Enseignement : questions générales
PRINCIPES GÉNÉRAUX
Obligation scolaire
Scolarisation – Inscription sur la liste des enfants résidant dans la commune soumis à l’obligation scolaire – Compétence du maire exercée en qualité d’agent de l’État – Refus illégal – Provision à la charge de l’État
C.E., 19 décembre 2018, Commune de Ris-Orangis, n° 408710, aux tables du Recueil Lebon
Résidant depuis quelques mois de façon irrégulière sur le territoire d’une commune d’Île-de-France, des parents avaient demandé au maire de scolariser leurs deux enfants mineurs dans une école de la commune à compter de la rentrée scolaire de septembre 2012. Après avoir implicitement rejeté leur demande par une absence de réponse, le maire avait finalement décidé d’accueillir les enfants des requérants, à compter de la fin janvier 2013, dans un gymnase municipal aménagé en salle de classe en dehors d’un établissement scolaire, avec d’autres enfants d’origine rom habitant dans le même campement provisoire. Sur réquisition du préfet du département, les enfants avaient été scolarisés dans une école de la commune à compter de la mi-février 2019.
Les requérants avaient saisi le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, sur le fondement de l’article R. 541-1 du code de justice administrative, d’une demande de provision au titre des préjudices qu’eux-mêmes et leurs enfants avaient subis en raison des décisions du maire. Le juge des référés du tribunal avait condamné la commune, par une ordonnance du 19 octobre 2016, à leur verser une provision de 2 000 euros au titre du préjudice moral résultant de l’absence de scolarisation de leurs enfants de septembre 2012 au 21 janvier 2013. La commune avait formé un pourvoi contre cette ordonnance devant la cour d’administrative d’appel de Versailles, laquelle l’avait transmis au Conseil d’État en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative.
Le Conseil d’État a d’abord cité les dispositions de l’article L. 131-1 du code de l’éducation aux termes desquelles les enfants entre six et seize ans sont soumis à l’obligation d’instruction et celles de de l’article L. 131-6 du même code qui font obligation au maire : « Chaque année, à la rentrée scolaire (…) [de dresser] la liste de tous les enfants résidant dans sa commune et qui sont soumis à l’obligation scolaire. » Il a rappelé que le maire agit au nom de l’État lorsqu’il dresse cette liste (cf. C.E., 7 décembre 1990, n° 106868, aux tables du Recueil Lebon) et que les décisions prises dans l'exercice de cette compétence ne peuvent, par suite, engager que la responsabilité de l'État.
En l’espèce, le Conseil d’État a jugé que la décision du maire refusant toute scolarisation aux enfants des requérants à la rentrée scolaire 2012 devait être regardée, à raison de sa généralité, non comme un refus d'admission dans une école primaire particulière de la commune, mais comme un refus d'inscription sur la liste des enfants qui, résidant dans la commune à la rentrée scolaire 2012, étaient soumis à l'obligation scolaire. Il en a par conséquent déduit qu’en condamnant la commune à verser aux requérants une provision au titre des préjudices résultant des décisions du maire, alors que la faute avait été commise par le maire dans l’exercice des compétences qu’il exerce en qualité d’autorité de l’État, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles avait entaché son ordonnance d’une erreur de droit.
Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’État a jugé, après avoir rappelé le droit à l’éducation garanti à chacun par l’article L. 111-1 du code de l’éducation, le droit à une formation scolaire garanti à tout enfant par l’article L. 111-2 du même code et l’obligation imposée au maire par l’article L. 131-6 précédemment mentionné de ce même code, que le refus de toute scolarisation des deux enfants des requérants opposé par le maire de la commune était illégal dès lors que les enfants résidaient effectivement sur le territoire de la commune, et alors même que cette résidence résultait d’une occupation illégale de terrains et aurait présenté des risques d’insalubrité. Il en a déduit que la créance dont se prévalaient les requérants à l’encontre de l’État, tirée du préjudice moral qui leur avait été causé, à eux-mêmes et à leurs deux enfants, par ces décisions illégales, n’était pas sérieusement contestable. Le Conseil d’État a, par suite, condamné l’État à verser à chacun des deux parents la somme de 500 euros au titre des préjudices subis en leur nom propre, ainsi que la somme de 500 euros pour chacun de leurs deux enfants au titre des préjudices subis par chacun d’eux.
N.B. : Par cette décision, le Conseil d’État rappelle la portée de l’article L. 131-6 du code de l’éducation : le maire a l’obligation de recenser tous les enfants d’âge scolaire résidant sur le territoire de la commune, quelles que soient les conditions de résidence de leurs familles. Cette compétence appartient au maire agissant au nom de l’État (cf. article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales prévoyant que le préfet peut mettre en demeure le maire, parce qu’il intervient en qualité d’agent de l’État dans sa commune, d’inscrire un enfant sur la liste des enfants d’âge scolaire), et non pas en sa qualité d’organe exécutif de la commune. En revanche, lorsqu’il existe plusieurs écoles publiques sur le territoire d’une même commune, le ressort territorial de chacune de ces écoles est désormais déterminé par délibération du conseil municipal (cf. article L. 212-7 du code de l’éducation dans sa rédaction issue de l’article 80 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui a donné au conseil municipal le pouvoir de définir la sectorisation des écoles publiques relevant de sa compétence) : l'inscription des élèves dans chaque école se fait alors sur présentation d'un certificat d'inscription délivré par le maire qui désigne l'école que l'enfant doit fréquenter (cf. article L. 131-5 du code de l’éducation dans sa rédaction issue du même article 80 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004). Ainsi, le maire agit désormais en qualité d’organe exécutif de la commune lorsqu’il prend une décision d’inscription ou de refus d’inscription dans une école de la commune en fonction de la sectorisation scolaire définie par délibération du conseil municipal.
Droit à l’instruction – Liberté fondamentale – Obligation d’instruction – Mineur étranger isolé – Notion de personne responsable de l’enfant – Autorité de fait
T.A. Nancy, 7 février 2019, M. X c/ Département de Meurthe-et-Moselle, n° 1900320
Saisi d’un « référé-liberté », sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative (C.J.A.), d’une demande de scolarisation d’un enfant de nationalité albanaise âgé de treize ans pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance (ASE) d’un département, le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a rappelé que la privation pour un enfant de cet âge, compte tenu notamment de sa qualité de mineur isolé sur le territoire français, de la possibilité de bénéficier d’une scolarisation ou d’une formation scolaire ou professionnelle adaptée, selon les modalités que le législateur a définies afin d’assurer le respect de l’égal accès à l’instruction garanti par le treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du C.J.A., sous réserve qu’une urgence particulière rende nécessaire l’intervention d’une mesure de sauvegarde sous 48 heures (cf. s’agissant d’un enfant en situation de handicap : J.R.C.E., 15 décembre 2010, Ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la vie associative, n° 344729, au Recueil Lebon et, s’agissant de la situation d’un mineur étranger isolé qui demandait à bénéficier, sur le fondement du droit constitutionnel d’égal accès à l’instruction, d’une autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 du code du travail : J.R.C.E., 15 février 2017, Ministre de l’intérieur, n° 407355, au Recueil Lebon).
En l’espèce, le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a retenu que la situation dans laquelle se trouvait le requérant âgé de treize ans constituait en elle-même une situation d’urgence et une atteinte grave à une liberté fondamentale.
Le juge des référés du tribunal a d’abord rappelé l’obligation d’instruction des enfants de six à seize ans posée par l’article L. 131-1 du code de l’éducation, ainsi que les prérogatives que l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation tient des articles L. 131-7 et L. 131-9 du même code afin de faire respecter cette obligation par les personnes responsables de l'enfant d’âge scolaire.
Le juge des référés a alors souligné qu’il appartenait au président du conseil départemental, responsable du jeune garçon puisqu’il détient sur lui, de façon continue depuis septembre 2018, une autorité de fait, et ce, quand bien même il ne s’est pas vu confier l’autorité parentale par le juge des enfants, de saisir les autorités de l’éducation nationale, ainsi que la rectrice de l’académie de Nancy le lui avait d’ailleurs demandé, afin que soit assurée l’instruction de l’enfant. Il a par conséquent enjoint au département de Meurthe-et-Moselle, en sa qualité d’autorité responsable du jeune mineur de treize ans, de procéder, dans le délai de cinq jours, aux démarches nécessaires en vue de son inscription dans un établissement scolaire ou, à défaut, de mettre en œuvre dans le même délai toute procédure alternative répondant aux exigences du code de l’éducation.
Il a par ailleurs enjoint à la rectrice d’académie, dans le cas où, au terme de ce délai de cinq jours, le département n’aurait entrepris aucune démarche en vue d’assurer l’obligation d’instruction de l’enfant, de mettre en œuvre les mesures prévues par les articles L. 131-7 et L. 131-9 susmentionnés du code de l’éducation aux fins de faire respecter cette obligation d’instruction par le département, au besoin en saisissant le procureur de la République.
Instruction dans la famille – Vérification du respect de l’obligation d’instruction – Annonce du contrôle des acquis et des connaissances de l’enfant – Acte préparatoire insusceptible de recours
T.A. Lille, 14 janvier 2019, n° 1805199
Par deux courriers du même jour, le recteur de l'académie de Lille avait informé les parents de deux enfants instruits dans la famille, sur le fondement des articles L. 131-2 et L. 131-5 du code de l'éducation, qu’un contrôle des acquis et connaissances de leurs enfants serait effectué, en application des dispositions de l’article L. 131-10 du même code, quelques semaines plus tard.
Les parents demandaient au tribunal administratif de Lille d’annuler ce contrôle prévu à leur domicile et de prononcer la suppression de leur dossier du rapport établi à la suite du contrôle qui s’était déroulé l’année précédente en enjoignant à l’administration de le réécrire.
Sur le fondement des dispositions du 4° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, le président du tribunal administratif a rejeté par ordonnance l’ensemble des conclusions des requérants comme manifestement irrecevables.
Le président de la 3e chambre du tribunal administratif a d'abord relevé que les requérants devaient être regardés, compte tenu des termes de leur requête, comme demandant l'annulation des deux courriers du recteur d’académie les informant du contrôle à venir.
Il a par conséquent jugé que ces courriers, qui avaient pour seul objet d'informer les requérants du contrôle qui serait effectué à leur domicile par l'autorité compétente en matière d’éducation, constituaient un acte préparatoire aux éventuelles décisions susceptibles d'être prises à l’issue de ce contrôle et étaient donc insusceptibles d’être déférés au juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir.
Il a par ailleurs rappelé, s’agissant des conclusions des requérants tendant à la suppression de leur dossier du rapport rédigé à la suite du contrôle réalisé l’année précédente et à ce qu’il soit enjoint au recteur d’académie de leur fournir des conseils méthodologiques et organisationnels afin que leurs enfants puissent acquérir progressivement le socle commun de connaissances et de compétences, qu’il n’appartenait pas à la juridiction administrative d’accueillir des conclusions tendant à d’autres fins qu’une annulation ou une condamnation à verser une somme d’argent. Par suite, il a jugé que ces conclusions étaient irrecevables par leur objet même.
Enseignement scolaire
PREMIER DEGRÉ
Scolarité
SCOLARISATION DES ÉLÈVES HANDICAPÉS
Élèves en situation de handicap – Droit à l’instruction – Orientation par la C.D.A.P.H. dans les différentes structures de scolarisation (CLIS, I.M.E.) – Discrimination (non)
C.E.D.H., 24 janvier 2019, X c/ France, n° 2282/17
La mère d’un enfant autiste avait demandé sa scolarisation en classe pour l’inclusion scolaire (CLIS) avec un accompagnement en service d’éducation spéciale et de soins à domicile. La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (C.D.A.P.H.) avait rejeté sa demande et orienté l’enfant en institut médico-éducatif (I.M.E.) et, dans l’attente qu’une place se libère dans un tel institut, en hôpital de jour.
