Enseignement : questions générales
PRINCIPES GÉNÉRAUX
Laïcité
Principe de laïcité – Port de vêtements ou de signes manifestant l’appartenance à une religion – Établissement d’enseignement supérieur – Distinction des qualités d’usager et de stagiaire dans le cadre des études dans un institut de formation en soins infirmiers – Liberté, en qualité d’étudiant, de faire état de ses croyances religieuses, sous réserve de ne pas perturber le déroulement des activités d'enseignement et le fonctionnement normal du service public – Obligation, en qualité de stagiaire dans un établissement de santé, de respecter les obligations qui s'imposent aux agents du service public hospitalier ou le règlement intérieur de l’établissement ne poursuivant pas une mission de service public
C.E., 28 juillet 2017, n° 390740, aux tables du Recueil Lebon
L’annexe IV de l’arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux a défini un règlement intérieur type de ces instituts de formation, dont les règlements intérieurs doivent au minimum comporter les règles qu’il fixe, notamment celle que prévoit le deuxième alinéa du chapitre Ier de son titre II, aux termes duquel : « Les signes et les tenues qui manifestent ostensiblement l'appartenance à une religion sont interdits dans tous les lieux affectés à l'institut de formation, ainsi qu'au cours de toutes les activités placées sous la responsabilité de l'institut de formation ou des enseignants, y compris celles qui se déroulent en dehors de l'enceinte dudit établissement. »
Saisi par des élèves d’un institut de formation en soins infirmiers d’un recours contre cette disposition, le Conseil d’État a constaté son illégalité en tant qu’elle pose une interdiction de caractère général, sans distinguer selon les situations dans lesquelles peuvent se trouver les élèves : usagers du service public de l’enseignement supérieur lorsqu’ils suivent leur formation dans un établissement d’enseignement supérieur lors de leur formation théorique et pratique, mais stagiaires dans un établissement de santé lors de leur formation clinique.
En effet si, en application de l’article L. 811-1 du code de l’éducation, les étudiants disposent de la « liberté (…) d'expression à l'égard des problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels (…), dans des conditions qui ne portent pas atteinte aux activités d'enseignement et de recherche et qui ne troublent pas l'ordre public » et sont donc, « sauf lorsqu’ils suivent un enseignement dispensé par un lycée public [compte tenu des dispositions de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation], libres de faire état de leurs croyances religieuses, y compris par le port de vêtement ou de signes manifestant leur appartenance à une religion, sous réserve de ne pas perturber le déroulement des activités d'enseignement et le fonctionnement normal du service public, notamment par un comportement revêtant un caractère prosélyte ou provocateur », il n’en va pas de même lorsqu’ils effectuent leur formation clinique sous forme de stage dans un établissement de santé.
Dans ce dernier cas, le Conseil d’État a rappelé « que lorsqu’ils effectuent un stage dans un établissement de santé chargé d’une mission de service public, les élèves infirmiers doivent respecter les obligations qui s'imposent aux agents du service public hospitalier ; que s'ils bénéficient de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination fondée sur la religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu'ils manifestent leurs croyances religieuses dans le cadre du service public ; que, lorsque les élèves infirmiers effectuent leur stage dans un établissement n'ayant aucune mission de service public, ils doivent respecter, le cas échéant, les dispositions du règlement intérieur de cet établissement qui fixent les conditions dans lesquelles ses agents peuvent faire état de leurs croyances religieuses ».
Par cette décision, le Conseil d’État a également précisé que, dans le cas où leur formation théorique se déroule dans un lycée public, les élèves des instituts de formation paramédicaux sont soumis aux obligations posées par l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation, aux termes duquel : « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit », faisant ainsi prévaloir la nature de l’établissement où sont dispensés les cours sur le principe de liberté d’expression dont disposent les élèves en leur qualité d’étudiants de l’enseignement supérieur.
N.B. : Dans cette affaire, le Conseil d’État ne se contente pas de rappeler les termes de ses jurisprudences en matière de liberté d’expression des étudiants (C.E., 26 juillet 1996, Université de Lille-II, n° 170106, aux tables du Recueil Lebon) et de neutralité des agents du service public (jurisprudence qui est également celle de la Cour européenne des droits de l’homme : voir son arrêt du 26 novembre 2015, n° 64846/11, Ebrahimian c/ France) en les appliquant aux différentes situations dans lesquelles se trouve l’élève infirmier, mais apporte une précision supplémentaire sur la situation des étudiants dont la formation paramédicale se déroulerait dans un lycée public.
Sur ce dernier point, cette décision du Conseil d’État est à rapprocher de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris n° 16PA01319 du 20 juin 2017, qui a également fait prévaloir la nature de l’établissement (lycée) sur celle des formations (exclusivement d’enseignement supérieur) dispensées par l’école nationale de commerce de Paris, établissement ayant le statut d’E.P.L.E. qui « entre dès lors dans le champ d'application de l'article L. 141-5-1 précité, sans que puisse lui être opposée la circonstance qu'elle ne dispenserait que des formations préparant soit aux grandes écoles, soit à l'obtention d'un brevet de technicien supérieur ».
Cette décision du Conseil d’État conforte également les réponses apportées par la direction des affaires juridiques à des questions relatives au port de tenues ou signes religieux par les élèves des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE). Pendant leur stage en ESPE qui comporte des périodes de mise en situation professionnelle dans un établissement scolaire et des périodes de formation dans les locaux de l’école, les personnels enseignants et d’éducation stagiaires exercent leurs fonctions de fonctionnaires stagiaires et sont, à ce titre, soumis aux obligations qui s’imposent aux agents publics, qu’ils soient ou non en contact avec le public. Par conséquent, ils ne peuvent porter un signe ou une tenue manifestant ostensiblement leur appartenance religieuse.
Il n’en va toutefois pas de même pour les étudiants qui suivent une formation dans ces mêmes ESPE sans avoir la qualité de fonctionnaires stagiaires et, par conséquent, sans être agents de la fonction publique. En leur qualité d’usagers d’un établissement public d’enseignement supérieur, ils ne peuvent se voir refuser l’accès aux formations qui y sont dispensées pour la seule raison qu’ils porteraient un signe ou une tenue manifestant une appartenance religieuse, à la condition toutefois que le port de ces signes ou tenues ne compromette pas, par les conditions dans lesquelles ils seraient portés ou par leur nature, la santé ou la sécurité des étudiants durant les enseignements qui exigent le port de tenues appropriées tels que l’éducation physique, les travaux pratiques de chimie, de mécanique ou de biologie par exemple (cf. C.E., 10 mars 1995, Époux Aoukili, n° 159981, au Recueil Lebon ; C.E., 20 octobre 1999, Ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie c/ Époux Ait Ahmad, n° 181486, aux tables du Recueil Lebon).
Par ailleurs, ces étudiants doivent respecter le principe général selon lequel la liberté d’expression qui leur est reconnue ne peut avoir pour effet de perturber le déroulement des activités d’enseignement et de recherche ou de troubler le fonctionnement normal du service public d’enseignement.
