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Lettre de la direction des affaires juridiques du ministÈre de l'Éducation nationale, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS et du ministÈre de l'enseignement supÉrieur, de la recherche et de l'innovation | ||||||||||
LIJ N°215 – mai 2021 |
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ÉDITORIAL | ||
Parce qu’elle peut conduire à prendre des décisions aux conséquences lourdes pour l’agent, en considération de sa personne, la procédure disciplinaire obéit à un certain formalisme, qui comporte plusieurs garanties pour celui qui en fait l’objet.
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Guillaume Odinet | ||
SOMMAIRE | ||
Jurisprudence | ||
Principes générauxNEUTRALITÉLaïcité Laïcité – Association étudiante – Agrément – Objet cultuelT.A. Versailles, 4 février 2021, Association Bethel, n° 1806012
Enseignement scolaireSECOND DEGRÉScolarité Classe bilangue – Enseignements facultatifs – Langues et cultures de l’Antiquité – Droit au cumul (non)T.A. Toulouse, 12 novembre 2020, n° 1804001
Enseignement supérieur et rechercheORGANISATION DES ÉTUDESFormations : accès et déroulement Études de médecine – Réforme du 3e cycle – Application dans le tempsC.E., 21 janvier 2021, n° 432311
VIE ÉTUDIANTEAides aux étudiants Remboursement de prêt d’honneur – Application de la prescription quinquennale – Calcul du point de départ du délai de prescriptionT.A. Paris, 7 avril 2021, n° 2006498
PersonnelsQUESTIONS COMMUNESRecrutement et changement de corps Concours de recrutement dans un corps de fonctionnaires – Inscription sur liste complémentaire – Aucun droit à être nommé fonctionnaire stagiaire – Pouvoirs du ministre – Faculté de recourir à une liste complémentaire en raison des besoins du service – Faculté d’ouvrir aux candidats d’un concours les postes non pourvus par la voie des autres concoursC.A.A. Lyon, 7 janvier 2021, n° 19LY04139
Refus d’admission à concourir – Incapacité – Sanction disciplinaire de révocation – Probité et mœurs – Garanties requisesT.A. Paris, 3 mars 2021, nos 1925775, 2006049 et 2005743
Discipline et suspension Fonctionnaires et agents publics – Discipline – Procédure – Conseil de discipline – Motivation de l’avis – GarantieC.E., 12 février 2021, n° 435352, aux tables du Recueil Lebon
Directeur général d’un établissement public – Enquête administrative de corps d’inspection – Procédure disciplinaire – Mise à la retraite d’office – Communication des procès-verbaux d’auditionC.E., 28 janvier 2021, n° 435946, aux tables du Recueil Lebon
Fonctionnaires et agents publics – Discipline – Suspension de fonctions – Compétence – Délégation du pouvoir disciplinaire – Titulaires du pouvoir de suspensionC.E., 12 février 2021, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, n° 436379 Questions propres aux stagiaires Fonctionnaires stagiaires – Licenciement – Professeurs certifiés – Irrégularité de la procédure devant le jury académique – Recevabilité d’un moyenC.E., 3 février 2021, n° 436786
Questions propres aux agents non titulaires Réexamen de la rémunération d’un agent recruté par contrat à durée déterminée (C.D.D.) – Interdiction par le droit de l’Union européenne des différences de traitement entre les agents recrutés en C.D.D. et les agents recrutés en C.D.I. placés dans une situation comparable – Responsabilité pour faute de l’État (absence) – Possibilité de prendre en compte l’ancienneté de l’agent recruté en C.D.D. pour le calcul de sa rémunération lors du renouvellement de son contratC.A.A. Bordeaux, 4 février 2021, n° 19BX00514
QUESTIONS PROPRES AUX PERSONNELS DE L’ENSEIGNEMENT SCOLAIREPersonnels enseignants Enseignant – Professeur agrégé – Section de technicien supérieur – Obligations réglementaires de service – Majoration de serviceC.E., 21 janvier 2021, Ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, n° 428299
QUESTIONS PROPRES AUX PERSONNELS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHEEnseignants-chercheurs et enseignants Demande d’inscription sur la liste de qualification aux fonctions de maître de conférences – Dossier incomplet – Obligation d’inviter à régulariser après l’expiration du délai légalement imparti, à peine d’irrecevabilité, pour présenter la demande (non)T.A. Paris, 6 janvier 2021, n° 1808944
Maître de conférences – Concours de recrutement dit « étranger » (article 22 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984) – Dispense de qualification – Admission à concourir – Exercice effectif d’une activité d’enseignant-chercheur à l’étranger
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Consultations | ||
Enseignement supérieur et rechercheADMINISTRATION ET FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEURÉtablissement public – Modalités de publication des délégations de signature du présidentNote DAJ B1 n° 2021-0020 du 26 février 2021
PersonnelsQUESTIONS COMMUNESDroits et garanties Extension de la protection fonctionnelle aux ayants droit du fonctionnaireNote DAJ A2 n° 2021-0018 du 1er mars 2021
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Le point sur | ||
L’exécution d’une décision juridictionnelle annulant un jugement d’annulation d’une décision administrative ou mettant fin à la suspension de son exécution
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ActualitÉs | ||
TEXTES OFFICIELS
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Jurisprudence | ||
Principes générauxNEUTRALITÉLaïcité ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR Associations étudiantes Laïcité – Association étudiante – Agrément – Objet cultuelT.A. Versailles, 4 février 2021, Association Bethel, n° 1806012
L’université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines avait prévu qu’un agrément puisse être délivré à des associations étudiantes « afin de les valoriser et de reconnaître leur contribution à la dynamique de la vie étudiante de l’université » et de leur « permett[re] d’exercer leurs activités dans l’enceinte de l’université, d’obtenir de manière facilitée un local disposant d’un accès internet et d’une ligne téléphonique dans l’enceinte de l’université, d’obtenir un soutien (…) pour équiper le local associatif en mobilier et fournitures, une aide dans les démarches administratives, une domiciliation à l’université permettant d’y recevoir du courrier, une mise à disposition des moyens de communication de l’université, une aide à la réalisation d’un logo et/ou de supports de communication et une autorisation d’afficher et de distribuer des documents dans le cadre de leurs activités dans l’enceinte de l’université ».
Une association avait demandé un agrément qui lui avait été refusé par le président de l’université, lequel avait motivé sa décision, d’une part, sur le fondement du principe de laïcité en invoquant le respect des dispositions de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État qui interdisent les subventions aux cultes et, d’autre part sur le fondement des dispositions de l’article L. 141-6 du code de l’éducation qui précisent que « le service public de l’enseignement supérieur est laïque (…) ».
Le tribunal administratif de Versailles, après avoir constaté, notamment à partir du site internet de l’association, que celle-ci s’inscrivait dans un objectif d’évangélisation du campus, organisait des messes d’une périodicité hebdomadaire et proposait à ses membres de les accompagner et de participer à des fêtes religieuses, a considéré que cette association, en dépit des termes de ses statuts décrivant son objet comme ayant seulement trait à l’organisation d’activités à vocation solidaire, culturelle ou spirituelle, exerçait, en réalité, « principalement des activités cultuelles ».
Par suite, le tribunal a jugé qu’« eu égard au caractère cultuel des activités de l’association (…) et à la nature et l’étendue des avantages matériels et financiers impliqués par la délivrance d’un agrément associatif, (…) la délivrance d’un tel agrément à l’association (…) caractérise une aide à un culte, en méconnaissance des dispositions [des articles 1 et 2 ] de la loi du 9 décembre 1905 » et de l’article L. 141-6 du code de l’éducation.
Reprenant la jurisprudence du Conseil d’État qui distingue l’objet d’une association et la nature des activités qu’elle poursuit (C.E., 26 novembre 2012, Communauté des bénédictins de l’abbaye Saint-Joseph de Clairval, n° 344284, aux tables du Recueil Lebon), le tribunal administratif a rappelé que : « Si l’association (…) fait valoir que le principe de laïcité ne s’oppose pas de façon absolue à ce qu’une subvention soit accordée à une association qui exerce des activités cultuelles, ce principe n’autorise toutefois de telles subventions qu’à la condition, notamment, qu’il soit garanti que la subvention en cause est exclusivement affectée au financement d’un projet, d’une manifestation ou d’une activité qui ne présente pas un caractère cultuel. » (Cf. également : C.E., 26 novembre 2012, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie [ADEME], n° 344379, au Recueil Lebon ; C.E., 15 février 2013, Association Grande confrérie de saint Martial et autres, n° 347049, au Recueil Lebon.) Or, en l’espèce, l’octroi d’un soutien logistique et matériel qu’implique la délivrance de l’agrément associatif ne permettait pas de « distinguer entre les divers aspects des activités de l’association qui en bénéficie ».
Enseignement scolaireSECOND DEGRÉScolarité ENSEIGNEMENTS Classe bilangue – Enseignements facultatifs – Langues et cultures de l’Antiquité – Droit au cumul (non)T.A. Toulouse, 12 novembre 2020, n° 1804001
Les parents d’une élève contestaient devant le tribunal administratif de Toulouse une décision de la principale du collège fréquenté par leur fille refusant aux élèves inscrits en classe bilangue la possibilité, en classe de cinquième, de cumuler ce dispositif avec l’enseignement facultatif du latin.
Le juge administratif a déduit des dispositions combinées des articles L. 332-3 et D. 332-4 du code de l'éducation et de l’article 7 de l'arrêté du 19 mai 2015 relatif à l’organisation des enseignements dans les classes de collège que ni les classes bilangues, ni le cumul de plusieurs enseignements facultatifs ne constituent un droit, dès lors qu’aucune disposition ni aucun principe ne le prévoit. Par conséquent, la décision prise par la principale interdisent le cumul de ces deux possibilités n’avait pas à être motivée au regard des dispositions de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration qui prévoient que doivent être motivées les décisions de refus d’un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir.