Saisi d’un recours par la mère de l’enfant, le tribunal du contentieux de l’incapacité avait jugé que l’état de son fils justifiait une orientation vers un I.M.E. avec l’accompagnement d’un auxiliaire de vie scolaire sur le temps scolaire et la mise en place des méthodes adaptées à la prise en charge de l’autisme. En appel, la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT) avait confirmé le jugement. La Cour de cassation avait rejeté le pourvoi de la mère l’enfant à l’encontre de cet arrêt de la cour.
Invoquant l’article 2 du protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme, qui garantit que nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction, la requérante avait saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (C.E.D.H.) du refus opposé par les juridictions internes de scolariser son enfant en milieu ordinaire, en soutenant que le juge aurait dû donner priorité à l’inclusion scolaire.
La C.E.D.H. a jugé que les autorités nationales n’avaient pas violé l’article 2 du protocole n° 1 à la Convention.
La Cour a d’abord constaté que le droit d’accès à l’instruction des enfants en situation de handicap est garanti de jure par le système éducatif français, que ce soit sous la forme d’une éducation spéciale dans des établissements spéciaux comme les I.M.E. ou d’une éducation inclusive au sein des écoles ordinaires.
Elle a relevé qu’en l’espèce, une scolarisation en milieu spécialisé au sein d’un I.M.E. avec des méthodes adaptées au handicap du fils de la requérante conformes à celles préconisées par les experts permettait à cet enfant de bénéficier d’une prise en charge adaptée à ses troubles autistiques, comprenant un temps de scolarité.
La Cour a également retenu que les autorités françaises avaient analysé le niveau de handicap de l’enfant, mis en balance le niveau de son handicap et le bénéfice qu’il pourrait tirer de l’accès à l’enseignement inclusif et, finalement, après avoir constaté que l’enfant n’était pas capable d’assumer les contraintes et les exigences minimales de comportement qu’implique la vie dans une école ordinaire, opté pour l’éducation la mieux appropriée à ses besoins, en milieu spécialisé. La Cour a précisé que ce choix répondait aux besoins de l’enfant et ne résultait pas d’une déficience de moyens et de l’assistance scolaire au sein de l’école ordinaire.
La Cour en a conclu que le refus d’admettre le fils de la requérante en milieu scolaire ordinaire ne saurait constituer un manquement de l’État à ses obligations au titre de l’article 2 du protocole n° 1 à la Convention ni une négation de son droit à l’instruction en raison de son handicap.
N.B. : La C.E.D.H. a par ailleurs rappelé dans cette décision qu’il ne lui appartient pas de définir les moyens à mettre en œuvre par les autorités nationales pour assurer le droit à l’éducation des enfants en situation de handicap, les autorités nationales, qui s’appuient sur un réseau d’acteurs du secteur médico-éducatif, étant mieux placées que le juge international pour se prononcer sur la situation et les besoins locaux à cet égard (cf. point 26 de la décision du 24 janvier 2019).
Elle a cependant à nouveau souligné que les autorités nationales doivent être particulièrement attentives à l’impact des choix qu’elles opèrent sur les groupes dont la vulnérabilité est la plus grande, au nombre desquels figurent les enfants autistes (cf. C.E.D.H., 8 novembre 2016, n° 77023/12, X c/ Turquie).
Enseignement supérieur et recherche
ADMINISTRATION ET FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Communauté d’universités et établissements (COMUE) – Procédure d’adoption des statuts d’une COMUE dont la composition n’est pas identique à celle du pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) préexistant – Participation à la COMUE d’un établissement d’enseignement supérieur privé de caractère confessionnel – Composition du conseil académique
C.E., 30 janvier 2019, Syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP-F.S.U.), n° 394175
Saisi par le Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESUP-F.S.U.) qui demandait l’annulation du décret n° 2015-1064 du 26 août 2015 portant approbation des statuts de la communauté d’universités et établissements (COMUE) « Lille-Nord-de-France », le Conseil d’État a rappelé les précisions qu’il avait déjà apportées dans une décision n° 388034 du 15 avril 2016 en ce qui concerne la procédure d’adoption des statuts d’une COMUE dont la composition n’est pas identique à celle du pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) préexistant (1), et apporté de nouvelles précisions quant à la participation d’un établissement d’enseignement supérieur privé revendiquant un caractère confessionnel à une COMUE (2), à la composition du conseil académique d’un tel établissement au regard du principe d’indépendance des enseignants-chercheurs (3) et aux modalités de participation au conseil des membres (4).
1. Sur la procédure d’adoption des statuts d’une COMUE dont la composition n’est pas identique au PRES préexistant
La loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a prévu deux modes d’adoption des statuts d’une COMUE selon que la COMUE est créée ex nihilo ou qu’elle est créée à partir de la transformation d’un PRES préexistant.
Dans le premier cas, l’article L. 718-8 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 2013, prévoit que les statuts de la COMUE nouvellement constituée sont adoptés par chacun des établissements et organismes ayant décidé d'y participer. Dans le second cas, l’article 117 de la loi du 22 juillet 2013 a prévu la transformation automatique du PRES préexistant en COMUE à la date de publication de la loi, soit le 23 juillet 2013, à charge pour le conseil d’administration de chaque PRES en exercice d’adopter, dans un délai d’un an à compter de la même date, les nouveaux statuts de l’établissement pour les mettre en conformité avec les dispositions des articles L. 718-7 à L. 718-15 du code de l’éducation dans leur rédaction issue de cette même loi du 22 juillet 2013, avant que n’intervienne un décret portant approbation de la modification des statuts.
Le Conseil d’État a rappelé, comme il l’avait déjà jugé dans la décision susmentionnée du 15 avril 2016 (n° 388034, considérant 7), que lorsque la composition de la COMUE n’est pas identique à celle d’un PRES existant, le décret qui approuve les statuts de la COMUE est « pris, non sur le fondement des dispositions de l’article 117 de la loi du 22 juillet 2013, qui ne sont pas applicables, mais sur le fondement des dispositions de l’article L. 718-8 du code de l’éducation issues de cette même loi ».
En l’espèce, plusieurs membres de la COMUE « Lille-Nord-de-France » étaient, avant l’entrée en vigueur de la loi du 22 juillet 2013, membres de l’ancien PRES « Université Lille-Nord-de-France », mais onze membres de ce PRES ne sont pas membres de la COMUE et un membre de la COMUE n’était pas membre du PRES. Par conséquent, le Conseil d’État a jugé que « le décret attaqué n’approuve pas la mise en conformité des statuts d’un PRES déjà existant, mais la création d’une communauté d’universités et établissements nouvellement constituée ». Il en résulte que les statuts approuvés par le décret attaqué n’avaient pas à être adoptés par le conseil d’administration de l’ancien PRES « Université Lille-Nord-de-France », mais qu’ils devaient l’être, dans les mêmes termes, par chacun des établissements et organismes membres de la nouvelle COMUE, conformément à l’article L. 718-8 du code de l’éducation.
2. Sur la participation d’un établissement d’enseignement supérieur privé de nature confessionnelle à une COMUE
Le syndicat requérant soutenait que la participation en qualité de membre de la COMUE « Lille-Nord-de-France » de la Fédération universitaire et polytechnique de Lille (F.U.P.L.), institution délivrant des cours d’enseignement supérieur, entachait d’illégalité les statuts de la COMUE, en raison du caractère privé de cet établissement et de son caractère confessionnel.
Après avoir rappelé les dispositions des articles L. 718-2 et L. 718-3 du code de l’éducation qui prévoient que les regroupements d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche, au nombre desquels figurent les COMUE, « coordonnent leur offre de formation et leur stratégie de recherche et de transfert », le Conseil d’État a jugé que ces dispositions permettent à un établissement ou organisme privé qui délivre des cours d'enseignement supérieur de participer à une COMUE (J.R.C.E., 5 novembre 2015, Syndicat de l'enseignement supérieur SNESUP-F.S.U., n° 394212). En l’espèce, la F.U.P.L. délivrant des cours d’enseignement supérieur, le Conseil d’État a jugé que la participation de cette institution à la COMUE « Lille-Nord-de-France » ne méconnaissait pas, en raison de son caractère privé, les dispositions des articles L. 718-2 et L. 718-3 du code de l’éducation susmentionnés.
Le Conseil d’État a en outre jugé que « la participation à la COMUE “Lille-Nord-de-France” de la Fédération universitaire et polytechnique de Lille ne saurait, au motif qu’il s’agit d’un établissement privé revendiquant un caractère confessionnel, porter par elle-même atteinte au principe de laïcité de l’enseignement public ».
Par la présente décision, le Conseil d’État confirme qu’aucun texte ni aucun principe n’interdit à un établissement privé de nature confessionnelle qui délivre des cours d’enseignement supérieur de participer à une COMUE et en tire les conséquences quant à la composition des conseils des COMUE en jugeant que les dispositions des articles L. 718-11 et L. 718-12 du code de l’éducation, qui prévoient que le conseil d’administration et le conseil académique de la COMUE comportent « (…) 4°des représentants des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs exerçant leurs fonctions dans la communauté d’universités et établissements ou dans les établissements membres (…) » sont de nature à fonder, dès lors que cette COMUE comporterait un ou plusieurs établissements privés, la participation aux conseils de cette communauté de représentants d’enseignants ou de chercheurs ayant la qualité de salariés de droit privé.
3. Sur la composition du conseil académique de la COMUE et le respect du principe d’indépendance des enseignants-chercheurs
Le syndicat requérant soutenait en outre que les dispositions de l’article 13 des statuts de la COMUE « Lille-Nord-de-France », annexés au décret n° 2015-1064 du 26 août 2015, portaient atteinte au principe d’indépendance des enseignants-chercheurs dans la mesure où elles prévoyaient que le conseil académique comportait un nombre de représentants des professeurs supérieur à celui des représentants des autres enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs, en méconnaissance de l’article L. 719-2 du code de l’éducation.
Le Conseil d’État a cependant rappelé que les dispositions de l’article L. 718-7 du code de l’éducation autorisent les statuts des COMUE, lorsque les dispositions propres aux COMUE le leur permettent, à déroger aux dispositions du titre Ier du livre VII de la troisième partie du code de l’éducation, parmi lesquelles figurent les dispositions de l’article L. 719-2 qui prévoient en son deuxième alinéa que : « Au sein de la représentation des enseignants-chercheurs et personnels assimilés de chaque conseil, le nombre des professeurs et personnels de niveau équivalent doit être égal à celui des autres personnels. » Or, parmi les dispositions propres aux COMUE figure l’article L. 718-12 relatif à la composition de leur conseil académique, qui prévoit que cette composition est fixée par les statuts et précise que les représentants des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs, doivent représenter au moins 60 % des membres du conseil académique.
Le Conseil d’État a par ailleurs jugé que « la seule circonstance que ces dispositions [de l’article 13 des statuts de la COMUE “Lille-Nord-de-France”] rassemblent, au sein du même corps électoral, des professeurs et des enseignants-chercheurs qui, bien qu’habilités à diriger des recherche, n’ont pas la qualité de professeur d’université, n’est pas de nature à porter atteinte au principe d’indépendance des enseignants-chercheurs ». Il a, ce faisant, estimé que la représentation des professeurs était, en l’espèce, suffisante et leur garantissait ainsi une représentation propre et authentique permettant leur réelle participation aux décisions prises en matière de recrutement, de discipline, de recherche et, plus généralement, de déroulement de carrière. En effet, « si le principe d'indépendance des enseignants-chercheurs implique que les professeurs et maîtres de conférences soient associés au choix de leurs pairs, il n'impose pas que toutes les personnes intervenant dans la procédure de sélection soient elles-mêmes des enseignants-chercheurs d'un grade au moins égal à celui de l'emploi à pourvoir »(Cons. const., 6 août 2010, n° 2010-20/21 QPC, point 6).
4. Sur les modalités de la participation au conseil des membres de la COMUE
Le dernier alinéa de l’article 26 des statuts de la COMUE « Lille-Nord-de-France » approuvés par décret du 26 août 2015 était également contesté en tant qu’il ne pouvait légalement prévoir les modalités de la participation de l’université de Lille à la COMUE, cette université n’ayant pas encore d’existence juridique à la date du décret attaqué. En effet, l’université de Lille, créée par fusion des universités Lille-I, Lille-II et Lille-III par le décret n° 2017-1329 du 11 septembre 2017, ne s’est substituée à ces trois universités qu’à compter du 1er janvier 2018.
