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Lettre de la direction des affaires juridiques du ministÈre de l'Éducation nationale ET DE LA JEUNESSE et du ministÈre de l'enseignement supÉrieur, de la recherche et de l'innovation | ||||||||||
LIJ N°205 – mars 2019 |
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ÉDITORIAL | ||
Par une loi organique n° 2018-1201 et une loi ordinaire n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relatives à la lutte contre la manipulation de l'information, la France a renforcé son arsenal juridique pour lutter contre les fausses informations communément appelées « fake news ».
Plus précisément, ces dispositions législatives sont destinées à combattre la propagation des fausses nouvelles en période électorale. Elles complètent l’arsenal juridique existant, notamment les infractions pénales qui permettent de sanctionner les fausses informations à l’origine d’un préjudice (article 27 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse relatif aux fausses nouvelles qui troublent la paix publique ; article L. 97 du code électoral relatif aux fausses informations qui altèrent la sincérité du scrutin).
Les entreprises de désinformation constatées lors des dernières élections américaines ou lors du référendum britannique sur le Brexit ont mis en évidence la nécessité de disposer d’outils spécifiques pour faire obstacle (ou, à tout le moins, essayer de faire obstacle) à la diffusion massive et extrêmement rapide de fausses nouvelles via les réseaux sociaux et les médias sous influence d'un État étranger.
Durant les périodes électorales, les plateformes devront désormais, en application des lois organique et ordinaire du 22 décembre 2018, faire preuve d’une plus grande transparence en signalant les contenus sponsorisés et en publiant le nom de leur auteur et la rémunération versée. Les plateformes les plus importantes en termes de connexions devront par ailleurs disposer d’un représentant légal en France et publier les algorithmes qu’elles utilisent. Une nouvelle action en référé devant le juge judiciaire devrait également permettre de faire cesser la circulation des fausses nouvelles si le juge considère que l’information diffusée constitue de toute évidence une fausse nouvelle, que cette dernière est diffusée massivement et de manière artificielle et, enfin, que sa diffusion peut conduire à troubler la paix publique ou la sincérité d’un scrutin.
Pourquoi évoquer ces nouvelles dispositions législatives dans l’édito de la LIJ ? Parce que le phénomène des fakes news prend aujourd’hui, à la faveur du développement de l’usage des réseaux sociaux, une ampleur sans précédent et constitue une véritable menace pour la conduite des politiques publiques. Les services de l’État consacrent aujourd’hui un temps incroyable à tenter de rétablir la vérité des faits face à la frénésie des réseaux sociaux qui diffusent, de manière quasi virale, toutes sortes de fausses informations à longueur de journée.
Les débats relatifs au projet de loi pour une école de la confiance illustrent malheureusement ce phénomène dans des proportions souvent inquiétantes tant il semble difficile d’identifier précisément l’origine de la fausse information et, surtout, de faire cesser sa diffusion.
Je m’en tiendrai à trois exemples qui n’auront pas échappé à la vigilance des lecteurs de la LIJ.
Le projet de loi ne prévoit pas non plus la suppression de la carte scolaire et ne remet absolument pas en question la scolarisation des enfants à proximité de leur domicile. Certes, le 1° du I de l’article 3 du projet de loi supprime le deuxième alinéa de l’article L. 113-1 du code de l’éducation qui dispose que : « Tout enfant doit pouvoir être accueilli, à l'âge de trois ans, dans une école maternelle ou une classe enfantine le plus près possible de son domicile, si sa famille en fait la demande. » Mais cet alinéa n’a plus d’intérêt dès lors que l’article 2 du projet de loi porte l’âge de l’instruction obligatoire à trois ans. Le 4° du I de l’article 3 insère d’ailleurs dans le code de l’éducation un nouvel article L. 212-2-1 qui prévoit que la création des écoles maternelles est soumise aux mêmes règles que celles applicables aux écoles élémentaires.
Enfin, les établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux (E.P.L.E.S.F.) mentionnés à l’article 6 quater du projet de loi n’ont absolument pas vocation à faire disparaître des écoles et encore moins leurs directeurs. Ils ne seront pas non plus créés de manière autoritaire. Bien au contraire, leur création devra s’appuyer sur l’accord de l’ensemble des acteurs locaux : communauté éducative, autorité de l’État et collectivités territoriales concernées.
Une chose est sûre : au grand jeu des « fake news », toutes les parties en présence sont perdantes et le débat démocratique est lui aussi « faussé ».
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Natacha Chicot | ||
SOMMAIRE | ||
Jurisprudence | ||
Enseignement : questions généralesPRINCIPES GÉNÉRAUXObligation scolaire Instruction dans la famille – Modalités de contrôle – Injonction de scolarisation dans un établissement d’enseignement public ou privéT.A. Nice, 4 décembre 2018, n° 1602811
Enseignement scolaireSECOND DEGRÉAdministration et fonctionnement des établissements scolaires Contrat de location de photocopieurs – E.P.L.E. – Autorité compétente pour conclure un contrat – Vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement au contratC.A.A. Versailles, 11 octobre 2018, Région Île-de-France et lycée X, n° 16VE00460
Scolarité Réseau social – Diffusion de photographies de professeurs et commentaires dépréciatifs – Secret des correspondances (non) – Exclusion définitive de l’établissement – Sanction disproportionnée (non)T.A. Châlons-en-Champagne, 25 septembre 2018, n° 1800052
Enseignement supérieur et rechercheÉTUDESInscription des étudiants Renvoi préjudiciel – Reconnaissance des qualifications professionnelles – Directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles – Reconnaissance de titres de formation obtenus à l’issue de périodes de formation partiellement superposables – Pouvoirs de vérification de l’État membre d’accueilC.J.U.E., 6 décembre 2018, Ministero della Salute c/ Hannes Preindl, n° C-675/17
PersonnelsQUESTIONS COMMUNESCongés Fonctionnaires et agents publics – Congés de maladie – Contrôle de l’administration – Contre-visite médicale – Absence sans justification de l’agent de son domicile au moment de la contre-visite – Rémunération – Retenue sur traitementT.A. Mayotte, 13 novembre 2018, n° 1600172 et n° 1600277
Professeur des écoles – Congé de formation professionnelle – Droit à l’octroi du congé lorsque l’absence concerne moins de 5 % des agents (absence)T.A. Bordeaux, 8 octobre 2018, n° 1604680
Accident de service et maladie contractée en service Fonctionnaires et agents publics – Accident de service – Accident de trajet – Qualification – Détour géographique – Nécessité de la vie courante – InclusionT.A. Rouen, 20 septembre 2018, n° 1602933
Droits et garanties Obligation pour l'employeur de chercher à reclasser un salarié dont l’inaptitude physique définitive à l’exercice de son emploi a été médicalement constatée avant de pouvoir prononcer son licenciement – Existence, sauf si l'agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle – Cas dans lesquels le reclassement est impossible – Absence d'emploi vacant, intéressé déclaré inapte à toute fonction, refus de la proposition d'emploiC.E., 25 mai 2018, n° 407336, au Recueil Lebon
Rémunérations, traitement et avantages en nature Agent ayant épuisé ses droits à un congé de maladie ordinaire – Obligation de l'employeur – Maintien d'un demi-traitement prévu par la réglementation dans l'attente de l’avis du comité médical qu'il doit saisir – Acte créateur de droits – Existence – Conséquence – Sommes versées à ce titre définitivement acquises par l'agent en dépit de l'effet rétroactif de la décision se prononçant sur sa situation et le plaçant le cas échéant dans une position statutaire n'ouvrant pas droit par elle-même au versementC.E., 9 novembre 2018, Commune du Perreux-sur-Marne, n° 412684, aux tables du Recueil Lebon
Discipline Sanction disciplinaire infligée à un agent public – Professeur ayant commis une atteinte sexuelle sur un mineur en dehors du service – Caractère fautif des faits reprochés – Proportionnalité de la sanction – RévocationC.A.A. Douai, 8 novembre 2018, Ministre de l’éducation nationale, n° 16DA01028
Cessation de fonctions Fonctionnaires et agents publics – Cessation de fonctions – Communication du bulletin n° 2 du casier judiciaire à l’employeur – Radiation des cadres par révocation – Procédure disciplinaireC.E., 18 octobre 2018, n° 412845 , aux tables du Recueil Lebon
Fonctionnaires et agents publics – Indemnité de départ volontaire (I.D.V.) – Conditions d’octroi – Motifs de refus – Intérêt du service – Motif non prévu par le décret instituant l’indemnité (erreur de droit)T.A. Cergy-Pontoise, 18 octobre 2018, n° 1600407
Questions propres aux agents non titulaires Agents non titulaires recrutés par les universités pour exercer des fonctions d’enseignement (article L. 952-1 du code de l’éducation et décret n° 87-889 du 29 octobre 1987) – Contrats conclus pour une durée déterminée – Fin du contrat – Droit au renouvellement du contrat (non) – Refus de renouvellement ne pouvant toutefois être fondé que sur un motif tiré de l’intérêt du service – Refus de renouvellement du contrat non constitutif d’un licenciementC.E., 12 septembre 2018, n° 400453
QUESTIONS PROPRES AUX PERSONNELS DE L’ENSEIGNEMENT UNIVERSITAIREEnseignants-chercheurs Demande de réintégration anticipée d’un professeur des universités en position de disponibilité pour convenances personnelles – Délégation par le ministre chargé de l’enseignement supérieur aux présidents des établissements publics d’enseignement supérieur de sa compétence en matière de mise en disponibilité et de réintégration après disponibilité – Sans préjudice des pouvoirs du ministre chargé de l’enseignement supérieur, compétence du président d’un établissement d’enseignement supérieur pour se prononcer, d’une part, sur les demandes de mise en disponibilité des personnels enseignants exerçant dans l’établissement qu’il dirige et, d’autre part, sur les demandes de réintégration après disponibilité de ces mêmes enseignants dès lors que la demande de réintégration vise à occuper un poste dans l’établissement d’origine – Motifs de refus d’une telle demande de réintégration dans l’établissement antérieur d’exercice – Intérêt du service – Absence d’emploi vacant dans l’établissement, risque de troubles au bon fonctionnement de l’établissementC.E., 14 novembre 2018, n° 406371, aux tables du Recueil Lebon
Établissements d’enseignement privésPERSONNELSMaîtres contractuels Participation à une réunion du comité d’entreprise en qualité de délégué syndical d’un maître contractuel d’un établissement d’enseignement privé sous contrat durant ses heures de service d’enseignement – Nouvelle-Calédonie – Notion de personne relevant d’un statut de fonction publique ou d’un statut de droit public au sens de l’article Lp. 111-3 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie – Agent contractuel de l’État exerçant en Nouvelle-Calédonie (non) – Incompétence de la juridiction administrativeC.E., 30 novembre 2018, Ministre de l'éducation nationale, n° 412317
Maître de l’enseignement privé sous contrat – Mandat syndical prévu par le code du travail exercé dans l’intérêt de la communauté de travail constituée par l’ensemble des personnels de l’établissement – Rémunération des heures de délégation syndicale – Heures supplémentaires – Prime de précarité – Charge incombant à l’établissement d’enseignement privé sous contratT.A. Strasbourg, 4 octobre 2018, Comité mosellan de sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence et des adultes, n° 1505722
Procédure contentieuseCOMPÉTENCE DES JURIDICTIONSOrdre de juridiction compétent – Contrat d’avenir – Contrat unique d’insertion – Requalification en contrat à durée indéterminée – Indemnisation de l’agent – Compétence de la juridiction judiciaireT.C., 12 novembre 2018, n° C4136, aux tables du Recueil Lebon
RECEVABILITÉ DES REQUÊTESRecevabilité – Acte faisant grief – Avis ou recommandation de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État (non) – Intérêt pour agir d’un tiers contre une sanction disciplinaire ou la décision refusant de prendre une telle sanction ou la retirant (non) – Absence, en l’espèce, d’intérêt à agir de l’université dans laquelle était affecté l’agent à l’encontre duquel a été prononcée la sanctionT.A. Paris, 12 décembre 2018, Sorbonne Université, n° 1806630
Accès aux documents administratifsCOMMUNICATION DE DOCUMENTS ADMINISTRATIFSDroit à la communication de documents administratifs – Protection de la vie privée des agents – Liste nominative des bénéficiaires de crédit de temps syndical sous forme de décharges d’activité de serviceC.E., 14 novembre 2018, Ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, n° 409936, aux tables du Recueil Lebon
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Consultations | ||
Enseignement supérieur et rechercheADMINISTRATION ET FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEURQuestions propres aux différents établissements Conseil d’un institut universitaire de technologie (I.U.T.) – Composition – Vacance d’un siège de professeur des universités – Modifications statutaires – Principe de double paritéNote DAJ B1 n° 2018-086 du 16 novembre 2018
ÉTUDESEnseignements et diplômes Plagiat commis par un étudiant et découvert postérieurement à la délivrance de son diplôme de doctorat – Retrait du diplômeNote DAJ B1 n° 2018-071 du 22 octobre 2018
PersonnelsQUESTIONS COMMUNESRecrutement et changement de corps Candidat au concours interne d’ingénieur de recherche – Absence de prise en compte des services accomplis dans le cadre d’un contrat de droit privé conclu avec une fondation dans le décompte des années de services publics requises pour concourirNote DAJ B2 n° 2018-051 du 22 octobre 2018
Obligations des fonctionnaires Agent contractuel de droit public – Cumul d’activités – Exercice, à titre accessoire, de missions d’expertise et de consultation sous le statut d’autoentrepreneurNote DAJ B2 n° 2018-049 du 19 octobre 2018
Procédure contentieuseAgent judiciaire de l’État – Monopole de représentation devant les juridictions de l’ordre judiciaireNote DAJ A4 n° 2018-047 des 21 novembre 2018 et 5 décembre 2018
Propriété intellectuellePropriété intellectuelle – Exception pédagogique – Diffusion d’œuvres cinématographiques en classeNote DAJ A1 n° 2018-101 du 11 octobre 2018
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ActualitÉs | ||
TEXTES OFFICIELS
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Jurisprudence | ||
Enseignement : questions généralesPRINCIPES GÉNÉRAUXObligation scolaire Instruction dans la famille – Modalités de contrôle – Injonction de scolarisation dans un établissement d’enseignement public ou privéT.A. Nice, 4 décembre 2018, n° 1602811
Par une décision du 16 mars 2016, le directeur académique des services départementaux de l’éducation nationale (DASEN) des Alpes-Maritimes avait, en application des dispositions de l’article L. 131-10 du code de l’éducation, enjoint à des parents de scolariser dans un établissement d’enseignement leur fille mineure, à laquelle était jusqu’alors dispensée l’instruction dans la famille.
Les parents de cette enfant avaient demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler cette injonction de scolarisation dans un établissement d’enseignement.
Par un jugement du 4 décembre 2018, le tribunal administratif a rejeté leur requête, après avoir procédé à une substitution du motif de la décision attaquée.
En premier lieu, le tribunal a jugé que la circonstance que la jeune fille était inscrite dans un établissement d’enseignement à distance ne faisait pas obstacle à la mise en œuvre du contrôle prévu par les dispositions de l’article L. 131-10 du code de l’éducation qui a pour objet de vérifier que l’enseignement qui lui est dispensé respecte le droit de l’enfant à l’instruction tel que défini par l’article L. 131-1-1 du même code.
En deuxième lieu, le tribunal administratif a écarté le vice de procédure invoqué par les parents, tiré de l’absence, dans la notification des résultats du contrôle pédagogique effectué à leur domicile le 7 janvier 2016 que leur avait adressée le DASEN, de l’indication du délai qui leur était laissé pour fournir des explications ou améliorer la situation et des sanctions encourues dans le cas contraire, en faisant application de la décision d’Assemblée du Conseil d’État du 23 décembre 2011, Danthony, n° 335033, publiée au Recueil Lebon : le tribunal a retenu que cette omission n’avait pas eu d’influence, au vu des pièces du dossier, sur le sens de la décision attaquée et n’avait pas privé les requérants d’une garantie.
En troisième lieu, après avoir relevé que la décision contestée était fondée sur le refus des requérants de soumettre leur enfant à un second contrôle pédagogique à leur domicile, après que les résultats du premier contrôle avaient été jugés insuffisants, le tribunal administratif a fait droit à la demande de substitution de motif présentée par le recteur de l’académie de Nice en substituant au motif tiré du refus de présentation à un second contrôle celui tiré de l’insuffisance des résultats de l’évaluation des connaissances et compétences de la jeune fille, constatée lors du premier contrôle.
Après avoir relevé que ce motif était de nature à fonder légalement la décision attaquée à la date à laquelle elle avait été prise et que cette substitution de motif ne privait pas les requérants d’une garantie procédurale, le tribunal administratif a par conséquent écarté le moyen d’erreur de droit entachant le premier motif qu’ils avaient invoqué.