Le tribunal a également jugé que le principe d’égalité, qui ne fait pas obstacle à ce qu’une différence de situation se traduise par une différence de traitement dès lors que celle-ci est en lien avec cette situation particulière et qu’elle est proportionnée, n’était pas méconnu par la décision attaquée.
Après avoir relevé que les élèves inscrits en classe bilangue se trouvaient dans une situation différente de celle des autres élèves, dès lors qu’ils avaient choisi de suivre ce dispositif optionnel, le juge a constaté que la différence de traitement induite par cette décision était justifiée par des considérations objectives liées à un manque de moyens et à des contraintes d'organisation du service public. À cet égard, il a notamment relevé que la dotation horaire n’était pas suffisante pour permettre aux élèves de cinquième de cumuler l'option latin avec le dispositif de classe bilangue, ainsi que des contraintes matérielles de gestion des emplois du temps et de disponibilité des salles . Enfin, il a jugé que la décision attaquée ne méconnaissait pas les dispositions de l’article D. 331-41 du code de l’éducation, qui prévoient que tout élève admis dans un cycle de formation doit pouvoir parcourir la totalité de ce cycle dans l’établissement scolaire, puisqu’elle n’avait pas pour conséquence de priver les élèves de cette possibilité.
Enseignement supérieur et rechercheORGANISATION DES ÉTUDESFormations : accès et déroulement FORMATIONS DE SANTÉ Études de médecine – Réforme du 3e cycle – Application dans le tempsC.E., 21 janvier 2021, n° 432311
Aux termes de l’article R. 632-20 du code de l’éducation, la durée du troisième cycle des études de médecine, qui permet aux étudiants de se spécialiser, est comprise entre trois et six ans. Elle est fixée, pour chaque diplôme d’études spécialisées (DES), par la maquette de formation correspondante, définie par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé et du ministre de la défense.
La durée de la formation conduisant au DES de médecine cardiovasculaire a été portée de huit à dix semestres par l’arrêté du 19 mars 2019, qui a modifié l’annexe II de l’arrêté du 21 avril 2017 relatif aux connaissances, aux compétences et aux maquettes de formation des diplômes d’études spécialisées et fixant la liste de ces diplômes et des options et formations spécialisées transversales du troisième cycle des études de médecine.
Un étudiant, inscrit en troisième cycle des études de médecine à compter de l’année universitaire 2017-2018, en vue de l’obtention du DES de médecine cardiovasculaire, demandait l’annulation de cet arrêté du 19 mars 2019 dont les dispositions étaient applicables aux étudiants inscrits en troisième cycle à compter de la rentrée universitaire 2017-2018.
Le Conseil d’État a rejeté sa requête.
Le requérant soutenait que l’arrêté attaqué méconnaissait le principe d’égalité de traitement entre les étudiants inscrits en première année de troisième cycle à compter de la rentrée universitaire 2017-2018 et ceux ayant entrepris ce cycle d’études avant la rentrée universitaire 2017-2018 ou après la rentrée universitaire 2018-2019.
Le Conseil d’État a considéré que cette différence « est inhérente à la succession dans le temps des règles applicables et n’est pas, par elle-même, contraire au principe d’égalité ».
Par ailleurs, le requérant soutenait que l’arrêté du 19 mars 2019, publié le 7 mai 2019, avait méconnu le principe de sécurité juridique faute d’avoir prévu des dispositions transitoires en faveur des étudiants ayant débuté leur internat à la rentrée universitaire 2017-2018, portant ainsi atteinte au principe général de non-rétroactivité des actes administratifs.
Tout d’abord, le Conseil d’État a rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle « le principe général de non-rétroactivité des actes administratifs ne fait pas obstacle à l’application immédiate aux étudiants engagés dans un cycle de formation sanctionné par la délivrance d’un diplôme des dispositions réglementaires relatives à la formation qui leur est dispensée et, notamment, de celles modifiant la durée de cette formation » (C.E. Section, 19 décembre 1980, n° 12387, au Recueil Lebon ; C.E., 23 décembre 1988, n° 76473-76474,au Recueil Lebon ; C.E., 3 mars 1989, n° 76475 ; C.E., 11 décembre 2013, n° 362987,aux tables du Recueil Lebon). Puis, il a considéré que : « Si, en vertu de l’article L. 221-5 du code des relations entre le public et l’administration, l'autorité administrative investie du pouvoir réglementaire est tenue, dans la limite de ses compétences, d'édicter des mesures transitoires lorsque l'application immédiate d'une nouvelle réglementation est impossible ou qu'elle entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause, l’application immédiate de l’allongement d’un an de la durée (…) de la formation conduisant au [DES] de médecine cardiovasculaire résultant de l’arrêté du 19 mars 2019 ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive aux intérêts des internes en médecine cardiovasculaire, ayant suivi cette formation à partir de la rentrée universitaire 2017-2018 et étant ainsi, lors de la rentrée universitaire 2019-2020, au début de la première, de la deuxième ou de la troisième année de cette formation. » (Point 10.)
VIE ÉTUDIANTEAides aux étudiants AUTRES AIDES FINANCIÈRES Remboursement de prêt d’honneur – Application de la prescription quinquennale – Calcul du point de départ du délai de prescriptionT.A. Paris, 7 avril 2021, n° 2006498
Un ancien étudiant demandait l’annulation du titre de perception émis à son encontre, le 2 mai 2019, en remboursement d’un prêt d’honneur qui lui avait été accordé par le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) au titre de l’année universitaire 2002-2003. Le requérant soutenait que la prescription quinquennale prévue à l’article 2224 du code civil était acquise.
Le jugement a été l’occasion pour le tribunal administratif de Paris de préciser l’application aux prêts d’honneur de la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.
Le tribunal administratif a tout d’abord rappelé qu’aux termes de l’article 2224 du code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
Le juge a ensuite souligné qu’« en l’absence de toute autre disposition applicable, les causes d’interruption et de suspension de la prescription quinquennale instituée par les dispositions de l’article 2224 du code civil sont régies par les principes dont s’inspirent les dispositions du titre XX du livre III du même code. Il en résulte qu’un titre exécutoire émis par l’administration en vue de recouvrer une somme au titre du remboursement d’un prêt d’études interrompt la prescription à la date de sa notification et que la preuve de celle-ci incombe à l’administration. » (Cf. C.A.A. Bordeaux, 16 novembre 2018, n° 16BX02283 et n° 17BX02863 ; C.A.A. Bordeaux, 14 décembre 2018, n° 16BX02042 ; C.A.A. Bordeaux, 12 avril 2019, n° 17BX01843.)
Le tribunal a aussi rappelé qu’il résultait du second alinéa de l’article 10 du décret du 1er septembre 1934 relatif aux prêts d’honneur, qui dispose que « Le bénéficiaire s’engage à commencer le remboursement au plus tard dans la dixième année qui suit l’obtention du grade ou titre postulé ou la réalisation des travaux entrepris. (…) », que le délai de prescription de la dette du requérant avait commencé à courir « à la date à laquelle sa dette est devenue exigible, soit au terme de la dixième année civile qui a suivi l’obtention de son diplôme ».
En l’espèce, le juge a retenu la date du 16 avril 2004, date à laquelle le requérant s’était vu décerner son diplôme, comme date d’obtention du diplôme par le requérant, même si ce dernier avait produit une attestation de réussite datée du 9 octobre 2003 le déclarant admis à son diplôme. Pour rejeter la requête du requérant, le juge a considéré que le délai de prescription quinquennale avait commencé à courir le 1er janvier 2015, soit au terme de la dixième année civile qui avait suivi la date d’obtention de son diplôme, le 16 avril 2004, et expirait le 1er janvier 2020. Le juge a ainsi relevé qu’à la date de l’émission du titre de perception, le 2 mai 2019, la prescription de la créance de l’administration n’était pas établie.
PersonnelsQUESTIONS COMMUNESRecrutement et changement de corps CONCOURS Concours de recrutement dans un corps de fonctionnaires – Inscription sur liste complémentaire – Aucun droit à être nommé fonctionnaire stagiaire – Pouvoirs du ministre – Faculté de recourir à une liste complémentaire en raison des besoins du service – Faculté d’ouvrir aux candidats d’un concours les postes non pourvus par la voie des autres concoursC.A.A. Lyon, 7 janvier 2021, n° 19LY04139
Un candidat, classé deuxième sur la liste complémentaire du concours externe d’entrée à l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (ENSSIB) de la session 1998, demandait l’annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon avait rejeté sa demande d’indemnisation des préjudices prétendument subis en raison de son défaut de recrutement ainsi que sa demande d’injonction d’être intégré à l’ENSSIB.
Le requérant soutenait notamment qu’en s’abstenant, de 1992 à 2010, de proposer aux candidats admis aux concours externe et interne les postes non pourvus par la voie du concours réservé, l’administration avait méconnu les dispositions du dernier alinéa de l’article 4 du décret n° 92-26 du 9 janvier 1992 portant statut particulier du corps des conservateurs des bibliothèques et du corps des conservateurs généraux des bibliothèques, ainsi que le principe d’égalité d’accès aux emplois publics.