Toutefois, le Conseil d’État a retenu que « les dispositions litigieuses précisaient clairement quelle université serait, lors de sa création, admise comme membre et quels établissements cesseraient de l'être, et que, par ailleurs, la procédure de fusion des universités de Lille-I, Lille-II et Lille-III était suffisamment avancée à la date où elles ont été adoptées ». Ainsi, dès lors que les membres de la COMUE avaient approuvé, en toute connaissance de cause, le projet de statuts qui leur était soumis, ces dispositions de l’article 26 des statuts de la COMUE n’étaient pas entachées d’illégalité.
En revanche, le Conseil d’État a annulé les dispositions de la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 26 des statuts, divisibles des autres dispositions statutaires de la COMUE, en tant qu’elles ne pouvaient légalement prévoir que l’université de Lille, issue de la fusion des trois universités lilloises, disposerait de trois voix pour sa représentation propre au conseil des membres, alors qu’aux termes des dispositions du premier alinéa de l’article L. 718-13 du code de l’éducation : « Le conseil des membres réunit un représentant de chacun des membres de la communauté d’universités et établissements (…). »
Le Conseil d’État a assorti cette annulation d’une modulation dans le temps de ses effets, faisant ainsi application de sa jurisprudence « AC ! » (C.E. Assemblée, 11 mai 2004, n° 255886, au Recueil Lebon) : il a en effet jugé que « compte tenu des effets excessifs qu'aurait l'annulation rétroactive de ces dispositions sur les divers intérêts publics et privés en présence et, en particulier, sur le fonctionnement de la communauté d'universités et établissements, il y a lieu, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur leur fondement, de déroger au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et de différer l'effet de cette annulation jusqu'au 30 septembre 2019 » .
Questions propres aux différents établissements
UNIVERSITÉS
Pouvoirs de police du président de l’université – Interdiction temporaire d’accès aux locaux de l’université opposée à des étudiants – Référé-liberté
J.R.C.E., 18 janvier 2019, n° 426884
J.R.C.E., 18 janvier 2019, n° 426885
Le juge des référés du Conseil d’État a été saisi en appel de deux recours dirigés contre deux ordonnances du 5 janvier 2019 par lesquelles le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, avait rejeté les demandes de deux étudiants tendant à la suspension de l’exécution des arrêtés par lesquels le président de l’université leur avait respectivement interdit l’accès à l’ensemble des enceintes et locaux de l’établissement pour une durée de trente jours.
À la suite d’actions de blocage de l’université et d’obstruction à la tenue des examens menées dans le cadre d’un mouvement de protestation des étudiants contre des projets du Gouvernement, le président de l’université avait pris ces deux arrêtés sur le fondement des articles R. 712-1 à R. 712-8 du code de l’éducation, en vue de prévenir de nouveaux troubles à l’ordre susceptibles d’être causés par ces deux étudiants et de permettre le bon déroulement des examens et des activités d’enseignement et de recherche.
Les requérants, dont l’un disposait d’un logement dans la résidence universitaire située dans l’enceinte de l’université, faisaient valoir que les arrêtés litigieux portaient une atteinte grave et manifestement illégale à leur liberté d’aller et venir, à la liberté d’enseignement et à leur droit à l’instruction.
En premier lieu, le juge des référés du Conseil d’État a retenu que « l’impossibilité [pour les] requérant[s] d’accéder aux locaux affectés au service public de l’université ne saurait être regardée comme constituant une atteinte à la liberté d’aller et venir, étant entendu que [celui d’entre eux qui est logé en résidence universitaire] conserve le droit de circuler sur le campus afin de se rendre au logement dont il bénéficie dans la résidence universitaire ».
En deuxième lieu, le juge a des référés a rejeté comme inopérant le moyen tiré de l’atteinte à la liberté d’enseignement en relevant que « les mesures [prises par le président de l’université] ne sauraient caractériser une atteinte à la liberté d’enseignement ».
En troisième lieu, le juge des référés a relevé que « les actions de blocage et d’obstruction aux examens (…) ont fortement perturbé le déroulement des examens de fin du premier semestre, conduisant à en différer un nombre important, ainsi que l’organisation de l’enseignement » et il a retenu qu’au vu des divers documents et tracts diffusés dans son enceinte, l’université pouvait légitimement craindre que de nouvelles actions de blocage ou de perturbation du fonctionnement de l’université seraient organisées, notamment pendant la période d’examens prévue les semaines des 7 et 14 janvier.
Enfin, le juge des référés a souligné que les deux requérants étaient fortement investis dans le mouvement de contestation étudiante « tant pour les assemblées d’étudiants que dans les actions menées », ce qu’ils ne contestaient d’ailleurs pas. Dans ces circonstances, et alors même que les mesures contestées n’avaient été prises qu’à l’égard de ces deux étudiants, le juge a retenu qu’« eu égard aux objectifs de bon fonctionnement du service public dont l’université a la charge et à la mission qui lui incombe de permettre à l’ensemble des étudiants de suivre et de valider leurs enseignements », les arrêtés d’interdiction temporaire d’accès aux locaux universitaires pris par le président de l’université n’avaient pas porté au droit à l’instruction des requérants une atteinte grave et manifestement illégale.
N.B. : La décision d’interdiction d’accès aux locaux d’une université est une décision du président de l’université prise dans le cadre des pouvoirs que lui confèrent les dispositions des articles R.712-1 à R.712-8 du code de l’éducation, afin d’assurer l’ordre et la sécurité dans les enceintes et locaux de l’établissement (cf. pour une décision interdisant l’accès des locaux de l’université à des personnels : J.R.C.E., 26 août 2014, n° 382511 ; J.R.C.E., 26 août 2014, n° 382513). Seule la nécessité de préserver la sécurité publique ou de prévenir des risques avérés d’atteinte à l’ordre public justifie une limitation aux libertés individuelles et, notamment, à la liberté d’aller et venir (cf. a contrario, pour un arrêté municipal restreignant la liberté d’aller et venir qui ne repose pas sur des risques avérés d’atteinte à l’ordre public : J.R.C.E., 26 août 2016, Ligue des droits de l’homme et autres, n° 402742, au Recueil Lebon).
ÉTUDES
Discipline des étudiants
Faits justifiant une sanction disciplinaire à l’égard d’un étudiant – Faits de nature à porter atteinte à l’ordre ou au bon fonctionnement de l’établissement d’enseignement s’étant déroulés en dehors de l’établissement (oui) – Application du principe « non bis in idem »
C.E., 27 février 2019, n° 410644, aux tables du Recueil Lebon
Un étudiant demandait au Conseil d’État d’annuler la décision par laquelle le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire, avait rejeté sa demande tendant à ce qu’il soit, sur le fondement de l’article R. 232-34 du code de l’éducation, sursis à l’exécution de la décision par laquelle la section disciplinaire d’un Institut d’études politiques (I.E.P.) avait prononcé à son encontre une sanction d’exclusion définitive à raison de faits de violences volontaires avec usage ou menace d’une arme, commis à l’encontre d’un étudiant de la même promotion.
Après avoir rappelé les dispositions de l’article R. 712-10 du code de l’éducation, le Conseil d’État a jugé que même si les faits à l’origine des poursuites disciplinaires dont il a fait l’objet ont été commis par le requérant en dehors de l’enceinte de l’établissement d’enseignement, la section disciplinaire de l’I.E.P. était compétente pour en connaître dès lors que ces faits « ont eu un retentissement tant sur le climat régnant entre les étudiants de l’I.E.P. que sur la santé et la scolarité de la victime et (…) étaient, ainsi, de nature à porter atteinte à l’ordre et au bon fonctionnement de l’établissement ».
Il a également écarté comme sans incidence sur la légalité de la sanction la circonstance que le requérant n’était plus étudiant à l’I.E.P. à la date du prononcé de la sanction de première instance.
S’agissant de la régularité de la procédure disciplinaire de première instance, le Conseil d’État a rappelé que lorsqu’après le dépôt du rapport d’instruction, la juridiction est saisie de nouveaux éléments, le président doit, en vertu du dernier alinéa de l’article R. 712-33 du code de l’éducation, ordonner la réouverture de l’instruction. En l’espèce, il a relevé que les éléments nouveaux produits par le requérant en première instance après le dépôt du rapport de la commission d’instruction ne présentaient pas un « caractère substantiel » et il en a conclu que le président n’était pas tenu de rouvrir l’instruction (cf. pour la procédure devant le CNESER statuant en matière disciplinaire : C.E., 8 juin 2015, n° 365205, aux tables du Recueil Lebon ; C.E., 8 novembre 2017, n° 404627, aux tables du Recueil Lebon).
Enfin, le Conseil d’État a rappelé que : « Il découle du principe général du droit selon lequel une personne ne peut être sanctionnée deux fois à raison des mêmes faits que, notamment, lorsqu’une juridiction a pris une première décision définitive à l’égard d’une personne faisant devant elle l’objet de poursuites à raison de certains faits, la même juridiction devant laquelle seraient engagées de nouvelles poursuites contre cette personne à raison des mêmes faits ne peut lui infliger une sanction, cette règle s’appliquant que la juridiction ait, lors de la première procédure, infligé une sanction ou qu’elle ait décidé ne pas devoir entrer en voie de condamnation contre la personne poursuivie. »
En l’espèce, le Conseil d’État a retenu que le principe non bis in idem n’avait pas été méconnu dès lors que les premières poursuites engagées contre le requérant par le directeur de l’I.E.P. devant la section disciplinaire n’avaient conduit à aucune décision, qu’il s’agisse d’une décision d’infliger une sanction ou de ne pas en infliger (cf. C.E., 30 décembre 2016, Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, n° 395681, au Recueil Lebon). Ces premières poursuites disciplinaires avaient en effet été abandonnées et seules les secondes poursuites engagées par le directeur de l’I.E.P. avaient conduit à une décision, en l’occurrence la sanction objet du litige.
Le Conseil d’État a également écarté le moyen tiré de la méconnaissance du principe non bis in idem en ce que la sanction disciplinaire infligée à l’étudiant aurait été prononcée pour les mêmes faits que la mesure d'interdiction d'accès aux locaux de l'établissement prise à son encontre par le directeur de l'I.E.P. Il a rappelé que cette mesure d’interdiction d’accès aux locaux de l’établissement, prise sur le fondement des dispositions de l'article R. 712-1 du code de l’éducation en vue de prévenir des risques de désordre au sein de l'établissement, n’est pas une sanction disciplinaire, mais une mesure de police, prise à titre conservatoire (cf. C.A.A. Marseille, février 2019, n° 17MA01855, considérant 5).
Questions propres aux études médicales et odontologiques
Accès au système informatisé distribué d’évaluation en santé (SIDES) – Étudiants français en médecine scolarisés dans une université de Roumanie – Épreuves classantes nationales (E.C.N.)
C.A.A. Paris, 19 novembre 2018, Association Corporation médecine Cluj, n° 16PA03910
Une association avait demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler les décisions par lesquelles les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé avaient rejeté sa demande tendant à ce qu’il soit permis aux étudiants français qu’elle représentait, scolarisés dans une université de médecine d’un autre État membre de l’Union européenne, d’accéder à la plateforme numérique dénommée « système informatisé distribué d’évaluation en santé » (SIDES), qui consiste en une base de données communes aux universités françaises mise à la disposition de leurs étudiants en médecine pour leur préparation aux épreuves classantes nationales (E.C.N.).
L’association requérante estimait que la préparation des étudiants à ces épreuves relevait de la compétence de l’État et que les décisions attaquées méconnaissaient le principe d’égalité de traitement entre les candidats aux examens en empêchant les étudiants français de cette université étrangère de les préparer comme les autres étudiants français.
Le tribunal administratif ayant rejeté sa requête, l’association avait interjeté appel.
