Enseignement scolaire
QUESTIONS GÉNÉRALES
Organisation de l’enseignement scolaire
INCLUSION SCOLAIRE
Élève handicapé – Projet personnalisé de scolarisation (P.P.S.) – Chien d’assistance – Mention obligatoire dans le P.P.S. (oui)
C.A.A. Versailles, 19 avril 2016, n° 14VE03280
Les parents d’un enfant autiste avaient demandé au tribunal administratif l’annulation de la décision par laquelle l’inspectrice d’académie, directrice académique des services départementaux de l’éducation nationale (I.A.-DASEN), avait refusé que leur fils soit accompagné pendant le temps scolaire par un chien d’assistance, au motif que cela n’était pas prévu par le projet personnalisé de scolarisation de l’enfant.
Leur demande ayant été rejetée par ordonnance au motif qu’elle était manifestement dépourvue de moyens permettant d’en apprécier le bien-fondé, ils avaient interjeté appel devant la cour administrative d’appel.
Devant la cour, les parents soutenaient que, compte tenu des termes de l’article 88 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d’ordre social, qui prévoit que : « L'accès aux transports, aux lieux ouverts au public, ainsi qu'à ceux permettant une activité professionnelle, formatrice ou éducative est autorisé aux chiens guides d'aveugle ou d'assistance accompagnant les personnes titulaires de la carte d'invalidité prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles ou de la carte de priorité pour personne handicapée prévue à l'article L. 241-3-1 du même code ou la personne chargée de leur éducation pendant toute leur période de formation (…) », leur enfant, titulaire d’une carte d’invalidité, avait droit, sans décision préalable de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, à être accompagné par un chien d’assistance durant le temps scolaire.
La cour a écarté ce raisonnement et a rejeté leur requête.
Elle a d’abord rappelé les conditions dans lesquelles un enfant handicapé est scolarisé, en se référant à l’article L. 112-1 du code de l’éducation, aux termes duquel l’État doit mettre en place « les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants et adolescents handicapés », cette formation étant « complétée, en tant que de besoin, par des actions pédagogiques, psychologiques, éducatives, sociales, médicales et paramédicales coordonnées dans le cadre d'un projet personnalisé prévu à l’article L. 112-2 ».
Cet article L. 112-2 prévoit qu’une équipe pluridisciplinaire évalue les compétences de l’élève handicapé et qu’en fonction des résultats de cette évaluation, il lui est proposé, ainsi qu’à sa famille, un projet personnalisé de scolarisation (P.P.S.), qui constitue une composante du plan de compensation offert à toute personne handicapée en vertu de l’article L. 146-8 du code de l’action sociale et des familles (C.A.S.F.), lequel projet permet d’organiser des modalités de déroulement de sa scolarité coordonnées avec les mesures permettant l'accompagnement de cette dernière qui figurent dans le plan de compensation.
L’article L. 146-9 du C.A.S.F. précise que : « Une commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées [C.D.A.P.H.] prend (…) les décisions relatives à l'ensemble des droits de cette personne, notamment en matière d'attribution de prestations et d'orientation (…) », l’article L. 241-6 du même code ajoutant que : « I. La [C.D.A.P.H.] est compétente pour : 1° se prononcer sur l'orientation de la personne handicapée et les mesures propres à assurer son insertion scolaire ou professionnelle et sociale (…). »
La cour a jugé qu’il résultait de ces dispositions combinées que « si, en application de l'article 88 de la loi du 30 juillet 1987 modifiée, l'accès aux lieux permettant une activité éducative est autorisé aux chiens d'assistance accompagnant les personnes titulaires d'une carte d'invalidité prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles, l'exercice de ce droit ne peut se concevoir que dans le cadre des modalités prévues par l'article L. 112-2 du code de l'éducation et par les articles L. 146-8 et L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles ».
Elle en a conclu que l’I.A.-DASEN avait pu légalement se borner à constater l’absence de décision de la C.D.A.P.H. sur la question de l’accompagnement de l’enfant par un chien d’assistance pour rejeter la demande présentée par les parents.
N.B. : Le tribunal administratif d’Amiens, saisi de la même question, avait déjà récemment jugé dans le même sens (T.A. Amiens, 15 décembre 2015, n° 1401059, LIJ n° 192, mars 2016). ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
PREMIER DEGRÉ
Organisation de l’enseignement du premier degré
RÉPARTITION DES EMPLOIS D’INSTITUTEUR ET DE PROFESSEUR DES ÉCOLES
Répartition des emplois d’instituteurs et de professeurs des écoles – Compétence de l’État (oui)
C.E., 4 mai 2016, n° 393081, Ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche c/ Commune de Charbonnières-les-Sapins
Par décision du 3 juillet 2015, l’inspecteur d’académie, directeur académique des services de l'éducation nationale (I.A.-DASEN) du Doubs, avait informé la directrice de l’école intercommunale de Charbonnières-les-Sapins et de L’Hôpital-du-Grosbois de sa décision de regrouper l’ensemble des emplois de professeurs des écoles sur le seul site de l’Hôpital-du-Grosbois à compter de la rentrée scolaire 2015. Cette mesure entraînait de fait la fermeture du site de Charbonnières-les-Sapins qui accueillait jusqu’alors une classe de l’école.
La commune de Charbonnières-les-Sapins avait demandé l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision et avait saisi le juge des référés du tribunal administratif de Besançon d’une demande de suspension à laquelle il avait été fait droit par une ordonnance du 12 août 2015.
Saisi d’un pourvoi en cassation par le ministre de l’éducation nationale, le Conseil d’État statuant au contentieux a, par une décision du 4 mai 2016, n° 393081, annulé cette ordonnance.
Le Conseil d’État a jugé que l’ordonnance n’était pas suffisamment motivée s’agissant de la condition d’urgence, au motif que le juge des référés du tribunal s’était borné à relever que la mesure aurait pour effet la fermeture de la classe de l’école intercommunale implantée dans la commune de Charbonnières-les-Sapins sans tenir compte de l’argumentation avancée en défense par l’administration, qui avait fait valoir la faible incidence concrète de la mesure eu égard au fait que seuls deux élèves de la classe concernée étaient originaires de la commune de Charbonnières-les-Sapins et que la restauration scolaire était déjà installée sur le site de l’autre commune. Entachée ainsi d’irrégularité, l’ordonnance a été annulée.
Réglant l’affaire au titre de la procédure de référé engagée, le Conseil d’État a rejeté la demande de suspension présentée par la commune de Charbonnières-les-Sapins.
Le Conseil d’État a d’abord rappelé le partage des compétences entre l’État et les collectivités territoriales en matière d’éducation ; si, en vertu des dispositions de l’article L. 2121-30 du code général des collectivités territoriales, le conseil municipal est compétent pour la création et l’implantation des écoles, après avis du représentant de l’État, les dispositions de l’article L. 211-1 du code de l’éducation donnent compétence à l’État pour « le recrutement et la gestion des personnels qui relèvent de sa responsabilité ». Il a souligné qu’il résultait de ces dispositions que l’État demeure seul compétent pour décider de l’affectation des emplois d’instituteurs dans les établissements maternels et élémentaires et que cette compétence est exercée par l’I.A.-DASEN.
Il en a conclu que les moyens invoqués par la commune, tirés de ce que l’I.A.-DASEN n’était pas compétent pour prendre la décision attaquée, de ce que cette décision était incompatible avec le fonctionnement du syndicat intercommunal scolaire et de ce qu’elle était entachée de détournement de pouvoir n’étaient donc pas, en l’état de l’instruction, propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.
N.B. : Il résulte d’une jurisprudence constante que la décision par laquelle une commune se prononce sur l’implantation de classes ou d’écoles sur son territoire et les décisions en matière de gestion des emplois d’instituteurs prises par l’inspecteur d’académie relèvent de procédures indépendantes. Par conséquent, le retrait ou le transfert d’emplois d’instituteurs et de professeurs des écoles relève de la seule compétence de l’autorité académique, quand bien même elle a pour conséquence la fermeture d’une école (cf. C.E., 5 mai 1995, Ministre de l’éducation nationale, n° 149607). ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
SECOND DEGRÉ
Scolarité
ORIENTATION DES ÉLÈVES
Redoublement – Légalité des dispositions réglementaires qui limitent les redoublements des élèves à la seule hypothèse dans laquelle il convient de pallier une période importante de rupture des apprentissages scolaires (oui)
C.E., 7 avril 2016, Syndicat national des lycées et collèges (SNALC), n° 387271
Le syndicat national des lycées et collèges demandait l’annulation pour excès de pouvoir de l’article 27 du décret n°2014-1377 du 18 novembre 2014 relatif au suivi et à l’accompagnement pédagogique des élèves, qui introduit un article D. 331-62 dans le code de l’éducation précisant les conditions dans lesquelles peut être décidé le redoublement d’un élève d’un établissement du second degré en prévoyant que : « À titre exceptionnel, un redoublement peut être mis en œuvre pour pallier une période importante de rupture des apprentissages scolaires. Il intervient avec l'accord écrit des représentants légaux de l'élève ou de l'élève lui-même, lorsque ce dernier est majeur, après que le conseil de classe s'est prononcé et à la suite d'une phase de dialogue avec le chef d'établissement, conformément à l'article L. 311-7 du présent code. La décision de redoublement est notifiée par le chef d'établissement aux représentants légaux de l'élève ou à l'élève lui-même lorsqu'il est majeur (…). »
Le Conseil d’État a rejeté la requête en jugeant « que (…) les dispositions attaquées se bornent à préciser le caractère exceptionnel du redoublement posé par l’article L. 311-7 du code de l’éducation », dont le second alinéa dispose que : « Au terme de chaque année scolaire, à l'issue d'un dialogue et après avoir recueilli l'avis des parents de l'élève, le conseil des maîtres ou le conseil de classe se prononce sur les conditions dans lesquelles se poursuit la scolarité de l'élève. S'il l'estime nécessaire, il propose la mise en place d'un dispositif de soutien, notamment dans le cadre d'un programme personnalisé de réussite éducative ou d'un plan d'accompagnement personnalisé. Le redoublement ne peut être qu'exceptionnel », et en retenant « qu’en limitant les redoublements des élèves à la seule hypothèse dans laquelle il convient de pallier une période importante de rupture des apprentissages scolaires, [l’article 27 du décret n’avait pas méconnu la loi et n’était pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation] ».
Il a par ailleurs jugé « qu’en subordonnant le redoublement à l’accord écrit des représentants légaux de l’élève, le décret [ne rendait] pas (…) ce redoublement impossible et [ne méconnaissait donc pas davantage la loi] ».