Pour confirmer le jugement attaqué, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé qu’« (…) il résulte [de l’article 4 du décret du 9 janvier 1992] que l’inscription [du candidat] au deuxième rang de la liste complémentaire du concours externe de la session 1998 ne lui donnait aucun droit à être nommé stagiaire dans le corps des conservateurs, l’administration conservant la faculté de recourir à la liste complémentaire en raison des besoins du service et, dans ce cas, de procéder aux nominations dans l’ordre de classement, sous réserve que le mérite des intéressés, tel qu’il ressort des notes attribuées par le jury du concours, soit compatible avec le niveau de qualification attendu d’un conservateur stagiaire. Il en va de même de la faculté laissée à l’autorité investie du pouvoir de nomination d’ouvrir aux candidats de l’un des concours les postes non pourvus par la voie de l’un des deux autres concours de recrutement. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que lors de la session 1998, le ministre chargé de l’enseignement supérieur aurait méconnu l’intérêt du service, défini selon les critères qui viennent d’être analysés, en s’abstenant de recourir à la liste complémentaire du concours externe jusqu’au deuxième par ordre de mérite et d’ouvrir aux candidats de cette liste, jusqu’au deuxième rang au moins, les postes prétendument non pourvus par la voie des autres concours, ou de l’un d’eux. » (Point 3 de l’arrêt.) N.B. : La présente décision est l’occasion pour la cour administrative d’appel de Lyon de rappeler que c’est au regard de l’intérêt du service que l’administration décide de recourir ou non à la liste complémentaire et d’ouvrir aux candidats d’un concours les postes non pourvus par la voie des autres concours. L'inscription sur la liste complémentaire établie à l’issue d’un concours de recrutement dans un corps de fonctionnaires ne donne ainsi aucun droit à une nomination, mais seulement vocation à y être nommé si l'administration a besoin d’y recourir, et, dans ce cas, dans le respect de l'ordre de mérite des candidats de cette liste (cf. C.A.A. Paris, 3 juin 2008, n° 06PA03931) qu’impose le principe d’égalité d’accès aux emplois publics selon lequel il ne peut être tenu compte pour le recrutement de ces emplois que des capacités, des vertus et des talents des candidats (cf. Cons. const., 16 janvier 1986, n° 85-204 DC, cons. 7 ; Cons. const., 16 juillet 2009, n° 2009-584 DC, cons. 12 ; Cons. const., 28 janvier 2011, n° 2010-94 QPC, cons. 4).
Refus d’admission à concourir – Incapacité – Sanction disciplinaire de révocation – Probité et mœurs – Garanties requisesT.A. Paris, 3 mars 2021, nos 1925775, 2006049 et 2005743
Le requérant, alors professeur certifié, avait été révoqué en 2003 à la suite d’une condamnation pénale pour des faits contraires à la probité et aux mœurs. S’étant présenté à la session 2020 du concours externe de l’agrégation, il s’était vu refuser l’admission à concourir sur le fondement du II de l’article L. 911-5 du code de l’éducation, lequel rend « incapable de diriger un établissement d'enseignement du premier ou du second degré ou tout établissement de formation accueillant un public d'âge scolaire, qu'il soit public ou privé, ou d'y être employée, toute personne qui, ayant exercé dans un établissement d'enseignement ou de formation accueillant un public d'âge scolaire, a été révoquée ou licenciée en application d'une sanction disciplinaire prononcée en raison de faits contraires à la probité et aux mœurs ».
Saisi d’une requête en annulation de la décision refusant de l’admettre à concourir, laquelle constituait la première mise en œuvre à cet effet des dispositions du II de l’article L. 911-5 du code de l’éducation, le tribunal administratif de Paris l’a rejetée par un jugement du 3 mars 2021.
Après avoir cité les dispositions de l’article 20 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, renvoyant à l’article 5 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ainsi que les dispositions du II de l’article L. 911-5 du code de l’éducation, le tribunal administratif a tout d’abord relevé que le requérant ne pouvait pas se prévaloir du fait qu’il avait fait l’objet d’une réhabilitation pénale au sens des dispositions de l’article 133-16 du code pénal dès lors que le refus de l’admettre à concourir reposait sur l’existence d’une sanction de la révocation.
Il a ensuite écarté le moyen tiré de la méconnaissance du principe non bis idem dès lors que le refus d’admission à concourir ne constitue pas une sanction.
Le tribunal a par ailleurs vérifié que les faits d’atteintes sexuelles sur mineurs de moins de quinze ans sans violence, contrainte, menace ni surprise, dont l’intéressé avait été déclaré coupable par le juge pénal et qui avaient justifié la sanction disciplinaire de la révocation prononcée à son encontre, étaient bien contraires à la probité et aux mœurs. Enfin, après avoir rappelé que les professeurs agrégés de l’enseignement du second degré ont aussi vocation, en vertu des dispositions de l’article 4 du décret n° 72-580 du 4 juillet 1972, à enseigner dans des établissements d’enseignement scolaire du second degré, le tribunal administratif a considéré que « nonobstant la circonstance qu’au moment des faits lui ayant valu une révocation, M. X enseignât au sein d’un lycée et que les professeurs agrégés puissent également être affectés dans des établissements d’enseignement supérieur, le ministre a pu, sans commettre d’erreur de droit ni entacher sa décision d’erreur d’appréciation, après avoir souligné l’incapacité qui pourrait découler des dispositions du II de l’article L. 911-5 précité, estimer que de tels agissements, eu égard à leur gravité, étaient incompatibles avec la nature des fonctions des obligations qui incombent au personnel enseignant et ainsi refuser l’admission à concourir de M. X au motif qu’il ne remplissait pas les conditions requises pour concourir ».
Discipline et suspension PROCÉDURE Fonctionnaires et agents publics – Discipline – Procédure – Conseil de discipline – Motivation de l’avis – GarantieC.E., 12 février 2021, n° 435352, aux tables du Recueil Lebon
Par cette décision, le Conseil d’État a jugé que l’exigence de motivation de l’avis du conseil de discipline, prévue au quatrième alinéa de l’article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, constitue une garantie procédurale pour le fonctionnaire poursuivi.
Il a précisé que cette motivation peut être attestée devant le juge par la production soit de l’avis motivé lui-même, soit du procès-verbal de la réunion de la commission administrative paritaire (C.A.P.) siégeant en conseil de discipline, comportant des mentions suffisantes.
Il a donc jugé que dans le cas où aucun avis motivé de la C.A.P. siégeant en conseil de discipline ni même aucun procès-verbal de sa réunion ne sont produits devant le juge, l’exigence de motivation de l’avis du conseil de discipline ne peut être regardée comme ayant été respectée. Par cette décision, le Conseil d’État, qui s’inscrit dans la continuité de sa jurisprudence sur l’obligation de motivation de l’avis du conseil de discipline (cf. C.E., 21 juillet 1972, n° 79559, au Recueil Lebon), applique pour la première fois la jurisprudence Danthony (C.E. Assemblée, 23 décembre 2011, n° 335033, au Recueil Lebon) à l’égard de la motivation des avis du conseil de discipline.
SANCTIONS Directeur général d’un établissement public – Enquête administrative de corps d’inspection – Procédure disciplinaire – Mise à la retraite d’office – Communication des procès-verbaux d’auditionC.E., 28 janvier 2021, n° 435946, aux tables du Recueil Lebon
Par cette décision, le Conseil d’État a apporté des précisions sur le champ d’application de sa jurisprudence du 5 février 2020 (n° 433130, au Recueil Lebon, LIJ n° 211, juillet 2020) selon laquelle, en application de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905, le fonctionnaire faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne à la suite d’une enquête administrative diligentée sur son comportement, même confiée à des corps d’inspection, a droit à la communication des procès-verbaux des auditions menées lors de cette enquête.
D’une part, le Conseil d’État a étendu sans surprise sa solution jurisprudentielle aux sanctions disciplinaires, alors qu’il ne l’avait jusqu’à présent appliquée qu’à des mesures prises en considération de la personne.
D’autre part, le Conseil d’État a affiné la portée de sa jurisprudence en indiquant que, dès lors qu’une enquête administrative avait été diligentée, y compris par des corps d’inspection, sur le comportement d’un agent public et sur des faits susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, le rapport et les procès-verbaux des auditions portant sur le comportement de cet agent devaient lui être communiqués s’il en faisait la demande, y compris dans l’hypothèse où l’administration ne s’était pas bornée à reprendre les préconisations du rapport d’enquête et s’était fondée sur des éléments issus d’une enquête disciplinaire qu’elle avait elle-même diligentée.
En l’espèce, la sanction de mise à la retraite d’office du directeur général d’un établissement public national avait été précédée de deux rapports d’enquête. Le Conseil d’État a cependant opéré une distinction en fonction de l’objet de ces rapports. Les procès-verbaux recueillis dans le cadre d’un rapport de la Cour des comptes, qui portait de manière générale sur le fonctionnement de l’établissement, n’avaient pas à être communiqués à l’agent. Il en allait autrement pour ceux recueillis par l’inspection générale de la jeunesse et des sports dès lors que la procédure disciplinaire avait été initiée au vu de ce rapport, et ce, alors même que l’administration ne s’était pas bornée à en reprendre les préconisations. Le Conseil d’État a annulé la sanction de mise à la retraite d’office en raison de ce vice de procédure alors qu’il a admis que les faits reprochés étaient établis et la sanction proportionnée.
SUSPENSION CONSERVATOIRE Fonctionnaires et agents publics – Discipline – Suspension de fonctions – Compétence – Délégation du pouvoir disciplinaire – Titulaires du pouvoir de suspensionC.E., 12 février 2021, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, n° 436379
M. X, membre du corps des professeurs certifiés, avait été suspendu de ses fonctions de directeur d’une école supérieure du professorat et de l’éducation (ESPÉ) par un arrêté du recteur d’académie. L’intéressé avait obtenu l’annulation de cette décision devant le tribunal administratif de Caen au motif qu’elle avait été prise par une autorité incompétente. Cette annulation ayant été confirmée en appel, le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports s’est pourvu en cassation contre l’arrêt de la cour.