Par un arrêt du 19 novembre 2018, la cour administrative d’appel de Paris a également rejeté la requête de l’association.
Après avoir rappelé que les dispositions des articles R. 632-4 et R. 632-5 du code de l’éducation relatives aux E.C.N. sont applicables « aux seules universités françaises », la cour administrative d’appel a retenu qu’il résulte de ces mêmes dispositions réglementaires que seule l’organisation des épreuves classantes nationales relève de la compétence du ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, la préparation des étudiants en médecine « aux épreuves “classantes” nationales » relevant quant à elle des universités puisqu’elle s’inscrit dans le cadre des enseignements médicaux théoriques et pratiques dispensés par les unités de formation et de recherche de médecine, conformément à l’article L. 632-1 du code de l’éducation.
La cour a estimé que « malgré l’existence d’une coopération étroite entre l’État et les universités, et entre les différentes unités de formation et de recherche de médecine des universités françaises pour l’alimentation de cette plateforme en contenus pédagogiques destinés à cette préparation, [ni] la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, ni la ministre des solidarités et de la santé [ne sont] les gestionnaires de fait de cette plateforme, gérée par un groupement d'intérêt public auquel l'État n'est pas partie et dont l'existence n'est prévue par aucune disposition législative ou réglementaire ».
Elle a enfin relevé que la base de données servant à sélectionner les sujets pour les épreuves d'accès au troisième cycle est confidentielle et indépendante de la banque de sujets d'entraînement mis à disposition sur la plateforme SIDES par les seules universités.
La cour administrative d’appel en a déduit que les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé n’étaient pas compétents pour statuer sur la demande de l’association tendant à ce que l’accès à la plateforme SIDES soit ouvert aux étudiants français scolarisés au sein d’une université de médecine et de pharmacie en Roumanie. Les ministres étaient donc en situation de compétence liée pour rejeter cette demande.
Par suite, le moyen tiré de ce que le refus de permettre aux étudiants français d’une université roumaine d’accéder à la plateforme SIDES serait contraire au principe d’égalité entre les candidats à un même concours est inopérant (cf. C.E., 16 novembre 2001, n° 214638 ; C.E., 17 janvier 2007, Syndicat national des personnels administratifs de l’Office national des forêts-Force ouvrière, n° 250668).
Personnels
QUESTIONS COMMUNES
Recrutement et changement de corps
CONCOURS
Accès à la fonction publique de l'État – Conditions requises pour se présenter à un concours – Vérification à tous les stades de la procédure de recrutement et jusqu'à la date de la nomination – Admission à concourir – Existence d'une décision implicite d'acceptation de la candidature (non)
C.E., 12 décembre 2018, n° 402347
La requérante, enseignante contractuelle dans un collège, avait été admise au concours réservé aux agents non titulaires pour l’accès au certificat d’aptitude à l’enseignement secondaire (CAPES), section Lettres modernes, au titre de la session 2013. Par une décision du 7 mai 2013, le ministre de l’éducation nationale avait annulé sa candidature au motif qu’elle ne remplissait pas, à la date de clôture des inscriptions, la condition d’ancienneté de quatre années de services publics effectifs en équivalent temps plein fixée par l’article 4 de loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite « loi Sauvadet ».
Le Conseil d’État a d’abord rappelé qu’il résulte des dispositions de l’article 20 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État que la vérification des conditions requises pour participer à un concours peut intervenir à tous les stades de la procédure de recrutement et jusqu’à la date de la nomination du ou des candidats déclarés aptes par le jury.
Il en a déduit que la circonstance que la requérante avait été admise à concourir aux épreuves du concours réservé ne révélait pas, en l’espèce, l’existence d’une décision implicite d’acceptation de sa candidature et que, par suite, la décision du 7 mai 2013 par laquelle le ministre de l’éducation nationale avait déclaré sa candidature irrecevable ne pouvait être regardée comme retirant une telle décision. La requérante ne pouvait donc utilement invoquer la méconnaissance, à l'occasion de ce retrait, des dispositions des articles 23 et 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dispositions aujourd’hui codifiées dans le code des relations entre le public et l’administration (C.R.P.A.).
Le Conseil d’État a ensuite cité les dispositions, alors en vigueur, de l'article 1er du décret n° 50-581 du 25 mai 1950 portant règlement d'administration publique pour la fixation des maximums de service hebdomadaire du personnel enseignant des établissements d'enseignement du second degré, aux termes desquelles : « Les membres du personnel enseignant dans les établissements du second degré sont tenus de fournir, sans rémunération supplémentaire, dans l'ensemble de l'année scolaire, les maximums de services hebdomadaires suivants : / A) Enseignements littéraires, scientifiques, technologiques et artistiques : / Agrégés : quinze heures ; / Non agrégés : dix-huit heures. / (...) », et celles de l’article L. 521-1 du code de l'éducation qui prévoient que : « L'année scolaire comporte trente-six semaines au moins (...). »
Il a jugé que ces dispositions, qui fixent respectivement des minima de service d'enseignement et une durée annuelle de scolarité des élèves, ne peuvent être utilement invoquées pour apprécier le respect de la condition d'« une durée de services publics effectifs au moins égale à quatre années en équivalent temps plein » posée par l'article 4 de la loi Sauvadet du 12 mars 2012 déjà mentionnée.
Le Conseil d’État a, en conséquence, rejeté la requête de l’intéressée.
N.B. : Cette décision du Conseil d’État rappelle qu’être admis à passer les épreuves d’un concours et reçu ensuite à ce concours ne signifie pas pour autant que la candidature a été acceptée, puisque la loi prévoit que l’administration peut vérifier les conditions requises pour concourir jusqu’à la date de nomination des lauréats du concours.
Elle rappelle également que les obligations de service des enseignants ne correspondent pas aux « obligations » des élèves. Ainsi, l’article L. 521-1 du code de qui prévoit que l’année scolaire comporte au moins trente-six semaines réparties en cinq périodes de travail, de durée comparable, séparées par quatre périodes de vacance des classes, a pour seul objet de déterminer la durée des enseignements dont doivent bénéficier les élèves des établissements d’enseignement au cours d’une année scolaire et les conditions dans lesquelles doivent être équilibrés les rythmes scolaires annuels par une alternance régulière des périodes d’apprentissage et de repos de manière à favoriser l’acquisition dans les meilleures conditions des connaissances et savoirs.
Les dispositions de l’article L. 521-1 du code de l’éducation sont donc sans incidence sur le temps de travail des personnels enseignants, qui ne se limite pas à un temps de service de trente-six semaines au cours d’une année. En effet, les obligations de service des personnels enseignants, dans la semaine ou l’année, ne se limitent pas aux temps d’enseignement dispensé face à leurs élèves pendant ces mêmes périodes et le droit à congé annuel des personnels enseignants n’est pas égal à la durée des vacances scolaires des élèves puisqu’il est fixé, comme pour tous les fonctionnaires, par le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l’État dont les dispositions sont applicables aux personnels enseignants contractuels en vertu du I de l’article 10 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986.
La condition d’ancienneté de quatre années de services publics effectifs en équivalent temps plein exigée par l’article 4 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 s’apprécie donc bien au regard d’une année de cinquante-deux semaines et non de trente-six semaines.
Accident de service et maladie contractée en service
Fonctionnaires et agents publics – Accident de trajet – Qualification – Présomption d’imputabilité au service d’un accident se produisant sur le parcours habituel entre la résidence de l’agent et le lieu où s’accomplit son travail ou entre la résidence de l’agent et le lieu où il est hébergé provisoirement afin d’être à même d’exercer les fonctions qui lui sont attribuées
C.E., 30 novembre 2018, n° 416753, aux tables du Recueil Lebon
La requérante, agent des douanes affectée dans un service parisien, avait exercé une mission temporaire dans un service situé à Marseille où un logement dans une résidence administrative pour fonctionnaires lui avait été provisoirement attribué pour la durée de sa mission. À l’issue d’une période de congés annuels et alors qu’elle quittait son domicile personnel dans le département du Lot pour retourner à Marseille où elle devait reprendre son service le lendemain, la requérante avait chuté en se dirigeant vers son véhicule garé devant son domicile. L’administration avait refusé de lui accorder le bénéfice de l’allocation temporaire d’activité prévue par l’article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État au motif que l’accident dont elle avait été victime ne pouvait être qualifié d’accident de service.
Le tribunal administratif de Toulouse avait rejeté le recours tendant à l’annulation de ce refus de l’administration au motif que l’accident de la requérante avait eu lieu à l’occasion d’un trajet ayant pour destination son logement à Marseille, et non directement les locaux où elle devait exercer ses fonctions et ne pouvait pas, par suite, être regardé comme un accident de service puisqu’il n’avait pas eu lieu sur le trajet entre son domicile et son lieu de travail.
Le Conseil d’État a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulouse pour erreur de droit, puis, réglant l’affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il a rejeté la demande de la requérante.
Le Conseil d’État a tout d’abord rappelé que : « Est réputé constituer un accident de trajet tout accident dont est victime un agent public sur le parcours habituel entre le lieu où s’accomplit son travail et sa résidence et pendant la durée normale pour l’effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l’accident du service. »
Puis, compte tenu des faits de l’espèce dont il était saisi, il a précisé que : « Est également réputé constituer un accident de trajet, dans les mêmes conditions, tout accident se produisant sur le parcours habituel entre la résidence de l’agent et le lieu où il est hébergé provisoirement afin d’être à même d’exercer les fonctions qui lui sont attribuées. »
Le Conseil d’État a par conséquent jugé que le tribunal administratif avait commis une erreur de droit en excluant que le trajet entre le domicile personnel de l’agent et le domicile temporaire mis à sa disposition pour lui permettre d’exercer sa mission puisse constituer un accident de trajet.
Réglant l’affaire au fond, il a alors rappelé que « pour que soit reconnue l’existence d’un accident de trajet, il faut que le trajet du domicile au lieu de destination ait commencé [et] (…) que tel n’est pas le cas lorsque l’[agent] se trouve encore, lors de l’accident, à l’intérieur de son domicile ou de sa propriété ».
Selon une jurisprudence constante en effet, le trajet du domicile au lieu de travail ne commence qu’une fois que l’intéressé est sorti des limites de son domicile ou de sa propriété pour rejoindre son lieu de travail, ce qui n’est pas le cas par exemple lorsque l’accident dont a été victime un agent est survenu à l’intérieur de sa propriété alors qu’il sortait de sa maison par un espace privatif (C.E., 18 février 1987, n° 56147 ; cf. également, pour un accident survenu dans le garage de l’agent : C.E., 27 février 1987, n° 48426 ; ou, pour un accident survenu dans la cour de son domicile : C.E., 13 janvier 1988, n° 65479.
Le trajet du lieu de travail au domicile s’achève également dès que l’agent a franchi les limites de son domicile (cf. C.E., 4 juillet 1994, n° 134144). En revanche, un accident survenu sur le trottoir alors qu’un agent quittait son domicile pour se rendre à son travail et qu’il descendait les marches d’un escalier donnant accès de sa propriété à la voie publique est qualifié d’accident de service dès lors que cet escalier est situé sur la voie publique (cf. C.E., 23 juin 1989, Ministre d’État chargé de l’économie; des finances et de la privatisation, n° 88056).
Ayant relevé qu’il résultait notamment des plans cadastraux versés par les parties que la chute de l’agent s’était produite à l’intérieur de sa propriété, le Conseil d’État a jugé que l’agent n’était pas fondé à soutenir que l’administration aurait entaché sa décision d’une erreur de fait en retenant que son accident ne pouvait pas être qualifié d’accident de trajet et en refusant, pour ce motif, de lui accorder le bénéfice d’une allocation temporaire d’invalidité.
