de sa période de congé de maladie, l’administration commettrait une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité.
Le fait que le fonctionnaire stagiaire ne puisse exercer effectivement ses fonctions le 1er septembre 2015 en raison d’un congé de maladie ne peut être regardé comme contraire à l’article 12 de la loi du 13 juillet 1983, qui prévoit en son troisième alinéa que : « Toute nomination ou promotion dans un grade qui n’intervient pas exclusivement en vue de pourvoir à un emploi vacant et de permettre à son bénéficiaire d’exercer les fonctions correspondantes est nulle (… ). »
La régularité d’une nomination, qui est conditionnée par la vacance d’un emploi et par le fait qu’elle doit avoir pour objet de pourvoir effectivement à cet emploi vacant, si elle a pu aboutir à censurer une nomination immédiatement suivie d’un détachement (cf. C.E. Section, 27 avril 1956, n° 85887 et n° 99788, au Recueil Lebon ) ou d’une disponibilité (C.E. Section, 5 mai 1939, n° 54406, au Recueil Lebon ), ne paraît pas être ici en cause, dans la mesure où l’octroi d’un congé de maladie à un professeur stagiaire n’a pas pour effet de rendre vacant l’emploi dans lequel il a été nommé.
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Le point sur | ||
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La lutte contre la cyberviolence touchant les enfants en droit français
La problématique de la « cyberviolence touchant les enfants » fait référence à l’ensemble des agissements susceptibles de recevoir une qualification pénale, commis par le vecteur d’internet et ciblant spécifiquement les mineurs.
Le législateur a ainsi progressivement modifié l’arsenal répressif existant et créé de nouveaux outils d'investigation et de prévention de nature à améliorer l'efficacité de la lutte contre ce type de criminalité et à renforcer la protection des mineurs.
Nous nous intéresserons plus précisément au dispositif visant à prévenir et réprimer les formes de cyberviolence susceptibles d’impliquer des mineurs que sont :
– la cyberpédopornographie ;
– la cyberpédophilie ;
– le cyber-harcèlement.
I. LA CYBERPORNOGRAPHIE
Le développement des réseaux de télécommunication a accru les situations où l’enfant se trouve exposé à des contenus à connotation sexuelle inadaptés au regard de son développement psychique.
Pourtant, il n’existe pas en France de mécanisme de blocage administratif de sites pornographiques au motif qu’ils seraient susceptibles d’être accessibles à des mineurs, comme c'est par exemple partiellement le cas en Grande-Bretagne.
Interrogée récemment par un parlementaire sur ce point, la secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie, a indiqué que « le blocage systématique des sites pour adultes n'est (…) pas envisagé par le Gouvernement qui privilégie des mesures plus efficaces comme la bonne utilisation des logiciels de contrôle parental, mais aussi des actions de prévention, d'éducation à la sexualité, de respect de l'égalité femmes / hommes et de déconstruction des stéréotypes véhiculés par de très nombreux sites internet » (réponse publiée au J.O.A.N. le 8 septembre 2015 à la question écrite n° 85225, publiée au J.O.A.N. le 14 juillet 2015).
Une disposition spécifique du code pénal, l'article 227-24, punit toutefois de trois ans d’emprisonnement « le fait (…) de diffuser par quelque moyen que ce soit (…) un message à caractère violent (…) [ou] pornographique (…) lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur (…) ».
Cette infraction a été ajoutée par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance à la liste des infractions contre lesquelles les fournisseurs d'hébergement et les fournisseurs d'accès doivent concourir à lutter.
Ceux-ci sont tenus de s’assurer de l'âge de l'internaute avant de lui donner accès à des contenus pornographiques réservés aux personnes majeures.
Sur le fondement de cet article 227-24 du code pénal, les juges du fond apprécient les mesures mises en œuvre par les fournisseurs d'hébergement et les fournisseurs d'accès pour contrôler l’accessibilité des mineurs aux sites concernés.
Ainsi, la cour d’appel de Paris a pu considérer le 2 avril 2002 que « les mises en garde et informations sur les logiciels de restriction d'accès présentées en page d'accueil (…) ne sauraient être considérées comme des précautions utiles puisqu'elles interviennent alors que l'utilisateur est déjà entré dans le site et n'empêchent nullement la vision des textes et photos de présentation qu'elles peuvent au contraire avoir pour effet de rendre attractive ».