Après avoir cité les dispositions de l’article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, de l’article 67 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, des articles R. 911-82 et R. 911-84 du code de l’éducation et de l’article 1er de l’arrêté du 9 août 2004 portant délégation de pouvoirs du ministre chargé de l'éducation aux recteurs d'académie en matière de gestion des personnels enseignants, d'éducation, d'information et d'orientation de l'enseignement du second degré, qui a délégué aux recteurs d’académie le pouvoir de prononcer les sanctions des premier et deuxième groupes infligées à des professeurs certifiés, le Conseil d’État a rappelé que la délégation d’une partie du pouvoir disciplinaire a pour conséquence que tant l’autorité délégataire que l’autorité délégante ont le pouvoir de suspendre les agents concernés (C.E., 22 novembre 2004, Ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, n° 244515, aux tables du Recueil Lebon).
Le Conseil d’État a par conséquent jugé que le recteur d’académie était bien compétent pour prononcer la suspension de fonctions du directeur d’une ESPÉ appartenant au corps des professeurs certifiés.
Il a estimé que le requérant n’était pas fondé à soutenir que sa suspension de fonctions ne pouvait être prononcée que par arrêté conjoint du ministre chargé de l’éducation et du ministre chargé de l’enseignement supérieur, au motif que les directeurs d’ESPÉ sont nommés par arrêté conjoint de ces deux autorités en vertu de l’article L. 721-3 du code de l’éducation, dès lors que ces dispositions ne faisaient pas obstacle à l’application au requérant des règles statutaires régissant le corps des professeurs certifiés, la nomination de l’intéressé en qualité de directeur d’ESPÉ n’ayant pas eu pour effet de le placer en détachement hors de ce corps. Le requérant ne pouvait pas davantage se prévaloir, pour contester la compétence du recteur d’académie, de ce qu’il était susceptible de faire l’objet d’une procédure devant la section disciplinaire du conseil académique de l’université à laquelle était rattachée l’ESPÉ dès lors qu’en vertu de l’article L. 952-7 du code de l’éducation, les sanctions prononcées à l’encontre des enseignants par cet organe ne font pas obstacle à ce que ces derniers soient traduits, en raison des mêmes faits, devant les instances disciplinaires prévues par les statuts qui leur sont applicables dans leur corps d’origine.
Questions propres aux stagiaires LICENCIEMENT Fonctionnaires stagiaires – Licenciement – Professeurs certifiés – Irrégularité de la procédure devant le jury académique – Recevabilité d’un moyenC.E., 3 février 2021, n° 436786
Contestant la mesure la licenciant à l’issue de son année de stage effectuée en qualité de professeure certifiée stagiaire, la requérante demandait l’annulation de l’arrêté du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche prononçant son licenciement en excipant de l’illégalité de l’avis défavorable à sa titularisation rendu par le jury académique en raison de l’irrégularité de la procédure qu’il avait suivie.
Le Conseil d’État a jugé que la décision de licenciement constituait l’acte final d’une opération complexe. Le moyen dirigé contre l’irrégularité de la procédure suivie par le jury académique ne saurait donc être regardé comme mettant en cause la légalité externe de cette décision mais relevait de la légalité interne de cette dernière.
Par suite, la requérante était recevable à invoquer pour la première fois en appel ce moyen tiré de l’irrégularité de la procédure suivie par le jury académique à l’appui de ses conclusions dès lors qu’elle avait invoqué en première instance des moyens fondés sur la même cause juridique.
Le Conseil d’État a mis ici en œuvre pour le contentieux des licenciements des professeurs certifiés stagiaires sa théorie jurisprudentielle de l’« opération complexe ». Il y a opération complexe lorsqu’une décision finale ne peut être prise qu’après intervention d’une ou de plusieurs décisions successives, spécialement prévues pour permettre la réalisation de l’opération dont la décision finale constituera l’aboutissement.
L’opération complexe est le fondement d’une exception à la règle selon laquelle il n’est plus possible d’exciper de l’illégalité d’un acte non réglementaire une fois qu’il est devenu définitif. Le Conseil d’État admet en effet que lorsque des actes forment ensemble une même opération complexe, il est possible d’exciper, contre le dernier acte de l’opération, de l’illégalité des autres actes non réglementaires qui la constituent, quand bien même ils seraient devenus définitifs.
Il n’y a d’opérations complexes que celles qualifiées ainsi par la jurisprudence (cf. C.E. Section, 3 mai 1957, n° 3081, aux tables du Recueil Lebon, p. 278, s’agissant des décisions allant de l’ouverture à la publication des résultats d’un concours ; C.E., 10 février 1992, n° 96124, au Recueil Lebon, s’agissant des décisions aboutissant à la délivrance d’un diplôme ; C.E., 23 décembre 2016, n° 402500, au Recueil Lebon, s’agissant des décisions allant du licenciement de l’agent contractuel à son reclassement).
Si une décision autorisant un professeur stagiaire à effectuer une seconde et dernière année de stage ne forme pas avec la décision de licenciement prise au terme de la seconde année de stage une opération complexe (cf. C.E., 7 juillet 2010, n° 330407, aux tables du Recueil Lebon), il n’en est donc pas de même pour l’avis du jury académique qui s’inscrit dans la procédure d’évaluation du stagiaire au titre de l’année de stage concernée et conditionne, à la fin de l’année de stage, sa titularisation ou son licenciement. Cette décision commentée du 3 février 2021 se place dans le prolongement d’une jurisprudence de 1989 qui avait qualifié la procédure d’évaluation des enseignants stagiaires du premier degré, faisant intervenir une commission d’évaluation du stage, d’« opération complexe » (C.E., 6 janvier 1989, n° 86261, aux tables du Recueil Lebon).
RÉMUNÉRATION Réexamen de la rémunération d’un agent recruté par contrat à durée déterminée (C.D.D.) – Interdiction par le droit de l’Union européenne des différences de traitement entre les agents recrutés en C.D.D. et les agents recrutés en C.D.I. placés dans une situation comparable – Responsabilité pour faute de l’État (absence) – Possibilité de prendre en compte l’ancienneté de l’agent recruté en C.D.D. pour le calcul de sa rémunération lors du renouvellement de son contratC.A.A. Bordeaux, 4 février 2021, n° 19BX00514
Le droit de l’Union européenne (clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999) consacre un principe de non-discrimination interdisant les différences de traitement opérées entre les travailleurs recrutés à durée déterminée et ceux à durée indéterminée dès lors qu’ils sont placés dans une situation comparable (cf. C.E., 4 mai 2016, n° 389688 ; C.J.U.E., 7 mars 2013, Rafaela Rivas Montes c/ Instituto Municipal de Deportes de Córdoba (Imdeco), n° C-178/12, points 43-45 ; C.A.A. Versailles, 17 novembre 2016, n° 14VE02006).
L’article 1-3 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'État pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, dans sa version en vigueur jusqu’au 6 novembre 2014, prévoyait que la rémunération des agents employés à durée indéterminée faisait l'objet d'un réexamen au minimum tous les trois ans, notamment au vu des résultats de l'évaluation de l’agent. En revanche, aucune disposition de ce texte ne prévoyait de réévaluation de la rémunération d’un agent bénéficiant d’un contrat à durée déterminée.
Pour autant, l’article 1-3 du décret du 17 janvier 1986 n’excluait pas la possibilité de prendre en compte l’ancienneté des enseignants non titulaires en C.D.D. pour le calcul de leur rémunération, notamment lors du renouvellement de leur contrat, ainsi que le rappelle la cour administrative d’appel de Bordeaux dans la présente affaire.
Saisie d’un litige tendant à l’engagement de la responsabilité de l’État pour faute en raison de l’inconventionnalité de l’article 1-3 du décret du 17 janvier 1986 au regard du principe de non-discrimination prévu par le droit de l’Union européenne, la cour administrative d’appel a jugé, dans son arrêt du 4 février 2021, qu’un agent contractuel recruté en C.D.D. ne peut utilement se prévaloir, pour caractériser une faute susceptible d’engager la responsabilité de l’État, de cet article 1-3 puisque sa rémunération n’était pas fixée en application de cette disposition.
La cour a recherché, pour caractériser une éventuelle faute de l’État, si l’intéressé recruté en C.D.D. pouvait prétendre, par ses compétences et son expérience, à un réexamen de sa rémunération au cours de l’exécution de son C.D.D. ou à l’occasion du renouvellement de celui-ci. Le requérant n’apportant aucun élément sur ce point, la cour a jugé que la responsabilité de l’État ne pouvait être engagée du fait de l'absence de réévaluation de sa rémunération. N.B. : L’article 1-3 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 tel que modifié par le décret n° 2014-1318 du 3 novembre 2014 (article 2) prévoit désormais la réévaluation périodique de la rémunération des agents employés à durée déterminée.
QUESTIONS PROPRES AUX PERSONNELS DE L’ENSEIGNEMENT SCOLAIREPersonnels enseignants Enseignant – Professeur agrégé – Section de technicien supérieur – Obligations réglementaires de service – Majoration de serviceC.E., 21 janvier 2021, Ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, n° 428299
Un professeur agrégé de sciences physiques, en poste en section de technicien supérieur (S.T.S.) dans un lycée, avait demandé au recteur d’académie le versement d'un supplément d'indemnités au titre d’heures supplémentaires d’enseignement annualisées accomplies au cours d’années scolaires antérieures, qu’il estimait lui être dues.