Enfin, il a estimé « que, (…) en associant [ainsi] les représentants légaux de l’élève (…) à la proposition de redoublement faite par le conseil de classe (…), les dispositions attaquées ne sont pas entachées d’erreur manifeste d’appréciation ». ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
ENSEIGNEMENTS
Collège – Organisation des enseignements – Décret et arrêté du 19 mai 2015 relatifs à l’organisation des enseignements au collège
C.E., 1er juin 2016, nos 390956, 390958 et autres, aux tables du Recueil Lebon
Par une décision du 1er juin 2016 (nos 390956, 390958, 390987, 390988, 391424, 391674, 391733, 391771, 391868, 391874), le Conseil d’État a rejeté les requêtes dirigées contre le décret n° 2015-544 du 19 mai 2015 relatif à l’organisation des enseignements au collège et l’arrêté du 19 mai 2015 relatif à l’organisation des enseignements dans les classes de collège.
Le Conseil d’État a écarté l’ensemble des conclusions tendant à l’annulation des dispositions relatives aux horaires des enseignements communs, à l’accompagnement personnalisé, aux enseignements pratiques interdisciplinaires ou encore aux enseignements de complément, à l’exception des dispositions du décret portant sur l’organisation du temps scolaire et les modalités de la vie scolaire.
Il a notamment jugé que le décret et l’arrêté étaient sans incidence directe sur l’organisation et le fonctionnement des services centraux et déconcentrés de l’éducation nationale, de sorte qu’ils n’entraient pas dans le champ d’application du I de l’article 1er du décret n° 2014-1092 du 26 septembre 2014 relatif à la création de comités techniques auprès du ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et n’avaient donc pas être soumis préalablement à l’avis du comité technique ministériel de l’éducation nationale.
Le Conseil d’État a par ailleurs écarté plusieurs moyens en jugeant que le décret et l’arrêté du 19 mai 2015 ne traitaient pas du socle commun de connaissances, de compétences et de culture , dont ils ne fixent ni le contenu, ni les modalités d’acquisition au sens de l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation, et que ces deux textes s’étaient bornés à organiser les formations au sens de l’article L. 311-2 du même code. Il a précisé qu’aucune disposition législative ne faisait obstacle à ce que le décret rende obligatoires des enseignements complémentaires dont le contenu et le volume horaire sont, dans des conditions fixées par arrêté, définis ou modulés par chaque établissement d’enseignement.
S’agissant des classes « bilangues », le Conseil d’État a relevé que si les dispositions de l’arrêté réservaient l’accès à ces classes en sixième aux seuls élèves qui n’ont pas suivi l’apprentissage de la langue anglaise en classe élémentaire, la différence de traitement en faveur des élèves ayant fait le choix en classe élémentaire d’apprendre une langue beaucoup plus rarement pratiquée que l’anglais ne caractérisait pas une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi. Il a en outre relevé que ces dispositions n’avaient pas pour effet d’imposer l’apprentissage de la langue anglaise pour tous les élèves de sixième.
Quant aux dispositions attaquées relatives aux enseignements de langues et cultures régionales, le Conseil d’État a relevé que le décret pouvait régir ces enseignements dès lors que l’article L. 312-10 du code de l’éducation se borne à confier à des conventions passées entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage le soin de fixer les modalités de dispensation de ces enseignements, dont l’organisation reste définie par décret conformément aux dispositions de l’article L. 311-2 du même code.
Il a par ailleurs retenu qu’en prévoyant un enseignement pratique interdisciplinaire relatif aux « langues et cultures de l’antiquité » tout en abrogeant les dispositions réglementaires qui prévoyaient jusque-là des enseignements optionnels de langue latine et de langue grecque, l’arrêté attaqué n’avait méconnu aucune disposition législative.
En revanche, le Conseil d’État a annulé les dispositions des deux derniers alinéas du II de l’article D. 332-4 du code de l’éducation, introduites par le décret du 19 mai 2015, qui imposaient une amplitude journalière maximale de six heures pour les élèves de sixième et une pause méridienne d’au moins une heure trente pour tous les collégiens. Il a considéré que dès lors que ces mesures affectaient l’organisation et le fonctionnement des établissements publics locaux d’enseignement ainsi que les conditions dans lesquelles ceux-ci, en vertu de l’article R. 421-2 du code de l’éducation, organisent le temps scolaire et les modalités de la vie scolaire, elles devaient être prises par décret en Conseil d’État.
N.B. : Ces affaires ont donné l’occasion au Conseil d’État de juger deux questions inédites qui ont justifié que la décision commentée soit mentionnée aux tables du Recueil Lebon.
Il a en premier lieu jugé que l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, aujourd'hui codifié aux articles L. 111-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui donne à toute personne le droit, dans ses relations avec les administrations, de connaître le prénom, le nom et la qualité de l'agent chargé de l'affaire la concernant et prévoit que toute décision doit comporter ces informations, n’était pas applicable à un arrêté ministériel réglementaire, lequel ne revêt pas le caractère d'une décision au sens de ces dispositions. Le moyen invoqué par un des requérants tiré de la méconnaissance de ces dispositions était donc inopérant.
En second lieu, le Conseil d’État a jugé que les stipulations du point II. C du traité entre la France et l’Allemagne sur la coopération franco-allemande, dit « traité de l’Élysée », du 22 janvier 1963, aux termes desquelles : « (…) Les deux gouvernements reconnaissent l'importance essentielle que revêt pour la coopération franco-allemande la connaissance dans chacun des deux pays de la langue de l'autre. Ils s'efforceront, à cette fin, de prendre des mesures concrètes en vue d'accroître le nombre des élèves allemands apprenant la langue française et celui des élèves français apprenant la langue allemande (…) », qu’invoquait l’Association pour le développement de l’enseignement de l’allemand en France à l’encontre des dispositions de l’arrêté du 19 mai 2015, étaient dépourvues d’effet direct. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Enseignement supérieur et recherche
ADMINISTRATION ET FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Questions propres aux différents établissements
UNIVERSITÉS
Accidents du travail – Maladies professionnelles – Contentieux des juridictions sociales – Prescription de l’action en remboursement des prestations – Prescription quadriennale – Établissement doté d’un comptable public
Cass. 2e civ., 21 janvier 2016, n° 14-50068, au Bulletin
En application des dispositions de l’article L. 471-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l’époque des faits, une caisse primaire d’assurance maladie réclamait à une université le remboursement des prestations qu’elle avait servies à l’un de ses agents en raison d’un accident du travail. Après une mise en demeure restée vaine, la caisse d’assurance maladie avait attendu cinq ans et sept mois pour demander le remboursement des sommes litigieuses. L’université avait alors opposé la prescription quadriennale à cette demande.
Ce contentieux relevant de la compétence des juridictions judiciaires de sécurité sociale, la caisse d’assurance maladie avait saisi la cour de cassation d’un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Colmar qui avait déclaré la créance prescrite.
L’université, se prévalant de sa qualité d’établissement public, s’appuyait sur les dispositions de l’article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics pour s’estimer libérée de sa créance du fait de l’extinction du délai de la prescription quadriennale.
La caisse d’assurance maladie soutenait au contraire que devait s’appliquer la prescription de droit commun de trente ans prévue par les dispositions de l’article 2262 du code civil, dans sa version antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.
La caisse soutenait, en premier lieu, « que la sanction édictée par l’article L. 471-1 du code de la sécurité sociale [faisait] corps avec le régime de la prescription ; que ces règles [devaient] être regardées (…) comme constitutives de règles spéciales ; que, dès lors, la prescription applicable à la sanction [devait] primer les règles posées par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ».
La requérante soutenait, en second lieu, que la sanction prévue à l’article L. 471-1 du code de la sécurité sociale pouvait s’appliquer à tout employeur, y compris lorsqu’il s’agissait d’une personne publique, et qu’à partir du moment où la sanction était soumise à un certain délai de recouvrement de la créance, le principe d’égalité commandait que ce délai s’appliquât de façon identique à tous les débiteurs.
La Cour de cassation a écarté ces deux moyens en jugeant que « l’université ayant le caractère d’un établissement public doté d’un comptable public, la créance de l’organisme social née de l’application de l’article L. 471-1 du code de la sécurité sociale est soumise à l’application de la prescription quadriennale instituée par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 modifiée » dont l’article 1er dispose que sont soumises à la prescription quadriennale « les créances sur les établissements publics dotés d’un comptable public ».
N.B. : À la suite de la réforme de la prescription civile opérée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la prescription de trente ans prévue à l’article 2262 du code civil ne trouve plus à s’appliquer.
Désormais, en application des dispositions de l’article 2224 du code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». En l’espèce, sous l’empire des nouvelles dispositions du code civil, l’action de la caisse primaire d’assurance maladie aurait également été, en toute hypothèse, prescrite.
Le critère retenu par la Cour de cassation, tenant à la présence d’un comptable public, est également celui que le Conseil d’État a retenu pour faire entrer dans le champ d’application de la loi du 31 décembre 1968, et donc de la prescription quadriennale, certains établissements publics (cf. C.E., 23 juillet 2014, n° 375829, au Recueil Lebon, considérant 5 ; C.E., 26 novembre 2012, n° 335643, aux tables du Recueil Lebon, considérant 3). ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
VIE ÉTUDIANTE
Bourses et autres aides
Bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux– Condition d’assiduité – Raisons médicales graves
T.A. Strasbourg, 24 mars 2016, n° 1502082
Aux termes de l’article 2 du décret n° 51-445 du 16 avril 1951 relatif au paiement des bourses d'enseignement supérieur, dans sa rédaction alors applicable au litige (codifié pour partie à l’article D. 821-1 du code de l’éducation par le décret n° 2015-652 du 10 juin 2015) : « Les diverses fractions de l'allocation sont mises en paiement dès le début de la période à laquelle elles se rapportent. Si l'élève ne remplit pas, durant cette période, les conditions générales de scolarité et d'assiduité auxquelles est subordonné son droit à la bourse, il est tenu au reversement des sommes indûment perçues. »
À cet égard, la circulaire n° 2014-0010 du 2 juillet 2014 fixant les modalités d’attribution des bourses d’enseignement supérieur sur critères sociaux pour l’année 2014-2015 prévoit que : « Le maintien de la bourse est soumis à des conditions de progression, d'assiduité aux cours et de présence aux examens » et que : « Le non-respect de l’une [de ces] obligations (…) entraîne le reversement des sommes indûment perçues », à moins que l’absence soit justifiée par « des raisons médicales graves (traitement médical, hospitalisation) ».