Elle a également jugé par le même arrêt que la restriction apportée par l'article 227-24 du code pénal à la liberté d'expression n'était pas, compte tenu de la nature des messages visés et des destinataires concernés, disproportionnée par rapport au but légitime du législateur de protéger les mineurs, dont le devenir est en formation, contre des messages de nature à porter atteinte à leur développement et à leur épanouissement moral, mental et physique.
De même, dans un arrêt du 22 février 2005, la cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation d’une société commercialisant des cassettes pornographiques à partir d'un site internet sur lequel étaient diffusées des photographies représentant des scènes pornographiques pour assurer la publicité des produits, estimant que l’obligation légale de précaution, par la mise en place d'un dispositif garantissant l'impossibilité matérielle pour les mineurs d'avoir connaissance des images, incombe à l'émetteur ou au diffuseur, et non à celui qui est à même de les recevoir. Or, si le site comportait un avertissement relatif à son contenu réservé aux adultes, les images pornographiques étaient susceptibles d'être vues par des mineurs à qui il suffisait de se présenter comme majeurs pour pouvoir y accéder. Il n'existait par conséquent, selon la cour, aucun contrôle efficace de l'âge des utilisateurs.
Enfin, il convient de noter que dans un arrêt récent de janvier 2016, la Cour de cassation a décidé de ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative, principalement, à la conformité de l’article 227-24 du code pénal à la liberté d’expression et de communication garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, considérant que la question ne présentait pas un caractère sérieux dès lors, notamment, que l’atteinte portée par l’article 227-24 du code pénal à la liberté d’expression et de communication ainsi qu’à la liberté d’entreprendre apparaissait nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif de protection des mineurs (Cass. crim., 12 janvier 2016, n° 15-90020).
II. LA CYBERPÉDOPORNOGRAPHIE
La cyberpédopornographie recouvre les situations où l’enfant est l’objet d’une représentation à caractère sexuel médiatisée par le biais d’internet.
Le protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants du 25 mai 2000 (A/RES/54/263 : Annexe II), définit au c de son article 2 la « pornographie mettant en scène des enfants [comme] toute représentation, par quelque moyen que ce soit, d'un enfant s'adonnant à des activités sexuelles explicites, réelles ou simulées, ou toute représentation des organes sexuels d'un enfant, à des fins principalement sexuelles ».
Le paragraphe 2 de l'article 9 de la Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe du 23 novembre 2001 précise quant à lui que : « (...) le terme “pornographie enfantine” comprend toute matière pornographique représentant de manière visuelle : a) un mineur se livrant à un comportement sexuellement explicite ; b) une personne qui apparaît comme un mineur se livrant à un comportement sexuellement explicite ; c) des images réalistes représentant un mineur se livrant à un comportement sexuellement explicite. »
Des outils récents de lutte contre la pornographie enfantine ont été mis en place par le législateur français afin de prévenir ce phénomène en expansion en raison du développement d’internet, et dont les conséquences se révèlent particulièrement graves en raison de l'étendue et de la rapidité de la propagation de la diffusion des images et représentations incriminées sur les réseaux de télécommunications, de la multiplication des contacts entre fournisseurs et consommateurs, ainsi que de l'anonymat des diffuseurs et destinataires.
Tout d’abord, les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs ont une obligation spéciale de concourir à la lutte contre la diffusion de messages ou d’images constitutives d’infractions relatives à la pornographie enfantine.
Ils sont en effet soumis par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (L.C.E.N.) à une triple obligation de vigilance et doivent ainsi :
– mettre en place un dispositif permettant à toute personne de porter à leur connaissance l’existence de sites ou de pages internet appelant à commettre ces infractions ;
– en cas de tels signalements, en informer au plus vite les autorités publiques compétentes ;
– rendre publics les moyens qu’ils consacrent à la lutte contre ces infractions.
Par ailleurs, l’article 6-1 de la loi L.C.E.N., créé par l'article 12 de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, permet à une autorité administrative de bloquer des sites internet comportant la diffusion d'images ou de représentations pédopornographiques relevant de l'article 227-23 du code pénal.
Ces dispositions ont été précisées par le décret n°2015-125 du 5 février 2015.