À la suite du rejet implicite de sa demande par le recteur d’académie, le professeur avait saisi le tribunal administratif de Toulon, qui avait rejeté sa requête par un jugement du 10 novembre 2016. Par un arrêt n° 17MA00082 du 18 décembre 2018, la cour administrative d’appel de Marseille avait annulé le jugement du tribunal administratif et condamné l’État à verser à l’intéressé un supplément d’heures supplémentaires annualisées, en majorant d’un quart d’heure supplémentaire les heures d’enseignement technique pratique dispensées au cours des années scolaires en litige.
Statuant sur le pourvoi formé par le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, le Conseil d’État a rappelé les dispositions de l’article 1er du décret n° 61-1362 du 6 décembre 1961 modifiant et complétant le décret n° 50-582 du 25 mai 1950 relatif aux maximums de service hebdomadaire du personnel des établissements publics d'enseignement technique. Ces dispositions ont pour objet de tenir compte des conditions particulières d’exercice des fonctions assurées par les enseignants de S.T.S. en pondérant d’un quart d’heure supplémentaire les heures d’enseignement effectivement dispensées dans ces sections, sous réserve que le service horaire hebdomadaire effectif soit supérieur ou égal à treize heures trente pour les professeurs agrégés et quinze heures pour les professeurs non agrégés, tant pour déterminer le service hebdomadaire d’enseignement qu’un enseignant est tenu d’accomplir au regard de son maximum de service que pour calculer le montant de la rémunération majorée versée à raison de l’éventuel dépassement de ce maximum.
Or, en l’espèce, le professeur agrégé n’avait effectué qu’un service hebdomadaire d’enseignement de treize heures au cours de l’année scolaire 2013-2014. Dès lors, pour annuler l’arrêt sur ce point unique, le Conseil d’État a jugé que la cour administrative d’appel de Marseille avait commis une erreur de droit en appliquant une majoration alors que le service hebdomadaire de cet enseignant ne correspondait pas au maximum défini par le décret du 25 mai 1950.
Par cette décision, le Conseil d’État confirme la position de l’administration qui subordonne l’application de la majoration des heures effectuées en section de technicien supérieur à l’existence d’un service d’enseignement effectif minimum de treize heures trente par semaine pour les professeurs agrégés et de quinze heures pour les professeurs non agrégés. N.B. : Depuis la rentrée scolaire de septembre 2015, le décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d’enseignement du second degré a repris ce mécanisme de pondération introduit par le décret du 6 décembre 1961, en supprimant toutefois la réserve du service hebdomadaire minimum de treize heures trente ou quinze heures.
QUESTIONS PROPRES AUX PERSONNELS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHEEnseignants-chercheurs et enseignants RECRUTEMENT Qualification (C.N.U.) Demande d’inscription sur la liste de qualification aux fonctions de maître de conférences – Dossier incomplet – Obligation d’inviter à régulariser après l’expiration du délai légalement imparti, à peine d’irrecevabilité, pour présenter la demande (non)T.A. Paris, 6 janvier 2021, n° 1808944
Une professeure agrégée demandait au tribunal administratif de Paris d’annuler la décision par laquelle la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation avait déclaré irrecevable son dossier de candidature à l’inscription sur la liste de qualification aux fonctions de maître de conférences, au motif que son dossier n’était pas complet, le rapport de soutenance de thèse qu’elle avait fourni ne comportant pas la signature du président du jury exigée par le 4° de l’article 4 de l’arrêté du 5 juillet 2017 relatif à la procédure d'inscription sur les listes de qualification aux fonctions de maître de conférences ou de professeur des universités, dans sa version alors applicable.
Après avoir rappelé les dispositions des articles L. 114-5 et L. 114-6 du code des relations entre le public et l’administration (C.R.P.A.) relatives aux demandes de régularisation des dossiers incomplets ou irréguliers, le tribunal administratif a jugé qu’il résultait de ces dispositions combinées que « l'administration n'est tenue, à peine d'illégalité de sa décision, d'inviter l'auteur d'une demande affectée par un vice de forme ou de procédure, et notamment par un manque de pièce, à ne régulariser sa demande que si ce vice est susceptible d'être couvert dans les délais légaux » et que, par suite, « une telle obligation d’inviter à régulariser n’est pas applicable lorsque le vice affectant la demande, en particulier son caractère incomplet, est dûment opposé après l’expiration du délai qui a été légalement imparti à peine d’irrecevabilité pour présenter la demande et les pièces limitativement énumérées dont elle doit être assortie ».
Par conséquent, le tribunal administratif a jugé que « la méconnaissance des dispositions des articles L. 114-5 et L. 114-6 précités ne saurait être utilement invoquée à l'encontre d'une décision rejetant une candidature à la qualification de maître de conférences comme irrecevable et justifiée par le motif que le candidat n'a pas déposé, dans le délai légalement imparti à peine d'irrecevabilité, un dossier comportant toutes les pièces limitativement énumérées par l'arrêté du 5 juillet 2017 ».
Le tribunal, relevant en l’espèce que la requérante n’avait pas adressé avant la date limite de dépôt des pièces une version signée par le président du jury du rapport de soutenance de sa thèse, a jugé que la ministre était tenue de déclarer irrecevable sa candidature en vertu des dispositions du 4° de l’article 4 de l’arrêté du 5 juillet 2017 (cf. C.E., 24 novembre 2017, n° 398227, cons. 2 et 3).
Par ce jugement, le tribunal administratif a jugé que les dispositions des articles L. 114-5 et L. 114-6 du C.R.P.A., inapplicables aux relations entre l'administration et ses agents en vertu des dispositions de l’article L. 114-1 du même code, s’appliquaient aux relations entre l’administration et un candidat à l’inscription sur les listes de qualification aux fonctions d’enseignant-chercheur, nonobstant la circonstance que ce candidat avait, comme en l’espèce, la qualité d’agent public, reprenant la solution dégagée par le Conseil d’État dans sa décision du 17 décembre 2008 (n° 290494, aux tables du Recueil Lebon). Ce jugement est également l’occasion pour le tribunal administratif d’interpréter les dispositions combinées des articles L. 114-5 et L. 114-6 du C.R.P.A. et d’en tirer une exception à l’obligation d’inviter à régulariser une demande incomplète lorsque la demande doit être déposée avec toutes les pièces requises dans un délai légalement imparti à peine d'irrecevabilité et qu’elle a été rejetée comme irrecevable après l’expiration de ce délai.
Concours Maître de conférences – Concours de recrutement dit « étranger » (article 22 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984) – Dispense de qualification – Admission à concourir – Exercice effectif d’une activité d’enseignant-chercheur à l’étrangerC.A.A. Lyon, 7 janvier 2021, nos 19LY02626, 19LY02627 et 19LY02628
Un candidat s’était présenté à un poste de maître de conférences ouvert au sein d’une université au titre du recrutement dit « étranger » prévu au second alinéa de l’article 22 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences, dans sa version alors applicable, qui dispensait les candidats exerçant une fonction d'enseignant-chercheur d'un niveau équivalent à celui de l'emploi à pourvoir dans un établissement d'enseignement supérieur d'un État autre que la France (et eux seuls) de l'inscription sur la liste de qualification aux fonctions de maître de conférences. Sa candidature ayant été rejetée par le conseil académique de l’université, en formation restreinte aux enseignants-chercheurs, au motif tiré de l’insuffisance de la qualité de ses travaux universitaires, l’intéressé avait demandé l’annulation du concours de recrutement au tribunal administratif de Grenoble qui avait fait droit à sa demande et annulé, notamment, l’arrêté nommant le candidat retenu.
L’université et le ministère avaient interjeté appel du jugement, faisant valoir en particulier qu’à la date à laquelle le conseil académique s’était prononcé sur la demande d’admission à concourir de l’intéressé, ce dernier ne remplissait pas les conditions requises dès lors qu’il n’exerçait plus de fonctions d’enseignement au sein d’un établissement d’enseignement supérieur étranger.
Pour infirmer le jugement attaqué, la cour administrative d’appel de Lyon a rappelé qu’en application des dispositions de l’article 22 du décret du 6 juin 1984, « les candidats au concours de maître de conférences qui ne sont pas inscrits sur la liste de qualification établie par le Conseil national des universités peuvent être admis à concourir à la condition qu’ils exercent effectivement une activité universitaire d’enseignement de leur discipline à l’étranger ».
Précisant la portée de ces dispositions, la juridiction d’appel a précisé,« d’une part, [que] l’effectivité de l’expérience est seule à même de garantir, en l’absence de vérification a priori des compétences, une équivalence de niveau avec les candidats inscrits sur la liste et, d’autre part, [que] cette filière constituant une exception au principe de recrutement sur liste de qualification, elle doit être mise en œuvre strictement par l’administration ».
Par suite, la cour a jugé « que la vérification de la condition d’admission des candidats concernés doit intervenir à tous les stades de la procédure de recrutement et que le conseil académique, à la date à laquelle il statue, est tenu de rejeter comme irrecevables, les candidatures d’enseignants qui n’exerceraient pas ou n’exerceraient plus effectivement l’activité d’enseignant-chercheur dans un établissement d’enseignement supérieur d’un État autre que la France » (point 7 de l’arrêt).
En l’espèce, la cour a jugé que la réintégration juridique de l’intéressé, obtenue à la suite d’une décision juridictionnelle, n’avait eu qu’une incidence statutaire, de sorte qu’à la date à laquelle le conseil académique restreint avait statué sur sa demande d’admission à concourir, ce dernier n’exerçait plus d’activité effective d’enseignant-chercheur à l’étranger et elle a jugé que : « Le conseil académique restreint de l’université (…) était donc tenu de rejeter la candidature de [l’intéressé] au poste de maître de conférences en droit public au sein de cet établissement, alors même qu'il lui a opposé le motif tiré de l'insuffisance de la qualité de ses travaux universitaires. » (Point 8 de l’arrêt.)