N.B. : Le Conseil d’État recourt de manière classique au critère du lien fonctionnel entre le trajet et le service pour caractériser l’accident de trajet. Ce critère est désormais inscrit au III de l’ article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l’ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, aux termes duquel : « Est reconnu imputable au service, lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit en apportent la preuve ou lorsque l’enquête permet à l’autorité administrative de disposer des éléments suffisants, l’accident de trajet dont est victime le fonctionnaire qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s’accomplit son service et sa résidence ou son lieu de restauration et pendant la durée normale pour l’effectuer, sauf si un fait personnel du fonctionnaire ou toute autre circonstance particulière étrangère notamment aux nécessités de la vie courante est de nature à détacher l’accident du service. » Ces dispositions n’étaient cependant pas applicables au litige jugé le 30 novembre 2018, qui porte sur un accident survenu en décembre 2009.
Accident survenu sur le lieu et dans le temps du service à l’occasion de l’exercice des fonctions – Circonstance particulière détachant cet événement du service – Imputabilité au service (non)
T.A. Versailles, 10 décembre 2018, n° 1704491
Un professeur d’éducation physique et sportive dans un collège demandait l’annulation de la décision par laquelle le directeur des services départementaux de l’éducation nationale avait refusé de reconnaître l’imputabilité au service de l’accident dont il avait été victime.
Le tribunal administratif a rejeté sa requête.
Après avoir cité les dispositions de l’article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le tribunal administratif a rappelé qu’il résulte de ces dispositions qu’un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service.
Il a relevé qu’en l’espèce, le professeur, alors qu’il s’apprêtait à rentrer chez lui au retour d’un voyage scolaire qu’il avait effectué en qualité d’accompagnateur, avait déplacé son véhicule, jusqu’alors garé dans l’enceinte du collège, sur le trottoir en face de l’établissement, l’avait laissé les portes ouvertes et le moteur allumé, le temps pour lui de saluer ses collègues et, lorsqu’un individu s’était introduit dans son véhicule pour le lui dérober, le professeur avait couru vers son véhicule et tenté d’en faire descendre l’individu en l’attrapant par le cou, puis alors que l’individu accélérait, il s’était accroché au véhicule qui roulait, avant de lâcher prise, finalement, et de rouler sur la chaussée.
Le tribunal administratif a retenu que « dans ces circonstances, compte tenu du comportement négligent et imprudent de l’intéressé qui a facilité l’accès à son véhicule laissé ouvert et le moteur allumé et s’est lui-même, par son attitude, mis en danger »,le directeur académique des services de l’éducation nationale n’avait pas commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les faits en déduisant que l’accident dont le professeur avait été victime résultait d’une action personnelle détachable du service et ne pouvait par conséquent être reconnu comme imputable au service.
N.B. : Les simples imprudences ou maladresses de l’agent ne font pas nécessairement obstacle à ce qu’un accident présente le caractère d’un accident de service (cf. C.E. Section, 27 novembre 1959, Ministre des affaires économiques et financières c/ Sieur X, n° 42122, au Recueil Lebon ; C.E., 3 mai 1995, Ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, n° 110503, aux tables du Recueil Lebon ; C.E., 15 juin 2012, n° 348258), sauf lorsque, comme dans l’affaire jugée le 10 décembre 2018 par le tribunal administratif de Versailles, la cause de l’accident est une imprudence grave ou un comportement délibéré de l’agent de nature à écarter l’imputabilité au service (pour des faits comparables concernant un accident de trajet, cf. C.E., 6 février 2013, n° 355325, aux tables du Recueil Lebon).
Droits et garanties
PROTECTION CONTRE LES ATTAQUES
Protection fonctionnelle
Protection fonctionnelle – Refus du bénéfice de la protection fonctionnelle – Réponse à une prise de position syndicale – Attaque au sens de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 (non)
T.A. Lyon, 28 novembre 2018, n° 1703116
Un professeur d’éducation physique et sportive, avait sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle auprès du recteur d’académie après la diffusion par voie électronique aux enseignants de sa discipline en fonctions dans l’académie d’un courrier rédigé par les inspecteurs d’académie- inspecteurs pédagogiques régionaux en réponse à ses prises de position figurant dans un bulletin syndical.
Le recteur d’académie avait rejeté sa demande par une décision du 21 mai 2016, confirmée implicitement par le silence gardé par le ministre de l’éducation nationale sur son recours hiérarchique.
Par son jugement du 28 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête de M. X qui demandait l’annulation de la décision du 21 mai 2016 et de la décision ministérielle implicite rejetant son recours hiérarchique.
Après avoir cité les dispositions du I et du IV de l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le tribunal administratif a rappelé qu'il ne peut être dérogé à l'obligation de protection qui incombe à l’État et aux collectivités publiques à l'égard de leurs agents victimes d’attaques relatives au comportement qu’ils ont eu dans l’exercice de leurs fonctions que pour des motifs d'intérêt général et sous le contrôle du juge (C.E. Assemblée, 14 février 1975, n° 87730, au Recueil Lebon).
En l’espèce, le tribunal administratif a relevé que le courrier rédigé par les personnels d’inspection ne portait aucune appréciation sur le comportement du requérant en tant qu’enseignant et qu’il était uniquement lié à ses prises de position en tant que représentant syndical et à l’exercice de son mandat syndical.
Le tribunal administratif en a déduit que le courrier en cause ne pouvait dès lors être regardé comme une attaque au sens de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, alors même qu’il avait été adressé à l’ensemble des enseignants d’éducation physique et sportive de l’académie.
Le tribunal a estimé au surplus que ce courrier n’excédait pas les limites admissibles de la libre discussion et de la polémique.
N.B. : Si le IV de l’article 11 de la loi du 11 juillet 1983 énumère les attaques pouvant donner lieu à l’octroi de la protection fonctionnelle, le juge administratif considère cependant que cette liste n’est pas exhaustive. Il appartient par conséquent à la collectivité publique d’apprécier au cas par cas, sous le contrôle du juge, si les faits invoqués par le demandeur de la protection fonctionnelle, quels que soient leur forme et leur auteur, constituent ou non, par leur contenu et éventuellement la publicité qui en est faite, une attaque au sens de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983.
Peuvent notamment être considérés comme des attaques au sens de ces dispositions des agissements dont la matérialité est établie et mettant en cause l’honneur ou le comportement de l’agent dans l’exercice de ses fonctions (cf. C.E., 28 mai 2003, n° 245069, aux tables du Recueil Lebon).
ACCÈS AU DOSSIER DE CARRIÈRE
Fonctionnaires et agents publics – Dossier individuel – Contenu – Retrait de pièces
T.A. Limoges, 4 décembre 2018, n° 1601011
La requérante, directrice d’école, avait fait l’objet d’un rapport sur sa manière de servir établi par l’inspecteur de l’éducation nationale de circonscription. Après avoir consulté son dossier individuel, la directrice d’école avait demandé à ce que certaines pièces pièces y figurant soient retirées de son dossier.
Par une décision du 15 mars 2016, le directeur académique des services de l’éducation nationale n’avait fait que partiellement droit à sa demande en maintenant dans son dossier certaines pièces dont la requérante demandait le retrait.
Le tribunal administratif de Limoges a rejeté la requête présentée par l’intéressée tendant à l’annulation de cette décision.
Après avoir cité les dispositions de l’article 18 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, de l’article 1er et de l’article 13 du décret n° 2011-675 du 15 juin 2011 relatif au dossier individuel des agents publics et à sa gestion sur support électronique, le tribunal administratif a rappelé que le dossier individuel d’un fonctionnaire ne peut légalement contenir que des documents nécessaires à la gestion administrative de sa carrière et que l’administration, saisie d’une demande en ce sens, doit retirer du dossier les pièces qui font état des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l’intéressé, ainsi que celles dont le contenu présente un caractère injurieux ou diffamatoire.
En l’espèce, la requérante avait demandé le retrait de son dossier de plusieurs courriers de parents d’élèves et du rapport d’inspection faisant mention de ses relations difficiles et conflictuelles avec des enseignants et des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, de ses problèmes de positionnement en tant que directrice d’école et de certains comportements inappropriés.
Le tribunal administratif a relevé que les faits relatés dans ces pièces, qui ne présentaient pas de caractère injurieux ou diffamatoire et ne comportaient aucune des mentions prohibées par les dispositions de l’article 18 de la loi du 13 juillet 1983, avaient seulement trait à la manière de servir de la directrice d’école. Ces pièces pouvaient donc légalement figurer dans son dossier individuel.
Le tribunal administratif a également rappelé qu’aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n’impose à l’administration de consulter l’agent ou de recueillir ses observations avant de verser des pièces dans son dossier individuel, qui, selon lui, ne peut légalement y figurer
Il a enfin ajouté que la circonstance que le classement du dossier individuel de la requérante aurait été discontinu ne constituait pas, en lui-même, un vice de procédure de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée.
N.B. : Ce jugement rappelle implicitement qu’un fonctionnaire est recevable à contester devant le juge administratif la décision par laquelle l’autorité administrative a refusé de retirer une pièce de son dossier administratif individuel qui, selon lui, ne peut légalement y figurer (cf. C.E., 25 juin 2003, n° 251833, au Recueil Lebon).
Outre les pièces faisant état des opinions ou activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l’agent et les pièces présentant un caractère injurieux ou diffamatoire, le dossier individuel ne peut comporter de pièces comportant des informations couvertes par un secret protégé par la loi (cf. T.A. Montreuil, 26 janvier 2018, n° 1600778, LIJ n° 204, novembre 2018).
Rémunérations, traitement et avantages en nature
Supplément familial de traitement (S.F.T.) – Séparation ou divorce – Garde alternée – Partage du S.F.T. en cas de désaccord des parents sur l’allocataire
T.A. Lille, 6 février 2019, n° 1604267
T.A. Dijon, 13 mars 2019, n° 1801535
1. Dans l’affaire jugée le 6 février 2019 par le tribunal administratif de Lille, la requérante, professeur des écoles, divorcée et mère de trois enfants, demandait au tribunal administratif d’enjoindre à l’administration de lui attribuer, à compter du 3 décembre 2016, la moitié du supplément familial de traitement (S.F.T.) que son ex-mari, agent de la fonction publique de l’État comme elle, continuait à percevoir dans sa totalité en vertu d’un accord amiable entre eux. Allocataire unique du S.F.T., son ex-mari avait en effet reversé régulièrement la moitié du S.F.T. à son ex-épouse jusqu’à ce qu’à la suite d’un différend, il cesse totalement ce versement.
Se fondant sur les dispositions de l’article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, de l’article 10 du décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 modifié relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation, ainsi que sur celles des articles L. 512-3, L. 513-1 et L. 521-2 du code de la sécurité sociale, le tribunal administratif de Lille a rappelé qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que « si les parents bénéficient d’un droit de garde ou de résidence alternée sur les enfants qui est mis en œuvre de manière effective et équivalente, l’un et l’autre des parents doivent être considérés comme assurant la charge de leurs enfants au sens de l’article L. 513-1 précité du code de la sécurité sociale. En cas de désaccord sur la répartition des charges des enfants pour le calcul du supplément familial de traitement, celle-ci doit être partagée pour moitié entre les deux parents, en application de l’article L. 521-2 de ce code ».
En l’espèce, la requérante établissait par de nombreuses pièces assumer alternativement avec son ex-époux la charge des enfants.
Le tribunal administratif a jugé que dans ces conditions, le droit à la moitié du supplément familial de traitement pour trois enfants lui était ouvert et que le recteur de l’académie de Lille avait commis une erreur de droit en rejetant sa demande au motif qu’il était dans l’impossibilité d’y faire droit « sans jugement du tribunal administratif le précisant explicitement », alors qu’il lui appartenait de faire application des dispositions susmentionnées du décret du 24 octobre 1985 et du code de la sécurité sociale.
2. Dans l’affaire jugée le 13 mars 2019 par le tribunal administratif de Dijon, le requérant, professeur ayant engagé une procédure de divorce et père de deux enfants dont la résidence avait été fixée par la cour d’appel de Dijon en alternance à son domicile et au domicile de la mère dont il était séparé, elle-même professeur, demandait au tribunal administratif d’annuler le refus de l’administration de lui verser pour moitié le S.F.T., versé jusqu’à présent à son ex-conjointe.