En vertu du dispositif en vigueur, l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (O.C.L.C.T.I.C.), relevant de la direction de la police nationale, adresse à l'hébergeur une demande de retrait des contenus. En l'absence de retrait de ces contenus dans un délai de 24 heures, l'autorité administrative transmet la liste des adresses électroniques des services de communication au public en ligne qui méconnaissent les dispositions du code pénal aux fournisseurs d’accès à internet afin qu’ils procèdent, dans les 24 heures, au blocage desdits sites.
Un décret d’application n° 2015-253 du 4 mars 2015 permet également le déréférencement des moteurs de recherche des sites diffusant des images et représentations de mineurs à caractère pornographique.
Par ailleurs, l’O.C.L.C.T.I.C. gère depuis 2009 une plate-forme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS), chargée notamment de traiter les signalements reçus par les particuliers ou les fournisseurs d’accès en matière de pédopornographie.
Sur le plan de la répression, la loi française protège les mineurs victimes, mais également, de manière plus générale, l'image des mineurs en réprimant les comportements liés à la diffusion d'images à caractère pédophile afin de lutter contre les représentations de mineurs en tant qu'objets sexuels.
L'article 227-23 du code pénal sanctionne en effet de peines d’amende et d’emprisonnement allant jusqu’à dix ans la production, diffusion ou possession de matériel pédopornographique par le biais d'un système informatique.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007, le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation ou de détenir une telle image ou représentation par quelque moyen que ce soit est puni de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.
Par ailleurs, l’article 5 de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice, en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France, a étendu le délit de consultation d’un site pédopornographique pour incriminer l’accès occasionnel dès lors qu’il s’effectue « en contrepartie d’un paiement ».
Cette loi a également permis que l’incrimination de fixation, de transmission, d’enregistrement d’une image ou représentation pornographique prévue au premier alinéa de l’article 227-23 du code pénal soit constituée même en l’absence d’intention de son auteur de procéder à leur transmission dès lors que « l'image ou la représentation concerne un mineur de quinze ans ».
Les infractions de l’article 227-23 du code pénal concernent les images pornographiques représentant un mineur âgé de moins de dix-huit ans au moment des faits, mais également celles représentant « une personne dont l'aspect physique est celui d'un mineur, sauf s'il est établi que cette personne était âgée de dix-huit ans au jour de la fixation ou de l'enregistrement de son image. »
Afin de faciliter le constat et le rassemblement de preuves permettant de rechercher et d’incriminer les auteurs de telles infractions, la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 a ouvert la possibilité aux enquêteurs de recourir pour ce type de faits à des investigations sous pseudonyme sur internet dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler les « cyberpatrouilles » (article 706-47-3 du code de procédure pénale).
En vertu de ces dispositions, les enquêteurs spécialement habilités « peuvent procéder aux actes suivants, sans être pénalement responsables :
– participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ;
– être en contact [sous pseudonyme] avec les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ;
– extraire, acquérir ou conserver (…) les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ;
– extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites [tels que des clichés pédopornographiques] (…) ».
Comme le précise la circulaire interministérielle n° CRIM-2010-7/E6 du 22 mars 2010 relative aux investigations sous pseudonyme sur internet et au rôle du centre national d'analyse des images de pédopornographie : « Ces investigations autorisent la constatation des infractions et la provocation à la fourniture de la preuve de l’infraction, mais ne sauraient, à peine de nullité, avoir pour objet d’inciter à la commission d’une infraction. Ainsi, si l’enquêteur est autorisé à participer sous son “pseudonyme ”, à des échanges électroniques avec un internaute majeur, il ne saurait en revanche lui proposer d’initiative des contenus illicites, sous peine de nullité de la procédure. »
Enfin, un Centre national d'analyse des images pédopornographiques (CNAIP) a été créé afin de « faciliter l'identification des auteurs et des victimes d'infractions de nature sexuelle commises sur des mineurs dont les images ou représentations sont fixées, échangées ou diffusées notamment par internet ».
III. LA CYBERPÉDOPHILIE
La cyberpédophilie fait référence aux situations où l’enfant est mis en contact avec un prédateur sexuel par le biais d’internet. En effet, en raison de sa facilité d'accès, le réseau internet est utilisé par des individus pédophiles afin de préparer et commettre des atteintes sexuelles sur des mineurs.