Enfin, le tribunal a rappelé qu’il appartient à l’administration de l’éducation nationale, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et sous le contrôle du juge, de déterminer les modalités du contrôle de l’instruction dispensée à un enfant dans la famille, lesquelles peuvent éventuellement varier d’une année sur l’autre et peuvent comprendre la réalisation de tests par l’enfant, pour vérifier que le droit de l’enfant à l’instruction tel que défini à l’article L. 131-1-1 du code de l’éducation est respecté.
En l’espèce, le tribunal a relevé que les requérants se bornaient à contester les modalités du contrôle pédagogique retenues par l’administration en arguant de leur liberté de choix éducatifs et ne contestaient pas sérieusement l’insuffisance des résultats de l’évaluation des connaissances et compétences de leur enfant sur laquelle était fondée la décision litigieuse. Il a par conséquent écarté le moyen de l’erreur manifeste d’appréciation dont aurait été entachée la décision attaquée.
N.B. : Dans ce jugement du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de Nice a fait application d’une décision du 13 janvier 2014, Ministre de l'éducation nationale,n° 370323, inédite au Recueil Lebon, par laquelle le Conseil d’État a jugé que seul le motif de l’insuffisance de l’enseignement dispensé à l’enfant peut légalement fonder une mise en demeure de le scolariser dans un établissement d’enseignement prise en application de l’article L. 131-10 du code de l’éducation, l’administration entachant cette mise en demeure d’une erreur de droit si elle la fonde sur le refus de la famille de déférer au contrôle diligenté par l’administration.
La question des modalités pratiques du contrôle de l’instruction dans la famille a déjà donné lieu à plusieurs décisions des juridictions administratives et les solutions qu’elles retiennent ne sont pas toujours similaires.
Le tribunal administratif de Paris a ainsi jugé qu’il appartient à l’administration de déterminer le lieu du contrôle, ainsi que la présence ou non des parents lors de la vérification des connaissances et compétences acquises par l’enfant (T.A. Paris, 15 mars 2007, M. et Mme X c/ Recteur de l’académie de Paris, n° 0614267, LIJ n° 115, mai 2007).
D’autres décisions jugent en revanche que l’administration peut décider que le contrôle se déroule hors du domicile des parents seulement si des éléments objectifs lui permettent de craindre qu’il soit fait obstacle à son bon déroulement (T.A. Limoges, 6 février 2014, n° 1201087, LIJ, n° 183, mai 2014).
Enfin, l’annulation de la mise en demeure a déjà été prononcée au motif que la procédure prévue par l’article L. 131-10 du code de l’éducation n’avait pas été respectée (cf. T.A. Rennes, 12 février 2016, n° 1404163, LIJ, n° 193, mai 2016 ; T.A. Paris, 3 juin 2014, n° 1313801: LIJ, n° 185, novembre 2014).
Enseignement scolaireSECOND DEGRÉAdministration et fonctionnement des établissements scolaires RELATIONS DE L'ÉTABLISSEMENT AVEC SES COCONTRACTANTS Contrat de location de photocopieurs – E.P.L.E. – Autorité compétente pour conclure un contrat – Vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement au contratC.A.A. Versailles, 11 octobre 2018, Région Île-de-France et lycée X, n° 16VE00460
Une société et un lycée avaient signé deux contrats de location de photocopieurs et autres matériels de reprographie. Après plusieurs mises en demeure et lettres de relance, la société avait résilié les deux contrats en raison du défaut de paiement des loyers échus et avait demandé au lycée de lui verser la somme correspondant aux loyers échus impayés et à l’indemnité de résiliation prévue par les deux contrats.
Par un jugement du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Montreuil avait condamné le lycée à verser à la société la somme qu’elle demandait, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, et lui avait enjoint de restituer les matériels objets des deux contrats de location litigieux.
Saisie en appel par le lycée et la région Île-de-France, la cour administrative d’appel de Versailles a d’abord rejeté pour irrecevabilité la requête d’appel présentée par la région Île-de-France après avoir rappelé qu’un lycée est un établissement public local d’enseignement (E.P.L.E.) doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière en vertu des articles L. 421-1 et suivants du code de l’éducation et qu’il n’appartient pas à la région d’assurer la défense en justice des intérêts pécuniaires de cet établissement public, quand bien même elle a la charge de son équipement en application de l’article L. 214-6 du code de l’éducation. La cour en a par conséquent déduit que la région n’avait ni intérêt, ni qualité pour faire appel d’un jugement condamnant le lycée à payer à une société cocontractante une somme due en exécution de contrats, et ce, alors même que la région avait été appelée à produire des observations en première instance et que le jugement du tribunal lui avait été notifié.
Se prononçant ensuite sur les conclusions présentées par le lycée, la cour administrative d’appel a rappelé les dispositions des articles R. 421-8, R. 421-9 et R. 421-20 du code de l’éducation aux termes desquelles seul le chef d’établissement est compétent, après accord du conseil d’administration, pour conclure tout contrat ou convention engageant l’E.P.L.E. Elle a alors relevé que les deux contrats en litige avaient été signés par l’agent comptable au nom et pour le compte du lycée, alors qu’il n’avait pas compétence pour engager contractuellement l’établissement. La cour a également relevé qu’il ne résultait pas de l’instruction que le chef d’établissement aurait entendu conclure de tels contrats ou que l’établissement aurait donné son consentement à la passation de ces contrats, et qu’au contraire, l’établissement avait montré qu’il souhaitait mettre un terme à ces contrats puisque le proviseur avait informé la société du vice d’incompétence dont ils étaient entachés, avait cherché avec elle une solution amiable pour y mettre un terme, avait signalé les agissements de l’agent comptable au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale, tandis que l’établissement avait rapidement cessé d’utiliser les photocopieurs.
La cour a par conséquent jugé que, compte tenu du vice d’incompétence entachant les deux contrats litigieux et en l’absence de toute circonstance permettant d’estimer que le chef d’établissement et le conseil d’administration du lycée auraient donné leur accord à la conclusion de ces contrats ou à la poursuite de leur exécution, le vice d’une particulière gravité ayant affecté le consentement de l’établissement faisait obstacle à ce que le litige soit réglé sur le terrain contractuel.
La cour a donc annulé le jugement du tribunal administratif de Montreuil condamnant le lycée, sur le terrain contractuel, à verser à la société la somme qu’elle demandait et rejeté les conclusions de la société tendant à obtenir une indemnisation sur le terrain contractuel. Elle a cependant rappelé que le cocontractant d’une personne publique dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre à une indemnisation sur le terrain quasi contractuel ou quasi délictuel. N.B. : La cour administrative d’appel de Versailles fait ici application de la jurisprudence du Conseil d’État aux termes de laquelle le juge, saisi d’un litige relatif à l’exécution d’un contrat, doit, lorsqu’il constate un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel (cf. C.E. Assemblée, 28 décembre 2009, Commune de Béziers, n° 304802, au Recueil Lebon ; C.E., 12 janvier 2011, n° 338551, au Recueil Lebon). Son raisonnement a été similaire s’agissant de la signature d’un contrat de location d’une imprimante par la directrice d’une école maternelle (C.A.A. Versailles, 6 juillet 2017, Société Grenke Location, n° 15VE02279).
Scolarité DISCIPLINE DES ÉLÈVES Réseau social – Diffusion de photographies de professeurs et commentaires dépréciatifs – Secret des correspondances (non) – Exclusion définitive de l’établissement – Sanction disproportionnée (non)T.A. Châlons-en-Champagne, 25 septembre 2018, n° 1800052
Un élève d’une classe de première s’était vu infliger la sanction disciplinaire d’exclusion définitive du lycée pour avoir, dans le cadre d’un groupe de dialogue électronique sur un réseau social, diffusé des photographies de professeurs de l’établissement prises à leur insu, en classe et dans la cour du lycée, et organisé un « sondage » pour évaluer les compétences de sa professeure de mathématiques.
Le requérant demandait au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l’annulation de la décision par laquelle le recteur d’académie avait rejeté son recours contre la décision du conseil de discipline de l’établissement lui infligeant la sanction disciplinaire d’exclusion définitive de l’établissement.
Le tribunal administratif a rejeté sa requête.
Le tribunal s’est d’abord prononcé sur la nature des échanges du groupe de conversation électronique « Messenger » créé par l’élève : il a jugé que ces échanges électroniques n’étaient pas couverts par le secret des correspondances, secret protégé par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et dont la méconnaissance est réprimée par les articles 226-15 et 432-9 du code pénal, dès lors que ce groupe de dialogue « Messenger », même s’il n’était pas public, ne présentait aucun caractère de confidentialité, le contenu des conversations étant consultable et modifiable par toute personne participant à ce groupe de conversation, groupe dont l’accès était possible à quiconque et toute personne nouvellement admise dans le groupe accédant à l’ensemble de l’historique des échanges entre les autres membres du groupe. Il en a par conséquent déduit que l’administration n’avait pas méconnu le secret des correspondances en prenant connaissance du contenu des échanges entre les élèves participant à ce groupe de dialogue électronique, puis en s’en prévalant à l’appui des poursuites disciplinaires qu’elle avait engagées à l’encontre de l’élève.
Puis, après avoir rappelé les dispositions de l’article R. 511-1 du code de l’éducation et celles du règlement intérieur du lycée fréquenté par le requérant, qui énoncent que « toutes les personnes de la communauté scolaire ont droit au respect » et interdisent l’utilisation du téléphone portable à l’intérieur des locaux scolaires et, d’une manière générale, pendant les cours, ainsi que l’usage des appareils audio et vidéo et la capture de photos ou de vidéos à l’aide de ces appareils, et relevé que l’élève avait bien eu connaissance de ces dispositions du règlement intérieur puisqu’elles étaient insérées dans son carnet de correspondance de l’année scolaire 2017-2018, le tribunal administratif a jugé qu’en diffusant dans un groupe de dialogue électronique deux photographies de sa professeure de mathématiques prises à son insu en classe et en créant dans ce même groupe de dialogue un « sondage » destiné à évaluer les enseignements de ce professeur, l’élève l’avait mise en cause dans sa personne et exposée à des commentaires, appréciations ou manipulations électroniques dépréciatives, et avait en outre porté atteinte à l’autorité attachée à la qualité de professeur de l’enseignement secondaire, à l’institution qu’incarne un professeur et à la considération due par les élèves à leur enseignant.
Le tribunal administratif a également retenu que les agissements de cet élève avaient porté atteinte à l’atmosphère de travail au sein de sa classe, au point que plusieurs membres de la communauté éducative avaient déposé des plaintes, d’où il a déduit que ces agissements avaient également préjudicié au bon fonctionnement du service public de l’éducation.
Par conséquent, écartant le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction qu’invoquait le requérant, le tribunal a jugé que la sanction disciplinaire d’exclusion définitive de l’établissement s’imposait au regard de la gravité des faits qui lui étaient reprochés, mais également compte tenu de la taille du lycée dans lequel il était scolarisé qui ne compte qu’une seule classe de première et terminale par série de baccalauréat, de sorte que ce lycéen aurait retrouvé l’année suivante, en classe terminale, la même équipe enseignante, dont sa professeure de mathématiques.
N.B. : Outre qu’il donne à une juridiction administrative, à notre connaissance pour la première fois, l’occasion de se prononcer sur le secret des correspondances en matière d’échanges électroniques sur les réseaux sociaux, ce jugement rappelle qu’un élève peut être sanctionné pour des faits commis en dehors de l’établissement scolaire, y compris via des outils de communication électronique, dès lors que ces faits ont un lien avec l’établissement (cf. C.A.A. Lyon, 13 janvier 2004, n° 01LY02675 ; T.A. Versailles, 21 décembre 2017, n° 1608289, LIJ n° 202, mai 2018). Ce jugement prend également une résonance particulière au regard de la jurisprudence récente du Conseil d’État qui a souligné « le lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du service public de l’éducation » (C.E., 18 juillet 2018, n° 401527, aux tables du Recueil Lebon), ce lien de confiance impliquant nécessairement un comportement respectueux de la part des élèves à l’égard de leurs professeurs.
Enseignement supérieur et rechercheÉTUDESInscription des étudiants ÉQUIVALENCES Renvoi préjudiciel – Reconnaissance des qualifications professionnelles – Directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles – Reconnaissance de titres de formation obtenus à l’issue de périodes de formation partiellement superposables – Pouvoirs de vérification de l’État membre d’accueilC.J.U.E., 6 décembre 2018, Ministero della Salute c/ Hannes Preindl, n° C-675/17
Le Conseil d’État italien avait saisi la Cour de justice de l’Union européenne (C.J.U.E.) d’une question préjudicielle sur l’interprétation des articles 21, 22 et 24 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dont l’objet, pour rappel, est d’établir « les règles selon lesquelles un État membre qui subordonne l’accès à une profession réglementée ou son exercice, sur son territoire, à la possession de qualifications professionnelles déterminées (ci-après dénommé “État membre d’accueil”) reconnaît, pour l’accès à cette profession et son exercice, les qualifications professionnelles acquises dans un ou plusieurs autres États membres (ci-après dénommé(s) “État membre d’origine”) et qui permettent au titulaire desdites qualifications d’y exercer la même profession » (article 1er de la directive).
Le 26 mars 2013, un ressortissant italien avait demandé et obtenu du ministre de la santé italien la reconnaissance de son titre de « Doktor der Zahnheilkunde », obtenu le 8 janvier 2013 en Autriche à l’université de médecine d’Innsbruck, pour exercer la profession de dentiste en Italie. Le 16 octobre 2014, il avait également sollicité la reconnaissance en Italie du titre de « Doktor der gesamten Heilkunde », délivré par la même université autrichienne le 20 août 2014, pour exercer la profession de médecin chirurgien. Les autorités italiennes avaient toutefois refusé de reconnaître ce dernier titre au motif que le demandeur avait suivi parallèlement les deux formations en odontologie et chirurgie (il avait commencé ses études en odontologie le 7 septembre 2004 pour les achever le 8 janvier 2013, et commencé ses études de chirurgie le 21 mars 2006 pour les achever le 20 août 2014) et qu’il s’agissait par conséquent de formations à temps partiel, alors que la législation italienne interdit de s’inscrire simultanément dans différentes universités ou à des cursus universitaires ou des diplômes différents de la même université.
Saisi du litige opposant le demandeur aux autorités italiennes, le Conseil d’État italien avait saisi la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « C.J.U.E. ») d’une question préjudicielle, sur le fondement de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, afin de savoir, alors que l’article 22 de la directive 2005/36/CE autorise les États membres à prévoir des formations à temps partiel à la condition que la durée totale, le niveau et la qualité de la formation ne soient pas inférieurs à ceux requis par la même directive pour les formations à plein temps en continu (soit, par exemple, six années d’études ou 5 500 heures pour la formation médicale), si l’article 21 de la directive impose à un État membre d’accueil, lorsque celui-ci interdit de suivre simultanément deux formations diplômantes, de reconnaître automatiquement les titres délivrés à la suite de formations suivies à temps partiel dans l’État membre d’origine et, en cas de réponse positive, si l’État membre d’accueil est toutefois en droit de vérifier que la condition minimale de formation prévue à l’article 22 de la directive 2005/36/CE est bien respectée.
Après avoir rappelé qu’en vertu de l’article 21 de la directive 2005/36/CE, chaque État membre reconnaît les titres donnant accès aux activités professionnelles de médecin et de dentiste qui sont conformes aux conditions minimales de formation, en leur donnant, en ce qui concerne l’accès aux activités professionnelles et leur exercice, le même effet sur son territoire qu’aux titres de formation qu’il délivre, la C.J.U.E. a relevé qu’aucune disposition de la directive ne s’oppose à ce que les États membres autorisent l’inscription simultanée à plusieurs formations.
La Cour a donc jugé que la reconnaissance des titres de formation est automatique et inconditionnelle pour les États membres, y compris ceux dont la législation prévoit l’obligation de formation à temps plein et l’interdiction d’inscription simultanée à deux formations, comme la législation italienne applicable au cas d’espèce. Les États membres ne peuvent en effet exiger des personnes intéressées le respect d’autres conditions que celles édictées par la directive 2005/36/CE.
La Cour a ensuite jugé que la responsabilité de veiller à ce que les conditions minimales de formation établies par la directive 2005/36/CE soient pleinement respectées pèse intégralement sur l’autorité compétente de l’État membre qui délivre le titre de formation. Elle a rappelé à cet égard que le système de reconnaissance automatique et inconditionnelle serait gravement compromis s’il était loisible aux États membres de remettre en question, à leur discrétion, le bien-fondé de la décision de l’autorité compétente d’un autre État membre de délivrer un titre de formation. Elle a toutefois rappelé qu’en vertu de l’article 50 de la directive 2005/36/CE, l’État membre d’accueil peut, en cas de doute justifié, exiger des autorités compétentes d’un État membre une confirmation de l’authenticité des attestations et des titres de formation qu’elles ont délivrés et, le cas échéant, une confirmation que les détenteurs de ces titres remplissent bien les conditions minimales de formation exigées par la directive 2005/36.