Après avoir cité les dispositions des articles 10 et 11 du décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 et les dispositions des articles L. 513-1 et L. 521-2 du code de la sécurité sociale, le tribunal administratif de Dijon a relevé qu’il n’était pas contesté en défense que le requérant assumait la charge effective et permanente de ses deux enfants selon les modalités fixées par la cour d’appel de Dijon dans le cadre de la procédure de divorce.
Le tribunal administratif a également rappelé que la circonstance que la mère perçoive le S.F.T. dans sa totalité était sans incidence sur le droit du requérant à percevoir cet avantage pour moitié.
Il en a conclu que le requérant était fondé à soutenir qu’il avait droit au versement de la moitié du S.F.T. et que le refus que lui avait opposé l’administration méconnaissait les dispositions des articles 10 et 11 du décret du 24 octobre 1985.
N.B. : Le Conseil d’État a admis dès 2001 que le versement du S.F.T. puisse faire l’objet d’un partage au prorata de la charge effective et permanente de l’enfant (C.E., 24 octobre 2001, n° 215181, au Recueil Lebon).
Puis, le Conseil d’État a précisé que les modalités de versement prévues par l’article L. 521-2 du code de la sécurité sociale pour les allocations familiales en cas de garde alternée étaient applicables pour l’attribution du S.F.T. en vertu de l’article 10 du décret du 24 octobre 1985 (C.E., 30 juillet 2014, Département du Haut-Rhin, n° 371405).
Dès lors que des parents séparés ou divorcés, ayant la qualité de fonctionnaires ou agents publics et exerçant conjointement l’autorité parentale bénéficient d’un droit de résidence alternée sur leur enfant, il leur appartient de justifier de ce mode de garde auprès de l’administration qui doit procéder en conséquence au partage du versement du S.F.T. sur demande conjointe des parents ou, en cas de désaccord entre eux, sur demande de l’un des deux parents (cf. à propos du revenu de solidarité active : C.E., 21 juillet 2017, Département de Paris, n° 398911, aux tables du Recueil Lebon).
Comme l’illustre le jugement du 6 février 2019 du tribunal administratif de Lille, la preuve de la mise en œuvre de manière effective et équivalente du droit de garde alternée peut être apportée par tout moyen. L’administration ne peut donc pas exiger la production préalable d’une décision judiciaire dès lors que d’autres éléments permettent d’établir la charge effective et permanente d’un enfant. ![carre](http://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/images/carre-rouge.png)
RÉPÉTITION DE L’INDU
Rémunération – Indemnité – Trop-perçu – Répétition de l’indu – Titre exécutoire – Lettre annonçant l’émission d’un titre de perception – Mesure préparatoire insusceptible de recours
C.A.A. Paris, 11 décembre 2018, n° 16PA02658
Le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie avait rejeté la demande d’une professeure tendant à l’annulation d’une lettre du 1er juillet 2015 par laquelle le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie lui annonçait l’émission de deux titres de recettes pour le reversement de trop-perçus d’une indemnité d’éloignement et d’une indemnité forfaitaire de changement de résidence.
La cour administrative d’appel a jugé que la requérante n’était pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif avait rejeté sa demande et a donc rejeté sa requête d’appel.
La cour administrative d’appel a en effet retenu que l’annonce contenue dans la lettre litigieuse constituait une simple mesure préparatoire à l’émission des deux titres de perception et n’était donc pas susceptible de recours. Elle en a déduit que la demande par laquelle la requérante avait demandé l’annulation de la prétendue décision du 1er juillet 2015 n’était pas recevable.
La cour a, en outre, précisé que l’administration était fondée à soutenir que c’était à tort que les premiers juges avaient admis la recevabilité de la demande de la requérante en l’interprétant comme tendant à la décharge de l’obligation de payer, laquelle obligation n’apparaissait qu’au moment de l’émission des titres de recettes, d’autant que la requérante avait omis, avant de saisir la juridiction, d’adresser une réclamation préalable contre ces titres, exigée par l’article 118 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique sous peine d’irrecevabilité du recours contentieux.
N.B. : La cour administrative d’appel de Nantes avait déjà jugé en 2016 qu’une lettre qui se borne à annoncer à un agent l’émission d’un titre de perception en vue du reversement d’un trop-perçu de rémunération avait un caractère préparatoire et ne faisait pas grief à l’agent (C.A.A. de Nantes, 1er mars 2016, n° 14NT02232).
La cour administrative d’appel de Paris avait jusqu’à présent une position différente : elle jugeait qu’une telle lettre comportait une décision portant retrait d’un avantage consistant en une rémunération antérieurement accordée à l’agent et constituait ainsi une décision lui faisant grief susceptible de recours, alors même que la lettre faisait état de l’émission prochaine d’un titre de perception en vue du remboursement du trop-perçu en cause (C.A.A. Paris, 20 septembre 2017, Ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, n° 16PA03551).
Discipline
PROCÉDURE
Fonctionnaires et agents de la fonction publique territoriale – Discipline – Procédure – Conseil de discipline – Annulation contentieuse de l’avis du conseil de discipline de recours proposant de substituer à la sanction initialement infligée à un agent une mesure moins sévère – Nouvelle sanction prise à la suite de cette annulation contentieuse – Retrait implicite de la sanction moins sévère prise antérieurement pour se conformer à l’avis du conseil de discipline de recours
C.E., 8 février 2019, Commune de Ris-Orangis, n° 409669, aux tables du Recueil Lebon
Un maire avait prononcé à l’égard d’un fonctionnaire territorial la sanction de la révocation. Le conseil de discipline de recours s’étant prononcé en faveur d’une sanction d’exclusion temporaire de fonctions de dix-huit mois dont six mois avec sursis, le maire avait prononcé cette sanction moins sévère à l’égard de l’agent.
À la suite de l’annulation contentieuse de l’avis du conseil de discipline de recours par un jugement du tribunal administratif de Versailles, le maire avait infligé, à nouveau, à l’agent la sanction de la révocation.
Un nouveau jugement du tribunal administratif de Versailles avait annulé cette nouvelle sanction de révocation au motif que le maire n’avait pas procédé au préalable au retrait de la sanction d’exclusion temporaire de fonctions qu’il avait prise pour se conformer à l’avis du conseil de discipline de recours et à l’annulation de ses effets, et avait ainsi méconnu la règle non bis in idem interdisant de prononcer une seconde sanction à raison des mêmes faits.
Ce jugement avait été confirmé par un arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles contre lequel la commune s’était pourvue en cassation.
Le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles, puis lui a renvoyé l’affaire.
Le Conseil d’État a tout d’abord cité les dispositions de l’article 91 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction issue de la loi n° 87-529 du 13 juillet 1987 (article 37) modifiant les dispositions relatives à la fonction publique territoriale, aux termes desquelles l’autorité territoriale ne peut pas prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de recours.
Le Conseil d’État a ensuite indiqué, dans un considérant de principe, que : « Postérieurement à l’annulation contentieuse de l’avis du conseil de discipline de recours proposant de substituer à la sanction infligée à [l’]agent une mesure moins sévère, l’autorité administrative, qui avait rapporté cette sanction [initiale], comme elle y était tenue à la suite de cet avis, peut légalement la prendre à nouveau. Cette [nouvelle] sanction, qui ne peut prendre effet qu’à compter de sa notification (…), doit être regardée comme rapportant implicitement mais nécessairement la mesure moins sévère qui avait, le cas échéant, été antérieurement prise pour se conformer à l’avis. »
Le Conseil d’État a par conséquent jugé que la cour administrative d’appel de Versailles avait commis une erreur de droit en retenant qu’en l’absence d’acte rapportant la sanction d’exclusion temporaire de fonctions, qui avait été entièrement exécutée, et effaçant ses effets, le maire de la commune ne pouvait légalement prononcer à l’encontre de l’agent une nouvelle sanction à raison des mêmes faits que ceux sur lesquels il s’était fondé pour prononcer la sanction d’exclusion temporaire de fonctions.
N.B. : Par cette décision, le Conseil d’État a admis une nouvelle fois que le retrait d’un acte individuel puisse être implicite (cf. C.E., 20 janvier 1989, Ministre des affaires sociales et de l’emploi, n° 80392, aux tables du Recueil Lebon, qui a admis qu’une sanction de révocation avait été implicitement retirée après qu’une nouvelle sanction de rétrogradation avait été prononcée envers un agent public à raison des mêmes faits).
En l’espèce, la décision du maire infligeant à nouveau à l’intéressé la sanction de la révocation est regardée comme rapportant implicitement mais nécessairement la mesure moins sévère d’exclusion temporaire de fonctions qui n’avait été antérieurement prise que pour se conformer à l’avis du conseil de discipline de recours, ainsi que l’administration y était tenue.
Cette interprétation retenue par le Conseil d’État de la décision du maire est conforme au principe non bis in idem, dès lors que la nouvelle sanction de révocation ne prend pas effet à une date antérieure à sa notification et rapporte implicitement la sanction moins sévère d’exclusion temporaire de fonctions infligée antérieurement pour se conformer à l’avis du conseil de discipline de recours.
Enfin, cette décision a été rendue à propos d’une procédure disciplinaire applicable dans la fonction publique territoriale, qui se distingue par certains aspects de la procédure disciplinaire dans la fonction publique de l’État.
En effet, si, dans la fonction publique territoriale, l’autorité administrative ne peut prononcer une sanction disciplinaire plus sévère que celle prononcée par le conseil de discipline de recours, il n’en va pas de même dans la fonction publique de l’État, dans laquelle l’autorité administrative titulaire du pouvoir disciplinaire n’est pas liée par l’avis émis par la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État (C.S.F.P.E.) (cf. article 16 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984).
En vertu de ces dispositions, l’autorité administrative dispose de la possibilité de prendre la décision que le C.S.F.P.E. a recommandée, de prendre une autre sanction d’une gravité moindre que celle initialement infligée ou de maintenir la sanction initialement infligée (cf. CE, 2 juillet 1997, Ministre de l’économie, des finances et du budget, n° 128897).
Fonctionnaires et agents publics – Discipline – Sanction – Atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans par ascendant ou personne ayant autorité – Exigence d’exemplarité et d’irréprochabilité
C.A.A. Douai, 21 février 2019, n° 17DA00665
À la suite de la condamnation d’une professeure de l’enseignement secondaire public, par un jugement du tribunal correctionnel, à une peine de dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis pour des faits d’atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans avec la circonstance aggravante qu’ils avaient été commis par une personne ayant autorité sur la victime (articles 227-25 et 227-26 du code pénal), le ministre de l’éducation nationale avait prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de révocation.
Le tribunal administratif de Lille avait rejeté la demande d’annulation de cette sanction par un jugement dont la requérante avait interjeté appel.
La cour administrative d’appel a rejeté sa requête.
Pour contester le caractère disproportionné de la sanction, la requérante soutenait que la relation qu’elle avait entretenue avec son élève revêtait une dimension sentimentale, présentait un caractère durable et que même si des rapports sexuels avaient eu lieu au sein de l’établissement scolaire, la relation était demeurée discrète et sans répercussion sur son activité professionnelle d’enseignante. Elle invoquait également sa situation personnelle difficile, avec un enfant à charge.
La cour, se fondant notamment sur des extraits de la procédure pénale versés au dossier, a tout d’abord relevé que la professeure n’avait pas exercé de pression sur la victime et avait par conséquent été relaxée du chef de proposition sexuelle à un mineur de quinze ans par un majeur utilisant un moyen de communication électronique.
Elle a cependant retenu qu’il ressortait de ces mêmes pièces que la professeure avait eu, pendant dix mois et parfois dans l’enceinte même de l’établissement scolaire, une dizaine de relations sexuelles avec cette jeune fille, qui était âgée de moins de quatorze ans au début de leur relation, et qu’elle n’avait pas respecté l’engagement écrit de ne plus avoir de contact avec la jeune fille, engagement qu’elle avait pris auprès du chef d’établissement auprès duquel la mère de l’élève s’était plainte.