Enfin, ces mêmes étudiants, au cours des stages qu’ils sont amenés à effectuer en E.P.L.E. lors de leur formation, sont soumis à l’exigence de neutralité et ne pourront faire état de leur appartenance religieuse par le port de signes ou tenus manifestant ostensiblement leur appartenance religieuse. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Enseignement scolaire
QUESTIONS GÉNÉRALES
Relations des établissements scolaires avec les collectivités territoriales (questions communes)
RESTAURATION SCOLAIRE
Collèges – Restauration scolaire – Collectivités territoriales – Département – Dépenses obligatoires – Transfert de compétence de l’État au département
C.A.A. Nantes, 10 février 2017, Commune de Fondettes, n° 15NT01973
Se prévalant du transfert par l’État aux départements de la mission de restauration dans les collèges, opéré par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, une commune avait demandé au département de prendre en charge le service public de la restauration scolaire au collège qu’elle assurait auparavant par le biais d’une délégation de service public attribuée à un prestataire privé. Le département n’ayant pas fait droit à cette demande, la commune avait réclamé le remboursement des sommes qu’elle estimait avoir indûment supportées entre le 1er janvier 2005, date d’entrée en vigueur de la loi du 13 août 2004, et le 31 mars 2010, date à laquelle le service de restauration scolaire au collège avait été confié au syndicat mixte de gestion créé par la commune et le département.
La requête de la commune tendant à ce que soit annulée la décision du président du conseil départemental refusant de faire droit à sa demande avait été rejetée en première instance et en appel. Le Conseil d’État, par une décision n° 376226 du 19 juin 2015, avait prononcé l’annulation de l’arrêt au motif que la cour administrative d’appel avait omis de statuer sur plusieurs moyens.
La cour administrative d’appel de Nantes, statuant sur renvoi, a jugé, sur le fondement notamment de l’article L. 213-2 du code de l’éducation, qu’à compter du 1er janvier 2005, les départements avaient, en vertu de la loi, la charge de la restauration dans les collèges et qu’ils étaient donc tenus d’assurer ce service public, les dépenses afférentes étant pour eux des dépenses obligatoires. À cet égard, la cour administrative d’appel a rappelé que le président du conseil départemental devait notamment faire connaître en temps utile aux chefs d’établissement les moyens que la collectivité territoriale départementale décidait d’allouer à chaque établissement pour assurer la restauration des collégiens, ainsi que les modalités de gestion du service public de la restauration scolaire.
La cour administrative d’appel a également souligné que le principe de libre administration des collectivités territoriales ne saurait faire échec à la répartition des compétences entre collectivités telle qu’elle est définie par la loi.
Par conséquent, la cour administrative d’appel a jugé que la carence du département dans la mise en œuvre de ses obligations légales était constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité et l’a condamné à indemniser la commune de ses préjudices.
Restauration scolaire – Menu de substitution – Intérêt supérieur de l’enfant
T.A. Dijon, 28 août 2017, n° 1502100 et n° 1502726
Alors qu’il s’agissait d’une pratique établie depuis de nombreuses années, le maire d’une commune avait décidé, en arguant du nécessaire respect du principe de laïcité, de ne plus proposer, à compter de la rentrée scolaire suivante, des repas de substitution dans les cantines scolaires les jours où le menu comportait de la viande de porc. Le conseil municipal de cette commune avait entériné cette décision en approuvant le règlement des restaurants scolaires en ce qu’il supprimait tout menu de substitution.
Une association avait formé un recours en annulation contre cette décision, estimant notamment qu’elles portait atteinte à la liberté de conscience et de culte des élèves et violaient l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) qui prévoit que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une « considération primordiale » dans toutes les décisions le concernant.
Le tribunal administratif saisi de cette requête a rappelé que si le service public de la restauration scolaire a un caractère facultatif et qu’aucune disposition ni aucun principe n’impose l’obligation de proposer aux enfants un menu de substitution, une attention primordiale à l’intérêt supérieur de l’enfant doit être accordée par l’auteur de la décision qui met fin à la pratique en vigueur du menu de substitution, dans la mesure où cette décision affecte de manière suffisamment directe et certaine la situation des enfants fréquentant la cantine scolaire.
Le tribunal a relevé qu’une contrainte technique ou financière pouvait certes légalement motiver une adaptation du service public de la restauration scolaire telle que la suppression des repas de substitution, mais qu’en l’espèce, la décision attaquée, qui se fondait sur une position de principe se référant à une conception de la laïcité, n’était pas, de ce fait, motivée par l’existence d’une telle contrainte.
En outre, le tribunal a écarté le moyen que faisait valoir la commune en défense, tiré de la méconnaissance de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 et de l’article 226-16 du code pénal du fait que, par le passé, lorsqu’un repas de substitution était servi aux enfants, ceux-ci étaient fichés et regroupés par tables selon leur choix, permettant ainsi d’identifier leur religion. Le tribunal a jugé que la commune ne démontrait pas qu’une organisation différente de la cantine permettant d’éviter ces regroupements des enfants aurait été impossible à mettre en œuvre.
Le tribunal administratif de Dijon a donc annulé les décisions attaquées au motif qu’elles ne pouvaient être regardées comme ayant accordé, au sens de l’article 3-1 de la CIDE, une attention primordiale à l’intérêt supérieur des enfants concernés par la suppression des menus de substitution dans les cantines scolaires municipales. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Élèves en situation de handicap – Temps périscolaire – Restauration scolaire – Répartition des compétences entre l’État et la commune – Prise en charge financière de l’accompagnement des élèves handicapés pendant le temps périscolaire
T.A. Pau, 5 octobre 2017, n° 1600287
Un directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) avait opposé un refus à la demande d’une commune tendant à ce que l’État prenne en charge financièrement l’accompagnement d’un élève en situation de handicap pendant le temps périscolaire, au motif que cette prise en charge incombait à la commune responsable de l’organisation des activités périscolaires. La commune demandait l’annulation de cette décision.
Le tribunal administratif de Pau a d’abord rappelé qu’il résulte des dispositions des articles L. 112-1, L. 351-3 et L. 917-1 du code de l’éducation que l’État doit, au titre de sa mission d’organisation générale du service public de l’éducation et dans le but de conférer un caractère effectif au droit à l’éducation et à l’obligation scolaire pour les enfants handicapés, prendre en charge l’accompagnement des élèves handicapés pour exercer, y compris en dehors du temps scolaire, des fonctions d’aide à l’inclusion scolaire.
Le tribunal a ensuite cité les dispositions de l’article L. 917-1 du code de l’éducation, aux termes desquelles les accompagnants des élèves en situation de handicap (A.E.S.H.) peuvent être mis à la disposition des collectivités territoriales dans les conditions prévues à l’article L. 916-2 du même code, notamment pour participer aux activités organisées en dehors du temps scolaire. Il a retenu qu’en l’absence de disposition spécifique prévue par le décret n° 2014-724 du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement et d'emploi des accompagnants des élèves en situation de handicap, cette mise à disposition s’effectue dans les conditions prévues par l’article 33-1 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État, qui précisent que, sauf exception, cette mise à disposition donne lieu à remboursement.
Le tribunal administratif a déduit de la combinaison de ces dispositions législatives et réglementaires que lorsqu’un A.E.S.H. est mis à la disposition d’une collectivité territoriale pour accompagner un élève dans une activité périscolaire ne pouvant être regardée comme tendant à l’inclusion scolaire, la prise en charge financière de cette mise à disposition incombe à la collectivité territoriale.