En l’espèce, une étudiante inscrite en première année de master dans une université avait obtenu le bénéfice d’une bourse de l’enseignement supérieur sur critères sociaux pour l’année scolaire 2014-2015. Au motif qu’elle n’avait pas rempli son obligation d’assiduité pour les mois de septembre 2014 à janvier 2015, le recteur de l’académie lui avait réclamé le reversement de la fraction de la bourse qui lui avait été versée au titre de la période correspondante. L’étudiante demandait au juge l’annulation de cette décision.
Le tribunal administratif a tout d’abord rappelé le caractère réglementaire de la circulaire ministérielle en cause ainsi que son opposabilité à la requérante : « (…) la circulaire du 2 juillet 2014 a été publiée au Bulletin officiel de l’éducation nationale n° 30 du 24 juillet 2014 ; (…) les dispositions relatives à l’obligation d’assiduité aux cours, travaux pratiques et dirigés et de présentation aux examens à laquelle sont subordonnés le versement et le maintien de la bourse ont été portées à la connaissance des étudiants par l’université (…) ; (…) ainsi, [la requérante] ne saurait sérieusement soutenir avoir été dans l’ignorance des conditions d’assiduité imposées aux étudiants boursiers ».
Le tribunal a ensuite considéré que les circonstances que la bourse ait été versée à l’étudiante pour le premier semestre et que les services de l’université lui aient indiqué que ses absences étaient justifiées « ne faisaient pas obstacle à ce que l’autorité administrative compétente, après avoir effectué les contrôles appropriés, lui réclame le reversement du montant indûment perçu ».
Le tribunal a ainsi rejeté la requête, jugeant « que si la requérante soutient qu’elle a assisté aux trois premiers travaux dirigés de droit de l’urbanisme en septembre et octobre 2014 ainsi qu’aux premiers cours magistraux de toutes les matières, elle n’apporte aucun élément à l’appui de ses allégations ; qu’en tout état de cause, elle ne pourrait être regardée comme ayant ainsi fait preuve d’une assiduité suffisante ; que si elle a produit un certificat médical du 1er décembre 2014 (…), il n’est pas de nature à justifier ses absences du début de l’année universitaire au 30 novembre 2014 ; qu’en outre, en application de la circulaire du 2 juillet 2014, les justificatifs médicaux fournis par l’étudiant ne peuvent être retenus lorsqu’ils sont datés de plus d’un mois à compter de la date d’interruption des études ; qu’ainsi, la requérante n’établissant pas avoir suivi un enseignement à partir du mois de septembre 2014, c’est à bon droit que l’administration n’a pas pris en compte ce certificat ; qu’enfin, la requérante ne s’est présentée qu’à deux épreuves sur onze à la session d’examen du premier semestre ; que, dès lors, elle n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le recteur a décidé de lui demander le remboursement du montant de la bourse afférent au premier semestre de l’année universitaire 2014-2015 ; (…) qu’en tout état de cause, les certificats médicaux produits ne sont pas, eu égard à leurs énonciations, de nature à faire regarder la requérante comme ayant dû interrompre ses études universitaires pour des raisons médicales graves ».
N.B. : En ce qui concerne le reversement de sommes perçues au titre d’une bourse d’enseignement supérieur, le tribunal administratif de Montpellier, par un jugement n° 991600 du 20 décembre 2002, commenté dans la LIJ n°73 de mars 2003, a jugé, sur le fondement de l'article 2 du décret du 16 avril 1951, qu’« une demande de remboursement des allocations perçues par un étudiant qui n'a pas satisfait à l'obligation d'assiduité ou de passage des examens correspondant aux études pour lesquelles la bourse lui avait été accordée ne peut être réputée retirer une décision créatrice de droits et ne constitue pas davantage une sanction ».
En ce qui concerne l’exigence de certificats médicaux justifiant de raisons médicales graves pour qu’une absence pour motif médical n’entraîne pas la suspension du versement de la bourse, le jugement du tribunal administratif de Strasbourg ici commenté peut être rapproché d’un arrêt par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rappelé qu’il revient à l’étudiant d’établir la gravité de son état de santé (C.A.A. Marseille, 13 juillet 2015, n° 13MA02647). ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Examens et concours
QUESTIONS PROPRES AUX DIFFÉRENTS EXAMENS ET CONCOURS
Baccalauréat
Baccalauréat – Fraude – Possibilité pour le juge des référés d’ordonner la suspension d’une décision de la commission de discipline du baccalauréat (oui) – Modalités – Injonction non pas de délivrer le diplôme du baccalauréat à titre définitif mais de délivrer à l’intéressé un relevé de notes à titre provisoire
C.E., 4 mai 2016, n° 394869
M. X s’était vu infliger par la commission de discipline du baccalauréat de son académie la sanction du blâme assorti d’une inscription au livret scolaire du fait de fraudes commises lors des épreuves de français qu’il repassait en 2015 en même temps que les autres épreuves du baccalauréat. Cette sanction entraînait la nullité des épreuves anticipées écrite et orale de français et, par voie de conséquence, la non-délivrance du diplôme du baccalauréat.
M. X avait, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, saisi le juge des référés du tribunal administratif qui avait refusé de suspendre l’exécution de la décision de la commission de discipline du baccalauréat au motif que la mesure de suspension sollicitée aurait eu pour conséquence d’obliger l’administration à délivrer au requérant le diplôme du baccalauréat, et aurait donc eu les mêmes effets que l’annulation de la décision litigieuse, de sorte qu’auraient été méconnues les dispositions de l’article L. 511-1 du code de justice administrative, qui prévoient que : « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire (…). »
Saisi par l’intéressé d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’État a annulé cette ordonnance de référé en jugeant que « la (…) suspension de la délibération (…) [de la commission de discipline] n’impliquait pas nécessairement que (…) soit délivré [à l’intéressé] le diplôme du baccalauréat à titre définitif, le juge des référés pouvant enjoindre que [lui] soit délivré (…) un relevé de notes à titre provisoire ».
Il en a déduit que le juge des référés avait commis une erreur de droit en jugeant que la mesure de suspension d’exécution sollicitée aurait eu les mêmes effets qu’une décision exécutant un jugement d’annulation de la délibération litigieuse.
Puis, réglant l’affaire au titre de la procédure de référé engagée, le Conseil d’État a fait droit au moyen invoqué en défense par l’administration et tiré de ce que la condition d’urgence requise par l’article L. 521-1 du code de justice administrative n’était pas remplie : il a en effet jugé qu’en se bornant à faire valoir devant le juge des référés du tribunal administratif que la décision de la commission de discipline du baccalauréat le privait de la possibilité de s’inscrire à l’université et d’y suivre les cours dans l’attente de la décision juridictionnelle statuant sur la légalité de cette décision de sanction, le requérant ne justifiait pas de l’urgence à en suspendre l’exécution dès lors que les inscriptions à l’université étaient closes à la date de la décision du juge (pour une même analyse, s’agissant de l’absence d’urgence à suspendre l’exécution d’un refus d’inscription en master 2 dès lors que l’inscription dans cette formation universitaire n’était plus susceptible d’intervenir avant la rentrée universitaire suivante, cf. C.E., 23 mars 2016, n° 393957). ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Personnels
QUESTIONS COMMUNES
Recrutement et changement de corps
APTITUDE PHYSIQUE
Fonctionnaire stagiaire – Fin de stage – Licenciement d’un fonctionnaire stagiaire reconnu physiquement inapte à l’exercice de ses fonctions – Obligation pour l’administration de chercher à reclasser le fonctionnaire stagiaire avant de prononcer son licenciement (non)
C.E., 17 février 2016, n° 381429
M. X, gardien de la paix stagiaire, avait été placé en congé de maladie ordinaire, à l’issue duquel il avait été déclaré inapte à la reprise de son service. L’administration l’avait alors placé en position de disponibilité sans traitement, puis, après que le comité médical supérieur et la commission de réforme avaient émis l’avis qu’il était définitivement inapte à l’exercice de ses fonctions, avait mis fin à son stage et prononcé son licenciement pour inaptitude physique.
L’intéressé demandait l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision.
Le tribunal administratif de Montreuil avait rejeté sa demande, mais l’intéressé ayant interjeté appel, la cour administrative d’appel de Versailles avait annulé le jugement et fait droit aux conclusions à fin d’annulation présentées par M. X en jugeant que la décision était entachée d’illégalité faute pour l’administration d’avoir cherché à le reclasser.
Saisi d’un pourvoi contre l’arrêt de la cour, le Conseil d’État a jugé que « si, en vertu d’un principe général du droit dont s’inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés que les règles statutaires applicables aux fonctionnaires, en cas d'inaptitude physique définitive médicalement constatée à occuper un emploi, il appartient à l’employeur de reclasser l’intéressé dans un autre emploi et, en cas d’impossibilité, de prononcer son licenciement dans les conditions qui lui sont applicables, ni ce principe général ni les dispositions [des articles 2 et 63] de la loi [n° 84-16] du 11 janvier 1984 [portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État] et [de l’article 24] du décret [n° 94-874] du 7 octobre 1994 [fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l’État et de ses établissements publics] ne confèrent aux fonctionnaires stagiaires, qui se trouvent dans une situation probatoire et provisoire, un droit à être reclassés ».
Il a ainsi annulé l’arrêt de la cour pour erreur de droit et lui a renvoyé l’affaire.
N.B. : Par cette décision, le Conseil d’État a jugé que le principe général du droit, dont il résulte que l’administration doit chercher à reclasser un agent dans un autre emploi avant de mettre fin à ses fonctions pour inaptitude physique et de prononcer son licenciement (cf. « Le point sur l’obligation de reclassement des agents publics », LIJ n° 193, mai 2016), n’est pas applicable au fonctionnaire stagiaire compte tenu de la situation probatoire et provisoire dans laquelle il se trouve.
Cette question faisait l’objet de positions divergentes des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel. Ainsi, en l’absence de texte prévoyant expressément cette obligation de reclassement pesant sur l’administration, le requérant n’était pas fondé à se prévaloir de ce que l’administration n’avait pas tenté de le reclasser avant de prononcer son licenciement pour inaptitude physique.