Puis, la cour a jugé qu’eu égard à l’exigence d’exemplarité et d’irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, y compris en dehors du service et même lorsque ceux-ci affirment consentir à une relation, voire en sont à l’initiative, et compte tenu de l’atteinte portée, du fait de la nature de la faute commise par la professeure, à la réputation du service public de l’éducation nationale ainsi qu’au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du service, la sanction de révocation n’était pas, dans les circonstances de l’espèce, disproportionnée, quand bien même la manière de servir de la professeure avait été jugée satisfaisante jusqu’à présent alors même que le tribunal correctionnel, tout en inscrivant l’enseignante au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles, avait relevé que les risques de réitération à l’égard d’autres mineurs étaient faibles et n’avait pas prononcé de peine complémentaire d’interdiction.
N.B. : Cet arrêt de la cour administrative d’appel de Douai s’inscrit dans le prolongement de la décision n° 401527 du 18 juillet 2018 du Conseil d’État (aux tables du Recueil Lebon), dont la LIJ n° 204 de novembre 2018 a rendu compte, qui a confirmé le caractère proportionné d’une sanction disciplinaire de mise à la retraite d’office infligée à un professeur condamné à une peine d’emprisonnement de deux ans assortie d’un sursis pour des faits qualifiés pénalement d’agression sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans, avec la circonstance aggravante qu’ils ont été commis par une personne ayant abusé de l’autorité que lui confèrent ses fonctions (cf. articles 222-29 et 222-30 du code pénal).
La jurisprudence dans les affaires d’agressions et d’atteintes sexuelles commises par des enseignants est très rigoureuse car le juge administratif prend en compte l’exigence d’exemplarité et d’irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, y compris en dehors du service, ainsi que l’atteinte portée, du fait de la nature des faits commis par l’intéressé, à la réputation du service public de l’éducation nationale et au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du service.
Suivant le raisonnement adopté par le Conseil d’État dans sa décision du18 juillet 2018 et s’appuyant sur son considérant de principe, la cour administrative d’appel de Douai a ainsi écarté les circonstances invoquées par la requérante pour atténuer la gravité de ses fautes disciplinaires (sa manière de servir jusqu’alors satisfaisante et un faible risque de récidive relevé par le juge pénal) et a fait prévaloir les exigences particulières à leur mission d’éducation des enfants et des adolescents qui pèsent sur les personnels enseignants.
Cessation de fonctions
RADIATION
Condamnation pénale inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire – Déchéance des droits civiques – Radiation des cadres (oui) – Loi d’amnistie – Relèvement de la déchéance des droits civiques – Réintégration dans les fonctions (non)
T.A. La Réunion, 8 janvier 2019, n° 1600902
Un professeur de collège avait été radié des cadres en 1985 par une décision du ministre de l’éducation nationale en raison d’une condamnation pénale inscrite au bulletin n° 2 de son casier judiciaire ayant entraîné la déchéance de ses droits civiques.
Postérieurement à sa radiation des cadres, le requérant avait été relevé de la déchéance de ses droits civiques par arrêt d’une cour d’appel et les faits à l’origine de sa radiation des cadres avaient fait l’objet, en 1988, d’une loi d’amnistie. Il avait, pour ce motif, demandé en 2016 au tribunal administratif de La Réunion la réparation des préjudices qu’il estimait avoir subis du fait de la mesure de radiation des cadres prononcée à son encontre et des décisions successives du ministre de l’éducation nationale rejetant ses demandes de réintégration.
Le tribunal administratif de La Réunion a d’abord rappelé qu’en raison de la condamnation pénale prononcée en 1985 à l’encontre du requérant, le ministre de l’éducation nationale était tenu, en application de l’article 24 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, de prononcer sa radiation des cadres et que la circonstance que, postérieurement à cette radiation des cadres, la cour d’appel de Saint-Denis l’avait relevé de la déchéance de ses droits civiques était par conséquent sans incidence sur la légalité de cette décision de radiation.
Le tribunal a également souligné que, compte tenu de la nature des faits à l’origine de la mesure d’éviction, et alors même que ces faits avaient été amnistiés sur un plan pénal en vertu d’une loi d’amnistie, les décisions successives par lesquelles le ministre de l’éducation nationale, qui détient en cette matière un large pouvoir d’appréciation, avait estimé devoir rejeter les demandes de réintégration dans ses fonctions formulées par l’intéressé n’étaient entachées ni d’erreur de fait, ni d’erreur manifeste d’appréciation.
En conséquence, le tribunal administratif de La Réunion a jugé que ni la décision initiale de radiation des cadres, ni les décisions successives de refus de réintégration du requérant dans ses fonctions n’étaient susceptibles d’engager la responsabilité de l’État sur le fondement de la faute.
N.B. : Le bénéfice de l’amnistie n’entraîne pas la réintégration de plein droit de l’intéressé, mais rend seulement cette réintégration possible sans que l’administration soit tenue de la prononcer (cf. C.E., 29 mars 2002, Département du Rhône, n° 217195, aux tables du Recueil Lebon). Le juge administratif exerce un contrôle restreint sur l’appréciation à laquelle se livre l’administration pour décider de faire usage ou non de la faculté qui lui est ouverte de réintégrer un agent à la suite de l’intervention d’une loi d’amnistie.
Questions propres aux agents non titulaires
QUESTIONS PROPRES AUX AGENTS DE DROIT PRIVÉ
Contrat aidé – Contrat d’avenir – Contrat unique d’insertion-contrat d’accompagnement dans l’emploi (C.U.I.-C.A.E.) – Requalification du contrat aidé en contrat à durée indéterminée – Adaptation au poste de travail – Actions de formation
Cass. soc., 28 juin 2018, n° 15-19007, au Bulletin
Cass. soc., 28 juin 2018, n° 17-17842, au Bulletin
Deux requérantes recrutées par contrats aidés avaient chacune formé un pourvoi en cassation à l’encontre des arrêts rendus respectivement par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 31 mars 2015 et par la cour d’appel de Pau le 10 décembre 2015, les ayant déboutées de leurs demandes tendant à la requalification des contrats aidés dont elles bénéficiaient en contrats à durée indéterminée et au paiement de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation.
La chambre sociale de la Cour de cassation a rejeté leurs pourvois en jugeant que l’employeur avait satisfait à son obligation de formation et d’accompagnement conformément aux dispositions alors applicables des articles L. 5134-20 et L. 5134-47 du code du travail. Pour la première fois, la Cour de cassation a jugé qu’une formation délivrée « en interne » permettait à l’employeur de satisfaire aux obligations prévues par le code du travail pour les bénéficiaires de contrats aidés.
La chambre sociale de la Cour de cassation a relevé que, dans le premier cas, la requérante avait bénéficié, d’une part, de l’intervention d’un référent en la personne du principal du collège et, d’autre part, d’une formation délivrée en interne par une initiation à l’informatique qui lui avait permis d’effectuer les tâches d’assistance administrative lui incombant et grâce à laquelle elle avait pu acquérir des compétences détaillées dans une attestation écrite. Dans le second cas, elle a retenu que l’employeur démontrait avoir fait bénéficier la salariée d’une formation en interne dont la réalité était confirmée par les informations données par l’intéressée dans son curriculum vitae faisant état de l’obtention d’un certificat informatique et Internet délivré par l’université Bordeaux-III, ainsi que de sa connaissance des outils informatiques et de sa capacité à assurer le secrétariat et l’administration courante de trois écoles.
N.B. : L’obligation pour l’employeur d’assurer des actions de formation destinées à réinsérer durablement le salarié constitue l’une des conditions de l’existence même du contrat d’accompagnement dans l’emploi. À défaut, le contrat est requalifié en contrat à durée indéterminée. Ainsi, la Cour de cassation a déjà censuré une cour d’appel pour avoir débouté une requérante de ses demandes au motif qu’elle ne démontrait pas que la formation d’adaptation à l’emploi dont elle avait bénéficié avait été insuffisante et ne lui avait pas permis, en l’absence de complément de formation, de s’adapter à son poste de travail l (Cass. soc., 11 juillet 2012, n° 11-13827).
La Cour de cassation a aussi jugé que l’employeur qui met en place très tardivement une formation, qui ne peut ainsi être réalisée que partiellement avant le terme du contrat, méconnaît son obligation de formation (Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-17285), et ce, même si l’inexécution partielle du contrat n’est pas due à une exécution de mauvaise foi de l’employeur (Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-17301).
Le même constat s’impose encore pour l’employeur qui fait valoir qu’il a conclu plusieurs conventions de formation avec des organismes de formation, alors que le salarié n’en a pas bénéficié personnellement et concrètement (Cass. soc., 13 octobre 2011, n° 09-43154).
QUESTIONS PROPRES AUX PERSONNELS DE L’ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
Personnels enseignants
QUESTIONS COMMUNES
Professeur de l’enseignement secondaire – Altération de l’état de santé – Aménagement du poste de travail – Allégement de service – Refus – Décision non soumise à l’obligation de motivation – Contrôle du juge – Erreur manifeste d’appréciation
T.A. Lyon, 19 décembre 2018, n° 1608242
Le tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête d’une professeure de lycée professionnel qui lui demandait d’annuler la décision du 11 juin 2016 par laquelle l’administration avait refusé de renouveler l’allègement de service hebdomadaire de six heures dont elle avait bénéficié pendant les années scolaires 2010-2011 à 2013-2014 et en 2015-2016.
Le tribunal administratif a d’abord rappelé que si les dispositions de l’article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État et des articles R. 911-12, R. 911-13 et R. 911-18 du code de l’éducation imposent à l’autorité administrative de prendre les mesures appropriées, au cas par cas, pour permettre le maintien dans l’emploi de chaque agent dont la santé s’est altérée, sous réserve que ces mesures ne constituent pas une charge disproportionnée pour le service, l’employeur dispose d’une marge d’appréciation quant aux modalités de l’aménagement du poste de travail.
En premier lieu, le tribunal administratif a retenu que la décision de refus de renouvellement d’allègement de service contestée n’était pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application des dispositions de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration dès lors que les agents n’ont aucun droit à bénéficier de d’un allégement de service.
En second lieu, il a jugé que l’appréciation portée par l’administration sur la demande de la requérante n’était pas manifestement erronée.
En l’espèce, la professeure avait produit différents certificats médicaux faisant état de graves problèmes de santé et de l’impérative nécessité de la faire bénéficier d’un allègement de service de six heures sur les dix-huit heures d’enseignement hebdomadaires dues par un professeur de lycée professionnel, ainsi que d’une demi-journée de repos par jour et d’une durée de travail n’excédant pas trois heures consécutives.
Le tribunal administratif a cependant relevé que la requérante bénéficiait déjà d’un service à temps partiel de droit ainsi que d’un emploi du temps aménagé, desquels il résultait qu’elle n’intervenait ni le matin ni la journée du mercredi, et exclusivement sur des enseignements théoriques afin d’éviter tout stationnement débout. Il a, en outre, souligné que l’établissement scolaire avait mis à sa disposition depuis 2015 une salle dédiée avec l’ensemble du matériel nécessaire lui permettant d’entreposer ses affaires.
Le tribunal en a déduit qu’alors même que l’emploi du temps de la requérante avait été aménagé dans le cadre du travail à mi-temps qui lui avait été accordé de droit, le moyen tiré de l’erreur manifeste dans l’appréciation de sa situation qu’elle invoquait n’était pas fondé.
N.B. : Conformément aux dispositions de l’article R. 911-18 du code de l’éducation, l’aménagement du poste de travail des personnels dont l’état de santé s’est altéré, qui est destiné à préserver leur maintien en activité, peut consister notamment en une adaptation des horaires de travail, sans modification du volume horaire de travail dû, ou en un allégement de service qui implique une réduction du temps de travail. Il est destiné à permettre au fonctionnaire de recouvrer la capacité d’assurer la plénitude de ses fonctions (cf. C.A.A. Marseille 12 juin 2018, n° 15MA04876).