En l’espèce, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (C.D.A.P.H.) avait accordé à l’élève handicapé un accompagnement de deux heures pendant le temps périscolaire, sans plus de précision, et les parents avaient demandé à ce que leur fille bénéficie de cet accompagnement pendant le temps de la restauration scolaire.
Le tribunal a retenu que ce temps de restauration scolaire, qui n’est pas compris dans le temps scolaire et dont aucune pièce du dossier ne démontrait en l’espèce qu’il aurait été consacré à des activités de soutien à l’enseignement, ne pouvait pas être regardé comme consacré à une mission d’aide à l’inclusion scolaire. Il en a déduit que la mise à disposition d’un A.E.S.H. pour accompagner l’élève pendant le temps de la restauration scolaire n’était pas nécessaire à la mise en œuvre effective de son droit à l’éducation et il a, par suite, jugé que le DASEN pouvait légalement opposer un refus à la demande de la commune et rejeté, pour ce motif, la requête de la commune tendant à l’annulation de cette décision. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Enseignement supérieur et recherche
ADMINISTRATION ET FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE RECHERCHE
Comités d'hygiène, de sécurité, et des conditions de travail (C.H.S.C.T.) – Répartition des compétences entre comité central et comité local
T.A. Paris, 22 mars 2017, Syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique et autres, n° 1601865
Des représentants syndicaux titulaires au comité central d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (C.C.H.S.C.T.) du Centre national de la recherche scientifique (C.N.R.S.) avaient demandé la convocation des membres de ce comité central à une réunion supplémentaire à l’ordre du jour de laquelle ils souhaitaient l’inscription, d’une part, de la restructuration interne de l’Institut national de l’information scientifique et technique (INIST), structure opérationnelle d’un service relevant d’une délégation régionale du C.N.R.S. et, d’autre part, de la fusion de services de directions régionales du C.N.R.S.
Le président du C.N.R.S. avait refusé de faire droit à cette demande de séance supplémentaire du C.C.H.S.C.T. en faisant valoir que ces questions relevaient de la compétence des comités régionaux d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (C.R.H.S.C.T.) des délégations régionales du C.N.R.S. concernées, lesquels avaient été consultés sur les projets en question.
Le tribunal administratif de Paris n’a pas fait droit à la demande d’annulation de cette décision du président du C.N.R.S. dont l’avaient saisi les syndicats requérants en rappelant, par son jugement du 22 mars 2017, la clef de répartition des compétences entre le C.H.S.C.T. central et les C.H.S.C.T. locaux.
En premier lieu, le tribunal, après avoir cité les dispositions de l’article 70 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique, a rappelé « que les membres du comité hygiène, sécurité et conditions de travail ne doivent être convoqués à une réunion supplémentaire (…) qu’à la condition que [les] questions [inscrites à l’ordre du jour de cette séance] relèvent de la compétence de cette instance, tant par leur objet que par leur incidence sur le personnel et les services pour lesquels cette instance a été créée et qui circonscrivent son champ de compétence ».
En second lieu, le tribunal a jugé qu’il résulte des dispositions des articles 47 et 49 du même décret du 28 mai 1982 « que les comités d’hygiène, de sécurité, et des conditions de travail disposent d’un domaine de compétence correspondant au périmètre des services pour lesquels ils ont été instaurés et auxquels ils sont rattachés » et « qu’il en résulte, s’agissant de l’articulation des compétences du comité central d’un établissement public et de celles de ses comités locaux, que les questions qui ne concernent que les seuls personnels des services pour lesquels un comité local est compétent, et sur lesquelles celui-ci a été consulté, n’ont pas à faire l’objet d’un examen supplémentaire par le comité central d’établissement ».
En l’espèce, le tribunal a relevé « qu’il appartient au C.C.H.S.C.T. du C.N.R.S. de connaître des seules questions relatives à la santé, la sécurité ou aux conditions de travail affectant de façon transversale l’ensemble des personnels de l’établissement public et que cette instance ne peut valablement se saisir, à la demande de ses représentants, de l’examen de questions qui, ne concernant que les personnels d’une ou plusieurs délégations régionales, ont déjà été examinées par le ou les comités régionaux compétents ».
Le tribunal en a conclu que les requérants n’étaient pas fondés « à soutenir que le C.C.H.S.C.T. du C.N.R.S. disposerait d’une compétence générale lui permettant de se saisir lui-même de l’examen d’une question qui, n’affectant que les personnels d’une ou plusieurs délégations régionales auprès de laquelle un comité régional a été créé, aurait déjà été examinée par ce comité régional », comme c’était le cas en l’espèce de la restructuration interne de l’INIST et de la fusion de services de délégations régionales. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Examens et concours
ORGANISATION
Composition du jury
Recrutement des enseignants-chercheurs – Comité de sélection – Jury d’examen lorsque, sur le fondement de l’article 9-2 du décret du 6 juin 1984, il examine les dossiers des candidats à une nomination et établit la liste des candidats qu’il souhaite entendre – Existence de liens personnels entre un membre du jury d’un examen ou d’un concours et un candidat – Principe d’impartialité du jury d’un examen ou d’un concours – Déport du membre du jury d’examen concerné – Manquement au principe d’impartialité (non) – Application du principe d’unicité du jury de concours (non)
C.E., 7 juin 2017, n° 382986, aux tables du Recueil Lebon
La candidature de la requérante à un poste de professeur des universités avait été rejetée par le comité de sélection qui avait décidé de ne pas l’auditionner, conformément aux pouvoirs qu’il tient de l’article 9-2 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences. La requérante demandait notamment l’annulation de la délibération du comité de sélection qui ne l’avait pas retenue parmi les candidats qu’il souhaitait auditionner.
L’intéressée, qui avait quelques années auparavant entretenu avec le président du comité de sélection des relations personnelles et professionnelles très étroites, devenues par la suite conflictuelles, invoquait la méconnaissance du principe d’impartialité du jury.
Si, en vertu d’une jurisprudence constante, la seule circonstance qu’un membre du jury d’un examen ou d’un concours connaisse un candidat ne suffit pas, à elle seule, à établir un manquement au principe d’impartialité du jury, ce principe est méconnu lorsqu’un membre de jury participe, de quelque manière que ce soit, aux interrogations et aux délibérations qui concernent un candidat avec lequel il entretient ou a entretenu « des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles qui seraient de nature à influer sur son appréciation » (cf. C.E. Section, 18 juillet 2008, n° 291997, au Recueil Lebon, pour un jury d’examen ; C.E.,
8 juin 2015, n° 370539, aux tables du Recueil Lebon, pour un jury de concours).
Par la décision du 18 juillet 2008, le Conseil d’État a également précisé qu’un membre de jury d’examen n’a pas à s’abstenir de participer aux interrogations et délibérations de l’ensemble des candidats, mais doit seulement s’abstenir de connaître de la situation du candidat avec lequel il a ou a eu des liens de nature à influer sur son appréciation.
Dans la présente décision du 7 juin 2017, le Conseil d’État a fait application de ce principe en jugeant que, lors de la première phase d’examen des candidatures par le comité de sélection, au terme de laquelle le comité fixe la liste des candidats qu’il souhaite auditionner, « il appartient à tout membre du comité qui aurait, avec l'un des candidats, des liens de nature à influer sur son appréciation, de s'abstenir de participer tant aux rapports sur ce candidat qu'à la décision particulière par laquelle le comité de sélection choisit, ou non, de procéder à l'audition de ce candidat ».