Le Conseil d’État a relevé à cet égard que le requérant n’entrait pas dans le champ d’application des dispositions de l’article 37 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, qui prévoient l’obligation pour l’administration de chercher à reclasser les fonctionnaires stagiaires des services actifs de la police nationale reconnus physiquement inaptes à l’exercice de leurs fonctions après avoir été blessés dans l’exercice d’une mission de police, ce qui n’était pas le cas du requérant en l’espèce. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
TITULARISATION ET CLASSEMENT
Emplois réservés – Militaires – Catégorie C – ADJAENES – Classement indiciaire
T.A. Lyon, 9 décembre 2015, n° 1301596
T.A. Lyon, 9 décembre 2015, n° 1302008
Par deux jugements du même jour, le tribunal administratif de Lyon s’est prononcé sur les règles applicables au classement de militaires intégrés dans le corps des adjoints administratifs de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur (ADJAENES) dans le cadre du dispositif des emplois réservés régi par l’article L. 4139-3 du code de la défense et par l’article L. 393 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre.
Les deux requérants, précédemment caporal-chef pour l’un et adjudant pour l’autre, contestaient l’arrêté par lequel la rectrice de l’académie de Lyon les avait intégrés et classés dans le corps des ADJAENES à l’échelle 4, échelon 6, doté de l’indice brut 333 et de l’indice majoré 316, sans report d’ancienneté dans l’échelon, alors que, dans leurs corps d’origine, le premier détenait l’indice majoré 373 et le second, l’indice majoré 411. Ils demandaient que leur soit appliqué l’article R. 4139-20-1 du code de la défense qui prévoit le maintien à titre personnel de l’indice détenu dans le grade d’origine dans le cas où l’indice sommital du grade d’accueil est inférieur.
Le tribunal a écarté le moyen au motif qu’« au terme de son détachement, [le droit au maintien de l’indice] n’est (…) pas prévu par les dispositions (…) de l’article L. 4139-3 du code de la défense qui déterminent les conditions dans lesquelles les militaires ayant eu accès à un emploi réservé sont intégrés ».
Répondant au moyen tiré de ce que l’arrêté de reclassement méconnaîtrait le principe d’égalité de traitement entre les fonctions publiques, le tribunal a précisé « que (...) l’intégration de militaires dans les emplois réservés est régie par des dispositions législatives et réglementaires différentes de celles applicables aux autres corps de fonctionnaires ; [et que] (…) les militaires se trouvent dans une situation de fait distincte de celle des autres corps ».
Enfin, chaque requérant se prévalait de ce qu’un autre rectorat aurait accordé un traitement plus favorable à un autre militaire qui avait ainsi bénéficié du maintien de son indice antérieur lors de son intégration.
Le tribunal a toutefois écarté ce moyen et rejeté les requêtes, en retenant que « cette circonstance est sans influence sur la légalité de l’arrêté contesté, dès lors (…) que la rectrice de l’académie de Lyon a fait une exacte application des dispositions [en cause] ».
N.B. : Aux termes des articles L. 404 et L. 405 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, le militaire bénéficiant de la procédure d’accès aux emplois réservés est nommé en qualité de stagiaire dans le corps d’accueil concerné et suit ce stage en position de détachement dans les conditions prévues par l’article L. 4139-4 du code de la défense. Le militaire ainsi détaché perçoit une rémunération au moins égale à celle qu’il aurait perçue s’il était resté en position d’activité au sein des armées. Cette disposition été introduite par la loi n° 2011-14 du 5 janvier 2011 relative à la reconversion des militaires afin de rendre plus attractif l’accès des militaires aux emplois réservés, dans la mesure où un tel maintien de rémunération n’existait pas jusqu’alors.
Lors de l’intégration ou de la titularisation, l’article L. 4139-3 du code de la défense, spécifiquement applicable aux emplois réservés, ne prévoit toutefois qu’une reprise d’ancienneté plafonnée à dix ans lorsque l’accueil s’effectue dans un corps de catégorie C, sans droit au maintien de l’indice précédemment détenu. Les dispositions plus favorables, relatives au classement intervenant lors d’une intégration prononcée en application du dispositif de reconversion prévu à l’article L. 4139-2 du code de la défense, sont inapplicables à la procédure spécifique des emplois réservés.
Compte tenu de la multiplicité des dispositifs d’accès à la fonction publique civile susceptibles de bénéficier aux militaires, l’articulation entre les dispositions législatives et réglementaires applicables du code de la défense n’est pas des plus aisées à appréhender. Aussi n’est-il pas surprenant que les requérants aient cru pouvoir demander au juge le maintien de leur indice de rémunération sur le fondement de l’article R. 4139-20-1 de ce code, alors qu’il ne concerne que les hypothèses d’intégration intervenant en application du dispositif de reconversion relevant de l’article L. 4139-2 du même code. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Accident de service et maladie contractée en service
Suicide ou tentative de suicide n’étant pas survenu dans le temps du service – Reconnaissance de l’imputabilité au service – Nécessité que le geste soit en lien exclusif avec le service (non)
T.A. Lyon, 27 avril 2016, n° 1305651
M. X, professeur des écoles assurant les fonctions de directeur d’école, avait mis fin à ses jours peu après 6 h 55 et avant l’arrivée des élèves dans la classe d’une de ses collègues. Par un arrêté du 21 juin 2013, l’inspecteur d’académie, directeur académique des services de l’éducation nationale du Rhône, avait refusé de reconnaître l’imputabilité au service de ce suicide. La veuve de M. X demandait au tribunal administratif l’annulation de cette décision.
Reprenant le considérant de principe de la décision du Conseil d’État du 16 juillet 2014 (C.E. Section, n° 361820, au Recueil Lebon), selon lequel « (…) un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service ; (…) il en va ainsi lorsqu'un suicide ou une tentative de suicide intervient sur le lieu et dans le temps du service, en l'absence de circonstances particulières le détachant du service ; (…) il en va également ainsi, en dehors de ces hypothèses, si le suicide ou la tentative de suicide présente un lien direct avec le service ; (…) il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce », le tribunal a censuré pour erreur de droit le refus de reconnaissance de l’imputabilité au service après avoir constaté qu’il était motivé par l’absence de lien exclusif avec le service, alors qu’il résulte de la jurisprudence précitée que la reconnaissance de l’imputabilité au service du suicide de M. X, intervenu sur son lieu habituel de travail mais en dehors du temps du service, était uniquement conditionnée à l’existence d’un lien direct, mais non nécessairement exclusif, entre ce suicide et le service.
Le tribunal a en outre relevé qu’il résultait des circonstances de l’espèce « que le stress et les souffrances au travail endurés par M. X [notamment l’hostilité de l’équipe éducative comme des parents, établis par des rapports d’expertise] constituent la cause déterminante de son suicide, lequel présente [en l’absence d’antécédent pathologique] un lien direct avec le service ».
N.B. : La décision du Conseil d’État du 16 juillet 2014 dont il est fait mention ci-dessus a été évoquée dans un « Point sur les conditions de rattachement de l’accident au service », publié dans la LIJ n° 189 de juillet 2015. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Obligations
OBLIGATIONS DE SERVICE
Obligations de service – Réduction applicable à certains professeurs en cas d'absence de personnels de laboratoire (art. 9 du décret du 20 août 2014) – Méconnaissance du principe d'égalité (non)
C.E., 6 avril 2016, Association Pagestec et Association nationale pour l'enseignement de la technologie, n° 385223, aux tables du Recueil Lebon
Deux associations de professeurs de technologie demandaient au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir l'article 9 du décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d'enseignement du second degré en tant qu’elles n’étendent pas aux professeurs de technologie le bénéfice de la réduction d’une heure des maxima de service prévue par cet article pour les professeurs de sciences physiques ou de sciences de la vie et de la Terre dispensant au moins huit heures d’enseignement dans un collège où il n’y a pas de personnels techniques exerçant dans les laboratoires. Elles soutenaient que ces dispositions méconnaissaient le principe d’égalité entre les fonctionnaires d’un même corps.
Le Conseil d’État a d’abord rappelé « qu’aux termes de l’article 2 du décret du 20 août 2014 (…), les enseignants qui exercent dans un établissement public d’enseignement du second degré sont tenus d’assurer, dans le cadre de la réglementation applicable à l’ensemble des fonctionnaires en matière de temps de travail, d’une part un service d’enseignement, d’autre part des missions liées à ce service d’enseignement qui comprennent notamment les travaux de préparation et les recherches personnelles nécessaires à la réalisation des heures d’enseignement ».
Pour rejeter la requête, il a ensuite jugé « que l’appartenance d’enseignants à un même corps ne s’oppose pas à ce que, eu égard à la différence entre deux disciplines d’enseignement, les temps du service d’enseignement et des autres missions liées à ce service, auxquels ils sont soumis, soient répartis différemment selon la discipline enseignée, dans le cadre d’une même durée globale de travail ».
Il a en conséquence estimé « qu’(…) en organisant de manière différente, d’une part, la répartition du service d’enseignement et des services liés pour l’enseignement des sciences de la vie et de la Terre et des sciences physiques et, d’autre part, cette même répartition pour l’enseignement de la technologie, le pouvoir réglementaire a introduit, entre professeurs agrégés enseignant des disciplines différentes et entre professeurs certifiés enseignant des disciplines différentes, une différence de traitement qui est justifiée par la différence de situation qui résulte de l’enseignement de disciplines distinctes ».
Il a ensuite retenu « qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que cette différence de traitement serait manifestement disproportionnée au regard des obligations de préparation des heures d’enseignement propres à ces différentes disciplines ».
N.B. : Le Conseil d’État avait déjà jugé que l’enseignement d’une discipline différente plaçait les enseignants d’un même corps dans une situation objective pouvant justifier une différence dans la fixation des obligations de service par les décrets dits « de 1950 », qui portaient sur les seules obligations de service d’enseignement (C.E., 7 février 1979, n° 8003, Association des professeurs agrégés des disciplines artistiques, au Recueil Lebon).
Le décret n° 50-581 du 25 mai 1950 ne traitait au demeurant pas de façon identique la situation des enseignants chargés de l’entretien d’un laboratoire en l’absence de personnels chargés de cette tâche, selon qu’ils enseignaient la technologie ou la physique-chimie et les sciences de la vie et de la Terre. En effet, aux termes du 2° de l’article 8 du décret du 25 mai 1950, les professeurs de physique-chimie et de sciences de la vie et de la Terre bénéficiaient d’un abaissement d’une heure de leur maxima de service hebdomadaire dans des conditions identiques à celles désormais prévues par l'article 9 du décret du 20 août 2014.