PersonnelsQUESTIONS COMMUNESCongés CONGÉ DE MALADIE Fonctionnaires et agents publics – Congés de maladie – Contrôle de l’administration – Contre-visite médicale – Absence sans justification de l’agent de son domicile au moment de la contre-visite – Rémunération – Retenue sur traitement T.A. Mayotte, 13 novembre 2018, n° 1600172 et n° 1600277
Le requérant, professeur bénéficiant d’un congé de maladie, avait été absent sans justification de son domicile lors de la contre-visite médicale organisée par l’administration. L’administration avait opéré une retenue sur son traitement pour absence de service fait. Le professeur demandait au tribunal d’annuler cette retenue sur son traitement.
Le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa requête.
Le tribunal a rappelé les dispositions de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, qui disposent que l’agent en congé de maladie conserve son traitement pendant une durée de trois mois, ainsi que celles de l’article 25 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l’organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d’aptitude physique pour l’admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, qui prévoient que l’administration peut faire procéder à tout moment à la contre-visite de l’agent bénéficiant d’un congé de maladie par un médecin agréé et que l’agent doit se soumettre, sous peine d’interruption de sa rémunération, à cette contre-visite.
En l’espèce, le tribunal a relevé que le requérant était absent de son domicile lors de la contre-visite organisée par l’administration et ne justifiait d’aucune dispense exceptionnelle complétée par son médecin à la rubrique « éléments d’ordre médical » autorisant des sorties sans restriction d’horaires, ainsi que le prévoit le document Cerfa relatif aux avis d’arrêt de travail.
Dans ces conditions, le tribunal a jugé que l’agent devait être regardé comme s’étant soustrait à la contre-visite médicale et que l’administration était par suite fondée à pratiquer une retenue sur son traitement.
N.B. : Lorsqu’elle estime que des arrêts de travail produits par des agents sont des certificats médicaux de complaisance, l’administration n’est pas dépourvue de toute possibilité d’agir. Mais elle doit alors contester le bien-fondé de cet arrêt de travail conformément aux procédures fixées par les textes, en l’occurrence, s’agissant d’un agent appartenant à la fonction publique de l’État, conformément aux dispositions de l’article 25 du décret du 14 mars 1986 qui prévoient le recours à une contre-visite de l’agent par un médecin agréé.
Lorsque le médecin agréé conclut à l’aptitude de l’agent à reprendre son service et que l’agent n’a pas saisi le comité médical compétent pour contester les conclusions de cet avis, l’administration est en droit de refuser le bénéfice du congé de maladie, sous réserve d’une évolution défavorable de l’état de santé de l’agent ou d’une nouvelle affection qui serait survenue postérieurement à la contre-visite et attestée par un nouveau certificat médical (cf. C.E., 30 décembre 2011, n° 343197, aux tables du Recueil Lebon).
Si l’agent fait échec à la contre-visite médicale en s’abstenant, sans justification, de se soumettre à l’examen du médecin agréé, il découle de l’article 25 du décret du 14 mars 1986 que l’administration peut cesser de verser sa rémunération à l’agent qui refuse ou évite la contre-visite sans pour autant reprendre son service. Il a été jugé qu’un agent ayant fourni un arrêt de travail dont les indications incomplètes sur son lieu de résidence n’ont pas permis de lui faire parvenir une lettre l’informant d’une contre-visite s’était soustrait, en raison de cette négligence, au contrôle que peut légalement exercer l’administration sur les agents bénéficiaires d’un congé de maladie (C.E., 24 octobre 1990, n° 78592, aux tables du Recueil Lebon). Un agent qui refuse de laisser accéder à son domicile le médecin agréé chargé par l’administration de procéder à une contre-visite médicale et lui propose d’y procéder soit dans le hall, soit à son cabinet médical a été regardé également comme ayant refusé de se soumettre à cette contre-visite (C.E., 26 janvier 2007, n° 281516, aux tables du Recueil Lebon).
CONGÉ DE FORMATION PROFESSIONNELLE Professeur des écoles – Congé de formation professionnelle – Droit à l’octroi du congé lorsque l’absence concerne moins de 5 % des agents (absence) T.A. Bordeaux, 8 octobre 2018, n° 1604680
Mme X, professeure des écoles affectée dans une école maternelle, avait sollicité le 29 mars 2016, pour la troisième fois, un congé de formation professionnelle pour l’année 2016-2017 afin de préparer un certificat d’études supérieures paysagères. Le recteur de l’académie de Bordeaux, après avoir consulté la commission administrative paritaire, lui avait opposé un refus par une décision du 11 mai 2016, confirmée implicitement par le silence gardé par le ministre de l’éducation nationale sur son recours hiérarchique.
Le tribunal administratif de Bordeaux a, par son jugement du 8 octobre 2018, rejeté la requête de Mme X qui demandait l’annulation de la décision rectorale du 11 mai 2016 et du rejet implicite de son recours hiérarchique par le ministre.
Le tribunal administratif a tout d’abord relevé que Mme X n’avait, dans sa requête, soulevé que des moyens de légalité interne et qu’elle n’était plus recevable, dans son mémoire en réplique présenté après l’expiration du délai de recours contentieux, à soulever des moyens de légalité externe, qui ressortissent d’une cause juridique différente (cf. C.E. Section, 20 février 1953, Société Intercopie, n° 9772, au Recueil Lebon).
Après avoir cité les articles 24 et 27 du décret n° 2007-1470 du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l’État, le tribunal a ensuite rappelé que lorsque le refus d’octroi d’un congé de formation professionnelle est, comme c’était le cas en l’espèce, justifié par les nécessités du service, le moyen tiré de ce que les dépenses relatives aux congés de formation professionnelle n’atteignent pas 0,20 % des crédits affectés aux traitements bruts et aux indemnités du ministère concerné est inopérant.
Enfin, le tribunal a précisé que si l’article 27 du décret du 15 octobre 2007 permet à l’administration de différer, après avis de la commission administrative compétente, l’octroi d’un congé de formation lorsque plus de 5 % des agents du service en bénéficient, ces dispositions n’imposent pas à l’administration d’accorder un congé de formation professionnelle différé à un agent lorsque moins de 5 % des agents du service bénéficient d’un tel congé.
Accident de service et maladie contractée en service Fonctionnaires et agents publics – Accident de service – Accident de trajet – Qualification – Détour géographique – Nécessité de la vie courante – InclusionT.A. Rouen, 20 septembre 2018, n° 1602933
Mme X, professeure des écoles, avait été victime d’un accident de la circulation alors qu’elle allait déposer son fils chez sa nourrice avant de se rendre sur son lieu de travail. Par une décision du 5 juillet 2016, le recteur de l’académie de Rouen avait refusé de reconnaître cet accident comme imputable au service. Mme X avait formé un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Rouen contre cette décision.
Le tribunal administratif a fait droit à sa demande en annulant la décision rectorale attaquée, au motif qu’elle était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
Après avoir cité les dispositions du 2° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, le tribunal a rappelé qu’est présumé être un « accident de trajet » tout accident dont est victime un agent public qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s’accomplit son travail et sa résidence et pendant la durée normale pour l’effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l’accident du service.
En l’espèce, le tribunal a jugé que, dès lors qu’il était établi que la requérante avait l’habitude de déposer son fils, alors âgé de trois ans, chaque mercredi, journée sans classe, chez sa nourrice avant de rejoindre son lieu de travail, le détour géographique qu’elle effectuait pour ce faire avant de rejoindre son lieu de travail devait être regardé comme son parcours habituel du mercredi matin pour se rendre à son travail et constituait de ce fait une nécessité de la vie courante. La circonstance selon laquelle l’accident est survenu dans la première partie du trajet, entre le domicile de la requérante et la résidence de la nourrice de son fils, laquelle est relativement éloignée du lieu de travail de la requérante, ne suffit pas, dans les circonstances de l’espèce, à détacher l’accident du service.
N.B. : Dans ce jugement, le tribunal administratif de Rouen fait application de la jurisprudence du Conseil d’État relative à la qualification d’« accident de trajet », qui pose une présomption d’imputabilité au service de tout accident se produisant sur le parcours habituel entre le lieu de travail de l’agent et sa résidence et pendant la durée normale pour l’effectuer, sauf si un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l’accident du service (cf. C.E. Section, 17 janvier 2014, Ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, n° 352710, au Recueil Lebon ; s’agissant d’un détour sur le chemin du travail pour déposer un enfant chez la nourrice, regardé comme une nécessité de la vie courante : C.E., 9 janvier 1995, Caisse des dépôts et consignations, n° 124026, aux tables du Recueil Lebon). Dans ces litiges, tout est affaire de circonstances de l’espèce : au cas particulier, la requérante établissait que ce trajet, quand bien même il constituait un détour par rapport au parcours plus direct entre son domicile et son lieu de travail, était son parcours habituel entre son domicile et le lieu de son travail tous les mercredis pour déposer son enfant chez sa nourrice, et que, par suite, ce détour répondait aux nécessités de la vie courante (cf. C.E., n° 124026, susmentionné) et ne traduisait aucune intention de sa part de ne pas rejoindre son travail dans un délai normal et par son itinéraire habituel (C.E., n° 352710, susmentionné) le mercredi. Faute pour l’administration de démontrer que Mme X s’était écartée de son trajet habituel pour un motif de nature à détacher l’accident du service et, plus précisément ici, pour des raisons étrangères à une nécessité de la vie courante, l’accident dont elle avait été victime devait être regardé comme un accident de trajet et, par conséquent, être reconnu imputable au service (cf. également, s’agissant d’accidents survenus lors d’un détour par rapport au trajet entre le domicile et le lieu de travail : C.E. Section, 29 janvier 2010, n° 314148, au Recueil Lebon ; C.E., 27 octobre 1995, Ministre du budget, n° 154629, au Recueil Lebon).
Droits et garanties DROIT AU RECLASSEMENT DES FONCTIONNAIRES Obligation pour l'employeur de chercher à reclasser un salarié dont l’inaptitude physique définitive à l’exercice de son emploi a été médicalement constatée avant de pouvoir prononcer son licenciement – Existence, sauf si l'agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle – Cas dans lesquels le reclassement est impossible – Absence d'emploi vacant, intéressé déclaré inapte à toute fonction, refus de la proposition d'emploiC.E., 25 mai 2018, n° 407336, au Recueil Lebon
M. X, employé en qualité d’agent public titulaire d’un contrat à durée indéterminée par l’Agence nationale pour l’emploi, devenue Pôle emploi, avait été placé en congé de maladie, puis de grave maladie pour une durée d’un an, du 31 août 2006 au 30 août 2007. Après avis du comité médical et du comité médical supérieur, Pôle emploi n’avait pas renouvelé ce congé de grave maladie et avait placé M. X, par une décision du 8 octobre 2008, en congé de maladie sans traitement à compter du 31 août 2007, avant de le licencier pour inaptitude physique le 5 mars 2012 et de prononcer son admission à la retraite à compter du 1er avril suivant.
Saisi par M. X, le tribunal administratif de Melun avait partiellement fait droit à sa demande en condamnant Pôle emploi à l’indemniser des préjudices causés par l’absence fautive de régularisation de sa situation entre le 1er septembre 2008 et le 5 mars 2012 et avait rejeté le surplus de ses conclusions. La cour administrative d’appel de Paris avait, par un arrêt du 29 novembre 2016, rejeté l’appel formé par M. X contre le jugement du tribunal en tant qu’il avait rejeté une partie de ses demandes.
Le Conseil d’État, devant lequel M. X s’était pourvu en cassation, a, par sa décision du 25 mai 2018, annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris.
Le Conseil d’État a tout d’abord rappelé le principe général du droit – dont s’inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables aux fonctionnaires – en vertu duquel, lorsqu’il a été médicalement constaté qu’un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d’une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l’employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l’intéressé dans un autre emploi (cf. C.E., 2 octobre 2002, Chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle, n° 227868, au Recueil Lebon).
Reprenant ensuite les précisions apportées par sa décision du 19 mai 2017, n° 397577, aux tables du Recueil Lebon, le Conseil d’État a rappelé que la mise en œuvre de ce principe implique, sauf si l'agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle, que son employeur lui propose un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi si l'intéressé l'accepte.
Enfin, le Conseil d’État a complété sa jurisprudence sur cette question en précisant que cette obligation de reclassement cesse de peser sur la personne publique lorsque le reclassement est impossible : soit parce qu'il n'existe aucun emploi vacant compatible avec son état de santé pouvant être proposé à l'intéressé, soit parce que l'intéressé a été déclaré inapte à l'exercice de toute fonction, ou soit encore parce que l'intéressé refuse la proposition d'emploi qui lui est faite. Dans de telles situations, il appartient à l'employeur de prononcer le licenciement de l’intéressé, en respectant les conditions qui lui sont applicables.
Au cas d’espèce, le Conseil d’État a relevé que le médecin mandaté par Pôle emploi qui avait examiné M. X l’avait déclaré inapte à la reprise de « ses » fonctions et non inapte à l’exercice de « toute fonction », et qu’il appartenait par conséquent à Pôle emploi de chercher à le reclasser dans un autre emploi avant de prononcer son licenciement. Il a rappelé qu’un agent pouvait soutenir devant le juge que son licenciement résultait d’une méprise de son employeur sur la portée du certificat médical le concernant, sans avoir préalablement contesté devant son employeur la portée donnée à ce certificat. Il en a déduit qu’en se fondant, pour rejeter la requête de M. X, sur la seule circonstance qu’il n’avait pas contesté devant son employeur les constatations médicales faites sur son aptitude, la cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit.
N.B. : Par cette décision du 25 mai 2018, le Conseil d’État fait pour la première fois application aux agents contractuels de droit public de Pôle emploi régis par le décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003 du principe général du droit dégagé par sa décision du 2 octobre 2002, n° 227868 (susmentionnée), dont il a précisé les conditions de mise en œuvre par sa décision du 19 mai 2017, n° 397577 (susmentionnée). Cette décision lui donne l’occasion de préciser encore sa jurisprudence sur cette question et, plus précisément, les cas dans lesquels le reclassement étant impossible, l’obligation de chercher à reclasser l’agent reconnu définitivement inapte physiquement à l’exercice de ses fonctions cesse de peser sur l’administration : à l’absence d’emploi vacant compatible avec l’état de santé de l’agent et au refus d’une proposition d’emploi faite par l’administration déjà mentionnés par la décision du 19 mai 2017, il ajoute la reconnaissance de l’inaptitude de l’agent à toute fonction et la volonté non équivoque expressément manifestée par l’agent de ne pas reprendre une activité professionnelle.
Rémunérations, traitement et avantages en nature RÉPÉTITION DE L’INDU Agent ayant épuisé ses droits à un congé de maladie ordinaire – Obligation de l'employeur – Maintien d'un demi-traitement prévu par la réglementation dans l'attente de l’avis du comité médical qu'il doit saisir – Acte créateur de droits – Existence – Conséquence – Sommes versées à ce titre définitivement acquises par l'agent en dépit de l'effet rétroactif de la décision se prononçant sur sa situation et le plaçant le cas échéant dans une position statutaire n'ouvrant pas droit par elle-même au versementC.E., 9 novembre 2018, Commune de Perreux-sur-Marne, n° 412684, aux tables du Recueil Lebon
Mme X, fonctionnaire territoriale employée par une commune, avait été placée en congé de maladie ordinaire du 27 septembre 2011 au 18 janvier 2012, puis de manière continue à compter du 23 janvier 2012. Sa demande de placement en congé de longue maladie, le 26 mars 2012, avait fait l’objet d’un avis défavorable du comité médical départemental le 4 mai 2012. Dans l’attente de l’avis du comité médical supérieur saisi de la contestation de Mme X, cette dernière avait été maintenue en congé de maladie ordinaire à titre provisoire jusqu’au 22 janvier 2013, date d’expiration de ses droits à congé de maladie ordinaire, puis, à compter du 23 janvier 2013, elle avait été placée en disponibilité d’office pour raisons de santé avec maintien de son demi-traitement. Le comité médical supérieur ayant le 25 juin 2013 confirmé l’avis du comité médical départemental défavorable à un placement en congé de longue maladie, la commune avait saisi le comité médical départemental d’une demande d’avis sur le placement de Mme X en disponibilité d’office, lequel comité avait émis un avis favorable à son placement en disponibilité d’office à compter du 12 janvier 2013. Mme X avait été placée rétroactivement en disponibilité d’office, sans traitement, à compter du 23 janvier 2013.
L’employeur de Mme X ayant émis le 2 décembre 2013 un titre de recettes afin de recouvrer les demi-traitements qui lui avaient été versés depuis le 23 janvier 2013, date d’effet de sa mise en disponibilité d’office, pour un montant de 6 807, 20 euros, Mme X avait formé devant le tribunal administratif de Melun une opposition à exécution. Par un jugement du 13 mai 2015, confirmé par la cour administrative d’appel de Paris, le tribunal administratif de Melun avait annulé de titre de recettes du 2 décembre 2013 et déchargé Mme X de l’obligation de payer la somme de 6 807, 20 euros.