En l’espèce, le Conseil d’État a estimé qu’en raison de leur nature et de leur caractère récent, les liens entre la candidate et le président du comité de sélection étaient de nature à influer sur l’appréciation que ce dernier pouvait être amené à porter, en tant que membre du comité de sélection, sur les mérites professionnels de la candidate.
Il a toutefois relevé que le président du comité de sélection n’avait pas été rapporteur du dossier de la requérante et que les deux rapporteurs du dossier de cette dernière n’avaient aucun lien avec le centre universitaire dans lequel le président et la requérante avaient tous deux exercé, que le président n’avait pas pris part aux débats du comité de sélection portant sur le choix d’auditionner ou non cette candidate et qu’il n’avait à aucun moment formulé d’avis à son égard.
Le Conseil d’État a conclu qu’« alors même que M. X [le président du comité] a été présent lors de la délibération litigieuse par laquelle le comité de sélection a récapitulé la liste globale des candidats qui ne seraient pas auditionnés et que, en sa qualité de président du comité, il l’a signée, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la décision qu’elle attaque a méconnu le principe d’impartialité ».
En revanche, regardant le comité de sélection comme un jury d’examen lorsqu’il se prononce sur les mérites des candidats pour choisir, ou non, de les entendre, le Conseil d’État a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’unicité des jurys de concours, qu’il a dégagé du principe d’égalité de traitement des candidats à un concours (cf. C.E., 30 mars 1968, Ministre de l’éducation nationale c/ Schmitt et dame Delmares, n° 68699, au Recueil Lebon), en jugeant « qu’aucune règle ni aucun principe n'imposent que, lorsqu'il se prononce sur les mérites des candidats pour choisir ou non de les entendre, le comité de sélection statue dans une composition strictement identique pour tous les candidats ; qu'il résulte au contraire de ce qui a été dit (…) qu'il appartenait à M. X de ne pas prendre part aux délibérations concernant Mme Y ; que, par suite, Mme Y n'est pas fondée à soutenir qu'en se prononçant sur son cas sans la participation de M. X, la décision attaquée aurait méconnu le principe d'égalité entre les candidats ».
N.B. : Par cette décision n° 382986 du 7 juin 2017, le Conseil d’État apporte une précision importante quant à la qualité du comité de sélection selon la phase de la procédure de recrutement au titre de laquelle il statue : s’il constitue en principe un jury de concours (cf. C.E., 15 décembre 2010, Syndicat national de l’enseignement supérieur et autres, n° 316927 et n° 316986, au Recueil Lebon), il n’agit toutefois pas en cette qualité, mais en qualité de jury d’examen lorsqu’il procède, en application de l’article 9-2 du décret du 6 juin 1984, à la sélection des candidats qu’il souhaite auditionner. En cette qualité de jury d’examen, le principe d’unicité du jury de concours ne lui est pas applicable et il n’est donc pas tenu, dans ce cas, de statuer dans une composition identique pour tous les candidats. Comme pour tout jury d’examen, l’un de ses membres peut ainsi s’abstenir de prendre part aux interrogations et aux délibérations qui concernent un candidat avec lequel il entretient ou a entretenu des liens de nature à influer sur son appréciation, sans pour autant renoncer à participer aux délibérations du jury pour l’ensemble des autres candidats (cf. LIJ n° 199, juillet 2017, rubrique « Le point sur » : Étude de la jurisprudence du Conseil d’État sur la question de l’impartialité des comités de sélection pour le recrutement des enseignants-chercheurs). ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Délibérations du jury
Souveraineté du jury – Examen professionnel – Seuil d’admission – Appréciation des mérites des candidats
C.E., 12 mai 2017, n° 396335, aux tables du Recueil Lebon
Une attachée territoriale avait obtenu une moyenne de 10,25 sur 20 à un examen professionnel d’accès au grade d’attaché principal territorial. L’arrêté fixant les modalités de l’examen professionnel prévoyait que, d’une part, toute note inférieure à 5 sur 20 à l’une des épreuves entraînait l’élimination du candidat et que, d’autre part, un candidat ne pouvait être déclaré admis si la moyenne de ses notes à l’ensemble des épreuves était inférieure à 10 sur 20. Le jury avait toutefois fixé le seuil d’admission à la note de 11 sur 20. La candidate n’avait donc pas été admise à cet examen professionnel.
La requérante avait formé un recours en annulation contre la délibération du jury arrêtant la liste des candidats admis en tant que son nom n’y figurait pas. Le tribunal administratif avait rejeté sa requête, mais la cour administrative d’appel, annulant ce jugement de première instance, avait fait droit à la demande d’annulation présentée par la requérante, en jugeant que la fixation de la note minimale exigée pour être admis à l’issue des épreuves d’un examen professionnel constituait un élément de l’organisation de cet examen et que le jury n’avait donc pas compétence pour arrêter un seuil minimal d’admission des candidats supérieur à celui qui était prévu par l’arrêté fixant les modalités d’organisation de l’examen.
Saisi d’un pourvoi en cassation par le centre de gestion de la fonction publique territoriale concerné, le Conseil d’État a jugé au contraire que le jury de l’examen professionnel pouvait, en vertu de son pouvoir souverain d’appréciation des mérites des candidats, arrêter, après examen des résultats des épreuves, un seuil d’admission supérieur au seuil minimal fixé par la réglementation de l’examen professionnel dès lors que cette réglementation, à l’instar de l’article 4 de l’arrêté du 17 mars 1988 relatif à l’accès au grade d’attaché principal territorial, se borne à prévoir, d’une part, que toute note inférieure à 5 sur 20 à l’une des épreuves entraîne l’élimination du candidat et, d’autre part, qu’un candidat ne peut être déclaré admis si la moyenne de ses notes aux épreuves est inférieure à 10 sur 20.
N.B. : Cette décision du Conseil d’État relative au jury d’un examen professionnel s’inscrit dans la droite ligne de sa jurisprudence en matière de jury de concours
(C.E., 7 novembre 1986, n° 77932, aux tables du Recueil Lebon ; C.E., 11 juillet 2001, n° 220599, aux tables du Recueil Lebon).
En revanche, le jury d’un concours ou d’un examen professionnel n’est pas compétent pour fixer une note éliminatoire à une épreuve donnée. Le Conseil d’État a en effet considéré que la fixation d’une note minimale exigée des candidats à une épreuve donnée, qui revient à fixer une note éliminatoire pour cette épreuve, doit être arrêtée par l’autorité investie du pouvoir réglementaire, avant le début des épreuves, et non par le jury (C.E., 26 avril 2000, n° 190423, aux tables du Recueil Lebon).
Personnels
QUESTIONS COMMUNES
Accident de service et maladie contractée en service
Accident survenu sur le lieu et dans le temps du service – Circonstance particulière détachant cet événement du service – Absence de lien direct avec les conditions d’exécution du service – Imputabilité au service (non)
C.A.A. Marseille, 29 juin 2017, n° 15MA03334
Un professeur de lycée professionnel, après avoir été victime en juin 2010 des premiers signes d’une hémorragie intracérébrale dans son établissement d’affectation alors qu’il surveillait les épreuves écrites d’un examen, était décédé le lendemain à l’hôpital. Sa veuve avait relevé appel du jugement du tribunal administratif de Nice refusant de faire droit à sa demande d’annulation de la décision du 2 mai 2013 par laquelle le recteur de l’académie de Nice avait refusé de reconnaître l’imputabilité au service de cet accident.