Depuis la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs, l'utilisation d'un réseau de communication électronique pour mettre en contact l'auteur des faits et sa victime représente une cause d'aggravation des peines prévues pour les infractions suivantes :
– le viol (cf. 8° de l’article 222-24 du code pénal) ;
– les agressions sexuelles autres que le viol (6° de l’article 222-28 ) ;
– le proxénétisme (10° de l’article 225-7 ) ;
– la prostitution, même occasionnelle, de mineurs (article 225-12-2) ;
– le fait pour un majeur d’exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur un mineur (4° de l’article 227-26 ) ;
– « le fait pour un majeur de faire des propositions sexuelles à un mineur de quinze ans ou à une personne se présentant comme telle » (article 227-22-1).
Il convient de noter que le législateur a également ouvert la possibilité aux enquêteurs de recourir, pour certains de ces faits, à la procédure de « cyberpatrouille » sus-évoquée.
IV. LE CYBER-HARCÈLEMENT
Le cyber-harcèlement fait référence aux usages dévoyés des médias sociaux sur lesquels l’enfant devient la cible de comportements malveillants par le biais de l’outil numérique.
Ce phénomène relativement nouveau touche les enfants, et plus particulièrement les adolescents entre treize et dix-huit ans, et peut consister notamment en des intimidations, insultes, moqueries ou menaces en ligne, la propagation de rumeurs, le piratage de comptes et l’usurpation d’identité, la création d’une page sur un réseau social à l’encontre d’un camarade de classe ou encore la publication d’une photo ou d’une vidéo humiliante de la victime.
Les cas de cyber-harcèlement se sont multipliés avec la création des réseaux sociaux, causant un préjudice particulièrement important à l’enfant qui en est victime en entraînant la diffusion massive, susceptibles par conséquent de toucher un très large public, et instantanée des messages malveillants.
Des modifications législatives sont intervenues afin d’adapter la législation existante au développement de ce phénomène et de permettre la mise en place d’outils de lutte efficaces.
Tout d’abord, l’usurpation d’identité par le biais d’un système informatique fait désormais l’objet d’une sanction pénale, l'article 2 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI II », ayant introduit dans le code pénal un nouvel article 226-4-1 qui réprime l'usurpation d'identité numérique.
Par ailleurs, l'article 41 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a introduit au sein du code pénal un nouvel article 222-33-2-2 punissant tout fait de harcèlement d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, alors que le code pénal ne sanctionnait auparavant les faits de harcèlement moral que dans le cadre d’une relation de travail ou au sein d’un couple.
Ces nouvelles dispositions tiennent compte de la spécificité du harcèlement commis sur internet, en prévoyant que le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende lorsqu’il a été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne.
L'article 39 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 a également modifié l’article 222-16 du code pénal qui sanctionne les appels téléphoniques malveillants, pour y inclure désormais également l’envoi réitéré de messages électroniques malveillants tels que les courriels, les messages privés sur les réseaux sociaux ou les « tweets ».
Il convient enfin de signaler que, devant la multiplication des cas de diffusion non consentie d’images et vidéos à caractère pornographique (phénomène dénommé « revenge porn » ou « vengeance pornographique », les mises en ligne de ces fichiers sans le consentement des personnes concernées intervenant souvent à la suite d’un conflit ou d’une rupture sentimentale), le projet de loi « pour une République numérique », adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 26 janvier 2016, prévoit d’incriminer ce type d’agissements et, conformément à la volonté des députés qui ont adopté le 21 janvier 2016 un amendement sur ce point, de le punir d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 60 000 euros d’amende.
Les formes de cyberviolence commises au préjudice de mineurs sont multiples et le législateur a tenté, ces dernières années, d’apporter des réponses adaptées à un phénomène et des comportements en constante évolution.
Selon une enquête menée par le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, en 2013, un collégien sur cinq était concerné par des actes de cyberviolence.
Afin de mieux prévenir et lutter contre le développement de ce phénomène en milieu scolaire, la circulaire n° 2013-187 du 26 novembre 2013 relative à la prévention et au traitement de la cyberviolence entre élèves préconise que soient menées des actions de sensibilisation aux risques liés aux technologies de l'information au sein des écoles, des collèges et des lycées.
Le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a, en outre, diffusé en novembre 2013 à ses équipes pédagogiques et éducatives un guide de prévention de la cyberviolence entre élèves (disponible sur le site nonauharcelement.education.gouv.fr).
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