La commune s’étant pourvue en cassation, le Conseil d’État a, par sa décision du 9 novembre 2018, rejeté son pourvoi.
Le Conseil d’État a tout d’abord rappelé qu’il résulte de l’article 17 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa rédaction issue de l’article 2 du décret n° 2011-1245 du 5 octobre 2011, que lorsque l'agent a épuisé ses droits à un congé de maladie ordinaire, il appartient à la collectivité qui l'emploie, d'une part, de saisir le comité médical, qui doit se prononcer sur son éventuelle reprise de fonctions ou sur sa mise en disponibilité ou sur son reclassement dans un autre emploi ou sur son admission à la retraite après avis de la commission de réforme, et, d'autre part, de verser à l'agent un demi-traitement dans l'attente de la décision du comité médical.
Il a précisé que la circonstance que la décision prononçant la reprise d'activité de l’agent, son reclassement dans un autre emploi, sa mise en disponibilité ou son admission à la retraite rétroagisse à la date de fin de ses droits à congés de maladie n'a pas pour effet de retirer le caractère créateur de droits du maintien du demi-traitement prévu par cet article 17 du décret du 30 juillet 1987.
Il en a déduit que le demi-traitement versé à un agent en application de ces dispositions ne présente pas un caractère provisoire et reste acquis à cet agent alors même que celui-ci a, par la suite, été placé rétroactivement dans une position statutaire n'ouvrant pas, par elle-même, droit au versement d'un demi-traitement, confirmant ainsi l’analyse faite par la cour administrative d’appel de Paris.
N.B. : La solution adoptée par le Conseil d’État dans cette décision découle directement du régime du retrait des actes créateurs de droit tel que défini par les décisions C.E. Assemblée du 26 octobre 2001 (n° 197018) et C.E. Section du 12 octobre 2009 (n° 310300), publiées au Recueil Lebon.
La solution dégagée par cette décision à propos de l’article 17 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 est totalement transposable à la fonction publique de l’État dès lors que les dispositions de l’article 27 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l’organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d’aptitude physique pour l’admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires sont identiques à celles de l’article 17 du décret du 30 juillet 1987. En revanche, comme le relevait M. Gilles Pellissier dans ses conclusions sur cette affaire, une telle solution ne saurait être regardée, dans le cas d’une admission rétroactive de l’agent à la retraite, comme ouvrant droit au cumul pour une même période entre le demi-traitement maintenu en application de l’article 17 du décret du 30 juillet 1987 et la pension de retraite, ni ne peut être regardée comme excluant des possibilités de compensation lorsque c’est le comportement de l’agent qui est à l’origine du délai pour prendre la décision prononçant la reprise d'activité, le reclassement, la mise en disponibilité ou l'admission à la retraite (cf. C.E., 21 février 2018, n° 396013, aux tables du Recueil Lebon).
Discipline FAUTES Sanction disciplinaire infligée à un agent public – Professeur ayant commis une atteinte sexuelle sur un mineur en dehors du service – Caractère fautif des faits reprochés – Proportionnalité de la sanction – RévocationC.A.A. Douai, 8 novembre 2018, Ministre de l’éducation nationale, n° 16DA01028
M. X, professeur certifié, avait été condamné à une peine d’emprisonnement d’un an avec sursis total et mise à l’épreuve pendant deux ans pour atteintes sexuelles sur un jeune enfant de sept ans commises dans la sphère familiale. L’administration avait prononcé à son encontre la sanction de la révocation.
Par un jugement du 5 avril 2016, le tribunal administratif de Lille avait annulé cette sanction qu’il estimait disproportionnée compte tenu de l’ancienneté des faits, de leur caractère isolé, de ce qu’ils avaient été commis en dehors du service et n’avaient reçu aucune publicité, des excuses présentées par M. X, du suivi psychiatrique régulier dont il avait bénéficié, de sa prise de conscience de la gravité des faits et de l’absence de contact avec des mineurs de quinze ans dans son cadre professionnel puisqu’il était en fonction dans un lycée.
Par un arrêt du 8 novembre 2018, la cour administrative d’appel de Douai, saisie par le ministre, a annulé ce jugement et rejeté la demande d’annulation de la sanction de révocation que M. X avait présentée devant le tribunal.
La cour a jugé qu’« eu égard à l’exigence d’exemplarité et d’irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, y compris en dehors du service, et compte tenu de l’atteinte portée, du fait de la nature des fautes commises par l’intéressé, à la réputation du service public de l’éducation nationale, ainsi qu’au lien qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du service, toutes les sanctions moins sévères susceptibles d’être infligées à M. X en application de l’article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 (…) étaient, en raison de leur caractère insuffisant, hors de proportion avec les fautes commises par ce dernier. Dès lors, le ministre de l’éducation nationale est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 26 avril 2011 révoquant M. X ».
N.B. : Dans cet arrêt du 8 novembre 2018, la cour administrative d’appel de Douai a repris le considérant de principe de la décision du Conseil d’État du 18 juillet 2018 (n° 401527 et n° 401629, aux tables du Recueil Lebon), rendue à propos d’une sanction de mise à la retraite d’office infligée à un professeur de l’enseignement secondaire condamné pénalement pour avoir commis des agressions sexuelles sur mineur de quinze ans par personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions.
Cette décision de la cour de Douai, qui fait application de la jurisprudence la plus récente du Conseil d’État soulignant les exigences particulières attendues des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité auprès de mineurs (cf. C.E., 18 juillet 2018, n° 401527, susmentionné ; également : décisions C.E. Assemblée, 30 décembre 2014, n° 381245, et C.E., 27 février 2015, n° 376598, toutes deux publiées au Recueil Lebon), permet aux services de l’éducation nationale d’espérer que les juridictions administratives feront une application moins « automatique » et plus mesurée de la décision du Conseil d’État du 27 juillet 2009, Ministre de l’éducation nationale, n° 313588, publiée au Recueil Lebon, que le tribunal administratif de Lille avait manifestement en tête dans son jugement du 5 avril 2016, annulé par la cour.
La cour de Douai a pris le soin de souligner que ce sont ces éléments mis en avant par cette jurisprudence du Conseil d’État que le tribunal avait pris en compte pour se prononcer, avant de rappeler fermement pour sa part la gravité des faits commis, constitutifs d’une infraction sexuelle, l’atteinte à la réputation du service public de l’éducation nationale qui en résulte et la circonstance qu’en les commettant, M. X manifestait ainsi son incapacité à s’acquitter de ses obligations professionnelles, qui impliquent une attention particulière à la protection de la jeunesse, pour juger que de tels faits étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire du quatrième groupe. Par un arrêt du 27 novembre 2018, n° 17MA04521, la cour administrative d’appel de Marseille a également fait application de la décision du Conseil d’État du 18 juillet 2018 à des faits de consultation habituelle d’images pédopornographiques par un professeur des écoles, en rappelant la gravité et l’incompatibilité de tels faits avec la poursuite de fonctions enseignantes.
Cessation de fonctions RADIATION Fonctionnaires et agents publics – Cessation de fonctions – Communication du bulletin n° 2 du casier judiciaire à l’employeur – Radiation des cadres par révocation – Procédure disciplinaireC.E., 18 octobre 2018, n° 412845 , aux tables du Recueil Lebon
M. X, fonctionnaire territorial de la Nouvelle-Calédonie, professeur des écoles, avait été condamné le 16 mars 2012 par le tribunal correctionnel de Nouméa, puis, le 26 juin 2012, par la cour d’appel de Nouméa à une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis total et mise à l’épreuve pendant trois ans, assortie de l’obligation de se soumettre à des mesures d’examen médical, de traitement et de soins, et de ne pas entrer en relation avec la victime, sa famille et ses proches par quelque moyen que ce soit, pour des faits d’appels téléphoniques malveillants et répétés, d’outrage et de rébellion contre une personne chargée d’un service public. Après réception du bulletin n° 2 de son casier judiciaire, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie avait engagé une procédure disciplinaire à son encontre, à l’issue de laquelle la présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie avait, par arrêté du 29 août 2014 pris après avis de la commission administrative paritaire compétente siégeant en formation disciplinaire, radié M. X des cadres des services du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au motif de l’incompatibilité des mentions inscrites au bulletin n° 2 de son casier judiciaire avec l’exercice des fonctions de professeur des écoles.
Le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie avait rejeté la demande de M. X tendant à l’annulation de l’arrêté de radiation des cadres du 29 août 2014, puis la cour administrative d’appel de Paris avait rejeté sa requête d’appel.
Par sa décision du 18 octobre 2018, le Conseil d’État a également rejeté le pourvoi en cassation de M. X.
Le Conseil d’État a d’abord rappelé, après avoir cité les dispositions de l’article 105 de l’arrêté du 22 août 1953 portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux en vigueur en Nouvelle-Calédonie et celles de l’article 4 de la délibération n° 81 du 24 juillet 1990 portant droits et obligations des fonctionnaires territoriaux de la Nouvelle-Calédonie, qu’une décision de radiation n’est prise, pour la gestion des cadres, qu’en conséquence d’une décision administrative ou juridictionnelle antérieure mettant fin définitivement aux fonctions de l’agent.
Il a ensuite précisé que si l’autorité administrative peut se fonder sur l'article 4 de la délibération du 24 juillet 1990 portant droits et obligations des fonctionnaires territoriaux de la Nouvelle-Calédonie précité pour refuser de nommer ou titulariser un agent public, elle ne peut légalement, s'agissant d'un agent en activité, prononcer directement sa radiation des cadres au motif que les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire seraient incompatibles avec l'exercice des fonctions, mais qu’il lui appartient dans ce cas d’engager, le cas échéant, une procédure disciplinaire pour les faits ayant donné lieu à la condamnation pénale mentionnée au casier judiciaire de l'agent et, si cette procédure disciplinaire se conclut par une sanction mettant fin à ses fonctions de manière définitive, de prononcer sa radiation des cadres par voie de conséquence.
En l’espèce, le Conseil d’État a relevé que M. X avait été convoqué devant la commission paritaire compétente siégeant en conseil de discipline appelée à émettre un avis sur la sanction à lui infliger à raison des faits ayant entraîné sa condamnation pénale et que cette commission disciplinaire s’était prononcée à l’unanimité en faveur de sa radiation des cadres au motif de l’incompatibilité des mentions inscrites au bulletin n° 2 de son casier judiciaire avec l’exercice des fonctions de professeur des écoles. Il en a déduit que la cour administrative d’appel de Paris n’avait pas commis d’erreur de droit, ni dénaturé les faits ou les pièces du dossier en jugeant que l’arrêté du 29 août 2014 attaqué, quand bien même il présentait la décision comme une mesure de radiation administrative, prononçait en réalité la sanction disciplinaire de la révocation prévue par l’article 105 de l’arrêté du 22 août 1953, en se fondant non pas sur la condamnation pénale de M. X, mais sur les faits pour lesquels il avait été condamné.
N.B. : Le Conseil d’État fait ici application de sa jurisprudence constante (cf. C.E., 12 avril 1995, Ministre de l’éducation nationale c/ M. X, n° 136656) selon laquelle si l’administration peut légalement se fonder sur l’article 5 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui dispose que nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions, pour refuser de nommer ou de titulariser un agent public, elle ne peut légalement se fonder sur cette disposition pour mettre fin aux fonctions d’un fonctionnaire en exercice sans observer la procédure disciplinaire. Il convient toutefois de bien distinguer cette jurisprudence du régime des incapacités prévu par l’article L 911-5 du code de l’éducation qui permet, dans un objectif d’intérêt général tenant à la protection de l’enfance, de prononcer, sans procédure disciplinaire préalable, la radiation des cadres de personnels exerçant dans des établissements d’enseignement, notamment les enseignants du premier degré qui ont été condamnés pour crime ou délit contraire à la probité et aux mœurs (sur ce point, cf. C.E., 4 avril 2012, n° 356637).
DÉMISSION Fonctionnaires et agents publics – Indemnité de départ volontaire (I.D.V.) – Conditions d’octroi – Motifs de refus – Intérêt du service – Motif non prévu par le décret instituant l’indemnité (erreur de droit)T.A. Cergy-Pontoise, 18 octobre 2018, n° 1600407
Une fonctionnaire du ministère de l’éducation nationale placée en position de disponibilité pour suivre son conjoint demandait au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’annuler la décision du recteur de l’académie de Versailles rejetant sa demande d’octroi d’une indemnité de départ volontaire (I.D.V.) pour création ou reprise d’entreprise, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux qu’elle avait formé contre cette décision.
Par un jugement du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du recteur de l’académie de Versailles et enjoint à ce dernier de procéder à un nouvel examen de la demande de l’intéressée.
Après avoir cité les dispositions des articles 1er et 3 du décret n° 2008-368 du 17 avril 2008 instituant une indemnité de départ volontaire, dans leur version applicable à la date de la décision contestée, le tribunal a rappelé que si l’administration peut légalement se fonder sur l’intérêt du service pour rejeter une demande de démission et d’attribution de l’indemnité de départ volontaire qui lui est subordonnée, « elle ne peut en revanche pas, sans commettre une erreur de droit, se fonder sur un motif non prévu par les dispositions du décret du 17 avril 2008 ».
En l’espèce, le tribunal a relevé que le refus d’attribution de l’indemnité de départ volontaire que le recteur de l’académie de Versailles avait opposé à l’agent était motivé non seulement par le caractère incomplet de son dossier, mais également par la qualité de son projet d’entreprise qu’il estimait insuffisamment étayé et manquant de précisions.
Le tribunal en a déduit que le recteur d’académie avait, ce faisant, « instauré un contrôle a priori de la qualité du projet de création ou de reprise d’une entreprise » que ne prévoient pas les dispositions de l’article 3 du décret du 17 avril 2008 susmentionné, qui subordonnent seulement le versement de l’indemnité à un contrôle a posteriori de l’existence juridique et de la réalité de l’activité de l’entreprise créée ou reprise.
Le tribunal administratif a par conséquent jugé que la décision de rejet de la demande de la requérante, fondée sur un motif non prévu par le décret du 17 avril 2008 et qui ne se rattache pas à l’intérêt du service, était entachée d’une erreur de droit.
N.B. : L’administration peut légalement se fonder sur l’intérêt du service pour refuser la démission d’un agent et, par suite, pour rejeter sa demande d’octroi d’une indemnité de départ volontaire (cf. C.A.A. Nancy, 29 novembre 2012, n° 12NC00259). Il appartient à l’administration, dans une telle hypothèse, de justifier de manière circonstanciée les nécessités imposant que l’agent poursuive l’exercice de ses fonctions malgré son souhait de quitter le service (cf. T.A. Besançon, 13 avril 2011, n° 1001368, LIJ n° 157, juillet-août-septembre 2011).
Cependant, l’autorité administrative ne peut pas motiver un refus d’octroi du bénéfice de l’I.D.V. pour création ou reprise d’une entreprise par un motif non prévu par le décret du 17 avril 2008 (cf. C.A.A. Versailles, 26 octobre 2017, Ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, n° 16VE00888), et notamment pas par l’appréciation portée sur la qualité du projet de création ou de reprise d’entreprise présenté par l’agent. Le tribunal administratif de Grenoble avait adopté la même solution s’agissant d’une professeure des écoles à laquelle le recteur d’académie avait refusé d’octroyer l’indemnité en raison de la « qualité incertaine » de son projet de création d’entreprise (cf. T.A. Grenoble, 22 juin 2017, n° 1604373). Par ailleurs, en application de l’article 3 du décret du 17 avril 2008, l’I.D.V. pour création ou reprise d’entreprise ne peut pas être attribuée à un agent si l’entreprise a déjà été créée à la date à laquelle il formule sa demande (cf. arrêt susmentionné de la C.A.A. Versailles du 26 octobre 2017). De même, le montant de la seconde moitié de l’I.D.V. ne peut pas être versé si le demandeur ne justifie pas, à l’issue du premier exercice, de la réalité de l’activité de l’entreprise (cf. C.A.A. Bordeaux, 27 février 2017, n° 15BX01308).
Questions propres aux agents non titulaires LICENCIEMENT – NON-RENOUVELLEMENT D’ENGAGEMENT Agents non titulaires recrutés par les universités pour exercer des fonctions d’enseignement (article L. 952-1 du code de l’éducation et décret n° 87-889 du 29 octobre 1987) – Contrats conclus pour une durée déterminée – Fin du contrat – Droit au renouvellement du contrat (non) – Refus de renouvellement ne pouvant toutefois être fondé que sur un motif tiré de l’intérêt du service – Refus de renouvellement du contrat non constitutif d’un licenciementC.E., 12 septembre 2018, n° 400453
Ayant dispensé des enseignements pendant vingt-cinq ans au sein du département de langues étrangères appliquées (L.E.A.) d’une université sur le fondement de contrats à durée déterminée conclus chaque année, la requérante avait demandé, en vain, au président de cette université de transformer son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. Par ailleurs, la directrice du département de L.E.A. avait fait savoir à la requérante qu’aucun enseignement ne lui serait confié pour l’année universitaire suivante.