La cour administrative d’appel a rejeté la requête.
Après avoir cité le considérant de principe de la décision du Conseil d’État du 16 juillet 2014 (C.E. Section, n° 361820, au Recueil Lebon), selon lequel « (...) un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service (...) », la cour a relevé qu’« au nombre de ces circonstances particulières figurent notamment les accidents cérébraux pour lesquels il appartient à l’administration de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, s’ils sont en lien direct avec les conditions d’exécution du service ».
Elle a par conséquent retenu que « compte tenu de la nature de l’accident en cause, la circonstance qu’il soit survenu sur le lieu et dans le temps du service de l’intéressé est insuffisante, par elle-même, pour reconnaître l’imputabilité au service ».
La cour a ensuite relevé que le professeur, au moment de l’accident, venait de prendre son service, qu’il n’était pas établi qu’il avait été soumis à un stress ou un effort physique particulier, et que l’incident isolé survenu au mois de mars précédent avec un élève indiscipliné n’était pas susceptible, eu égard tant à la date à laquelle il s’était déroulé qu’à sa nature, d’être retenu comme étant à l’origine de l’accident.
Enfin, la cour a relevé que le certificat médical établi postérieurement au décès du professeur attestant qu’il ne présentait avant 2002 « aucune pathologie grave ou chronique repérée » ne permettait pas davantage d’établir, au regard en particulier de la période concernée, que le malaise dont il avait été victime serait lié à l’exécution de son service.
N.B. : Conformément à la définition de l’accident de service donnée par la jurisprudence du Conseil d’État, désormais inscrite au II de l’article 21 bis de la loi
n° 83-634 du 13 juillet 1983 créé par l’ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, la cour, se livrant à une appréciation concrète des circonstances de l’espèce, retient l’accident cérébral comme une circonstance particulière permettant de regarder comme détachable du service un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, avant de rechercher, la présomption d’imputabilité au service étant écartée, l’existence éventuelle d’un lien direct entre l’exécution du service et l’accident. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Avancement – Reclassement
Promotion d’échelon au grand choix – Appréciation de la valeur professionnelle
T.A. Toulon, 22 juin 2017, n° 1503599
Par un jugement du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 27 mai 2015 par laquelle le recteur de l’académie de Nice avait refusé de promouvoir une professeure des écoles de classe normale au grand choix au 9e échelon de son grade.
Le tribunal a d’abord rappelé les dispositions de l’article 17 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, celles des articles 56 et 57 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, ainsi que celles de l’article 24 du décret n° 90-680 du 1er août 1990 relatif au statut particulier des professeurs des écoles, aux termes desquelles l’avancement d’échelon des professeurs des écoles a lieu au grand choix, au choix ou à l’ancienneté et le nombre des promotions au grand choix ne peut excéder 30 % de l’effectif des professeurs des écoles remplissant les conditions pour bénéficier de cet avancement d’échelon.
Le tribunal en a déduit que les professeurs des écoles ne détiennent aucun droit à l’avancement d’échelon au choix ou au grand choix, mais peuvent bénéficier de cet avancement, sur décision de l’autorité compétente, lorsque leur ancienneté et leur valeur professionnelle ont permis leur inscription sur une liste, d’où il résulte que l’avancement d’échelon au grand choix ou au choix d’un professeur des écoles dépend de sa valeur professionnelle, appréciée en tenant compte notamment de la note attribuée à l’intéressé et de l’appréciation pédagogique portée sur lui au titre de l’année concernée.
Au cas d’espèce, le tribunal a relevé que la requérante avait été classée à la 144e place du tableau d’avancement alors qu’elle avait obtenu une note pédagogique de 18/20 à la suite d’une inspection au cours de laquelle l’inspectrice avait relevé « un enseignement rigoureux, bienveillant, parfaitement maîtrisé », que seuls 11 enseignants sur les 77 ayant bénéficié d’une promotion au 9e échelon au grand choix avaient obtenu une note pédagogique égale ou supérieure à celle de la requérante et que le dernier enseignant promu avait obtenu une note pédagogique de 12,5/20.
Au vu de l’ensemble de ces éléments et des pièces du dossier, le tribunal a jugé que l’administration avait fait prévaloir le critère de l’ancienneté générale de services sur celui de la valeur professionnelle des professeurs pour établir la liste des professeurs bénéficiant d’un avancement accéléré d’échelon, en méconnaissance des dispositions législatives et réglementaires applicables. Il a par suite annulé pour erreur de droit la décision du recteur de l’académie de Nice et lui a enjoint de promouvoir la requérante au grand choix au 9e échelon de son grade.
Rémunérations, traitement et avantages en nature
QUESTIONS PROPRES AUX AGENTS AFFECTÉS DANS LES DOM/ROM/COM
Majoration de traitement – Département d’outre-mer – Congés de maladie
C.A.A. Bordeaux, 13 juin 2017, n°15BX03053
Une professeure d’enseignement général de collège, affectée dans l’académie de la Martinique, avait été, à la suite d’une rechute d’un accident de service survenu le 13 mars 1984, placée en congé de maladie pour accident de service de mars 2003 à octobre 2012, puis elle avait été radiée des cadres et placée d’office à la retraite pour invalidité à compter du 22 octobre 2012 par un arrêté rectoral du 10 avril 2013.
Par un jugement du 11 juin 2015, le tribunal administratif de la Martinique avait condamné l’État à lui verser l’indemnité de vie chère prévue par l’article 3 de la loi
n° 50-407 du 3 avril 1950, complété par les dispositions des décrets n° 53-1266 du 22 décembre 1953 et n° 57-333 du 15 mars 1957 pour la période du 30 août 2010 au 21 octobre 2012, sur le fondement de l’article 1er du décret n° 2010-997 du 26 août 2010 relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l’État et des magistrats de l’ordre judiciaire dans certaines situations de congés. Le tribunal avait en revanche rejeté la demande de cette enseignante tendant au versement de cette indemnité pour la période courant du 1er août 2008 au 29 août 2010, pendant laquelle le décret du 26 août 2010 n’était pas en vigueur.
Saisie en appel par l’intéressée, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté les conclusions de la requérante tendant à la condamnation de l’État à lui verser l’indemnité de vie chère pour cette dernière période du 1er août 2008 au 29 août 2010, au motif qu’elle n’avait pas exercé effectivement ses fonctions puisqu’elle avait été placée en congé de maladie pour accident de service.
La cour a d’abord rappelé les dispositions de l’article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, celles du 2° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État qui prévoient la conservation de l’intégralité du traitement en cas de maladie provenant d’un accident de service, ainsi que la conservation des droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l’indemnité de résidence et, enfin, celles de l’article 37 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, qui excluent la conservation au bénéfice des fonctionnaires en congé de maladie des indemnités attachées à l’exercice des fonctions ou qui ont le caractère de remboursement de frais.
La cour a ensuite déduit des dispositions de l’article 3 de la loi du 3 avril 1950, complétées par celles du décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 et du décret
n° 57-87 du 28 janvier 1957 instituant pour les fonctionnaires en service dans le département de la Martinique, notamment, le droit à une majoration de traitement de
40 %, que cet avantage présentait le caractère d’une indemnité attachée à l’exercice des fonctions. Elle en a conclu que ces dispositions faisaient obstacle à ce que ces fonctionnaires se prévalent, pendant un congé de maladie ordinaire, un congé de longue maladie ou un congé de longue durée, d’un droit au maintien de la majoration de traitement dont ils pouvaient bénéficier avant la mise en congé.