En revanche, le 4° du même article 8 de ce décret du 25 mai 1950 prévoyait que : « [Seul le] professeur responsable d'un laboratoire de technologie utilisé par au moins six divisions dans les sections du premier cycle [était] considéré comme effectuant à ce titre une heure de service hebdomadaire (…) », disposition qui n’a pas été reprise dans le décret du 20 août 2014. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Rémunérations, traitement et avantages en nature
RETENUES POUR ABSENCE DE SERVICE FAIT
Enseignement secondaire – Personnel enseignant – Absence à une réunion organisée par l’établissement – Absence de service fait – Retenue sur traitement
T.A. Lille, 3 mai 2016, n° 1304065
T.A. Lille, 3 mai 2016, n° 1304066
Il résulte d’une jurisprudence constante que les obligations de service des personnels enseignants telles qu’elles sont définies par les textes réglementaires ne sont pas limitées aux heures d’enseignement qu’ils sont tenus de dispenser à leurs élèves en classe. En conséquence, il n’y a pas de service fait lorsqu’un enseignant, bien qu’effectuant les heures d’enseignement inscrites à son emploi du temps, n’exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s’attachent à sa fonction telles que, par exemple, la participation à une réunion pédagogique organisée par le chef d’établissement (cf. C.E. Section, 15 octobre 1982, Ministre de l’éducation nationale c/ M. X, n° 17816, au Recueil Lebon, s’agissant d’un enseignant s’étant abstenu de participer en partie à une séance de formation à laquelle il avait été convoqué par le recteur de l’académie).
Les deux jugements commentés permettent d’illustrer les effets de cette jurisprudence.
Dans la première affaire, le requérant, professeur certifié, avait demandé au tribunal administratif d’annuler une décision de l’administration d’opérer la retenue d’un trentième sur son traitement au motif qu’il n’avait pas été présent à une réunion d’accueil organisée par son collège en janvier 2013 en faveur d’élèves de classes de CM2. Les personnels enseignants de cet établissement avaient été informés par une note du principal qu’ils étaient tenus de participer à cette réunion d’accueil et que leurs emplois du temps avaient été modifiés en conséquence pour remplacer leur service d’enseignement par leur participation à cette réunion.
Après avoir cité les dispositions de l’article 4 de la loi de finances rectificative du 29 juillet 1961, les articles 20 et 28 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, l’article L. 912-1 du code de l’éducation et l’article 4 du décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés, le tribunal a rejeté la requête après avoir considéré que la modification des emplois du temps n’apparaissait pas manifestement étrangère aux missions des enseignants définies à l’article L. 912-1 du code de l’éducation, ni incompatible avec les dispositions statutaires du décret n° 50-581 du 25 mai 1950 alors en vigueur (qui portait uniquement sur l’organisation du service hebdomadaire d’enseignement devant élèves) et, qu’ainsi, alors même qu’elle n’était pas prévue par un texte, la participation à cette réunion d’accueil d’élèves du premier degré constituait pour les enseignants du collège une obligation de service au sens de l’article 4 de la loi du 29 juillet 1961 à laquelle ils étaient tenus de déférer.
Dans la deuxième affaire, le même enseignant avait demandé au tribunal administratif d’annuler une décision de l’administration d’opérer la retenue de deux trentièmes sur son traitement au motif qu’il n’avait pas participé à une seconde journée de prérentrée, fractionnée en deux réunions organisées en matinée de deux samedis du mois de septembre 2012, dont il avait pourtant été informé par une note affichée sur un panneau de communication.
Ces deux réunions avaient été organisées par le principal du collège sur le fondement de l’arrêté ministériel du 20 juillet 2009 fixant le calendrier scolaire des années 2010-2011, 2011-2012 et 2012-2013 qui prévoyait que : « Deux demi-journées (ou un horaire équivalent) prises en dehors des heures de cours seront dégagées avant les vacances de la Toussait afin de permettre de prolonger la réflexion engagée lors de la journée de prérentrée [du lundi 3 septembre 2012]. »
Après avoir cité les dispositions de l’article 4 de la loi du 29 juillet 1961 et les articles 20 et 28 de la loi du 13 juillet 1983 susmentionnées, le tribunal a rejeté la requête après avoir considéré que la décision du principal du collège de fixer les modalités d’organisation de ces deux réunions n’était pas constitutive d’un ordre de nature à compromettre gravement un intérêt public, de sorte que le requérant ne pouvait en contester la légalité en vue de se soustraire à l’ordre d’y participer.
Il convient de rappeler ici que le dispositif du temps de réflexion sur les pratiques pédagogiques en cause dans la deuxième affaire a été renouvelé pour les années scolaires suivantes par l’arrêté du 21 janvier 2014 fixant le calendrier scolaire des années 2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017. Il n’est désormais plus présenté comme un prolongement de la réflexion engagée par les équipes éducatives lors de la journée de prérentrée, mais comme « des temps de réflexion et de formation sur des sujets proposés par les autorités académiques » et les réunions y afférentes peuvent être organisées après les vacances de la Toussaint.
En effet, le décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d’enseignement du second degré a défini les obligations de service des enseignants pendant les périodes de scolarisation des élèves, sans pour autant priver le ministre de son pouvoir d’organisation du service en dehors de ces périodes. Sous réserve que leurs obligations de service dans l’année et dans la semaine ne dépassent pas la durée légale du travail annuelle et hebdomadaire, le ministre peut légalement imposer aux personnels enseignants des obligations et des missions en dehors des périodes de scolarisation des élèves, qu’il s’agisse par exemple de fixer à une date antérieure à la rentrée scolaire des élèves la date de rentrée des enseignants en vue de préparer la rentrée des élèves dans de bonnes conditions ou de prévoir un temps de formation ou de réflexion sur les pratiques pédagogiques à organiser dans l’année scolaire en dehors des heures de cours dispensées aux élèves.
N.B. : Le décret du 20 août 2014 est venu reconnaître l’ensemble des missions inhérentes au métier d’enseignant dans le second degré, parmi lesquelles figure le travail au sein d’équipes pédagogiques qui nécessite l’organisation de réunions. Ce décret précise en effet qu’en plus du service d’enseignement devant les élèves, les professeurs de l’enseignement du second degré sont tenus d’assurer des missions liées à ce service d’enseignement, qui comprennent un certain nombre d’activités précisées en son article 2. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Questions propres aux agents non titulaires
LICENCIEMENT – NON-RENOUVELLEMENT D’ENGAGEMENT
Agent non titulaire – Renouvellement de contrat – Période d’essai – Licenciement
T.A. Lille, 8 mars 2016, n° 1207069
Mme X avait été recrutée en qualité de professeur contractuel pour effectuer un service à temps incomplet en mathématiques dans un lycée professionnel de l’académie de Lille pour la période du 13 février au 24 mars 2012. Son contrat, qui comportait une période d’essai, avait été régulièrement renouvelé jusqu’au 21 mai de la même année.
L’intéressée avait ensuite bénéficié de deux autres contrats l’affectant sur les mêmes fonctions et selon la même quotité de service dans deux autres établissements de l’académie, l’un du 30 mai au 22 juin 2012, l’autre du 1er septembre 2012 au 31 août 2013. Ce dernier contrat prévoyait une nouvelle période d’essai.
Par décision du 25 octobre 2012, le recteur de l’académie de Lille avait licencié Mme X à la fin de cette période d’essai, se prévalant de l’article 9 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État et du deuxième alinéa de l’article 8 du décret n° 81-535 du 12 mai 1981 relatif au recrutement de professeurs contractuels.
Saisi d’un recours pour excès de pouvoir formé par Mme X à l’encontre de cette décision, le tribunal administratif de Lille a jugé que « nonobstant l’intervalle de deux mois entre la fin de son précédent contrat et la conclusion du nouveau, l’intéressée, qui a été reconduite pour les mêmes fonctions et par le même employeur, doit être regardée, compte tenu de la spécificité du rythme scolaire et en particulier de l’interruption des services liée aux vacances scolaires, comme bénéficiant du renouvellement de son précédent contrat ». Il en a déduit que ce dernier contrat ne pouvait être assorti d’une nouvelle période d’essai.
Le licenciement a donc été annulé au motif que l’intéressée avait été « licenciée non à l’expiration d’une période d’essai, mais en cours de contrat », sans consultation préalable de la commission consultative paritaire et sans qu’un délai de préavis ait été respecté, en méconnaissance des dispositions du décret du 17 janvier 1986 susmentionné.
N.B. : Ce jugement fait application de la jurisprudence du Conseil d’État dont il résulte qu’« une période d’essai ne peut être valablement stipulée lorsque le contrat est renouvelé à son expiration, pour les mêmes fonctions et par le même employeur, celui-ci ayant déjà pu apprécier les capacités professionnelles de l’agent » (C.E., 26 novembre 2012, n° 347575, au Recueil Lebon).
La question se posait toutefois de savoir si ce principe s’appliquait à une interruption d’une durée de deux mois et neuf jours incluant la période estivale. Le tribunal a considéré que, compte tenu de la spécificité du rythme scolaire, cette durée n’était pas suffisante pour que les contrats en cause soient considérés comme étant distincts alors que la requérante était employée dans les mêmes conditions, par le même employeur.
Ce raisonnement doit être mis en parallèle avec celui retenu pour apprécier la continuité d’un emploi au regard des dispositions ouvrant droit au renouvellement du contrat pour une durée indéterminée (cf. commentaire des décisions T.A. Basse-Terre, 10 mars 2014, n° 1100064, et T.A. Rouen, 18 juillet 2014, n° 1202702, dans la LIJ n° 185 de novembre 2014). ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Agent non titulaire – Contrat verbal – Qualification de contrat à durée indéterminée – Licenciement – Obligation de reclassement
T.A. Pau, 7 avril 2016, n° 1400549
Mme X, engagée à compter du mois de septembre 2002 sous la forme d’un contrat verbal par un groupement d’établissements scolaires (GRETA) pour assurer des enseignements d’anglais et de français langue étrangère, à temps incomplet, au titre de la formation continue des adultes, demandait au tribunal administratif de Pau l’annulation des décisions implicites de rejet des recours gracieux et hiérarchiques qu’elle avait formés à l’encontre de la décision du GRETA d’interrompre ses fonctions à compter du mois de janvier 2013 et de refuser de la réintégrer.
Le tribunal a d’abord rappelé que « le contrat verbal conclu par une personne publique en vue du recrutement d’un agent public doit être regardé, en l’absence d’éléments contraires, comme un contrat à durée indéterminée ».