La requérante avait contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Pau et la cour administrative d’appel de Bordeaux qui avaient, tous deux, rejeté ses demandes. Elle avait alors formé un pourvoi en cassation.
S’agissant du refus de reconnaître à la requérante un droit au bénéfice d’un contrat à durée indéterminée, le Conseil d’État a tout d’abord rappelé les dispositions de l’article L. 952-1 du code de l’éducation qui prévoient notamment que les chargés d’enseignement « (…) sont nommés pour une durée limitée par le président de l’université, sur proposition de l’unité intéressée, ou le directeur de l’établissement (…) ». Confirmant sa décision du 15 décembre 2010 (Université de la Méditerranée – Aix-Marseille-II, n° 328372, aux tables du Recueil Lebon), en en faisant application à des faits postérieurs à la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, le Conseil d’État a jugé qu’il résulte des dispositions de cet article L. 952-1 et de celles du décret n° 87-889 du 29 octobre 1987 relatif aux conditions de recrutement et d’emploi de vacataires pour l’enseignement supérieur pris pour leur application, qui régissent le recrutement par les universités d'agents non titulaires pour exercer des fonctions d'enseignement, que « les contrats passés par les universités en vue de recruter des chargés d’enseignement sont conclus pour une durée déterminée, le cas échéant renouvelable ».
Après avoir relevé que la cour administrative d’appel avait retenu, sans entacher de dénaturation son appréciation souveraine, que la requérante avait été recrutée en qualité de chargée d’enseignement, par des contrats annuels pendant vingt-cinq ans entre 1987 et 2012, le Conseil d’État a jugé que la cour administrative d’appel avait à bon droit pu en déduire qu’en vertu des dispositions précitées de l’article L. 952-1 du code de l’éducation, « ces contrats conclus avec l’université ne pouvaient l’être que pour une durée déterminée ».
Tirant les conséquences de ce que la requérante n’était ni titulaire d’un contrat à durée indéterminée, ni réputée titulaire d’un tel contrat, mais seulement bénéficiaire d’un contrat limité à l’année universitaire en cause, le Conseil d’État a jugé que la cour n’avait pas commis d’erreur de droit en retenant que la décision de ne pas confier d’enseignements à l’intéressée pour l’année universitaire suivante ne constituait pas une mesure de licenciement (pour une illustration, cf. C.E., 10 avril 1995, Union départementale des syndicats Force ouvrière du Rhône et M. X, n° 140911), mais seulement un refus de renouvellement de son contrat à durée déterminée. Enfin, après avoir rappelé la jurisprudence bien établie en la matière selon laquelle « un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie pas d’un droit au renouvellement de son contrat ; (…) toutefois, le refus de renouvellement d’un tel contrat ne peut se fonder que sur un motif tiré de l’intérêt du service » (C.E., 10 juillet 2015, Département de la Haute-Corse, n° 374157, aux tables du Recueil Lebon ; C.E., 13 mars 2002, n° 232530 ; C.E., 15 décembre 2014, Centre hospitalier d'Avignon, n° 366426 ; C.E., 17 février 2016, n° 393695), le Conseil d’État a jugé que la cour n’avait pas dénaturé les pièces du dossier en retenant qu’aucun élément sérieux n’était, en l’espèce, de nature à établir l’existence d’un intérêt du service justifiant le maintien de l’enseignement de la requérante.
QUESTIONS PROPRES AUX PERSONNELS DE L’ENSEIGNEMENT UNIVERSITAIREEnseignants-chercheurs QUESTIONS COMMUNES Demande de réintégration anticipée d’un professeur des universités en position de disponibilité pour convenances personnelles – Délégation par le ministre chargé de l’enseignement supérieur aux présidents des établissements publics d’enseignement supérieur de sa compétence en matière de mise en disponibilité et de réintégration après disponibilité – Sans préjudice des pouvoirs du ministre chargé de l’enseignement supérieur, compétence du président d’un établissement d’enseignement supérieur pour se prononcer, d’une part, sur les demandes de mise en disponibilité des personnels enseignants exerçant dans l’établissement qu’il dirige et, d’autre part, sur les demandes de réintégration après disponibilité de ces mêmes enseignants dès lors que la demande de réintégration vise à occuper un poste dans l’établissement d’origine – Motifs de refus d’une telle demande de réintégration dans l’établissement antérieur d’exercice – Intérêt du service – Absence d’emploi vacant dans l’établissement, risque de troubles au bon fonctionnement de l’établissementC.E., 14 novembre 2018, n° 406371, aux tables du Recueil Lebon
Un professeur des universités demandait l’annulation de l’arrêt n° 15PA03325 du 27 septembre 2016 par lequel la cour administrative d’appel de Paris avait jugé qu’un président d’université était fondé à rejeter sa demande de réintégration anticipée dans l’emploi qu’il occupait dans cet établissement avant sa mise en disponibilité pour convenances personnelles.
Après avoir rappelé les termes des articles 51 et 52 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État et ceux de l’article 49 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions de fonctionnaires de l’État, à la mise à disposition, à l’intégration et à la cessation définitive de fonctions, applicables au corps des professeurs des universités en application des articles 1er et 10 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences, le Conseil d’État a rappelé le principe selon lequel, comme tout fonctionnaire, « un professeur des universités qui sollicite, auprès du ministre chargé de l'enseignement supérieur, sa réintégration à l'issue de la période de mise en disponibilité pour convenances personnelles, ou sa réintégration anticipée avant cette date, a droit d'être réintégré dans son corps d'origine, à l'une des trois premières vacances d'un emploi de son grade, sous réserve de la vérification de l'aptitude physique de l'intéressé à l'exercice de ses fonctions et du respect par celui-ci, pendant la période de mise en disponibilité, des obligations qui s'imposent à un fonctionnaire même en dehors du service ». Cette réintégration, qui doit intervenir dans un délai raisonnable (cf. C.E. Assemblée, 11 juillet 1975, Ministre de l’éducation nationale c/ Dame X, n° 95293, au Recueil Lebon), constitue un droit statutaire et non une simple faculté (C.E., 18 novembre 1994, Ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale c/ Mme X, n° 77047, aux tables du Recueil Lebon).
Le Conseil d’État a ensuite précisé pour la première fois les conditions de mise en œuvre, pour les enseignants-chercheurs, de ce droit à réintégration après disponibilité au regard de l’articulation des compétences détenues par le ministre et le président ou directeur d’établissement public d’enseignement supérieur qui résulte de la délégation de pouvoirs prévue par l’article L. 951-3 du code de l’éducation et organisée, en ce qui concerne la mise en disponibilité et la réintégration après mise en disponibilité, par le 13 de l’article 2 de l’arrêté du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche.
Il a, ce faisant, modifié sa jurisprudence antérieure, rendue alors que le ministre chargé de l’enseignement supérieur était seul compétent pour prononcer la réintégration d'un enseignant-chercheur après disponibilité (cf. C.E., 4 février 2000, n° 185726, aux tables du Recueil Lebon, LIJ n° 45, mai 2000).
Au regard de cette nouvelle répartition des compétences entre le ministre de l’enseignement supérieur et les présidents ou directeurs des établissements publics d’enseignement supérieur, le Conseil d’État, après avoir soulevé un moyen d’ordre public sur cette question, a jugé que « sans préjudice des pouvoirs du ministre chargé de l’enseignement supérieur rappelés [ci-dessus], les pouvoirs ainsi délégués à chaque président d’un établissement public d’enseignement supérieur doivent être regardés comme donnant compétence à ces derniers pour statuer, d'une part, sur les demandes de mise en disponibilité des personnels enseignants exerçant dans leur établissement et, d'autre part, sur les demandes de réintégration présentées par ces mêmes enseignants à l'issue de la période de mise en disponibilité, ou de manière anticipée avant cette date, dès lors que cette demande de réintégration vise à occuper un poste dans leur établissement d'origine ». Le président d’université est ainsi compétent pour se prononcer sur les demandes des enseignants-chercheurs en position de disponibilité qui sollicitent leur réintégration sur un poste de l’établissement dont il assure la direction dans lequel ils étaient affectés avant leur mise en disponibilité.
Le Conseil d’État a ensuite précisé qu’« eu égard à l'absence de tout droit des enseignants-chercheurs en disponibilité à être réintégrés dans l'établissement où ils étaient précédemment affectés » (cf. C.E., 4 février 2000, n° 185726, déjà mentionné), le président de l'université, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont délégués, peut légalement « opposer un refus à cette réintégration en raison d'un motif tiré de l'intérêt du service, notamment en cas d'absence, dans cette université, d'emploi vacant dans le grade sur lequel [l’enseignant-chercheur] pourrait être réintégré » (cf. C.E., 23 juillet 2014, n° 365334 ; C.E., 25 octobre 2006, Commune de Maromme, n° 283174, aux tables du Recueil Lebon ; C.E., 18 novembre 1994, n° 77047, déjà cité) ou, comme en l’espèce, en cas de risque de troubles au bon fonctionnement du service.
Au cas d’espèce, le Conseil d’État a en effet retenu « que, compte tenu de la nature et de la notoriété des agissements [du professeur] dans cette université antérieurement à sa mise en disponibilité, sa réintégration dans cette université présentait, à la date à laquelle la demande de réintégration a été rejetée, un risque de troubles au bon fonctionnement de l'université (…) [et] que de tels troubles auraient porté atteinte à l'intérêt du service ». Par conséquent, il en a conclu que la cour avait pu, sans erreur de droit ni inexacte qualification juridique des faits, juger que le président de l’université était fondé à rejeter la demande de réintégration de l’intéressé.
Le Conseil d’État a par ailleurs rappelé que, dès lors que les compétences déléguées aux présidents des universités en matière de mise en disponibilité et de réintégration après disponibilité s’exercent au nom de l’État, l’université ne peut pas être regardée comme ayant la qualité de partie au litige. Il en a déduit que l’université ne pouvait, dans le présent litige, réclamer que soit mise à la charge du requérant le versement d’une somme en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative (cf. C.E., 1er juin 2018, n° 403554, aux tables du Recueil Lebon, LIJ n° 203, juillet 2018).
N.B. : Par cette décision du 14 novembre 2018, le Conseil d’État apporte des précisions bienvenues sur la manière dont la compétence ministérielle et celle du président de l’université doivent s’articuler en ce qui concerne la mise en disponibilité et la réintégration après mise en disponibilité des enseignants-chercheurs depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche. Il se déduit notamment de cette décision que, la compétence des présidents d’université étant limitée au périmètre de leur établissement, il appartient au ministre chargé de l’enseignement supérieur de statuer sur les demandes de réintégration des enseignants-chercheurs dans un autre établissement que celui dans lequel ils exerçaient avant leur mise en disponibilité. Dans cette hypothèse, le ministre ne dispose pas du pouvoir de refuser une réintégration après disponibilité pour un motif autre que les deux seuls motifs prévus à l’article 49 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 (vérification de l’aptitude physique requise pour l’exercice des fonctions afférentes au grade du fonctionnaire concerné, d’une part, respect par l’intéressé, pendant la période de mise en disponibilité, des obligations s’imposant à un fonctionnaire même en dehors du service, d’autre part), la réintégration du fonctionnaire étant de droit sur l’une des trois premières vacances de son grade si ces deux conditions sont remplies.
Établissements d’enseignement privésPERSONNELSMaîtres contractuels Participation à une réunion du comité d’entreprise en qualité de délégué syndical d’un maître contractuel d’un établissement d’enseignement privé sous contrat durant ses heures de service d’enseignement – Nouvelle-Calédonie – Notion de personne relevant d’un statut de fonction publique ou d’un statut de droit public au sens de l’article Lp. 111-3 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie – Agent contractuel de l’État exerçant en Nouvelle-Calédonie (non) – Incompétence de la juridiction administrativeC.E., 30 novembre 2018, Ministre de l'éducation nationale, n° 412317
Un maître contractuel des établissements d’enseignement privés sous contrat exerçant en Nouvelle-Calédonie, enseignant depuis 1997 la maintenance des systèmes mécaniques dans un lycée professionnel, avait sollicité auprès du vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie une autorisation d’absence du service pour participer le 18 mai 2015, en sa qualité de délégué syndical et élu au comité d’entreprise de cet établissement d’enseignement privé sous contrat, à une réunion de ce comité d’entreprise à laquelle il était convoqué pendant ses heures de service d’enseignement.
Par une décision du 12 juin 2015, le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie avait autorisé l’intéressé à s’absenter sans traitement le 18 mai 2015. Le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie avait cependant, par une décision du 19 octobre 2015, retiré cette autorisation d’absence et constaté l’absence du service sans traitement de l’intéressé le 18 mai 2015.
Par un jugement du 15 septembre 2016, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie avait annulé la décision du vice-recteur de la Nouvelle Calédonie du 19 octobre 2015 et condamné l’État à verser à l’intéressé la somme de 150 000 F. C.P.F. à titre de dommages et intérêts.
Par un arrêt du 20 juin 2017, la cour administrative d’appel de Paris avait rejeté le recours formé contre ce jugement par le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et avait enjoint au vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie de verser à l’intéressé la somme correspondant à sa rémunération au titre de la journée du 18 mai 2015, réduit ce montant de la somme que l’État avait été condamné à lui verser, réformé le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en ce qu’il avait de contraire à son arrêt et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Dans sa décision du 30 novembre 2018, le Conseil d’État a d’abord rappelé les dispositions de l'article Lp. 1 de la loi du pays n° 2007-5 du 13 avril 2007 relative à la situation des personnels enseignants et de documentation des établissements d'enseignement privés sous contrat qui exercent leurs fonctions en Nouvelle-Calédonie, aux termes desquelles : « Les personnels enseignants et de documentation des établissements d’enseignement privés sous contrat d’association ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l’État, liés par un contrat de travail à l’établissement d’enseignement privé au sein duquel l’enseignement leur est confié. / (…) »(cf. dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 442-5 du code de l’éducation pour les maîtres contractuels des établissements d’enseignement privés sous contrat d’association en métropole).
Le Conseil d’État a ensuite rappelé que l'article Lp. 111-1 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie prévoit l'application de ce code, dont le contrôle relève du juge judiciaire, à tous les « salariés » de Nouvelle-Calédonie et aux personnes qui les emploient et que l'article Lp. 111-2 de ce même code définit comme salarié entrant dans son champ d'application « toute personne physique qui s'est engagée à mettre son activité professionnelle, moyennant rémunération, sous la direction et l'autorité d'une autre personne physique ou morale publique ou privée ».
Enfin, il a souligné qu’aux termes de l’article Lp. 111-3 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie, ne sont exclues du champ d’application de ce code que les« personnes relevant d’un statut de fonction publique ou d’un statut de droit public ».
Le Conseil d’État a alors précisé qu’un agent contractuel de l’État exerçant ses fonctions en Nouvelle-Calédonie ne relève pas d’un statut de fonction publique ou d’un statut de droit public, au sens des dispositions de l’article Lp. 111-3 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie.
Il en a déduit que, le requérant étant un salarié au sens des articles Lp. 111-1 et Lp. 111-2 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie, le litige l’opposant à l’État relevait de la compétence du juge judiciaire et que, par suite, c'était à tort que la cour administrative d’appel de Paris et le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie s'étaient reconnus compétents pour statuer sur sa requête.
Le Conseil d’État a donc annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 20 juin 2017 et le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 15 septembre 2016 et a rejeté la demande présentée par le requérant devant ce tribunal comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
N.B. : Dans cette affaire, le Conseil d’État fait application aux maîtres contractuels de l’enseignement privé de la jurisprudence constante du Tribunal des conflits aux termes de laquelle les agents contractuels de l’État exerçant en Nouvelle-Calédonie ne relèvent pas, au sens et pour l’application des articles Lp. 111-1 à Lp. 111-3 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie, d’un statut de fonction publique ou d’un statut de droit public (cf. T.C., 15 mars 1999, Délégué du Gouvernement pour la Nouvelle-Calédonie et les îles de Wallis-et-Futuna, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie c/ Mme X, n° 03146, au Recueil Lebon, pour un agent contractuel d’un établissement public administratif ; T.C., 12 avril 2010, Mlle X c/ État, n° C3747, au Recueil Lebon, pour un agent contractuel de l’État ; T.C., 14 mai 2018, M. X c/ Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et Vice-rectorat de la Nouvelle-Calédonie, n° C4121, pour un maître délégué de l’enseignement privé sous contrat ; cf. également C.E., 23 novembre 2005, n° 280208, pour un agent contractuel d’un établissement public de l’État).