La cour en a tiré la conséquence que la professeure d’enseignement général de collège, qui avait été placée en congé de maladie pour accident de service pour la période courant du 1er août 2008 au 29 août 2010, n’avait pas droit au versement de l’indemnité de vie chère à défaut d’avoir exercé effectivement ses fonctions et a rejeté la requête.
N.B. : Par cet arrêt, la cour administrative d’appel de Bordeaux juge que le maintien du bénéfice de l’indemnité de vie chère pour une période non couverte par le décret n° 2010-997 du 26 août 2010 est subordonné à l’exercice effectif des fonctions.
Pour sa part, le Conseil d’État avait déjà jugé que les avantages institués par l'article 3 de la loi n° 50-407 du 3 avril 1950 complétée par les dispositions du décret
n° 53-1266 du 22 décembre 1953, du décret n° 57-87 du 28 janvier 1957 et du décret n° 57-333 du 15 mars 1957, qui sont liés au séjour de l'agent dans un département d'outre-mer, présentent le caractère d'une indemnité attachée à l'exercice des fonctions, qui ne peut donc pas être perçue lors de congés de maladie (C.E., 28 décembre 2001, Syndicat Lutte pénitentiaire de l’Union régionale Antilles-Guyane, n° 236161, aux tables du Recueil Lebon, LIJ n° 67, juillet-août-septembre 2002).
Le Conseil d’État avait confirmé cette analyse dans une affaire dans laquelle étaient en cause les dispositions applicables avant l’entrée en vigueur du décret du 26 août 2010 (C.E., 14 novembre 2012, n° 356171). ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Établissements d’enseignement privés
RELATIONS AVEC L’ÉTAT
Établissements d’enseignement supérieur privés – Monopole de la collation des grades et des titres universitaires – Délivrance du master – Compétence du ministre – Rupture d’égalité entre établissements d’enseignement supérieur publics et privés (non)
C.E., 7 juin 2017, Association Conférence des grandes écoles, n° 389213, au Recueil Lebon
La Conférence des grandes écoles (C.G.E.) demandait au Conseil d’État l’annulation de la décision implicite de refus opposée par la ministre chargée de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation à sa demande tendant à l’abrogation de l’article 7 de l’arrêté du 25 avril 2002 relatif au diplôme national de master et de l’article 18 de l’arrêté du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations conduisant à la délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master, en tant que ces arrêtés réservent la possibilité de délivrer, seuls ou conjointement, le diplôme de master aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel et aux établissements publics administratifs.
Le Conseil d’État a rejeté ce recours. Il a en effet considéré qu’« il résulte des dispositions des premier, deuxième, troisième et septième alinéas de l’article L. 613-1 du code de l’éducation [qui prévoient que l’État a le monopole de la collation des grades et des titres universitaires], éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé l’adoption de la loi du 18 mars 1880 relative à la liberté de l’enseignement supérieur et de la loi du 26 janvier 1984 sur l’enseignement supérieur dont elles sont issues, que le législateur a entendu exclure que des établissements d’enseignement supérieur privés puissent délivrer seuls des diplômes conduisant à l’obtention de grades ou de titres universitaires (…) ». Le Conseil d’État a donc écarté le moyen tiré de ce que le ministre n’avait pas compétence pour limiter, « par les dispositions attaquées, aux seuls établissements publics le champ des règles relatives à l’accréditation des établissements habilités à délivrer le diplôme de master et aux conditions d’obtention de ce diplôme ».
Le Conseil d’État a également écarté le moyen tiré de la rupture du principe d’égalité de traitement entre établissements d’enseignement supérieur publics et privés en jugeant « qu’il résulte des dispositions [précitées] de l’article L. 613-1 que la différence de traitement entre les établissements d’enseignement supérieur privés et publics en la matière résulte de la loi ; qu’en dehors de la procédure prévue à l’article 61-1 de la Constitution, l’association requérante ne saurait, par suite, utilement soutenir que la limitation du champ de l’accréditation aux seuls établissements publics méconnaît le principe d’égalité ».
N.B. : Dans cet arrêt, le Conseil d’État a repris le considérant de principe de son arrêt d’Assemblée n° 327663 du 9 juillet 2010 (Fédération nationale de la libre pensée, au Recueil Lebon), aux termes duquel « le législateur (…) a réservé aux seuls établissements d'enseignement supérieur habilités à cet effet par le ministre chargé de l'enseignement supérieur l'attribution des diplômes nationaux qui confèrent des titres et grades universitaires », et précisé en outre que la conformité au principe constitutionnel d’égalité de la différence de traitement entre les établissements d’enseignement supérieur privés et publics, qui résulte de la loi, ne pouvait être examinée que par l’intermédiaire d’une question prioritaire de constitutionnalité. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
PERSONNELS
Maîtres contractuels
Maître contractuel stagiaire – Affectation – Établissements d’enseignement privés sous contrat – Report du stage – Absence de stage – Perte du bénéfice du concours (oui)
C.A.A. Paris, 7 juillet 2017, n° 16PA01207
Un maître contractuel stagiaire de l’enseignement privé sous contrat s’était vu accorder le bénéfice d’un report de stage d’une année à compter du 1er septembre 2010. À l’issue de l’année scolaire 2010-2011, il s’était retrouvé sans affectation pour effectuer son stage, alors que sa demande de second report avait été refusée. L’intéressé avait alors saisi le juge administratif au motif que l’absence d’inscription de son nom sur la liste des commissions académiques de l’emploi ainsi que l’absence de transmission de son dossier à la commission nationale d’affectation pour lui permettre d’effectuer son stage lors de l’année scolaire 2011-2012, qui avait selon lui entraîné la perte du bénéfice de son concours, constituait une faute de nature à engager la responsabilité de l’État.
Au regard des dispositions prévoyant la procédure d’affectation des maîtres contractuels de l’enseignement privé sous contrat (articles R. 914-75 et suivants du code de l’éducation), la cour administrative d’appel a relevé que l’existence des commissions académiques de l’emploi n’est ni prévue ni régie par le code de l’éducation ou d’autres dispositions réglementaires, mais par l’accord national professionnel du 12 mars 1987 sur l’organisation de l’emploi des maîtres des établissements catholiques d’enseignement du second degré sous contrat d’association, qui stipule que ces commissions sont composées de représentants des établissements de l’enseignement catholique, et, par suite, que ces commissions ne relèvent que des institutions de l’enseignement catholique et interviennent dans le cadre d’une procédure propre à ces institutions, dans laquelle ni le ministre chargé de l’éducation nationale ni les recteurs d’académie n’ont à prendre part.
La cour en a déduit, par voie de conséquence, que la responsabilité de l’État ne pouvait être engagée à raison du défaut d’examen de la candidature de l’intéressé par les commissions académiques de l’emploi des académies dans lesquelles il avait postulé en formulant ses choix auprès du service d’accueil et d’aide au recrutement de l’enseignement catholique de son académie.