Après avoir constaté « qu’(…) [aucun contrat écrit n’avait été établi] ; qu[e la requérante] a exercé ses fonctions pendant onze années consécutives sans interruptions autres que celles des périodes de vacances scolaires estivales ; que les fonctions d’enseignement exercées correspondaient ainsi à un besoin permanent et impliquaient un service à temps incomplet, alors même que la durée mensuelle des enseignements assurés aurait ponctuellement diminué en raison de la conjoncture économique », le tribunal a jugé « que (…) le contrat (…) [de l’intéressée] doit être regardé (…) comme conclu pour une durée indéterminée ». Il en a conclu « que la non-reconduction de ce contrat constitue un licenciement ».
Le tribunal a ensuite rappelé « qu’il résulte du principe général du droit dont s’inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés dont l’emploi est supprimé que les règles statutaires applicables dans ce cas aux agents publics qu’il appartient à l’employeur de chercher à reclasser dans un autre emploi le salarié dont l’emploi est supprimé et, en cas d’impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l’intéressé, son licenciement ».
Ce principe, posé par le Conseil d’État dans un avis rendu le 25 septembre 2013 (C.E. Section, n° 365139, au Recueil Lebon), est applicable aux agents contractuels de droit public dès lors qu’ils occupent un emploi permanent.
Lorsque l’agent exerce ses fonctions dans un GRETA, le périmètre d’une telle obligation est limité à cette structure (cf. C.E., 22 octobre 2014, n° 368262, aux tables du Recueil Lebon). En l’espèce, il appartenait ainsi au directeur du GRETA de chercher à reclasser la requérante, au sein de ce GRETA, dans un emploi pouvant être légalement occupé par un agent contractuel, ce qui n’avait pas été fait.
Le tribunal administratif de Pau a donc annulé les décisions contestées et enjoint au directeur du GRETA de réintégrer la requérante dans ses effectifs dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
QUESTIONS PROPRES AUX PERSONNELS DE L’ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
Personnels d’encadrement
PERSONNELS DE DIRECTION
Personnel de direction – Chef d’établissement – Suspension – Mutation – Prolongation de la mesure de suspension au-delà du délai de quatre mois – Illégalité
C.A.A. Marseille, 29 mars 2016, n° 14MA03272
M. X, membre du corps des personnels de direction d’établissement d’enseignement ou de formation relevant du ministre de l’éducation nationale régi par le décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001, avait été affecté, à compter du 1er septembre 2008, dans un emploi de principal de collège. Peu de temps après son affectation, des difficultés relationnelles avec d’autres membres du personnel de l’établissement étaient apparues. Il avait finalement été suspendu de ses fonctions par arrêté du ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche du 15 janvier 2010, suspension de fonctions prolongée par arrêté ministériel du 12 avril 2010, avant de se voir retirer sa fonction et d’être affecté dans un autre établissement.
Estimant que les décisions prises à son encontre étaient entachées d’illégalité, l’intéressé avait demandé la réparation des conséquences dommageables que cette situation aurait entraînées pour lui. Sa demande avait été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mai 2014, dont M. X avait interjeté appel.
La cour a partiellement annulé le jugement du tribunal.
Si elle a estimé, comme les premiers juges, que l’administration n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que le maintien en exercice de M. X en tant que chef d’établissement était de nature à nuire gravement à l’intérêt du service, ce qui justifiait la décision de suspension prise à son encontre, elle a cependant jugé que la décision de prolongation de cette suspension au-delà de la durée maximale de quatre mois prévue par l’article 23 du décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 était entachée d’illégalité.
La cour a, à cet égard, retenu que la circonstance que la décision de suspension de fonctions répondait à un intérêt du service et que l’emploi de l’intéressé après la mutation était un emploi d’une catégorie supérieure à celle de l’emploi initialement occupé était sans incidence sur le droit de l’intéressé à réparation des préjudices ayant résulté pour lui de cette décision de suspension illégale.
En conséquence, la cour administrative d’appel a condamné l’État à verser à l’intéressé une somme correspondant au préjudice financier qu’il avait subi durant la période débutant à la date de prise d’effet de la décision prolongeant la suspension de ses fonctions et s’achevant lors de sa prise de fonction dans un nouvel établissement. Le montant du préjudice subi correspondait à la nouvelle bonification indiciaire et aux indemnités de responsabilité et de sujétions spéciales attachées à son emploi dont il avait été privé au cours de cette période.
En revanche, la cour a estimé que le préjudice moral invoqué par M. X ne pouvait être regardé comme trouvant sa cause dans l’illégalité de la prolongation de la mesure de suspension, relevant que l’administration, en prenant cette décision, s’était bornée à assurer « le bon fonctionnement du service en le suspendant de ses fonctions et en recherchant un nouvel emploi répondant à ses attentes ».
N.B. : Par cet arrêt, la cour administrative d’appel juge logiquement qu’en application de l’article 23 du décret statutaire du 11 décembre 2001, le délai de quatre mois durant lequel un membre du corps des personnels de direction peut être suspendu lorsque son maintien en exercice « serait de nature à nuire gravement au fonctionnement du service public » n’est susceptible d’aucune prolongation. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Personnels d’éducation et de surveillance
Contrat d’assistant d’éducation – Assistants d’éducation chargés de l’aide à la scolarisation des enfants handicapés dont le contrat était en cours d’exécution au 1er janvier 2014 – Possibilité de requalification en contrat à durée déterminée en vertu de l’article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984 (non)
T.A. Pau, 9 mars 2016, n° 1402572
Mme X avait été recrutée pour exercer les fonctions d’aide à la scolarisation des élèves handicapés, d’abord en vertu d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi conclu sur le fondement des dispositions de l’article L. 5134-20 du code du travail, puis en qualité d’assistant d’éducation. Le dernier engagement avait été conclu pour la période courant du 1er septembre 2013 au 31 août 2014.
Se prévalant des dispositions de l’article 6 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, la requérante demandait au tribunal administratif de Pau l’annulation de la décision par laquelle l’inspecteur d’académie, directeur académique des services de l’éducation nationale des Pyrénées-Atlantiques, avait décidé de ne pas renouveler son dernier contrat d’engagement. Ce texte dispose, en son deuxième alinéa, que : « Tout contrat conclu ou renouvelé (…) avec un agent qui justifie d'une durée de services publics de six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par une décision expresse, pour une durée indéterminée ».
Le tribunal a rejeté ces conclusions à fin d’annulation en jugeant que les assistants d’éducation dont le contrat était en cours d’exécution au 1er janvier 2014 n’étaient pas régis par l’article 6 bis précité de la loi du 11 janvier 1984, mais par les dispositions transitoires du II de l’article 124 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, qui disposent que : « (…) L’Etat peut proposer un contrat à durée indéterminée aux assistants d’éducation parvenus, à compter du 1er janvier 2013, au terme de six années d’engagement pour exercer des missions d’aide à l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap (…). »
Il en a conclu que la requérante ne pouvait pas, en tout état de cause, se prévaloir des dispositions de l’article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Établissements d’enseignement privés
PERSONNELS
Maîtres contractuels
Professeur agrégé titulaire d’un contrat définitif de l’enseignement privé sous contrat – Ventilation des heures de service entre plusieurs établissements privés sous contrat – Établissements d’exercice des fonctions – Application aux maîtres de l’enseignement privé sous contrat des règles applicables aux enseignants de l’enseignement public
T.A. Bordeaux, 12 avril 2016, n° 1500604
M. X, professeur agrégé de mathématiques bénéficiaire depuis le 1er septembre 1999 d’un contrat définitif d’exercice dans l’enseignement privé sous contrat, contestait la ventilation de ses services pour l’année scolaire 2014-2015 établie par le recteur de l’académie de Bordeaux. L’intéressé était affecté dans un lycée privé d’enseignement général et technologique pour un service de 4,5 heures et dans le collège du même établissement privé pour un service de 3,5 heures, avec un complément de service de 7 heures dans un lycée professionnel privé.
Par une décision du 19 décembre 2014, le recteur de l’académie de Bordeaux avait refusé de revoir la répartition de ses services d’enseignement. M. X demandait l’annulation de cette décision.
Le tribunal administratif a d’abord écarté le moyen d’illégalité externe tiré du défaut de consultation préalable de la commission consultative mixte paritaire académique. Il a en effet relevé que s’« il résulte [des] dispositions [des articles R. 914-45 et R. 914-77 du code de l’éducation] que la commission consultative mixte [doit être saisie] lors des nominations sur un poste dans un établissement, dans l’un des cinq cas prévus [à l’article R. 914-77], et notamment en cas de mutation, (…) il ne résulte [toutefois] pas de ces textes que la commission ait vocation à donner un avis en cas de modification de service au sein d’un établissement ».
Le juge en a déduit que « M. X, dont la situation n’entre dans aucun des cas visés [à l’article R. 914-77], ne peut utilement soutenir, du seul fait de son changement d’affectation de classe, que l’avis de la commission consultative mixte paritaire académique devait être recueilli lors de la modification de service dont il a fait l’objet ».
S’agissant de la légalité interne de la décision, le tribunal administratif, après avoir rappelé les dispositions de l’article 4 du décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs agrégés du second degré, a indiqué que : « Dès lors que ces dispositions n’établissent pas de distinction entre les lycées professionnels et les lycées d’enseignement général, les professeurs agrégés (…) peuvent (…) être affectés dans l’intérêt du service dans les lycées professionnels. » Le juge a considéré qu’un complément de service de 7 heures pouvait donc être confié à l’intéressé dans un lycée professionnel.
Le tribunal a enfin estimé que, « compte tenu des besoins exceptionnels du service liés à la suppression pour l’année scolaire 2014-2015 (…) de la classe préparatoire dans laquelle l’intéressé enseignait, [son] affectation (…) pour [un service de] 3,5 heures à l’enseignement dans des classes [d’un] collège (…) ne méconnaît pas les dispositions de l’article 4 du décret [du 4 juillet 1972 susmentionné] ».
Le tribunal administratif a, par suite, rejeté la requête formée par M. X.
N.B. : En vertu des dispositions des articles L. 914-1, R. 914-2 et R. 914-3 du code de l’éducation, les maîtres de l’enseignement privé sous contrat se voient appliquer, pour la détermination de leurs conditions et obligations de service, les mêmes règles que celles applicables aux enseignants de l’enseignement public, et notamment, pour les maîtres exerçant dans les établissements d’enseignement privés du second degré sous contrat, celles mentionnées aux articles 4 du décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 et 4 du décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 relatifs au statut particulier, respectivement, des professeurs agrégés de l’enseignement du second degré (décret n° 72-580) et des professeurs certifiés (décret n° 72-581), pour lesquelles le Conseil d’État a jugé qu’elles n’établissent pas de distinction entre les lycées professionnels et les lycées d’enseignement général, de sorte que les professeurs agrégés et certifiés peuvent, dans le respect de leurs statut respectifs, être affectés dans l’intérêt du service dans les lycées professionnels (cf. C.E., 9 juin 2004, Syndicat national de l’enseignement technique-Action autonome, n° 252021).