N.B. : En exerçant un contrôle approfondi sur l’effectivité de l’activité d’enseignant-chercheur à l’étranger, la cour administrative d’appel de Lyon vient rappeler l’obligation faite à l’administration d’apprécier strictement, à tous les stades de la procédure de recrutement, les conditions permettant à un candidat de prétendre à la dispense de qualification prévue aux articles 22 (applicable aux maîtres de conférences) et 43 (applicable aux professeurs des universités) du décret n° 84-431 du 6 juin 1984.
Ce faisant, la cour rappelle la jurisprudence du Conseil d’État qui juge, à propos des dispositions de l’article 20 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, aux termes desquelles : « (…) S'il apparaît, au moment de la vérification des conditions requises pour concourir, laquelle doit intervenir au plus tard à la date de la nomination, qu'un ou plusieurs candidats déclarés aptes par le jury ne réunissaient pas lesdites conditions, il peut être fait appel, le cas échéant, aux candidats figurant sur la liste complémentaire », que la vérification des conditions requises pour participer à un concours peut intervenir à tous les stades de la procédure de recrutement, jusqu’à la date de la nomination du ou des candidats déclarés aptes par le jury (cf. C.E., 29 mai 2000, n° 184782, au Recueil Lebon ; C.A.A. Nantes, 20 décembre 1995, n° 94NT00246, au Recueil Lebon, 3e et 4e cons. ; C.E., 25 octobre 2004, n° 256944, aux tables du Recueil Lebon, 8e cons. ; C.E., 12 décembre 2018, n° 402347, 3e cons.).
À noter que le décret n° 2017-854 du 9 mai 2017 a assoupli le critère d’exercice d’une activité d’enseignant-chercheur à l’étranger en étendant aux candidats ayant cessé d’exercer une fonction d’enseignant-chercheur à l’étranger depuis moins de dix-huit mois la dispense de qualification aux fonctions d’enseignant-chercheur, modifiant ainsi les articles 22 et 43 précités du décret n° 84-431 du 6 juin 1984.
Établissements d’enseignement privés et instruction dans la familleÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PRIVÉSQuestions générales DIPLÔMES (EN CONVENTION, SOUS JURY RECTORAL, VISÉS) Établissement d’enseignement supérieur privé – Délivrance du diplôme de fin d’études d’ostéopathe – Compétence de la juridiction administrativeC.A.A. Bordeaux, 22 octobre 2020, n° 18BX02898
Une étudiante avait demandé au tribunal administratif de Pau d’annuler la décision par laquelle un établissement privé de formation en ostéopathie agréé par le ministère de la santé avait refusé de lui délivrer le diplôme de fin d’études d’ostéopathe au motif qu’elle n’avait pas obtenu une note obligatoire fixée par le règlement intérieur de l’établissement.
Saisie en appel du jugement du tribunal administratif du 7 juin 2018 ayant fait droit à la demande de l’étudiante, la cour administrative d’appel de Bordeaux a d’abord repris le considérant de principe du Conseil d’État pour déterminer les critères d’identification d’une activité de service public exercée par une personne privée. Ainsi, elle a rappelé que : « Indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public. Même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission » (C.E. Section, 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés [APREI], n° 264541, au Recueil Lebon).
En l’espèce, la cour a relevé que l’établissement privé dispensait une activité qui présentait un intérêt général dans la mesure où il assurait la formation conduisant à la délivrance du titre d’ostéopathe. Après avoir jugé que l’établissement ne répondait pas au second critère posé par la jurisprudence précitée, concernant l’existence de prérogatives de puissance publique, la cour a recherché s’il apparaissait qu’une mission de service public lui avait été confiée par l’administration. Elle a ainsi relevé que les missions de l’établissement s’exerçaient dans « les conditions prévues à l'article 7 du décret [n° 2007-437] du 25 mars 2007, alors applicable, relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation, concernant notamment le contenu et la durée des unités de formation, l'engagement dans une démarche d'évaluation de la qualité de l'enseignement dispensé, l'élaboration d'un projet pédagogique et la composition de l'équipe pédagogique. À défaut de respect de ces conditions, l'agrément peut être suspendu ou retiré en application de l'article 8 du même décret. (...). »
La cour a également constaté que s’agissant de la formation d’ostéopathe, « les textes règlementaires déterminent la durée et le contenu des programmes d’enseignement et les conditions de délivrance du diplôme ». Dès lors, elle a estimé que l’établissement assurait son activité « dans un cadre entièrement prédéfini par le législateur et le pouvoir réglementaire ».
Par conséquent, la cour a jugé que les conditions faisant regarder l’établissement comme assurant une mission de service public étaient réunies et qu’il appartenait par conséquent au juge administratif de connaître du litige relatif au refus de délivrance du diplôme de fin d’études d’ostéopathe. N.B. : La cour administrative d’appel de Lyon avait déjà retenu la compétence de la juridiction administrative en jugeant « que les établissements d'enseignement privés ayant obtenu de l'État la faculté de délivrer des diplômes d'ingénieur doivent être regardés comme assurant une mission de service public ; (…) qu'ainsi, les décisions que prennent les organes compétents de cet établissement, relatives à l'attribution du diplôme d'ingénieur, ont le caractère d'actes administratifs » (C.A.A. Lyon, 26 juin 2007, École supérieure de chimie, physique, électronique de Lyon, n° 06LY02212).
ResponsabilitéQUESTIONS GÉNÉRALESMise en cause de la responsabilité de l’administration RESPONSABILITÉ POUR FAUTE Élève victime d’un malaise – Appel des secours – Délai excessif (oui) – Défaut d’organisation du service (oui) – Temps périscolaire – Perte de chance de survie (non)C.E, 12 février 2021, n° 429801, aux tables du Recueil Lebon
Un jeune élève avait été victime d’un malaise cardiaque dans la cour de son école. Les personnels lui avaient immédiatement prodigué les premiers secours et avaient contacté les services d’urgence dix minutes après la survenance du malaise. L’élève était décédé quelques jours plus tard.
L’accident étant survenu au cours de la pause méridienne, ses parents avaient demandé au juge administratif de condamner la commune, en sa qualité d’organisatrice des activités périscolaires, à les indemniser de leur préjudice.
Confirmant le raisonnement des juges de première instance, le Conseil d’État a écarté l’existence d’une faute tenant à un défaut de surveillance, dans la mesure où les personnels de l’établissement avaient pris en charge la victime environ deux minutes après le début de son malaise.
En revanche, il a jugé que le délai de dix minutes qui s’était écoulé entre le malaise de l’élève et l’appel des services de secours était de nature à caractériser une faute dans l’organisation du service. À cet égard, le Conseil d’État a rappelé qu’il appartient aux personnels, même s’ils sont en mesure d’apporter eux-mêmes les premiers secours, d’appeler immédiatement les services de secours, comme le prévoient d’ailleurs toutes les consignes en matière de premiers secours. Toutefois, le juge a estimé qu’une telle faute était, dans les circonstances particulières de l’espèce, sans incidence sur les chances de survie de l’enfant. En effet, l’instruction, en particulier des rapports d’expertise, a permis d’établir que les manœuvres de réanimation avaient échoué en raison d’une maladie cardiaque génétique dont le jeune élève était atteint. Le retard dans l’intervention des services de secours n’a donc pas eu, en l’espèce, d’incidence sur les chances de survie de l’enfant.
Crise – Situation exceptionnelleTEXTES RELATIFS À L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE – COVID-19Décrets pris en application des lois d’urgence État d’urgence – Obligation du port du masque – Refus d’accès à l’établissement – Atteinte à une liberté fondamentale (non)J.R.C.E., 7 novembre 2020, n° 445821
L’article 36 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire a instauré une obligation de porter un masque de protection pour les élèves des écoles élémentaires, obligation identique à celle qui s’imposait déjà aux collégiens et lycéens depuis la rentrée 2020 (article 36 du décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l’urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé).
Le refus de certains parents que leurs enfants se conforment à cette obligation s’est traduit, d’une part, par des recours demandant la suspension des dispositions réglementaires instaurant une telle obligation et, d’autre part, par des recours introduits contre les refus des directeurs d’école ou des chefs d’établissement d’accueillir dans leur établissement ces enfants sans masque.
S’agissant des dispositions du décret du 29 octobre 2020, le Conseil d’État a jugé que « dans la situation actuelle de circulation particulièrement rapide du virus et eu égard à l’objectif primordial que les enfants de 6 à 11 ans puissent continuer à avoir accès à l’éducation dans les établissements scolaires, l’obligation qui leur est faite de porter le masque, sous l’encadrement et la supervision d’adultes, ainsi que le recommandent l’Organisation mondiale de la santé et l’UNICEF, dans les établissements scolaires et, dans la mesure du possible, dans les autres lieux, n’apparaît pas comme portant à leurs droits une atteinte grave et manifestement illégale » (J.R.C.E., 7 novembre 2020, n° 445821).
Le Conseil d’État a également jugé qu’il n’était pas établi que l’obligation faite aux enfants de porter un masque serait de nature à les exposer à des risques particuliers pour leur santé « tant en ce qui concerne la toxicité que l’altération du système respiratoire, et qu’il appartient aux enseignants comme aux parents de s’assurer que le masque porté par l’enfant n’entraîne pas d’irritation ou de lésion » (J.R.C.E., 23 novembre 2020, n° 45983 ; J.R.C.E., 11 janvier 2021, n° 447993).