L’intéressé soutenait également que l’administration avait commis une faute pour n’avoir pas transmis son dossier à la commission nationale d’affectation, d’une part, et pour avoir refusé de lui accorder un report de stage pour l’année 2011-2012, d’autre part, alors qu’il n’avait reçu aucune affectation pour effectuer son stage au titre de cette année scolaire et qu’il avait, par suite, perdu le bénéfice du concours externe de recrutement de professeur de lycée professionnel de l’enseignement privé (CAFEP-CAP.L.P.).
La cour a jugé que la commission nationale d’affectation n’était pas compétente pour examiner la situation de l’intéressé dès lors que, aux termes de l’article R. 914-50 du code de l’éducation, l’intervention de cette commission n’est prévue que pour les maîtres qui ont validé leur stage, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Par ailleurs, la cour a rappelé que, hormis le cas particulier prévu à l’article R. 914-32 du code de l’éducation, les lauréats du concours externe de recrutement de maîtres de l’enseignement privé n’ont aucun droit à bénéficier d’un report du stage qu’ils doivent obligatoirement accomplir pour obtenir un contrat définitif. Dans ces conditions, la cour a jugé que l’administration n’avait commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l’État.
N.B. : La procédure d’affectation des maîtres contractuels est prévue aux articles R. 914-75 et suivants du code de l’éducation. Les maîtres contractuels stagiaires sont affectés à titre provisoire durant leur année de stage, à l’issue de laquelle ils doivent participer au mouvement en se portant candidats auprès de l’autorité académique sur des services vacants ou susceptibles de l’être. L’autorité académique soumet les candidatures à la commission consultative mixte compétente prévue à l’article
R. 914-77 du code de l’éducation. Au vu de l’avis émis par cette commission, l’autorité académique notifie à chacun des chefs d’établissement la ou les candidatures qu’elle se propose de retenir pour pourvoir les services vacants dans l’établissement. Le chef d’établissement dispose alors d’un délai pour faire connaître à l’autorité académique son approbation ou son refus de la candidature qui lui est soumise. Il est ensuite procédé à la nomination dans l’établissement du candidat retenu.
Responsabilité
ACCIDENTS SUBIS OU CAUSÉS PAR DES ÉLÈVES OU ÉTUDIANTS
Accidents scolaires (art. L. 911-4 du code de l’éducation, art. 1384 du code civil)
ACCIDENTS SURVENUS PENDANT LES INTERCLASSES
Accident scolaire – Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (F.G.T.I.) – Réparation – Causes exonératoires de responsabilité pour fait du tiers
C.E., 19 juillet 2017, Commune de Saint-Philippe, n° 393288, aux tables du Recueil Lebon
Un élève d’une école primaire avait été grièvement blessé à l’œil à la suite du jet d’un objet par un autre enfant pendant la pause méridienne, alors qu’ils étaient sous la surveillance du personnel communal. Ses parents avaient obtenu du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (F.G.T.I.) la réparation des dommages ayant résulté de cet accident.
Le F.G.T.I. avait demandé au juge administratif de condamner la commune à lui rembourser la somme qu’il avait versée aux parents de l’enfant blessé. Le tribunal administratif avait fait droit à sa demande.
Confirmant le jugement de première instance, la cour administrative d’appel avait rejeté l’appel formé par la commune en jugeant cette dernière entièrement responsable du dommage en raison d’un défaut de surveillance de la part du personnel communal.
Saisi d’un pourvoi en cassation présenté par la commune, le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel. Il a jugé que la cour avait commis une erreur de droit en retenant qu’une éventuelle faute de l’élève à l’origine de l’accident ne pouvait avoir aucune influence sur la responsabilité de la commune à l’égard de la victime sans examiner l’existence d’une faute exonératoire d’un tiers.
Le Conseil d’État a ainsi rappelé qu’il appartient au juge d’apprécier si et dans quelle mesure le comportement d’un tiers ayant concouru à la réalisation du dommage est de nature à atténuer la responsabilité de la personne publique qui en a été reconnue responsable.
Réglant l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’État a relevé que les surveillants, bien que conscients des risques inhérents aux jets d’objets par les écoliers, s’étaient abstenus d’y mettre fin pour se regrouper à distance des enfants et que l’intervention verbale de deux surveillants était restée sans suite. Il a également relevé que le tribunal pour enfants avait prononcé la relaxe de l’enfant auteur du jet, au motif qu’il n’était pas établi que son geste ait été inspiré par la volonté de nuire.
Le Conseil d’État a, au regard de ces éléments, retenu l’entière responsabilité de la commune. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Accident scolaire – Pause méridienne – Faute dans l’organisation du service – Responsabilité de la commune (oui) – Responsabilité de l’État (non)
C.A.A. Bordeaux, 6 juin 2017, n° 15BX01624
Les parents d’une écolière demandaient la réformation du jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion en tant qu’il avait limité l’indemnisation des préjudices résultant de l’accident dont leur fille avait été victime lors de la pause méridienne. L’indemnisation ayant été mise à la charge exclusive de la commune, les intéressés demandaient que l’État, la commune et la société d’assurances de la commune soient condamnés solidairement à les indemniser.
La cour administrative d’appel de Bordeaux a tout d’abord rejeté les conclusions indemnitaires dirigées contre la société d’assurances comme étant présentées devant un juge incompétent pour en connaître.
La cour a ensuite confirmé le jugement qui lui était déféré en tant qu’il retenait la responsabilité de la commune. En revanche, après avoir relevé que la surveillance des élèves était suffisante au regard du nombre d’élèves à encadrer, la cour a jugé que le retard de prise en charge médicale de l’enfant après l’accident, qui trouvait sa cause dans la carence du personnel communal à faire appel aux services de secours, révélait une faute dans l’organisation du service.
Enfin, la cour a écarté la responsabilité de l’État en jugeant que la présence d’un enseignant au moment de l’accident, à la supposer même établie, n’était pas à elle seule de nature à établir une faute de la direction de l’école dans la surveillance des élèves, puisque l’accident avait eu lieu pendant la pause méridienne et qu’en application des dispositions de l’article D. 321-12 du code de l’éducation, les enfants sont placés sous la seule responsabilité de la commune pendant les activités périscolaires.
L’accident en cause s’étant produit au moment où les élèves se trouvaient placés sous la surveillance de personnels communaux, la cour a jugé que les premiers juges avaient à bon droit retenu la responsabilité de la seule commune.
N.B. : Le service de la restauration scolaire fourni aux élèves des écoles maternelles et élémentaires est un service public administratif à caractère facultatif dont l’organisation générale relève de la compétence de la collectivité territoriale qui en est responsable (cf. C.E., 11 juin 2014, n° 359931, au Recueil Lebon). Ce service municipal est distinct du service public de l’éducation dès lors qu’il se limite à la prise en charge des enfants en vue de les nourrir et de leur permettre de se détendre, sans poursuivre une fin éducative (T.C., 30 juin 2008, Préfet des Alpes-Maritimes c/ Caisse régionale Groupama, n° C3671 au Recueil Lebon).