Un professeur agrégé titulaire d’un contrat définitif de l’enseignement privé sous contrat peut, par ailleurs, être conduit à assurer son service en collège, même si une telle affectation doit revêtir un caractère exceptionnel (cf. C.A.A. Versailles, 19 octobre 2006, n° 05VE01468). ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Responsabilité
QUESTIONS GÉNÉRALES
Réparation du dommage
Conclusions indemnitaires à raison de l'illégalité fautive d'un refus de promotion – Obligation pour le juge de rechercher si l'illégalité a entraîné pour l'intéressé une perte de chance sérieuse d'être promu
C.E., 25 mars 2016, n° 386199, aux tables du Recueil Lebon
Mme X, professeur de l’enseignement supérieur relevant d’un corps de la ville de Paris, avait postulé sans succès à plusieurs reprises à la classe exceptionnelle de ce corps. Estimant que les décisions de ne pas la promouvoir étaient entachées d’illégalité, elle avait demandé la condamnation de la ville de Paris à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu’elle estimait avoir subis du fait de ces décisions.
Le tribunal administratif de Paris, puis la cour administrative d’appel de Paris avaient rejeté sa demande, en relevant que si Mme X établissait que les décisions attaquées avaient été prises à l’issue d’une procédure irrégulière, les décisions en cause étaient justifiées au fond, de sorte que les préjudices invoqués ne pouvaient être regardés comme trouvant leur cause dans les illégalités ainsi commises.
Saisi d’un pourvoi formé contre l’arrêt de la cour par Mme X, le Conseil d’État a censuré ce raisonnement en rappelant qu’il appartient au juge, lorsqu’il est saisi de conclusions indemnitaires à raison de l’illégalité fautive d’un refus de promotion, de rechercher si l’irrégularité de la procédure de promotion n’a pas entraîné pour le requérant une perte de chance sérieuse d’être nommé dans la classe ou le grade supérieur.
Le Conseil d’État a donc annulé l’arrêt et renvoyé l’affaire devant la cour administrative d’appel de Paris.
N.B. : Les juges du fond avaient entendu ici faire application de la jurisprudence du Conseil d’État aux termes de laquelle l’illégalité fautive résultant de l’irrégularité de la procédure suivie ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d’une procédure régulière, un refus aurait pu légalement être opposé à la demande de l’intéressé (cf. C.E. Section, 19 juin 1981, n° 20619, au Recueil Lebon ; C.E., 7 juin 2010, n° 312909, aux tables du Recueil Lebon).
Comme l’illustre cependant la décision commentée, l’application de cette jurisprudence, qui repose ni plus ni moins sur l’exigence d’un lien de causalité direct entre la faute commise et le préjudice invoqué, n’est pas absolue car elle suppose que le juge ait la certitude que l’absence de l’irrégularité de procédure commise n’aurait pas modifié le sens de la décision litigieuse.
Le Conseil d’État n’a donc pas abandonné sa jurisprudence traditionnelle en matière de concours et examens ou de promotion des agents. Ainsi, il avait déjà rappelé qu’il appartient au juge de rechercher si un candidat a perdu une chance sérieuse d’être recruté dans un poste de professeur des universités mis au concours, du fait de l’irrégularité consistant à avoir ajouté à la procédure une audition des candidats non prévue par la réglementation applicable au concours (cf. C.E., 25 novembre 1998, n° 181664, aux tables du Recueil Lebon).
De même, par la décision commentée, le Conseil d’État rappelle qu’un fonctionnaire candidat malheureux à une promotion de grade ou de classe peut obtenir une indemnisation du fait d’une irrégularité de procédure s’il établit avoir perdu, du fait de cette irrégularité de procédure, une chance sérieuse d’obtenir cette promotion. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Procédure contentieuse
COMPÉTENCE DES JURIDICTIONS
Question de compétence – Requalification d’un contrat d’avenir – Indemnisation
T.C., 11 avril 2016, n° 4041
Plusieurs employées de vie scolaire au sein d’un établissement public local d’enseignement avaient été recrutées dans le cadre de « contrats d’avenir », renouvelés par la suite dans le cadre de « contrats uniques d’insertion-contrats d’accompagnement dans l’emploi » à durée déterminée.
Le conseil de prud’hommes avait, par un jugement du 15 octobre 2012, requalifié la relation contractuelle existant entre les requérantes et l’établissement public d’enseignement en contrat à durée indéterminée au motif que l’employeur avait manqué à son obligation de formation. Cette requalification avait eu pour effet de transformer en licenciement la rupture antérieurement notifiée pour « arrivée du terme des contrats ».
Il avait également jugé que la juridiction administrative était seule compétente pour tirer les conséquences indemnitaires résultant de la requalification de ces contrats, puisque le litige tendait à la poursuite d’une relation contractuelle.
Cependant, par un jugement du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Nantes avait estimé que le juge judiciaire était compétent pour statuer sur les demandes indemnitaires présentées par les requérantes. Il avait alors renvoyé au Tribunal des conflits le règlement de la question de compétence.
Le Tribunal des conflits a d’abord rappelé les dispositions de l’article L. 5134-24 du code du travail, selon lesquelles le « “contrat unique d’insertion” (…) est un contrat de travail de droit privé », pour relever qu’« il appartient, en principe, à l’autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l’exécution et de la rupture de tels contrats, même si l’employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif ». À ce titre, le Tribunal a estimé qu’« il (…) incombe [au juge judiciaire] de se prononcer sur une demande de requalification de ces contrats ».
Le Tribunal des conflits a néanmoins précisé « que, d’une part, [lorsque] la contestation met en cause la légalité de la convention passée (…) entre l’État et l’employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; que, d’autre part, le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d’une éventuelle requalification d’un contrat lorsque celui-ci n’entre en réalité pas dans le champ des catégories d’emplois, d’employeurs ou de salariés visées par le code du travail, [ou ] lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence non pas la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat, mais la poursuite d’une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif au-delà du terme du ou des contrats relevant de la compétence du juge judiciaire ».
En l’espèce, il a jugé que les juridictions de l’ordre judiciaire étaient « compétente[s] pour tirer les conséquences (…) de la requalification [des] contrats » puisque celle-ci « n’a[vait] pas eu pour conséquence de placer la relation de travail en dehors du droit privé ni d’entraîner la poursuite d[es] relation[s] contractuelle[s] (…) au-delà du terme du dernier contrat aidé relevant de la compétence judiciaire ».
N.B. : Par un arrêt du 22 novembre 2010, le Tribunal des conflits avait déjà jugé que le juge judiciaire était compétent pour se prononcer sur les litiges nés à propos de la conclusion, de l’exécution, de la rupture ou de l’échéance des contrats d’avenir, sauf lorsqu’était en cause la légalité de la convention passée entre l’État et l’employeur, ou lorsqu’étaient en litige les conséquences d’une requalification du contrat n’entrant pas dans les prévisions de la loi ou d’une requalification ayant pour effet la poursuite au-delà du terme du contrat relevant du juge judiciaire d’une relation contractuelle entre l’agent et la personne publique gérant un service public administratif (cf. T.C., 22 novembre 2010, n° C3789, aux tables du Recueil Lebon). Dans cette dernière situation, on sait en effet que l’agent est, en principe, placé dans une situation relevant du droit public.
Le Tribunal avait transposé cette solution aux « contrats uniques d’insertion » par un arrêt n° 3886 du 17 décembre 2012. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Propriété intellectuelle
Agents publics auteurs d’invention – Prime d’intéressement – Compétence de l’ordre judiciaire
T.C., 11 avril 2016, n° C4049, au Recueil Lebon
Dans le cadre des fonctions qu’il avait occupées en qualité de directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (C.N.R.S.), un agent avait mis au point plusieurs brevets lui ouvrant droit au bénéfice d’un complément de rémunération prévu par l’article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle applicable aux agents de l’État, qui perçoivent ce complément sous la forme d’une prime d’intéressement et d’une prime au brevet d’invention, conformément aux dispositions du I de l'article R. 611-14-1 du même code qui précisent que : « Pour les fonctionnaires ou agents publics de l'État et de ses établissements publics (...) qui sont les auteurs d'une invention (...), la rémunération supplémentaire prévue par l'article L. 611-7 est constituée par une prime d'intéressement aux produits tirés de l'invention par la personne publique qui en est bénéficiaire et par une prime au brevet d'invention. »
Constatant des variations significatives dans le montant des primes d’intéressement qui lui avaient été versées, cet agent avait sollicité du C.N.R.S. la communication de documents lui permettant de vérifier le mode de calcul et l’assiette de ces primes. Estimant insuffisants les documents transmis, il avait saisi le juge des référés du tribunal de grande instance (T.G.I.) de Paris pour obtenir, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, la désignation d’un expert.
À la suite du rejet, par ordonnance de référé, du déclinatoire de compétence qu’il avait présenté au T.G.I., le préfet de la région d’Île-de-France, préfet de Paris, avait élevé le conflit.
Le Tribunal des conflits était ainsi appelé à désigner l’ordre de juridiction compétent pour connaître d’une demande formée par un agent public contre l’établissement public qui l’emploie tendant à obtenir la désignation d’un expert aux fins de faire les comptes entre les parties, après production par le C.N.R.S. des documents nécessaires pour établir le montant des sommes dues au titre de la prime d’intéressement aux produits tirés des inventions dont l’agent est l’auteur.
Le Tribunal des conflits a tout d’abord été amené à se prononcer sur la procédure de conflit, qu’il a jugé régulière au motif que « si le préfet a adressé le déclinatoire de compétence au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, et non au greffe de la juridiction saisie comme le prévoit l’article 19, alinéa 1er, du décret [n° 2015-233] du 27 février 2015 [relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles], il ressort des pièces du dossier que le ministère public a fait connaître son avis et que l’affaire a ensuite été renvoyée pour permettre aux parties de présenter leurs observations sur le déclinatoire [et] que celles-ci ont ainsi été en mesure d’en débattre contradictoirement ».
Le Tribunal des conflits en est ensuite venu à la question de l’ordre juridictionnel compétent pour connaître du litige en cause.