Le Tribunal des conflits retient en effet qu’au sens de ces dispositions du code du travail de la Nouvelle-Calédonie, relèvent d’un « statut de fonction publique » les agents qui appartiennent à un corps de la fonction publique (cf. T.C., 26 novembre 1990, X c/ Territoire de la Nouvelle-Calédonie et Office de commercialisation d’entreposage frigorifique, n° 02629, au Recueil Lebon ; T.C., 15 avril 1991, n° 02642, aux tables du Recueil Lebon), tandis que relèvent d’un « statut de droit public » les seuls agents titulaires qui ne relèvent pas de l’une des trois fonctions publiques stricto sensu, mais dont le statut législatif est analogue (militaires, magistrats, fonctionnaires des assemblées parlementaires : cf. T.C., 1er juillet 2002, M. X c/ État, n° 3298, aux tables du Recueil Lebon, pour le cas des volontaires de la gendarmerie nationale soumis au statut général des militaires).
Ainsi, les maîtres contractuels des établissements d’enseignement privés sous contrat qui exercent en Nouvelle-Calédonie sont soumis au code du travail de la Nouvelle-Calédonie et les litiges qui les opposent à l’État relèvent des juridictions judiciaires. Pour autant, les dispositions du code de l’éducation qui leur sont applicables doivent leur être appliquées par ces juridictions.
Maître de l’enseignement privé sous contrat – Mandat syndical prévu par le code du travail exercé dans l’intérêt de la communauté de travail constituée par l’ensemble des personnels de l’établissement – Rémunération des heures de délégation syndicale – Heures supplémentaires – Prime de précarité – Charge incombant à l’établissement d’enseignement privé sous contratT.A. Strasbourg, 4 octobre 2018, Comité mosellan de sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence et des adultes, n° 1505722
Une enseignante exerçant au sein d’un établissement d’enseignement privé sous contrat d’association géré par le Comité mosellan de sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence et des adultes (C.M.S.E.A.), dispensant ses enseignements dans une classe du niveau du lycée professionnel, avait été désignée comme représentante syndicale au comité d’entreprise de cet établissement.
Saisie par l’enseignante, la cour d’appel de Metz avait condamné le C.M.S.E.A. à lui verser, notamment, une indemnité au titre des heures de délégation syndicale qu’elle avait effectuées dans l’établissement, une prime de précarité en raison de la rupture de la relation contractuelle à l’issue d’une contrat à durée déterminée, sur le fondement de l’article L. 1243-8 du code du travail, et des dommages et intérêts, au motif que le C.M.S.E.A. avait continué délibérément à lui refuser le paiement desdites heures de délégation syndicale.
Le C.M.S.E.A., subrogé dans les droits de la requérante, demandait au tribunal administratif de Strasbourg la condamnation de l’État à l’indemniser des condamnations prononcées à son encontre par la cour d’appel de Metz.
Le tribunal administratif a jugé que la prise en charge de l’ensemble de ces condamnations n’incombait pas à l’État mais au C.M.S.E.A.
Le tribunal a d’abord rappelé qu’il résulte des dispositions de l’article R. 914-83 du code de l’éducation que la rémunération des maîtres contractuels ou agréés des établissements d’enseignement privés sous contrat, à la charge de l’État, comprend, après service fait, les mêmes éléments que celle des personnels enseignants de l’enseignement public, ainsi que les avantages et indemnités dont ces derniers bénéficient, et que l’article R. 914-86 du même code précise que la rémunération des maîtres contractuels ou agréés continue d'être assurée par l'État en cas de congé de formation et de décharge d'activité de service pour l'exercice d'un mandat syndical assuré dans l’intérêt de ces maîtres de l’enseignement privé sous contrat dans les conditions prévues par le droit applicable dans la fonction publique.
Le tribunal a ensuite souligné que lorsque les maîtres investis d’un tel mandat représentatif l’exercent en dehors de leurs heures de service qu’ils accomplissent normalement, que cette situation résulte d’une décision de l’établissement imposée au maître ou d’un choix du maître auquel l’établissement ne s’est pas opposé, aucune disposition législative ou réglementaire n’impose à l’État de prendre en charge la rémunération des heures supplémentaires dont bénéficient alors les intéressés en application du code du travail. Leur rémunération incombe à l’établissement au sein duquel le mandat prévu par le code du travail est exercé dans l’intérêt de la communauté de travail constituée par l’ensemble du personnel de l’établissement.
S’agissant de la prime de précarité, le tribunal administratif a rappelé qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit le versement d’une telle prime aux personnels enseignants de l’enseignement public. Il en a déduit que, dès lors que l’État n’est tenu de prendre en charge la rémunération des maîtres de l’enseignement privé sous contrat qu’à hauteur des éléments que comprend la rémunération des personnels enseignants de l’enseignement public, le C.M.S.E.A. n’était pas fondé à demander à l’État le paiement de la prime de précarité qu’il avait été condamné à verser à l’enseignante.
Enfin, le tribunal a jugé que les dommages et intérêts que le C.M.S.E.A. avait été condamné à payer à l’enseignante étaient liés à son propre comportement, notamment à son refus délibéré et persistant de lui payer les heures de délégation syndicale qui lui étaient dues, et ne pouvaient légalement être mis à la charge de l’État.
Le tribunal a donc rejeté la requête du C.M.S.E.A. dans toutes ses conclusions.
N.B. : Le tribunal administratif s’est ici fondé sur une jurisprudence constante du Conseil d’État s’agissant de la rémunération des heures de délégation syndicale effectuées en application des dispositions du code du travail par les maîtres de l’enseignement privé en dehors de leurs heures de service (sur ce point, cf. C.E., 31 janvier 2001, Fondation Don Bosco, n° 202676, au Recueil Lebon).
IIl n’est pas inutile de souligner ici, comme l’avait fait à juste titre l’administration en défense devant le tribunal administratif de Strasbourg, que la Cour de cassation a, par un arrêt de sa chambre sociale n° 09-67198 du 13 octobre 2010, publié au Bulletin, jugé, de la même manière que le Conseil d’État, que le paiement des heures syndicales prévues par le code du travail est à la charge de l’établissement d’enseignement privé qui emploie le maître concerné, dans la mesure où ces heures de délégation syndicale ne se confondent pas avec les décharges de service dont bénéficient ces maîtres de l’enseignement privé sous contrat en application de l’article 16 du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique.
Quant au rejet de la demande de paiement de la prime de précarité prévue par l’article L. 1243-8 du code du travail, celui-ci s’imposait évidemment dès lors que les personnels de l’enseignement public, et plus généralement l’ensemble des agents publics ne peuvent prétendre à cette prime dont le bénéfice est prévu par le code du travail et ne bénéficie donc qu’aux salariés de droit privé.
Procédure contentieuseCOMPÉTENCE DES JURIDICTIONSOrdre de juridiction compétent – Contrat d’avenir – Contrat unique d’insertion – Requalification en contrat à durée indéterminée – Indemnisation de l’agent – Compétence de la juridiction judiciaireT.C., 12 novembre 2018, n° C4136, aux tables du Recueil Lebon
Une requérante, recrutée par un établissement public local d’enseignement dans le cadre de contrats d’avenir et dont le contrat avait été renouvelé par la suite dans le cadre du dispositif des contrats uniques d’insertion-contrats d’accompagnement dans l’emploi (C.U.I.-C.A.E.), avait saisi le conseil de prud’hommes de demandes tendant à la requalification de ses contrats en contrat à durée indéterminée et au versement des indemnités découlant d’une telle requalification.
Par un jugement du 11 juin 2012, le conseil de prud’hommes avait requalifié les contrats de l’intéressée en contrat à durée indéterminée et avait condamné l’établissement public local d’enseignement à lui payer des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat. Il avait également jugé que la juridiction administrative était seule compétente pour tirer les conséquences indemnitaires résultant de la requalification de ces contrats en contrat à durée indéterminée dès lors qu’il avait retenu que l’intéressée devait être regardée comme ayant le statut d’agent contractuel de droit public.
Cependant, par une ordonnance rendue le 30 septembre 2016, le tribunal administratif de Nantes avait rejeté les conclusions indemnitaires de la requérante, estimant que le juge judiciaire était seul compétent pour statuer sur de telles conclusions. Saisi d’un pourvoi à l’encontre de cette ordonnance, le Conseil d’État avait, par une décision n° 405528 du 18 mai 2018, renvoyé au Tribunal des conflits le règlement de cette question de compétence.
Le Tribunal des conflits a d’abord rappelé les dispositions des articles L. 5134-41, L. 5134-19-3 et L. 5134-24 du code du travail, selon lesquelles le contrat d’avenir et le contrat unique d’insertion sont des contrats de travail de droit privé, pour en déduire qu’« il appartient en principe à l’autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l’exécution et de la rupture de tels contrats, même si l’employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif » (cf. T.C., 7 juin 1999, Préfet de l’Essonne, n° 03152, au Recueil Lebon). À ce titre, il incombe au juge judiciaire de se prononcer sur une demande de requalification de ces contrats et d’indemnisation des conséquences des manquements de l’employeur, y compris lorsqu’ils portent sur les conditions dans lesquelles les contrats ont été conclus et renouvelés.
Le Tribunal des conflits a néanmoins souligné que lorsque la contestation met en cause la légalité de la convention passée entre l’État et l’employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée. Il a aussi rappelé que le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d’une éventuelle requalification d’un contrat lorsque celui-ci n’entre pas dans le champ des catégories d’emplois, d’employeurs ou de salariés visées par le code du travail, ou lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence non pas la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat, mais la poursuite d’une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif au-delà du terme du ou des contrats relevant de la compétence du juge judiciaire.
En l’espèce, il a jugé que le juge judiciaire était compétent pour tirer les conséquences de la requalification des contrats en contrat à durée indéterminée et pour connaître du préjudice que la requérante estimait avoir subi : il a en effet retenu que la requalification à laquelle a procédé le conseil des prud’hommes a eu pour seul effet de transformer en licenciement la rupture de la relation contractuelle ultérieurement notifiée pour arrivée à terme des contrats, et n’a pas eu pour conséquence de placer la relation de travail de l’intéressée en dehors du droit privé ni d’entraîner la poursuite de la relation contractuelle au-delà du terme du dernier contrat aidé relevant de la compétence judiciaire. N.B. : La solution retenue par le Tribunal des conflits s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence constante en matière de contrats aidés, qui retient que le juge judiciaire est compétent pour tirer les conséquences indemnitaires d’une requalification des contrats qu’il a prononcée (à propos du contrat d’avenir et du contrat d’accompagnement dans l’emploi, cf. T.C., 22 novembre 2010, X et autres c/ Lycée Y, n° C3789, n° C3790 et n° C3791, aux tables du Recueil Lebon ; ou à propos du contrat emploi-solidarité : T.C., 24 septembre 2007, Mme X c/ Centre hospitalier universitaire de Toulouse, n° C3645).
RECEVABILITÉ DES REQUÊTESRecevabilité – Acte faisant grief – Avis ou recommandation de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État (non) – Intérêt pour agir d’un tiers contre une sanction disciplinaire ou la décision refusant de prendre une telle sanction ou la retirant (non) – Absence, en l’espèce, d’intérêt à agir de l’université dans laquelle était affecté l’agent à l’encontre duquel a été prononcée la sanctionT.A. Paris, 12 décembre 2018, Sorbonne Université, n° 1806630
Une université demandait l’annulation de l’arrêté par lequel le ministre chargé de l’éducation nationale avait, à la suite de la recommandation en ce sens de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, substitué à la sanction de révocation qu’il avait initialement prononcée à l’encontre d’un agent antérieurement affecté dans cette université la sanction d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans assortie d’un sursis d’un an.
Le tribunal administratif de Paris a tout d’abord rappelé que l’avis par lequel la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État émet une recommandation tendant à ce qu’une sanction soit substituée à une autre ne présente pas le caractère d’un acte faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir.
Se prononçant ensuite sur la fin de non-recevoir tirée d’un défaut d’intérêt à agir de l’université contre l’arrêté ministériel ayant substitué à la sanction de révocation la sanction d’exclusion temporaire de fonctions, le tribunal administratif de Paris a rappelé que « la décision par laquelle une autorité administrative inflige, dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire, une sanction à un agent placé sous ses ordres a pour seul objet de tirer, en vue du bon fonctionnement du service, les conséquences que le comportement de cet agent emporte sur sa situation vis-à-vis de l’administration ; (…) dès lors, un tiers est dépourvu d’intérêt à déférer une telle mesure au juge administratif » (cf. C.E., 17 mai 2006, n° 268938, au Recueil Lebon).
Le tribunal administratif de Paris a ainsi précisé que l’appréciation de l’opportunité de prendre une sanction disciplinaire à l’encontre d’un agent, directement liée à l’exercice du pouvoir hiérarchique, relève exclusivement de l’autorité qui détient ce pouvoir. Dès lors, aucun tiers ne justifie d’un intérêt à agir pour demander l’annulation pour excès de pouvoir du refus de prendre une sanction disciplinaire (C.E. Section, 10 juillet 1995, n° 141654, au Recueil Lebon ; C.E., 8 avril 1998, Société N.R.J., n° 172333, aux tables du Recueil Lebon ; C.E., 11 mars 1998, Société N.R.J., n° 172334, aux tables du Recueil Lebon) ou d’une décision qui la retire.
L’université était par conséquent dépourvue d’intérêt à déférer au juge administratif l’arrêté par lequel le ministre de l’éducation nationale a substitué à la sanction de révocation qu’il avait initialement prononcée à l’encontre d’un agent la sanction d’exclusion temporaire de fonctions, et ce, indépendamment de la circonstance que l’agent occupait des fonctions dans cette université au moment des faits.
N.B. : Par ce jugement du 12 décembre 2018, le tribunal administratif de Paris rappelle que les conclusions dirigées contre l’avis par lequel la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État (C.S.F.P.E.) émet une recommandation tendant à ce qu’une sanction soit substituée à une autre sont irrecevables, un tel acte ne faisant pas grief. En effet, contrairement aux avis rendus par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (cf. C.E., 19 mai 1989, Ville de Chartres, n° 94180, aux tables du Recueil Lebon), les recommandations de la commission de recours de la C.S.F.P.E. tendant à faire lever ou modifier une sanction infligée à un agent, qui ne lient en aucune façon l’autorité administrative (C.E., 9 décembre 1996, n° 151936 ; C.E., 2 juillet 1997, Ministre de l’économie, des finances et du budget, n° 128897), ne font pas grief et ne sont pas susceptibles de recours.
Ne présente pas non plus le caractère d’une décision susceptible de recours l’avis de cette même commission du C.S.F.P.E. déclarant qu’il n’y a pas lieu de donner suite à une requête présentée devant elle par un agent révoqué (cf. C.E. Assemblée, 2 avril 2003, n° 220687, au Recueil Lebon) ou l’avis déclarant qu’il y a lieu de confirmer la sanction de révocation (C.E., 7 juin 2006, n° 253760).
Le tribunal administratif de Paris fait également application dans ce jugement de la jurisprudence constante du Conseil d’État selon laquelle un tiers est dépourvu d’intérêt à agir à l’encontre d’une sanction infligée à un fonctionnaire. Outre le contentieux de la fonction publique, le Conseil d’État a jugé de la même manière que la décision par laquelle l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (A.C.P.R.) prononce une sanction à l’encontre d’une caisse de retraite ne fait pas grief à des tiers qui ne sont donc pas recevables en demander l’annulation, quand bien même, à la suite de cette sanction, la caisse de retraite les a assignés à comparaître devant le tribunal de grande instance pour obtenir, à raison de leur responsabilité personnelle dans les manquements relevés par la commission des sanctions de l’A.C.P.R., le remboursement de l’amende infligée par cette autorité de contrôle ou le remboursement des sommes qui leur avaient été versées (C.E., 3 décembre 2018, Mme X, M. Y et E.U.R.L. Abbatial Immobilier, n° 409934, aux tables du Recueil Lebon).
De la même façon, le Conseil d’État a jugé que la seule circonstance qu’une décision de sanction, prise par la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (A.M.F.) à l’encontre d'une société et de son président, comporte la mention du nom d’un tiers en lui imputant un certain nombre de manquements, alors même que celui-ci n'était pas poursuivi et n'était donc pas partie à la procédure, ne lui donne pas intérêt à demander l'annulation de cette décision, dont le dispositif ne lui fait pas grief (C.E., 13 juillet 2006, n° 285081, aux tables du Recueil Lebon).
Accès aux documents administratifsCOMMUNICATION DE DOCUMENTS ADMINISTRATIFSDroit à la communication de documents administratifs – Protection de la vie privée des agents – Liste nominative des bénéficiaires de crédit de temps syndical sous forme de décharges d’activité de serviceC.E., 14 novembre 2018, Ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, n° 409936, aux tables du Recueil Lebon
Un syndicat avait demandé au ministre chargé de l’éducation nationale de lui communiquer la liste des personnels déchargés de tout ou partie de leur service au titre de l’enveloppe des décharges de service attribuée à une autre organisation syndicale.