Responsabilité
QUESTIONS GÉNÉRALES
Réparation du dommage
Agent contractuel de droit public – Accident du travail – Action en responsabilité – Faute intentionnelle de l’employeur (non) – Compétence du juge administratif (non)
C.A.A. Marseille, 5 février 2019, n° 18MA00777
Dans cet arrêt du 5 février 2019 qui fait application d’une jurisprudence constante du Conseil d’État (cf. C.E., 22 juin 2011, n° 320744 aux tables du Recueil Lebon ; C.E., 13 mai 1987, n° 47371, au Recueil Lebon ; C.E., 11 juillet 1983, n° 34855 et n° 34856, aux tables du Recueil Lebon), la cour administrative d’appel de Marseille rappelle les conditions dans lesquelles un agent contractuel de droit public peut engager contre son employeur une action en réparation de ses préjudices à la suite d’un accident du travail.
Il résulte des dispositions des articles L. 451-1, L. 452-1, L. 452-3, L. 452-5, et L. 454-1 du code de la sécurité sociale qu’un agent contractuel de droit public peut demander au juge administratif la réparation par son employeur du préjudice que lui a causé l’accident du travail dont il a été victime, dans la mesure où ce préjudice n’est pas réparé par application du code de la sécurité sociale, lorsque cet accident est dû à la faute intentionnelle de cet employeur ou de l’un de ses préposés.
Il peut également exercer une action en réparation de l'ensemble des préjudices résultant de cet accident non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, contre son employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, en cas de faute inexcusable de ce dernier, ou contre une personne autre que l’employeur ou ses préposés, conformément aux règles du droit commun, lorsque la lésion dont il a été la victime est imputable à ce tiers.
En revanche, en dehors des hypothèses dans lesquelles le législateur a entendu instituer un régime de responsabilité particulier, un agent contractuel de droit public, dès lors qu’il ne se prévaut pas d’une faute intentionnelle de son employeur ou de l’un des préposés de celui-ci, ne peut exercer contre cet employeur une action en réparation devant les juridictions administratives, conformément aux règles du droit commun, à la suite d’un accident du travail dont il a été victime (cf. également C.A.A. Paris, 2 avril 2013, n° 10PA05079).
En l’espèce, une enseignante contractuelle avait mis en cause la responsabilité de l’État devant le tribunal administratif après que des élèves avaient projeté en sa direction, dans sa salle de classe, une bouteille contenant de l’acide chlorhydrique et de l’aluminium. Elle soutenait que son employeur avait fait preuve de négligence dans la surveillance des élèves et dans la mise en œuvre de mesures de sécurité à l’entrée de l’établissement scolaire, alors que des agissements et propos violents tenus par certains élèves avaient été signalés par de nombreux professeurs.
La cour administrative d’appel a relevé que les circonstances de l’accident du travail dont cette professeure contractuelle avait été victime ne révélaient aucune faute intentionnelle commise par l’État ou l'un de ses préposés dans l'intention délibérée de lui causer un dommage corporel ou psychologique. Aussi, en l’absence de faute intentionnelle de l’employeur au sens de l’article L. 452-5 du code de la sécurité sociale, elle a rejeté les conclusions indemnitaires de la requérante.
Procédure contentieuse
COMPÉTENCE DES JURIDICTIONS
Centre de formation d’apprentis – Sanction disciplinaire à l’égard d’un apprenti – Prérogatives de puissance publique (non) – Juridiction administrative (non)
J.R.T.A. Nice, 13 décembre 2018, n° 1804810
La mère d’un apprenti inscrit dans un centre de formation d’apprentis (C.F.A.) demandait au tribunal administratif de Nice d’annuler la décision par laquelle la directrice de ce centre de formation avait prononcé à l’encontre de son fils la sanction disciplinaire de l’exclusion définitive de l’établissement.
Le juge des référés a d’abord relevé que le C.F.A. concerné était géré par une association régie par la loi du 1er juillet 1901 regroupant les organisations nationales ou régionales d’employeurs et de salariés représentatives dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.
Il a alors rappelé que quand bien même cet établissement participerait au service public de l’enseignement, les décisions prises par la personne morale de droit privé qui en assure la gestion n’auraient le caractère d’actes administratifs que dans la mesure où elles procèderaient de l’exercice d’une prérogative de puissance publique conférée à cette personne privée.
Le juge des référés du tribunal a alors relevé que les mesures à caractère disciplinaire prises par le C.F.A. à l’égard des apprentis qui y sont inscrits ne procèdent pas de l’exercice de prérogatives de puissance publique et a par conséquent rejeté la demande de la requérante comme présentée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
N.B. : En cas d’exclusion définitive de l’apprenti prononcée par le C.F.A., l’employeur peut engager à son encontre une procédure de licenciement. Cette exclusion définitive du C.F.A. constitue ainsi la cause réelle et sérieuse du licenciement, qui est prononcé dans les conditions prévues par les dispositions du code du travail relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel (article L. 6222-18-1 du code du travail). Le contentieux de la rupture d’un contrat d’apprentissage relève de la compétence du conseil de prud’hommes (article L. 1411-1 du code du travail).
POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE
Principe de sécurité juridique – Obligation d’exercer un recours juridictionnel dans un délai raisonnable – Application à la contestation par voie d’exception d’une décision individuelle, notifiée sans mention des voies et délais de recours – Irrecevabilité de l’exception d’illégalité d’une décision individuelle au-delà d’un délai raisonnable à compter de la date à laquelle il est établi que l'intéressé en a eu connaissance
C.E., 27 février 2019, n° 418950, au Recueil Lebon
Le requérant, contrôleur de France Télécom, avait demandé le 11 juillet 2012 à son employeur sa promotion dans le grade des contrôleurs divisionnaires, laquelle lui avait été refusée par un courrier du 17 octobre 2012. Ce refus d’avancement de grade avait été confirmé à l’agent en dernier lieu par un courriel du 24 décembre 2013, dont une copie lui avait été adressée le 6 janvier 2014, mais la mention des voies et délais de recours contentieux ne figurait pas sur cette décision.
L’agent avait saisi le tribunal administratif de La Réunion le 11 avril 2015 d’un recours pour excès de pouvoir contre cette décision : le tribunal avait rejeté son recours pour tardiveté, au motif qu’il avait été introduit au-delà du délai raisonnable d’un an à compter de la date à laquelle il était établi qu’il avait eu connaissance de la décision individuelle attaquée.
Par la suite, le requérant avait été admis à la retraite et une pension civile lui avait été concédée, par arrêté du 21 mars 2016, sur la base de son dernier indice détenu dans le grade de contrôleur de France Télécom. Il avait alors contesté son titre de pension devant le tribunal administratif de La Réunion, par un unique moyen excipant de l’illégalité du rejet de sa demande d’avancement au grade de contrôleur divisionnaire.
Par un jugement du 15 janvier 2018, le tribunal administratif de La Réunion avait rejeté sa requête pour irrecevabilité, au motif que le requérant n’était plus recevable à exciper de l’illégalité de la décision lui refusant sa promotion au grade de contrôleur divisionnaire, qui était devenue définitive.
Par sa décision du 27 février 2019, le Conseil d’État a annulé le jugement du tribunal administratif de La Réunion, mais rejeté au fond la demande du requérant.
Le Conseil d’État a en effet constaté que le tribunal administratif n’avait pas informé au préalable les parties de l’irrecevabilité qu’il s’apprêtait à soulever d’office, alors qu’il y était tenu en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative (C.J.A.). Il a donc annulé le jugement pour irrégularité, puis décidé de régler l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du C.J.A.
Statuant en qualité de juge du fond, le Conseil d’État a tout d’abord rappelé la règle selon laquelle l’illégalité d’un acte administratif individuel ne peut être invoquée par voie d’exception qu’à la condition qu’il ne soit pas devenu définitif.
Après avoir indiqué qu’il résulte des dispositions de l’article R. 421-5 du C.J.A. que le délai de recours contentieux de deux mois fixé par l’article R. 421-1 du même code n’est opposable qu’à la condition d’avoir été mentionné dans la notification de la décision contestée, le Conseil d’État a également rappelé le principe dégagé par sa décision d’Assemblée du 13 juillet 2016, dite « Czabaj » (n° 387763, au Recueil Lebon), selon lequel le destinataire d’une décision individuelle ne mentionnant pas les voies et délais de recours contentieux n’est pas recevable à exercer un recours juridictionnel à son encontre au-delà d’un délai raisonnable, qui est, en règle générale et sauf circonstances particulières, d’un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance.
Le Conseil d’État a alors jugé qu’en l’espèce, le recours juridictionnel présenté par le requérant contre la décision rejetant sa demande d’avancement au grade de contrôleur divisionnaire, dont il avait eu connaissance au plus tard le 6 janvier 2014, était tardif dès lors qu’il avait été introduit le 11 avril 2015, soit au-delà d’un délai raisonnable d’un an, et qu’il ne faisait état d’aucune circonstance particulière de nature à conserver à son égard le délai de recours contentieux.
Le Conseil d’État en a déduit que le moyen tiré de l’illégalité de la décision rejetant sa demande d’avancement de grade, soulevé par le requérant dans sa requête du 21 avril 2016 devant le tribunal administratif de La Réunion à l’encontre du titre de pension en litige, était par suite et en tout état de cause irrecevable.
N.B. : Par cette décision du 27 février 2019, le Conseil d’État étend l’application de la règle du « délai raisonnable de recours contentieux » posée par sa jurisprudence Czabaj (susmentionnée) à l’exception d’illégalité d’un acte administratif individuel.
Il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d’État que l’illégalité d’une décision administrative individuelle ne peut être invoquée par voie d’exception qu’à la condition qu’elle ne soit pas devenue définitive, et qu’une décision devient définitive dans deux hypothèses : soit à l’expiration du délai de recours contentieux, soit, si elle fait l’objet d’un recours contentieux dans ce délai, à la date à laquelle la décision rejetant le recours est devenue irrévocable, c’est-à-dire à la date à laquelle elle ne peut plus elle-même faire l’objet d’un recours, y compris en cassation (C.E., 28 juillet 2011, Commune de Bourg-Saint-Maurice, n° 336945, au Recueil Lebon).
Par cette nouvelle décision du 27 février 2019, le Conseil d’État poursuit dans la continuité de sa jurisprudence récente puisqu’il a, en vertu du principe de sécurité juridique, déjà étendu l’application de la règle du délai raisonnable aux recours administratifs préalables obligatoires (cf. C.E. Section, 31 mars 2017, Ministre des finances et des comptes publics, n° 389842, au Recueil Lebon), aux recours en annulation dirigés contre des décisions expresses ayant un objet purement pécuniaire tels que les titres exécutoires (C.E., 9 mars 2018, Communauté d'agglomération du pays ajaccien (CAPA), n° 401386, aux tables du Recueil Lebon) et aux conclusions indemnitaires ayant la même portée (C.E., 9 mars 2018, Communauté de communes du pays roussillonnais, n° 405355, aux tables du Recueil Lebon).
Enfin, dans le litige jugé le 27 février 2019 par le Conseil d’État, le moyen tiré de l’illégalité de la décision rejetant sa demande d’avancement de grade soulevé par voie d’exception par le requérant aurait également pu être écarté comme inopérant dès lors que l’arrêté de concession de pension contesté ne peut être regardé comme pris en application d’un refus d’avancement de grade, ni comme trouvant dans ce dernier sa base légale. En effet, l’illégalité d’un acte administratif, réglementaire ou non, ne peut être utilement invoquée à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s’il en constitue la base légale (cf. C.E. Section, 11 juillet 2011, Société d’équipement du département de Maine-et-Loire (SODEMEL), n° 320735, au Recueil Lebon).
Le Conseil d’État a cependant fait le choix de faire application pour la première fois de la jurisprudence Czabaj à une exception d’illégalité et de fonder sa décision non pas sur l’inopérance de l’unique moyen soulevé par le requérant – l’exception d’illégalité – mais sur son irrecevabilité. Afin de ne pas laisser penser aux lecteurs de sa décision que l’exception d’illégalité était opérante, il a précisé que cet unique moyen était « en tout état de cause » irrecevable.
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