La responsabilité de l’État ne peut donc être recherchée à l’occasion d’un accident dont est victime un élève pendant la pause du déjeuner alors qu’il se trouve placé sous la surveillance d’un agent communal, lequel n’a pas la qualité de membre de l’enseignement public (T.C., n° C3671, précitée), et ce, même si cet agent ainsi chargé de la surveillance par la commune est un enseignant qu’elle rémunère à cet effet. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Technologies de l’information et de la communication (TIC)
FICHIERS (TRAITEMENTS AUTOMATISÉS DE DONNÉES)
Traitement de données à caractère personnel – Droit d’accès – Droit d’obtenir communication des données à caractère personnel – Personne concernée – Ayant droit d’une personne décédée – Transmission du droit à réparation du préjudice subi par la victime avant son décès
C.E., 7 juin 2017, n° 399446, aux tables du Recueil Lebon
L’ayant droit d’une victime d’un accident de la circulation, décédée avant que ne soit achevée la procédure judiciaire qu’elle avait engagée pour obtenir réparation de son préjudice, avait demandé à la compagnie d’assurance de la défunte de lui donner accès à l’ensemble des traitements informatisés concernant les suites de cet accident et contenant des données à caractère personnel relatives à la victime afin de poursuivre la procédure en réparation que celle-ci avait engagée.
La compagnie d’assurance avait fait droit à cette demande.
Estimant toutefois que la communication des données était incomplète, l’intéressé avait saisi la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) d’une plainte qui, par une décision du 17 mars 2016, avait été clôturée au motif que le droit d’accès aux données à caractère personnel prévu par l’article 39 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est un droit personnel non transmissible aux héritiers.
L’ayant droit de la victime demandait au Conseil d’État d’annuler pour excès de pouvoir la décision rendue par la présidente de la CNIL.
Le Conseil d’État a tout d’abord rappelé que les données à caractère personnel ne sont communicables qu’aux seules personnes concernées par ces données, conformément aux dispositions des articles 2 et 39 de la loi du 6 janvier 1978.
Il a ensuite jugé que si la seule qualité d’ayant droit ne suffit pas pour le faire regarder comme une « personne concernée » au sens de ces dispositions, l’héritier de la victime d’un dommage ayant engagé une action en réparation avant son décès ou ayant lui-même engagé ultérieurement une telle action doit bien être regardé comme une « personne concernée » au sens de ces dispositions de la loi du 6 janvier 1978 dans la mesure où le droit à réparation est entré dans le patrimoine qui lui est transmis et qu’il est saisi de plein droit des biens, droits et actions du défunt, conformément aux dispositions du premier alinéa de l’article 724 du code civil.
Le Conseil d’État a toutefois précisé que le droit d’accès des héritiers se limite aux seules données à caractère personnel du défunt qui permettent d’établir le préjudice subi en vue de sa réparation, et pour les seuls besoins de l’instance engagée.
N.B. : Par cette décision, le Conseil d’État se penche une nouvelle fois sur la notion de « personne concernée » au sens de la loi du 6 janvier 1978. Il précise la portée de sa décision n° 386525 du 8 juin 2016, publié au Recueil Lebon, par laquelle il avait jugé que la qualité d’ayant droit ne suffit pas pour être regardé comme une personne concernée par le traitement au sens de la loi du 6 janvier 1978 (cf. LIJ n°196, janvier 2017).
Il convient de souligner qu’en l’espèce, la date de la demande d’accès aux données était antérieure à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique qui a modifié la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. Dorénavant, l’article 40-1 de la loi du 6 janvier 1978, tout en précisant que les droits à l’égard des traitements de données à caractère personnel s’éteignent au décès de leur titulaire, prévoit la possibilité pour chaque personne de « définir des directives relatives à la conservation, à l’effacement et à la communication de ses données à caractère personnel après son décès ».
En outre, le III de l’article 40-1 de la loi du 6 janvier 1978 prévoit désormais qu’en l’absence de directives ou de mention contraire dans une directive, les héritiers de la personne concernée peuvent exercer, au même titre que cette dernière, les droits d’accès à un traitement de données, notamment dans le cadre de l’organisation et du règlement de la succession du défunt. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
Marché public – Hébergement des données – Possibilité d’imposer un hébergement des données sur le territoire national (non) – Principe de libre circulation des données personnelles
T.A. Lille, 10 juillet 2017, Société Itslearning France, n° 1705205
Par une requête présentée devant le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Lille, un candidat à un marché public de prestation informatique pour la constitution d’un espace numérique de travail (E.N.T.) avait demandé l’annulation de la procédure de passation dudit marché au motif que l’un des articles du cahier des clauses techniques particulières (C.C.T.P.) imposait au titulaire du marché d’assurer l’hébergement du logiciel et le stockage de l’intégralité des données personnelles traitées par ce dernier sur un serveur situé en France.
Le candidat soutenait notamment que cette obligation méconnaissait le principe de libre circulation des données personnelles dans l’Espace économique européen garanti par les dispositions de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, et constituait donc un manquement à l’obligation de mise en concurrence et au principe d’égalité de traitement entre les candidats.
Le juge des référés a tout d’abord rappelé le droit applicable en matière de circulation des données à caractère personnel dans les États de l’Union européenne et de l’Espace économique européen.
Il a ainsi rappelé que les dispositions de l’article 1er de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 posent le principe de la libre circulation des données personnelles entre États membres et précisé qu’en vertu de l’article 3 de cette directive, seuls échappent à ce principe les traitements de données ayant pour objet la politique étrangère et de sécurité commune, la coopération policière et judiciaire en matière pénale, la sécurité publique, la défense, la sûreté de l'État et les activités de l’État relatives au domaine du droit pénal.
Il a par ailleurs indiqué que si la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur dispose que les États membres ne peuvent, en principe, restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre, elle n’en prévoit pas moins que les États peuvent adopter des restrictions dès lors que ces mesures restrictives sont nécessaires au regard de considérations tenant à l’ordre public, à la protection de la santé publique, de la sécurité publique ainsi qu’à la protection des consommateurs, et que ces mesures restrictives sont proportionnelles à l’objectif poursuivi.
Il a ensuite souligné que le fait de collecter et traiter des données dites « sensibles » au sens de l’article 8 de la loi du 6 janvier 1978, notamment des données relatives à la religion ou à la santé, dans les conditions autorisées par cet article, est sans influence sur la possibilité de transférer ces données vers le territoire d’autres États membres.
Il a également rappelé qu’aucune disposition de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics n’autorise les pouvoirs adjudicateurs à introduire dans les marchés relatifs à la prestation de services informatiques des clauses dérogeant à la libre circulation et au transfert de données personnelles du territoire français vers un autre État membre.
Il a enfin précisé qu’aux termes de l’accord sur l’Espace économique européen, le principe de libre circulation des données prévu par la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 s’applique également aux transferts de données au sein de l’Espace économique européen.
En l’espèce, après avoir relevé que les informations destinées à être collectées pour la constitution d’un espace numérique de travail ne pouvaient être regardées comme des données exclues du champ d’application de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 et que leur objet était étranger aux considérations d’intérêt général pouvant justifier, sur le fondement de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000, des mesures tendant à la restriction de la libre circulation des services informatiques au sein de l’Union européenne, le juge des référés a jugé que la clause du C.C.T.P. du marché portant obligation pour le titulaire d’assurer l’hébergement du logiciel et le stockage des données sur un serveur en France était contraire au principe de libre circulation des données personnelles au sein de l’Espace économique européen et, partant, compte tenu de la portée de cette clause et de son incidence sur la mise en concurrence des opérateurs économiques, méconnaissait le principe d’égalité de traitement entre les candidats. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
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