Après avoir notamment rappelé les dispositions du premier alinéa de l'article L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle selon lesquelles : « Les actions civiles et les demandes relatives aux brevets d'invention, y compris dans les cas prévus à l'article L. 611-7 ou lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire, à l'exception des recours formés contre les actes administratifs du ministre chargé de la propriété industrielle qui relèvent de la juridiction administrative », le Tribunal des conflits a jugé qu'« il résulte de la combinaison [des] dispositions [de cet article et des articles L. 611-7 et R. 611-14-1 du code de la propriété intellectuelle] que le contentieux relatif à la rémunération supplémentaire des inventions des fonctionnaires ou agents publics de l'État et de ses établissements publics relève de la compétence de la juridiction judiciaire ».
La juridiction judiciaire est compétente « sous la réserve faite à l'article L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle, et sauf à renvoyer à la juridiction administrative, par voie de question préjudicielle, l'appréciation de la légalité d'un acte administratif dont dépendrait la solution du litige, lorsque la question soulève une difficulté sérieuse et qu'il n'apparaît pas manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ».
Le Tribunal des conflits a alors jugé « qu’en l’espèce, (…) la mesure d'instruction sollicitée a pour objet d'obtenir la production des éléments susceptibles d'établir le montant des primes d'intéressement dues à [l’agent] en sa qualité d'inventeur ou de co-inventeur des brevets dont le C.N.R.S. est titulaire ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'un tel litige relève de la compétence de la juridiction judiciaire ».
N.B. : Les dispositions législatives et réglementaires relatives au Tribunal des conflits ont fait l’objet de modifications en 2015, portant notamment sur la procédure à suivre dans le cadre d’un conflit positif.
Ainsi, il résulte des dispositions de l’article 13 de la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-777 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, et de celles de l’article 19 du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles que, dans le cas d’un tel conflit, le préfet adresse désormais directement au greffe de la juridiction saisie un déclinatoire de compétence, et non plus comme auparavant au procureur de la République.
La circonstance que le déclinatoire aurait été transmis au procureur de la République suivant la procédure antérieurement applicable n’entache toutefois pas d’irrégularité la procédure de conflit si les parties ont été mises à même, comme en l’espèce, de présenter leurs observations sur le déclinatoire et qu’il n’a ainsi pas été porté atteinte au principe du contradictoire (cf. T.C., 16 novembre 2015, n° 4036).
La désignation de l’ordre judiciaire pour connaître des litiges relatifs à la rémunération supplémentaire, sous la forme d’une prime d’intéressement, des inventions des fonctionnaires ou agents publics de l'État et de ses établissements publics, par la décision du Tribunal des conflits ici commentée, s’inscrit dans le cadre de l’institution par le législateur d’un large bloc de compétences au profit du juge judiciaire en matière de brevets d’invention (cf. T.C., 7 juillet 2014, n° C3954, au Recueil Lebon ; T.C., 7 juillet 2014, n° C3955, au Recueil Lebon ; T.C., 12 octobre 2015, n° C4023, aux tables du Recueil Lebon), logique que poursuit par ses dispositions l’article L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle qui fait référence à l’article L. 611-7 applicable, en vertu de son point 5, aux fonctionnaires et agents publics.
Les réserves émises par le Tribunal des conflits à cette compétence du juge judiciaire tiennent, d’une part, aux dispositions mêmes de l’article L. 615-17 qui attribuent au juge administratif les recours formés contre les actes administratifs du ministre chargé de la propriété industrielle et, d’autre part, à la compétence du juge administratif pour apprécier, par voie de question préjudicielle, la légalité d’un acte administratif dont dépendrait la solution d’un litige dont est saisi au principal le juge judiciaire et qu’il est manifeste, au vu de la jurisprudence, que ce dernier ne peut accueillir la contestation (cf. T.C., 17 octobre 2011, n° C3828, au Recueil Lebon). ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Technologies de l’information et de la communication (TIC)
FICHIERS (TRAITEMENTs AUTOMATISÉS DE DONNÉES)
Base élèves premier degré – Base nationale des identifiants élèves – Droit d’opposition – Compétence du recteur d’académie et de l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’éducation nationale, pour statuer sur les oppositions (oui)
C.E., 27 juin 2016, n° 392145, aux tables du Recueil Lebon
La requérante avait demandé à la cour administrative d’appel de Paris d’annuler le jugement du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande d’annulation d’une décision du 24 novembre 2010 par laquelle le recteur de l’académie de Pais avait rejeté l’opposition qu’elle avait formée à l’inscription de données relatives à ses enfants dans les traitements de données à caractère personnel dénommés « base élèves premier degré » (B.E.1D.) et « base nationale des identifiants élèves » (B.N.I.E.).
La cour administrative d’appel avait fait droit à sa requête en jugeant que ni le recteur d’académie, ni l’inspecteur d’académie ne tiraient de l’arrêté du 20 octobre 2008 portant création de la base B.E.1D. ou des articles R*. 222-25 et R*. 222-26 (alors applicable) du code de l’éducation compétence pour statuer, en lieu et place du ministre de l’éducation nationale, seul responsable des traitements de données B.E.1D. et B.N.I.E., dont il est à l’origine et qui procèdent d’une compétence exercée au plan national, sur les oppositions qu’elle avait formées au nom de ses enfants mineurs.
Saisi d’un pourvoi en cassation formé par le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, le Conseil d’État a annulé cet arrêt de la cour administrative d’appel de Paris.
Le Conseil d’État a d’abord rappelé les dispositions du I de l’article 3 et de l’article 38 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, et des articles 90 et 94 du décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour l’application de cette loi, pour retenir « qu’il résulte de ces dispositions que si la personne responsable du traitement, au sens du I de l’article 3 de la loi du 6 janvier 1978, est, en principe, celle auprès de laquelle s’exerce le droit d’opposition, ni cette loi, ni le décret du 20 octobre 2005 pris pour son application ne font obstacle à ce qu’elle délègue sa compétence en la matière ».
Le Conseil d’État a ensuite relevé « que ni l’arrêté du 20 octobre 2008 portant création de la B.E.1D., ni la déclaration de création de la B.N.I.E. faite le 15 février 2006 (…) à la Commission nationale de l’informatique et des libertés par le ministre chargé de l’éducation nationale (…) ne comportent de disposition déléguant la compétence du ministre chargé de l’éducation nationale en matière d’exercice du droit d’opposition ».
II a toutefois retenu qu’il résultait des dispositions des articles R*. 222-25 et R*. 222-26 du code de l’éducation, dans leur rédaction applicable au litige, que : « Sous réserve des attributions dévolues au préfet (...), le recteur (…) [et] l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’éducation nationale, pour l’exercice des missions relatives au contenu et à l’organisation de l’action éducatrice (…), pren[nent] les décisions dans les matières entrant dans le champ de compétences du ministre chargé de l’éducation (…) exercées, pour le recteur, à l’échelon (…) de l’académie et des services départementaux de l’éducation nationale, et pour l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’éducation nationale, à l’échelon du département ».
Il a alors jugé « que les finalités [respectives] de la B.E.1D., (…) [qui sont] d’assurer la gestion administrative et pédagogique des élèves du premier degré, la gestion et le pilotage de l’enseignement du premier degré dans les circonscriptions scolaires du premier degré et les inspections académiques, [ainsi que] le pilotage académique et national, comme celle de la B.N.I.E., qui est d’attribuer un identifiant unique à chaque élève afin de permettre le suivi de toute sa scolarité, concourent aux missions relatives à l’action éducatrice et à son organisation, au sens des dispositions des articles R*. 222-25 et R*. 222-26 du code de l’éducation ».
Il a enfin relevé « que l’article 2 [de l’]arrêté du 20 octobre 2008 prévo[it] la mise en œuvre de la B.E.1D. au niveau des établissements, des circonscriptions scolaires et des inspections d’académie et [que] l’article 6 réserv[e] l’accès aux données au niveau national au seul service ministériel des statistiques (…) [et] qu’il ressort des pièces du dossier qu’il en va de même en ce qui concerne la B.N.I.E. », pour en déduire que « la compétence en matière d’exercice du droit d’opposition [à l’enregistrement de données à caractère personnel dans la B.E.1D. et la B.N.I.E.] doit être regardée comme étant exercée à l’échelon départemental des services de l’éducation nationale ».
N.B. : En jugeant par la présente décision que l’inspecteur d’académie, directeur académique des services de l’éducation nationale, a bien compétence pour statuer sur les oppositions à l’enregistrement de données à caractère personnel dans la B.E.1D. et la B.N.I.E., le Conseil d’État confirme ce qu’il avait déjà implicitement retenu, en ne soulevant pas le moyen d’ordre public tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision contestée, dans sa décision n° 384869 du 18 novembre 2015, publiée dans la LIJ n° 191 de janvier 2016.
Enfin, il convient également de souligner que le Conseil d’État a rendu cette décision du 27 juin 2016 en se fondant sur les dispositions des articles R*. 222-25 et R*. 222-26 du code de l’éducation dans leur rédaction en vigueur en novembre 2010 et mars 2011, dates des décisions administratives contestées, autrement dit dans leur rédaction applicable avant leur modification par le décret n° 2012-16 du 5 janvier 2012 relatif à l’organisation académique, décret qui a modifié substantiellement les articles R.* 222-16 et suivants du code de l’éducation, parmi lesquels l’article R*. 222-25, et abrogé l’article R*. 222-26.
Il ne fait cependant pas de doute que le Conseil d’État conclurait de la même façon à la compétence du recteur d’académie et de l’inspecteur d’académie pour statuer sur les oppositions à l’inscription de données dans les traitements B.E.1D. et B.N.I.E. en se fondant sur la combinaison des dispositions des articles R.* 222-19, R. 222-19-3, R. 222-24 et R*. 222-25 du code de l’éducation dans leur rédaction issue du décret du 5 janvier 2012, qui prévoient désormais que le recteur est la seule autorité compétente dans l’académie pour prendre les décisions entrant dans le champ de compétences du ministre chargé de l'éducation et du ministre chargé de l'enseignement supérieur, exercées à l'échelon de l'académie et des services départementaux de l'éducation nationale, et qu’il a pour adjoints les inspecteurs d’académie, directeurs académiques des services de l’éducation nationale, qui disposent d’une délégation de signature du recteur pour agir en son nom dans le département dont ils ont la charge.
Encore faut-il relever que, désormais, c’est en « agissant par délégation du recteur d’académie » que l’I.A.-DASEN décide des suites à donner à l’opposition formée devant lui. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
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