Enfin, s’agissant des troubles de l’apprentissage invoqués par les requérants, le Conseil d’État a jugé que cette circonstance ne saurait être vue comme une atteinte disproportionnée à l’intérêt de l’enfant, eu égard au caractère récent de sa mise en œuvre. Il a relevé, en outre, que des mesures avaient été prises pour les élèves particulièrement fragiles, comme les enfants atteints de surdité et les enfants en situation de handicap, qui disposaient d’un certificat médical justifiant d’une dérogation au port du masque telle que prévue par le décret du 29 octobre 2020 (J.R.C.E. n° 445983, susmentionnée). En ce qui concerne les demandes de parents tendant à la suspension des décisions des directeurs d’école ou des chefs d’établissement refusant d’admettre leurs enfants dans leur établissement au motif qu’ils ne portaient pas de masque, les tribunaux administratifs ont, dans leur quasi-totalité, rejeté les requêtes qui leur étaient soumises. Certains ont relevé que l’urgence à suspendre la décision en litige résultait de la seule volonté des parents de ne pas voir leur enfant porter un masque en milieu scolaire (J.R.T.A. Nîmes, 16 novembre 2020, n° 2003472 ; J.R.T.A. Toulon, 12 novembre 2020, n° 2003115). Un juge des référés de tribunal administratif a même infligé à une requérante une amende pour recours abusif en relevant qu’elle se bornait à invoquer des dispositions de portée générale présentées en l’absence de tout raisonnement articulé et dans une démarche parfois contradictoire, en soutenant notamment que le refus d’accueillir son fils en milieu scolaire au motif qu’il n’était pas pourvu d’un masque l’exposait ainsi à la contagion et était contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant (J.R.T.A. Strasbourg, 10 novembre 2020, n° 2006990). Le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens a, quant à lui, écarté le port d’une visière de protection comme ne satisfaisant pas à l’obligation du port du masque, ce qui justifiait la décision de refus d’admission de l’élève en classe (J.R.T.A. Amiens, 17 novembre 2020, n° 2003662).
SportsAssociation nationale des supporters – Intérêt donnant qualité pour agir à l’encontre de sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre des clubs organisateurs de rencontres sportives en présence de désordres résultant de l’attitude du public (absence) – Qualité de tiers dans la procédure disciplinaireC.A.A. Paris, 19 janvier 2021, Ligue de football professionnel, n° 19PA01579 Lors de trois rencontres opposant en 2017 le club de football de l’Olympique de Marseille à trois autres associations sportives, des supporters du club marseillais avaient allumé des engins pyrotechniques depuis les tribunes du stade Vélodrome. Ces débordements avaient conduit la commission de discipline de la Ligue de football professionnel à prononcer une sanction de fermeture des espaces réservés à trois groupes de supporters dans certains espaces du Vélodrome lors d’une rencontre sportive.
Par un jugement du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Paris, saisi par l’Association nationale des supporters, avait annulé la sanction disciplinaire prise par la commission de discipline de la Ligue de football professionnel au motif qu’elle aurait été prise au terme d’une procédure méconnaissant le principe d’impartialité, le président de cette instance disciplinaire ayant pris publiquement des positions de principe sur l’implication des groupes de supporters et les sanctions à mettre en œuvre. La cour administrative d’appel de Paris a censuré ce jugement, en estimant que l’Association nationale des supporters n’était pas recevable à demander l’annulation de cette sanction en l’absence de qualité lui donnant intérêt pour agir. Seuls les clubs organisateurs, qui sont tenus à une obligation de résultat quant à la sécurité dans le déroulement des rencontres, sont passibles de sanctions sans qu’ait à être prise en compte la répercussion éventuelle de ces sanctions sur des tiers. Les supporters, qui ont la qualité de tiers dans la procédure disciplinaire, ne justifient d'aucune qualité leur donnant intérêt à déférer au juge administratif la sanction qui frappe un club.
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Enseignement supérieur et rechercheADMINISTRATION ET FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEURÉtablissement public – Modalités de publication des délégations de signature du présidentNote DAJ B1 n° 2021-0020 du 26 février 2021
La direction des affaires juridiques a été saisie, pour avis, par un établissement public administratif, sur la conformité aux textes de la procédure de publication des délégations de signature que son président peut accorder aux agents de catégorie A de cet établissement.
L’article L. 221-2 du code des relations entre le public et l’administration (C.R.P.A.) définit les conditions de l’entrée en vigueur d’un acte règlementaire. Toutefois, aucun autre texte ne prévoyant de modalités particulières de publication des actes de délégation de signature du président de l’établissement concerné, le mode de publication choisi devait remplir deux exigences : d’une part, offrir une garantie de publicité suffisante au regard de la nature et de l’objet de la décision, des circonstances d’espèce, de la qualité des destinataires et des personnes susceptibles d’être concernées et, d’autre part, permettre d’établir la date de cette publication.
En premier lieu, concernant les décisions réglementaires destinées à régir la situation d’usagers et de tiers, le Conseil d’État a précisé qu’« en l'absence de dispositions prescrivant une formalité de publicité déterminée, les délibérations ayant un caractère réglementaire d'un établissement public sont opposables aux tiers à compter de la date de leur publication au bulletin officiel de cet établissement ou de celle de leur mise en ligne, dans des conditions garantissant sa fiabilité, sur le site internet de cette personne publique ; (…) toutefois, compte tenu de l'objet des délibérations et des personnes qu'elles peuvent concerner, d'autres modalités sont susceptibles d'assurer une publicité suffisante (…) », parmi lesquelles est cité l’affichage (cf. C.E., 24 avril 2012, Établissement public Voies navigables de France, n° 339669, au Recueil Lebon).
Le Conseil d’État a d’ailleurs jugé que « la publication [d’une] délégation de signature au bulletin officiel du ministère [de tutelle] a, en raison de l’objet d’une telle décision, été suffisante pour lui conférer date certaine et la rendre opposable aux tiers » (C.E., 23 juillet 2003, Société C.L.L. Pharma, n° 243926, aux tables du Recueil Lebon).
En second lieu, concernant les actes réglementaires relatifs à la situation des personnels d’un établissement public, le Conseil d’État a jugé, dans une décision du 11 janvier 2006, « qu'aucun principe général non plus qu'aucune règle ne s'oppose à ce que la publication d'une décision réglementaire régissant la situation des personnels d'un établissement public prenne la forme d'une mise en ligne de cette décision sur l’intranet [de cet établissement] ; que, toutefois, ce mode de publicité n'est susceptible de faire courir le délai de recours contentieux à l'égard des intéressés et des groupements représentatifs du personnel qu'à la condition, d'une part, que l'information ainsi diffusée puisse être regardée, compte tenu notamment de sa durée, comme suffisante et, d'autre part, que le mode de publicité par voie électronique et les effets juridiques qui lui sont attachés aient été précisés par un acte réglementaire ayant lui-même été régulièrement publié » (C.E., 11 janvier 2006, Syndicat national C.G.T.-A.N.P.E., n° 273665, aux tables du Recueil Lebon).
Dès lors qu’en l’espèce, les délégations données à certains personnels pour les compétences relevant du président de l’établissement intéressent les tiers à cet établissement, le choix d’une publication sur internet est de nature à assurer une publicité suffisante.
Les publications officielles sont désormais assurées sous forme électronique, avec les mêmes effets de droit que leur publication imprimée, pour les bulletins officiels ministériels, comme le prévoit l’article L. 221-17 du C.R.P.A. (cf. C.E., 20 mars 2019, n° 401774, aux tables du Recueil Lebon, s’agissant de la publication d’une circulaire ministérielle au bulletin officiel ministériel dématérialisé), et, depuis le 1er janvier 2016, pour le Journal officiel de la République française qui est diffusé exclusivement sous cette forme, conformément à l’article L. 221-10 du C.R.P.A., dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1713 du 22 décembre 2015 portant dématérialisation du Journal officiel de la République française (article 1).
En termes d'accessibilité aux tiers, la différence avec des publications sur les sites internet des établissements publics, qui pouvait encore être relevée dans la jurisprudence du Conseil d’État précitée, s’en est trouvée atténuée. Néanmoins, cette différence peut encore être diminuée en réservant, sur le site internet en question, un espace de publication plus aisément identifiable et consultable par les personnes susceptibles d'avoir un intérêt leur donnant qualité pour contester les actes qui y sont publiés.
Tout en admettant la possibilité d’une publication sur internet en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires prévoyant un autre mode de publication, le Conseil d’État a exigé, dans le cas d’actes de droit souple, émanant d’une autorité de régulation à destination d’un public professionnel, qui, par nature, n'entraînent aucun effet juridique, que les actes en question fassent bien l’objet d’une mise en ligne dans un espace dédié et bien identifié plutôt que d'informations réparties dans différentes rubriques (cf. C.E. Section, 13 juillet 2016, Société G.D.F. Suez, n° 388150, au Recueil Lebon).
Le Conseil d’État a également jugé que, même en l’absence d’affichage, la mise en ligne sur le site internet d’une préfecture, dans la rubrique Recueil des actes administratifs « dans des conditions garantissant la fiabilité et la date de la mise en ligne de tout nouvel acte », avait bien fait courir à l'égard du requérant le délai de recours contentieux de deux mois prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative (C.E., 27 mars 2020, Syndicat agricole des petits planteurs de Cadet Sainte-Rose, n° 435277, aux tables du Recueil Lebon).