Le ministre avait refusé de faire droit à cette demande au motif que la communication de cette liste à des tiers était de nature à porter atteinte à la protection de la vie privée des agents y figurant au sens du II de l’article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal (aujourd’hui 1° de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration), dans la mesure où la divulgation de ces informations révélait nécessairement leur appartenance syndicale et l’intensité de leur engagement.
Malgré l’avis favorable à la communication de ce document rendu par la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), le ministre avait implicitement confirmé sa décision de refus, décision contre laquelle le syndicat avait formé un recours en annulation pour excès de pouvoir.
Le tribunal administratif de Paris avait fait droit à la demande du syndicat requérant et annulé la décision par laquelle lui avait été refusée la communication de cette liste. Le ministre s’était pourvu en cassation contre ce jugement du tribunal.
Après avoir rappelé les dispositions des articles 11 et 16 du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique, le Conseil d’État a relevé que les organisations syndicales ne peuvent désigner comme bénéficiaires de crédits de temps syndical sous forme de décharges de service que des agents qui, titulaires d’un mandat syndical, se sont déjà portés volontaires pour assumer publiquement des responsabilités dans l’intérêt des organisations auxquelles ils adhèrent. Le Conseil d’État en a déduit que, l’appartenance syndicale de ces agents étant publique, la communication de la liste des bénéficiaires de décharges de service désignés par un syndicat ne pouvait pas être regardée comme portant atteinte à la protection de leur vie privée et a rejeté le pourvoi du ministre.
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Enseignement supérieur et rechercheADMINISTRATION ET FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEURQuestions propres aux différents établissements Conseil d’un institut universitaire de technologie (I.U.T.) – Composition – Vacance d’un siège de professeur des universités – Modifications statutaires – Principe de double paritéNote DAJ B1 n° 2018-086 du 16 novembre 2018
La direction des affaires juridiques a été interrogée sur la composition du conseil d’un institut universitaire de technologie (I.U.T.) dont un siège de représentant des professeurs des universités était devenu vacant sur les trois sièges de professeurs des universités prévus pour ce conseil par les statuts de l’I.U.T., ce chiffre de trois correspondant au nombre de professeurs des universités qui exerçaient dans l’I.U.T. au moment de l’adoption des statuts.
La direction des affaires juridiques a rappelé que le deuxième alinéa de l’article L. 713-9 du code de l’éducation, applicable aux instituts et écoles internes aux universités, et donc aux I.U.T., se borne à fixer un nombre maximal de membres d’un conseil d’I.U.T. en précisant qu’il « ne peut dépasser quarante ». Cette disposition laisse donc une grande marge de manœuvre à chaque I.U.T. pour composer son conseil.
La composition du conseil de l’I.U.T. doit toutefois respecter les dispositions communes applicables à l’ensemble des conseils des établissements publics d’enseignement supérieur prévues par le deuxième alinéa de l’article L. 719-2 du code de l’éducation, aux termes duquel : « Au sein de la représentation des enseignants-chercheurs et personnels assimilés de chaque conseil, le nombre des professeurs et personnels de niveau équivalent doit être égal à celui des autres personnels. »
Le deuxième alinéa de l’article L. 713-9 du code de l’éducation précise en outre qu’au sein du conseil qui administre les instituts ou écoles internes aux universités : « Le conseil (…) comprend de 30 à 50 % de personnalités extérieures, dont un ou plusieurs représentants des acteurs économiques ; les personnels d’enseignement et assimilés y sont en nombre au moins égal à celui des autres personnels et des étudiants (…). »
Enfin, le troisième alinéa de l’article D. 713-1 du même code prévoit que : « La répartition des sièges réservés aux enseignants au sein du conseil est fixée par les statuts de l’institut (…) », et le quatrième alinéa du même article précise que : « (…) Le nombre de sièges réservés aux enseignants-chercheurs doit être au moins égal au tiers du total des sièges attribués aux personnels enseignants. Le nombre de sièges réservés aux chargés d’enseignement doit être au plus égal à ce tiers. »
Au cas d’espèce, un poste de professeur des universités ayant été supprimé à l’I.U.T., il était impossible de pourvoir le siège vacant de professeur des universités au conseil de cet I.U.T. Dans une telle hypothèse, il n’est en effet pas possible de faire application des dispositions du douzième alinéa de l’article D. 719-21 du code de l’éducation qui prévoient que : « Lorsqu'un représentant des personnels perd la qualité au titre de laquelle il a été élu ou lorsque son siège devient vacant, il est remplacé, pour la durée du mandat restant à courir, par le candidat de la même liste venant immédiatement après le dernier candidat élu. En cas d'impossibilité, il est procédé à un renouvellement partiel. »
Il en résulte que le siège vacant de représentant des professeurs des universités au conseil de l’I.U.T. ne peut pas être pourvu jusqu’au renouvellement de ce conseil en l’absence de professeur des universités éligible exerçant dans cet institut. Une modification des statuts de l’I.U.T. s’avère donc indispensable pour prendre en compte la nouvelle répartition des emplois d’enseignants au sein de cet I.U.T.
Une telle modification statutaire ne peut pas avoir d’incidence sur la composition de l’actuel conseil de l’institut. En effet, le premier alinéa de l’article L. 719-1 du code de l’éducation dispose que : « (…) Le renouvellement des mandats intervient tous les quatre ans, sauf pour les représentants étudiants dont le mandat est de deux ans. Les membres des conseils siègent valablement jusqu’à la désignation de leurs successeurs. » En l’absence de disposition le prévoyant, une réduction de cette durée de mandat ne peut pas être légalement envisagée. En effet, le Conseil d’État a jugé que l’administration ne pouvait, en dehors des cas limitativement prévus par les textes, modifier, en cours de mandat, la composition d’un conseil en mettant fin au mandat de certains de ses membres (C.E., 28 décembre 2005, Syndicat national Force ouvrière des personnels de préfecture, n° 268568, au Recueil Lebon ; C.E., 19 décembre 2008, n° 312553 et autres, au Recueil Lebon). En conséquence, il n’est pas possible de mettre prématurément fin au mandat d’un membre du conseil d’un I.U.T. (T.A. Versailles, 25 janvier 2001, Université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines, n° 0127).
La modification des statuts adoptée par le conseil de l’I.U.T., qui doit être approuvée par le conseil d’administration de l’université en application du sixième alinéa de l’article L. 713-1 du code de l’éducation, doit donc avoir lieu préalablement au renouvellement général du conseil de l’I.U.T., afin de prendre effet à la date des élections générales suivantes conduisant à l’installation du nouveau conseil de l’institut.
Cette modification statutaire doit nécessairement prendre en compte le nombre de professeurs des universités éligibles exerçant dans l’institut.
En effet, le juge de l’élection de la cour administrative d’appel de Lyon a considéré que : « Le respect de la double parité (…) entre, d’une part, [la représentation] des personnels enseignants et celle des autres personnels et étudiants, (…) d’autre part, à l’intérieur de la représentation du personnel enseignant, entre les professeurs et les autres enseignants, est subordonné à la condition que chacun des collèges comprenne effectivement un nombre d’électeurs inscrits au moins égal au nombre de sièges à pourvoir (…). » Par suite, la juridiction a annulé les opérations électorales au motif que : « (…) en ne prévoyant aucune disposition permettant d’obtenir la parité voulue par le législateur au cas où le nombre des électeurs d’un collège serait, ou deviendrait, inférieur au nombre des sièges à pourvoir, les statuts de l’unité [de formation et de recherche] sont, dans cette mesure, entachés d’illégalité (…) » (C.A.A. Lyon, 21 juillet 1995, n° 94LY00753, au Recueil Lebon).
Le respect du principe de « double parité » se traduit donc par la nécessité de s’assurer que les statuts prévoient un nombre de sièges en adéquation avec le nombre de personnels éligibles afin de pourvoir les sièges dans chaque collège. Pour les I.U.T., il convient d’être particulièrement attentif aux conséquences d’éventuelles réductions d’effectifs, compte tenu du nombre limité de professeurs des universités qui y exercent leurs fonctions. Dans le cas où seuls deux professeurs des universités sont affectés, la solution peut consister à fixer à un ou deux le nombre de représentants de professeurs des universités au conseil de l’I.U.T. Cette modification statutaire ne présente pas de difficultés de mise en œuvre puisque les articles L. 719-1 (sixième alinéa) et D. 719-21 (huitième alinéa) du code de l’éducation prévoient que : « (…) En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au plus jeune des candidats susceptibles d’être proclamés élus. »
Dans l’attente de cette modification statutaire, et dès lors que les élections au conseil de l’I.U.T. sont devenues définitives, le moyen tiré de l’irrégularité de la composition de ce conseil ne pourra être invoqué au contentieux à l’encontre des délibérations qu’il a prises, sous réserve du respect des règles de quorum de ce conseil (cf. C.E., 18 février 1994, Association générale des étudiants de sciences politiques – UNEF, n° 149548, aux tables du Recueil Lebon ; C.E., 25 septembre 1996, n° 116532 ; C.E., 29 juillet 2002, Université de Toulon et du Var, n° 243761).
ÉTUDESEnseignements et diplômes Plagiat commis par un étudiant et découvert postérieurement à la délivrance de son diplôme de doctorat – Retrait du diplômeNote DAJ B1 n° 2018-071 du 22 octobre 2018
Un établissement d’enseignement supérieur a interrogé la direction des affaires juridiques sur la procédure à suivre afin de retirer le diplôme de doctorat qu’il avait délivré à une étudiante soupçonnée de plagiat.
La direction des affaires juridiques a rappelé que le plagiat commis par un étudiant à l’occasion de sa thèse et découvert après que cet étudiant s’est vu délivrer son diplôme national de doctorat est au nombre des motifs permettant d’engager à son encontre des poursuites disciplinaires sur le fondement des articles R. 811-10 à R. 811-15 du code de l’éducation, alors même qu’il n’a plus la qualité d’usager du service public de l’enseignement supérieur à la date à laquelle l’administration a connaissance du plagiat.
Le président de l’établissement peut toutefois, sans engager de procédure disciplinaire, prononcer le retrait du diplôme, sur le fondement de l’article L. 241-2 du code des relations entre le public et l’administration et en respectant les règles de forme et de procédure prévues notamment par les articles L. 211-2 et L. 122-1 du même code (cf. C.E., 23 février 2009, n° 310277, aux tables du Recueil Lebon).
Le président de l’établissement est l’autorité compétente pour signer et délivrer les diplômes nationaux obtenus dans son établissement en vertu de l’article L. 613-1 et du 8° de l’article L. 712-2 du code de l’éducation. Par ailleurs, le recteur d’académie, chancelier des universités, est également signataire de ces mêmes diplômes, en vertu de la délégation de compétence que lui a consentie le ministre chargé de l’enseignement supérieur, par l’arrêté du 20 juin 2008 portant délégation d’attribution aux recteurs d’académie, « (…) à l’effet de signer ou viser : / – les titres et diplômes délivrés par les établissements publics relevant du ministre chargé de l’enseignement supérieur habilités en application des articles L. 613-1 et L. 642-1 du code de l’éducation ; / (…) ».
Or, ainsi que le rappelle la jurisprudence constante du Conseil d’État, l'autorité administrative compétente pour modifier, abroger ou retirer un acte administratif est celle qui, à la date de la modification, de l'abrogation ou du retrait, est compétente pour prendre cet acte (cf. C.E. Section, 30 septembre 2005, n° 280605, au Recueil Lebon ; ou encore décision C.E. n° 310277, susmentionnée).
Par suite, dans la mesure où le président de l’établissement et le recteur d’académie territorialement compétent demeurent compétents, en application des textes actuellement en vigueur, pour délivrer le diplôme de doctorat qui a été délivré en 2014 à l’étudiante soupçonnée de plagiat, il appartiendra à ces deux autorités, si les faits de plagiat sont avérés, de prononcer le retrait de son diplôme de doctorat.
Si le retrait du diplôme peut ainsi être prononcé sans procédure disciplinaire préalable, il est néanmoins vivement recommandé de recourir à la procédure disciplinaire prévue par le code de l’éducation qui permet d’entendre les observations en défense de l’étudiante et d’éclairer le président de l’établissement dans la prise de sa décision et, par suite, de mieux motiver cette décision qui, partant, présentera moins de risques en cas de recours contentieux.
Conformément aux articles L. 712-6-2, L. 811-5 et L. 811-6 du code de l’éducation, la compétence disciplinaire à l'égard des usagers est exercée par le conseil académique des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, y compris si les personnes concernées n’ont plus la qualité d’usager au moment de l’engagement de l’action disciplinaire.
En l’absence de disposition législative ou réglementaire prévoyant un délai de prescription de l’action disciplinaire à l’encontre des usagers du service public de l’enseignement supérieur, aucun délai déterminé n’est fixé pour engager la procédure disciplinaire à l’encontre de l’auteur du plagiat, qui doit toutefois intervenir, conformément aux principes jurisprudentiels, dans « un délai raisonnable » après que l’établissement a eu connaissance des faits de plagiat. Par ailleurs, l’établissement dispose d’autres voies pour sanctionner un plagiat avéré. En effet, le plagiat étant constitutif du délit de contrefaçon réprimé par les dispositions des articles L. 335-1 à L. 335-9 du code de la propriété intellectuelle, les autorités ou les enseignants des établissements publics d’enseignement supérieur dans lesquels les plagiats ont été commis doivent porter ces faits à la connaissance du procureur de la République, sur le fondement du deuxième alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale, aux termes duquel : « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. » Le président de l’établissement comme l’enseignant-chercheur ayant alerté l’établissement du plagiat peuvent ainsi porter ce fait à la connaissance du Procureur de la République.
PersonnelsQUESTIONS COMMUNESRecrutement et changement de corps Candidat au concours interne d’ingénieur de recherche – Absence de prise en compte des services accomplis dans le cadre d’un contrat de droit privé conclu avec une fondation dans le décompte des années de services publics requises pour concourirNote DAJ B2 n° 2018-051 du 22 octobre 2018
La direction des affaires juridiques a été interrogée sur la possibilité de prendre en compte les services effectués par un agent dans le cadre d’un contrat de droit privé conclu avec une fondation, personne morale de droit privé, dans le décompte des sept années de services publics requises pour se présenter au concours interne d’ingénieur de recherche, conformément au 2° de l’article 15 du décret n° 85-1534 du 31 décembre 1985 fixant les dispositions statutaires applicables aux ingénieurs et aux personnels techniques et administratifs de recherche et de formation du ministère chargé de l’enseignement supérieur.
Pour l’accès au corps des ingénieurs de recherche, le 2° de l’article 15 du décret du 31 décembre 1985 prévoit en effet, sur le fondement des dispositions du 2° de l’article 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État qui exige l’accomplissement d’une certaine durée de services publics pour se présenter aux concours internes de recrutement dans la fonction publique de l’État, que : « (…) Les candidats (…) doivent justifier au 1er janvier de l'année au titre de laquelle est organisé le concours de sept années au moins de services publics dans un corps, cadre d'emplois ou emploi de catégorie A ou de niveau équivalent. »
Par une décision d’Assemblée n° 13491 du 26 octobre 1956 (Sieur X, au Recueil Lebon), qui concernait un candidat au concours interne de l’École nationale d’administration (ENA), le Conseil d’État a jugé que seuls les services accomplis sous un régime contractuel de droit public devaient être pris en compte pour le calcul de cette durée de services publics1. Cette décision a été confirmée par une décision relative au concours interne des ingénieurs du génie rural et des eaux et forêts (C.E., 8 mars 2006, n° 274626, aux tables du Recueil Lebon).
Si, par une décision n° 363482 du 1er octobre 2014 (au Recueil Lebon), le Conseil d’État a infléchi sa jurisprudence en matière de recrutement par concours interne dans la fonction publique, il ne l’a fait que relativement à l’appréciation de la condition de durée de services publics requise pour prétendre à une inscription sur une liste d’aptitude, autrement dit pour des personnels appartenant déjà à la fonction publique : il a en effet jugé qu’« eu égard à l'objet de ces dispositions qui, ainsi que le précise l'article 35 de la loi [n° 86-33] du 9 janvier 1986 [portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière]2 , est de favoriser la promotion du personnel appartenant déjà à l'administration, la condition d'ancienneté de services publics [que fixe le 3° de l’article 20 du décret n° 90-839 du 21 septembre 1990 pour l’inscription sur la liste d’aptitude permettant l’accès au corps des secrétaires médicaux] doit s'entendre comme visant les personnes ayant servi pendant au moins neuf ans en qualité d'agent d'un service public administratif, y compris celles qui y ont été employées, pendant tout ou partie de cette période, dans le cadre de contrats relevant du droit privé en vertu de dispositions législatives particulières (…) ».
Dans cette affaire jugée le 1er octobre 2014, le Conseil d’État a ainsi jugé qu’un agent recruté par un centre hospitalier dans le cadre d’un « contrat emploi-solidarité » (CES) renouvelé à plusieurs reprises, puis employé dans le cadre d’un « contrat emploi-consolidé » (CEC) avant d’être recruté comme agent contractuel de droit public, puis d’être titularisé, et qui totalisait, compte tenu de ses périodes d’emploi sous le régime des CES et CEC, plus de neuf années d’ancienneté dans ce service public administratif, justifiait de neuf années de services publics au sens du 3° de l’article 20 du décret du 21 septembre 1990, alors même que ces deux formes de contrat étaient qualifiées de contrats de droit privé par les dispositions législatives qui leur étaient applicables.
Il convient cependant de souligner que cette décision jurisprudentielle du 1er octobre 2014 concerne des agents déjà titulaires de la fonction publique demandant à bénéficier d’une inscription sur une liste d’aptitude d’accès à un corps supérieur. Elle n’est pas transposable à des agents bénéficiaires d’un contrat de droit privé conclu avec une personne morale de droit privé qui sollicitent une première nomination dans un corps de la fonction publique par la voie du concours interne. Le contexte statutaire et social est en effet très différent puisqu’il ne s’agit pas de favoriser la promotion du personnel appartenant déjà à l’administration et ayant déjà commencé une carrière dans la fonction publique.
Par sa décision n° 363482 du 1er octobre 2014, le Conseil d’État n’a ainsi pas abandonné sa jurisprudence antérieure, issue de la décision d’Assemblée n° 13491 du 26 octobre 1956 susmentionnée, comme le démontre d’ailleurs l’abstract de sa décision du 1er octobre 2014 qui appelle à la comparer (« Comp. ») avec la décision n° 274626 du 8 mars 2006 (aux tables du Recueil Lebon).
La décision du Conseil d’État du 1er octobre 2014 n’est donc pas transposable, ni a fortiori applicable au cas d’un agent employé par contrat de droit privé par une personne morale de droit privé qui demande la prise en compte de tels services dans le décompte de la durée de services publics requise pour se présenter à un concours interne de recrutement dans un corps de la fonction publique. C’est bien la jurisprudence du Conseil d’État n° 274626 du 8 mars 2006 dont il doit être fait application à la situation de cet agent.
Obligations des fonctionnaires Agent contractuel de droit public – Cumul d’activités – Exercice, à titre accessoire, de missions d’expertise et de consultation sous le statut d’autoentrepreneurNote DAJ B2 n° 2018-049 du 19 octobre 2018
La direction des affaires juridiques a été interrogée sur la possibilité pour un agent contractuel de droit public exerçant à temps plein dans un établissement public d’enseignement supérieur de réaliser, sous le statut d’autoentrepreneur, des missions d’expertise et de consultation pendant ses congés, c’est-à-dire en dehors de ses heures de service.
1. Un agent contractuel de droit public a la possibilité d’exercer des missions d’expertise et de consultation en dehors des heures de service à la condition que cette activité soit autorisée et exercée à titre accessoire et sans préjudice des dispositions du 3° du I de l’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.
Si le I de l’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (article applicable aux agents contractuels de droit public en vertu du II de l’article 32 de cette même loi) interdit au fonctionnaire d’« exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit (…) », le IV du même article prévoit toutefois qu’il « peut être autorisé par l’autorité hiérarchique dont il relève à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n'affecte pas leur exercice (…) ».
Compte tenu du caractère accessoire de l’activité d’expertise et de consultation envisagée par l’agent dans le cas soumis à la direction des affaires juridiques, le cumul de cette activité avec celle exercée à titre principal et à temps plein en qualité d’agent contractuel est susceptible d’être autorisé sur le fondement du IV de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 et des articles 5 et 6 du décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017 relatif à l’exercice d’activités privées par des agents publics et certains agents contractuels de droit privé ayant cessé leurs fonctions, aux cumuls d’activités et à la commission de déontologie de la fonction publique.
Plus précisément, l’article 5 de ce décret prévoit en effet que : « Dans les conditions fixées aux I et IV de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée et celles prévues par le présent décret, l'agent peut être autorisé à cumuler une activité accessoire avec son activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service ou ne mette pas l'intéressé en situation de méconnaître l’article 432-12 du code pénal (…). »
L’article 6 du même décret du 27 janvier 2017 précise que : « Les activités exercées à titre accessoire susceptibles d'être autorisées sont les suivantes : / 1° Dans les conditions prévues à l'article 5 : / a) Expertise et consultation, sans préjudice des dispositions du 3° du I de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée et, le cas échéant, sans préjudice des dispositions des articles L. 531-8 et suivants du code de la recherche ; / (…). » En effet, le 3° du I de l’article 25 septies, auquel il est ainsi fait référence, reste applicable : il interdit au fonctionnaire ou agent public « de donner des consultations, de procéder à des expertises ou de plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique, le cas échéant devant une juridiction étrangère ou internationale, sauf si cette prestation s’exerce au profit d’une personne publique ne relevant pas du secteur concurrentiel ».
Il suit de là que l’agent public dont la demande de cumul d’activités était soumise à la direction des affaires juridiques est susceptible d’être autorisé à exercer à titre accessoire des activités d’expertise et de consultation sur le fondement du a) du 1° de l’article 6 du décret du 27 janvier 2017, mais, en application du 3° du I de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983, cet agent ne saurait être autorisé à réaliser des expertises ou consultations dans des affaires intéressant une personne publique, sauf au profit de cette personne publique et à la condition qu’elle ne relève pas du secteur concurrentiel.
2. Cette activité accessoire peut être exercée sous le statut d’autoentrepreneur.
Le IV de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précise que : « (…) Par dérogation au 1° du I du présent article, ces activités [accessoires] peuvent être exercées sous le régime prévu à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale [devenu depuis lors article L. 613-7 du même code] (…). »
Il ressort des travaux parlementaires relatifs à la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires que le législateur a entendu, par ces dispositions, introduire une dérogation à l’interdiction de principe, posée au 1° du I de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983, pour un fonctionnaire ou agent public occupant un emploi à temps complet et exerçant ses fonctions à temps plein, d’exercer une activité entrepreneuriale sous le régime de la microentreprise ou de l’autoentrepreneuriat prévu à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, devenu l’article L. 613-7 du même code, et permettre ainsi l’exercice sous ce dernier régime des activités susceptibles d’être exercées à titre accessoire par un fonctionnaire, après autorisation de l’employeur public.
La circonstance que le 2° de l’article 6 du décret du 27 janvier 2017 dresse la liste des activités accessoires pouvant être exercées uniquement sous le régime de l’autoentreprenariat (services à la personne, vente de biens fabriqués personnellement par l’agent) n’exclut pas l’exercice, sous ce même régime, des activités mentionnées au 1° du même article (dont notamment les activités d’expertise et de consultation), ainsi que le prévoit le IV de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983, ou sous un autre régime d’activité (cf. réponses du ministre chargé de la fonction publique aux questions écrites n° 65935, n° 72761 et n° 71422, publiées au Journal officiel de l’Assemblée nationale du 27 décembre 2011).
Il en résulte qu’un agent contractuel de droit public occupant un emploi à temps complet et exerçant à temps plein peut être autorisé à exercer à titre accessoire des missions d’expertise et de consultation sous le statut d’autoentrepreneur, conformément aux dispositions de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 et des articles 5 et 6 du décret du 27 janvier 2017, à condition notamment d’avoir demandé et obtenu au préalable une autorisation à cet effet du chef d’établissement ou de service dont il relève, conformément aux articles 7 et 8 de ce même décret.
Procédure contentieuseAgent judiciaire de l’État – Monopole de représentation devant les juridictions de l’ordre judiciaireNote DAJ A4 n° 2018-047 des 21 novembre 2018 et 5 décembre 2018
Le service juridique d’un rectorat d’académie avait interrogé la direction des affaires juridiques sur les suites à donner à un pourvoi en cassation formé par une secrétaire administrative exerçant ses fonctions dans cette académie à l’encontre de l’arrêt d’une cour d’appel qui l’avait condamnée pour des délits. Le service juridique académique souhaitait plus particulièrement savoir qui, du recteur d’académie ou du ministre, devait constituer avocat près la Cour de cassation.
La direction des affaires juridiques a rappelé que l’agent judiciaire de l’État (AJE) détient, en principe, un monopole de représentation de l’État devant les juridictions de l’ordre judiciaire, conformément au premier alinéa de l’article 38 de la loi n° 55-366 du 3 avril 1955 qui dispose que : « Toute action portée devant les tribunaux de l'ordre judiciaire et tendant à faire déclarer l'État créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l'impôt et au domaine doit, sauf exception prévue par la loi, être intentée à peine de nullité par ou contre l'agent judiciaire du Trésor public. »
Ce mandat légal comporte cependant des exceptions dans certains domaines spécifiques prévus par des dispositions législatives particulières.
C’est notamment le cas en matière de responsabilité de l’État dans les contentieux relatifs à l’enseignement mentionnés à l'article L. 911-4 du code de l'éducation qui, dans sa rédaction issue du V de l’article 15 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, prévoit en son premier alinéa que : « Dans tous les cas où la responsabilité des membres de l'enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l'occasion d'un fait dommageable commis, soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l'État est substituée à celle desdits membres de l'enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants », et précise en son cinquième alinéa que, dans le cadre de ces affaires, seul le recteur d’académie est habilité à représenter l’État.
Au cas d’espèce, l’affaire pour laquelle le service juridique académique demandait à la direction des affaires juridiques s’il devait constituer avocat devant la Cour de cassation n’entrait incontestablement pas dans le champ des exceptions au monopole de représentation conféré à l’AJE par l’article 38 de la loi du 3 avril 1955, puisque les poursuites judiciaires dont la secrétaire administrative en cause faisait l’objet résultaient notamment de la découverte d’escroqueries réalisées par cet agent public, et non pas d’un fait dommageable commis par des élèves qui auraient été confiés à un membre de l’enseignement public ou d’un acte commis au détriment d’élèves placés sous la responsabilité d’un membre de l’enseignement public. L’AJE était donc seul compétent pour se constituer partie civile au nom de l'État.
Propriété intellectuellePropriété intellectuelle – Exception pédagogique – Diffusion d’œuvres cinématographiques en classeNote DAJ A1 n° 2018-101 du 11 octobre 2018
La direction des affaires juridiques a été interrogée à propos des conditions de diffusion en classe, par les enseignants, d’œuvres cinématographiques. Le code de la propriété intellectuelle (C.P.I.) dispose que l’auteur d’une œuvre de l’esprit, telle qu’une œuvre musicale ou audiovisuelle, jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle et opposable à tous. Ainsi, toute représentation intégrale ou partielle d’une œuvre faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit est illicite (articles L. 111-1 et L. 122-4 du C.P.I.).
Le C.P.I. énonce cependant divers cas dans lesquels l’auteur ne peut interdire l’usage de son œuvre. Ces limitations aux droit d’auteur et droits voisins ne concernent que les droits patrimoniaux et sont interprétées strictement par les juridictions.
Ainsi, la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, a introduit aux articles L. 122-5 (3° e) et L. 211-3 (3°) du C.P.I. une exception aux droit d’auteur et droits voisins dans le cas où les œuvres sont utilisées à des fins exclusives d’illustration des activités d’enseignement et de recherche, appelée couramment « exception pédagogique ».
L’exception pédagogique permet aux enseignants, dans le cadre de leurs activités d’enseignement, de formation ou de recherche, de représenter ou de reproduire des extraits d’œuvres à destination d’un public composé majoritairement d’élèves, d’étudiants, d’enseignants ou de chercheurs directement concernés par l’acte d’enseignement, de formation ou l’activité de recherche nécessitant cette représentation ou cette reproduction, laquelle ne doit faire l’objet d’aucune publication ou diffusion à un tiers à ce public ainsi constitué.
Le champ d’application de l’exception pédagogique est strictement encadré par la loi. Aux termes du e) du 3° de l’article L. 122-5 du C.P.I. dans sa rédaction actuellement en vigueur, seule l’utilisation d’extraits d’œuvres à des fins exclusives d’illustration dans le cadre de l’enseignement et de la recherche et à l’exclusion de toute activité ludique ou récréative est admise, à l’exclusion de trois types d’œuvres : les œuvres conçues à des fins pédagogiques, les partitions de musique et les œuvres réalisées pour une édition numérique de l’écrit, ce qu’on appelle dans le langage courant « l’exception à l’exception pédagogique ».
Pour ces trois types d’œuvres qui n’entrent pas dans le champ de « l’exception pédagogique » telle que prévue par la loi (e) du 3° de l’article L. 122-5 du C.P.I.), c’est un accord sur l’utilisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche, conclu pour une durée de trois ans le 4 décembre 2009 entre, d’une part, le ministre de l’éducation nationale, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, la Conférence des présidents d’université et, d’autre part, la Société des producteurs de cinéma et de télévision (PROCIREP), qui permet la mise en œuvre de l’exception pédagogique dans les services et établissements d’enseignement relevant des ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur.
Cet accord du 4 décembre 2009, publié au Bulletin officiel de l’éducation nationale n° 5 du 4 février 2010, a été renouvelé depuis lors par tacite reconduction : il précise les conditions de mise en œuvre de l’exception pédagogique dans les services et établissements relevant du ministère de l’éducation nationale et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche en ce qui concerne l'utilisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles à des fins d'illustration des activités d'enseignement et de recherche, et fixe en contrepartie la rémunération forfaitaire versée par ces ministères au bénéfice des titulaires des droit d’auteur et droits voisins prévue par le e) du 3° de l’article L. 122-5 du C.P.I.
Il autorise, en outre, certains usages au-delà de ceux prévus par le e) du 3° de l’article L. 122-5 du C.P.I.
Ainsi, l’article 1.1.1 de l’accord du 4 décembre 2009 conclu avec la PROCIREP stipule que la représentation dans la classe, aux élèves ou aux étudiants, d’œuvres intégrales diffusées en mode hertzien, analogique ou numérique, par un service de communication audiovisuelle non payant est autorisée. Dans les autres cas, seule l’utilisation d’extraits d’œuvres exclusivement destinés à la représentation en classe est possible.
Par conséquent, les enseignants peuvent représenter en classe un extrait d’émission ou de série diffusée à la télévision à partir d’un D.V.D. appartenant à leur collection privée, acquis légalement dans le commerce, ou d’un enregistrement temporaire qu’ils ont effectué à leur domicile en vue de les représenter en classe. Cette utilisation en classe est bien autorisée en vertu de l’accord du 4 décembre 2009 et n’a pas à faire l’objet d’une déclaration particulière auprès de la PROCIREP.
Il convient de préciser que pour les D.V.D. qui sont vendus dans le commerce, l’accord du 4 décembre 2009 limite cette diffusion à des extraits dans les conditions suivantes : en cas d’utilisation d’un seul extrait, sa durée doit être limitée à 10 % de la durée totale de l’œuvre intégrale ; en cas d’utilisation de plusieurs extraits d’une même œuvre, la durée cumulée de ces extraits ne peut excéder six minutes. La projection en classe d’une œuvre audiovisuelle ou cinématographique au-delà de ces limites (notamment pour des œuvres intégrales inscrites aux programmes des examens) suppose, sinon de demander l’autorisation de l’auteur de l’œuvre ou de ses ayants droit, du moins d’utiliser un support acquis auprès de centrales d’achat spécialisées dans l’accomplissement de ces démarches.
La diffusion d’une œuvre en flux (« streaming ») est interdite dès lors que, à de rares exceptions près, les sites sources ne demandent pas aux auteurs et ayants droit l’autorisation de mettre en ligne les œuvres. Il convient enfin de rappeler que toute fixation, reproduction, communication ou mise à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, ou toute télédiffusion d’un vidéogramme ou d’un programme, réalisée sans l’autorisation, lorsqu’elle est exigée, de l’artiste-interprète, du producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes ou de l’entreprise de communication audiovisuelle est punie d’une peine de 300 000 euros d’amende et de trois ans d’emprisonnement, conformément au premier alinéa de l’article L. 335-4 du C.P.I. NOTES 1. Dans cette décision de 1956, le Conseil d’État a jugé que, pour l’appréciation de la condition de quatre années de services exigée pour se présenter au « second concours » d’entrée à l’ENA, devaient être pris en compte les services accomplis par « tous les agents qui, d’une manière permanente ou temporaire, sont unis par un lien administratif aux personnes publiques susmentionnées, soit que ce lien résulte d’un contrat de droit public, soit que lesdits agents soient placés dans une situation réglementaire ou statutaire de droit public». [retour] 2. Pour une application à la fonction publique de l’État, se référer aux dispositions de l’article 26 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984. [retour]
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