En ce qui concerne la condition tenant à un degré de fiabilité suffisant pour attester à la fois de l’existence et de la date de la publication sur internet, la jurisprudence semble accepter diverses modalités d’affichage, ayant valeur de preuve, de la date de publication sur internet par l'autorité administrative (pour des actes de droit souple, cf. C.E. Section n° 388150, précité ; pour des actes réglementaires : C.E. n° 273665, précité ; et pour des actes individuels : C.E., 25 novembre 2015, Société Gibmedia, n° 383482, au Recueil Lebon), qui peut être apportée, par exemple, par un horodatage. S’agissant des délégations de signature ayant fait l’objet d’un archivage une fois devenues caduques, il incombe de la même manière à l’établissement, en cas de contestation contentieuse, d’apporter la preuve de l’existence de leur publication régulière et de la date à laquelle elles avaient été publiées.
PersonnelsQUESTIONS COMMUNESDroits et garanties Extension de la protection fonctionnelle aux ayants droit du fonctionnaireNote DAJ A2 n° 2021-0018 du 1er mars 2021
Dans le cadre d’une demande de protection fonctionnelle adressée par les ayants droit d’un professeur au recteur de l’académie de Toulouse, la direction des affaires juridiques a été interrogée sur la question de déterminer si les « atteintes volontaires à l’intégrité de la personne », mentionnées au premier alinéa du V de l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, se limitent aux seules atteintes à l’intégrité physique de la personne.
Le fonctionnaire a droit à la protection fonctionnelle lorsqu’il subit, à raison de ses fonctions, des attaques telles que des atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, des violences, des agissements constitutifs de harcèlement, des menaces, des injures, des diffamations ou des outrages, en l’absence de toute faute personnelle (cf. IV de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983).
La loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a étendu la protection fonctionnelle aux proches du fonctionnaire en insérant un V à l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. Cette protection ne peut toutefois être accordée que sous deux conditions dans le cadre du premier alinéa du V de l’article 11 : d’une part, les proches doivent engager préalablement une action civile ou pénale contre les auteurs des atteintes pour demander l’octroi de la protection fonctionnelle et, d’autre part, ils doivent être eux aussi victimes d’atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, du fait des fonctions exercées par le fonctionnaire.
Ainsi, à la différence du IV de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, qui mentionne également « les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages », le premier alinéa du V n’évoque que les seules « atteintes volontaires à l’intégrité de la personne ».
Il n’existe pas encore de jurisprudence portant sur l’octroi de la protection fonctionnelle sur ce fondement.
L'étude d'impact comme les rapports parlementaires relatifs à la loi du 20 avril 2016 révèlent une volonté d’aligner le régime de la protection fonctionnelle des ayants droit sur le régime qui était alors le plus favorable, à savoir celui de l’administration pénitentiaire (article 16 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire) qui, loin de limiter le champ des atteintes qu’il couvre aux atteintes à l’intégrité physique, mentionne des « menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages ».
En outre, la lettre même du premier alinéa du V de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, en ce qu’elle ne distingue pas les atteintes à l’intégrité physique des atteintes à l’intégrité psychique, peut être regardée comme allant dans le sens d’une prise en compte de ces dernières.
La DAJ a ainsi relevé que le chapitre II du titre II du code pénal s’intitule « Des atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne » et que sa première section, intitulée « Des atteintes volontaires à l’intégrité de la personne », n’opère pas de distinction entre l’intégrité physique ou psychique. L’article 222-14-3 y dispose que les violences sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques.
La Cour de cassation a également jugé que « le délit de violences est constitué, même sans atteinte physique de la victime, par tout acte de nature à impressionner vivement celle-ci et à lui causer un choc émotif » (Cass. crim., 18 mars 2008, n° 07-86.075, au Bulletin). Il en résulte que la notion « d’atteintes volontaires à l'intégrité de la personne » du premier alinéa du V de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ne semble pas se limiter aux seules violences physiques directes et pourrait s’étendre aux atteintes à l’intégrité psychique des ayants droit du fonctionnaire (par exemple, des menaces graves et violentes proférées dans des lettres anonymes).
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Le point sur | ||
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L’exécution d’une décision juridictionnelle annulant un jugement d’annulation d’une décision administrative ou mettant fin à la suspension de son exécution
Un jugement prononçant l’annulation d’une décision administrative ou en suspendant son exécution s’impose à l’administration dès sa notification. Sauf lorsque le sursis à exécution est prononcé par une juridiction supérieure, l’exercice d’une voie de recours contre un tel jugement ou une ordonnance de référé ne suspend pas ses effets et l’administration est tenue d’exécuter ces décisions juridictionnelles.
L’autorité administrative peut alors être tenue de prendre une ou plusieurs décisions pour exécuter un jugement annulant l’une de ses décisions ou en suspendant ses effets, y compris lorsque l’annulation ou la suspension ne sont pas assorties d’une injonction prononcée sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative.
I. L’ANNULATION OU LA SUSPENSION DE L’EXÉCUTION D’UNE DÉCISION ADMINISTRATIVE IMPLIQUE OU PERMET QUE SOIENT PRISES DE NOUVELLES DÉCISIONS, LESQUELLES REVÊTENT UN CARACTÈRE PROVISOIRE JUSQU’AU RÈGLEMENT DÉFINITIF DU LITIGE
1. Lorsque l’annulation rétroactive de l’acte ne permet pas, à elle seule, de rétablir la situation telle qu’elle devait être, l’autorité administrative doit prendre les mesures nécessaires afin d’assurer l’exécution de la décision juridictionnelle.
Il en est ainsi, par exemple, lorsque l’annulation concerne une décision administrative prise à la demande de l’administré : l’administration doit alors se prononcer à nouveau sur cette même demande (C.E. Section, 7 décembre 1973, Ministre de l’agriculture et du développement rural, nos 88252 et 91237, au Recueil Lebon).
Il en est de même lorsque l’annulation entraîne un vide juridique que l’administration est tenue de combler (C.E., 15 juin 2005, n° 261170, aux tables du Recueil Lebon, s’agissant de l’obligation d’établir une liste de candidats admis à un concours) ou encore lorsqu’elle contraint l’administration à procéder à la reconstitution de la situation administrative d’un fonctionnaire (C.E., 26 décembre 1925, Sieur Rodière, n° 88369, au Recueil Lebon ; C.E., 29 décembre 1995, n° 129659, au Recueil Lebon).
Enfin, l’annulation d’une décision administrative peut entraîner, par voie de conséquence, l’annulation des décisions prises en application de cet acte annulé et des décisions dont celui-ci constitue la base légale (C.E. Section, avis, 30 décembre 2013, n° 367615, au Recueil Lebon).
Les mesures prises par l’administration pour assurer l’exécution des décisions juridictionnelles d’annulation revêtent un caractère rétroactif pour toute la période pendant laquelle les décisions administratives annulées ont produit leurs effets.
2. De même, la suspension par le juge des référés de l’exécution de certaines décisions administratives peut appeler le prononcé de mesures d’exécution. Ainsi, en cas de suspension d’une décision d’éviction du service, l’administration doit procéder à la réintégration provisoire de l’agent à compter de la notification de l’ordonnance de référé (cf. C.E., 23 mai 2018, Ministre d'État, ministre de l'intérieur, n° 416313, aux tables du Recueil Lebon) et en tirer toutes les conséquences financières, sans préjudice de celles de la décision par laquelle il sera statué par la suite sur la requête en annulation ou en réformation (C.E., 13 juin 2003, n° 243615, au Recueil Lebon).
En matière disciplinaire, l’administration peut reprendre une nouvelle sanction à condition de remédier aux vices identifiés par le juge des référés. Lorsque la sanction est annulée ou suspendue en raison de sa disproportion au regard des faits reprochés à l’agent, l’administration peut prononcer à son encontre une nouvelle sanction moins élevée (cf. T.A. Nancy, 18 mars 2021, nos 2002135 et 2002617, et T.A. Paris, 13 juin 2019, n° 1822802, s’agissant d’une sanction dont l’exécution a été suspendue).
Les actes pris en exécution d’un jugement annulant une décision administrative ne revêtent toutefois qu’un caractère provisoire jusqu’à ce qu’il soit statué définitivement sur le litige.
II. LORSQUE L’ANNULATION D’UNE DÉCISION ADMINISTRATIVE OU LA SUSPENSION DE SON EXÉCUTION EST REMISE EN CAUSE PAR UNE DÉCISION JURIDICTIONNELLE ULTÉRIEURE, LES ACTES PRIS POUR LEUR EXÉCUTION PEUVENT ÊTRE RETIRÉS DANS UN DÉLAI FIXÉ, EN PRINCIPE, À QUATRE MOIS
Il peut advenir qu’un jugement annulant une décision administrative soit lui-même annulé par une juridiction supérieure. Cette annulation n'a toutefois pas pour effet de faire disparaître les décisions administratives prises pour l’exécution de ce jugement, mais ouvre à l’administration la faculté de retirer ou d'abroger ces dernières décisions, y compris lorsque celles-ci sont créatrices de droits (C.E., 19 mai 2010, Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, n° 332207, aux tables du Recueil Lebon). Pour le dire autrement, l’administration doit donc intervenir explicitement pour faire disparaître de l’ordonnancement juridique les actes pris en exécution d’une décision de justice ultérieurement annulée.
Le retrait ou l’abrogation de l’ensemble des décisions administratives prises pour l’exécution d’une décision d’annulation ou d’une ordonnance de référé-suspension doit toutefois intervenir dans un délai raisonnable, courant à compter de la date à laquelle la décision juridictionnelle annulant ce jugement ou cette ordonnance a été notifiée à l’administration. Ce délai est fixé en principe à quatre mois (cf. C.E., n° 332207, susmentionnée). En cas d’inaction de l’administration au-delà de ce délai, ces décisions créatrices de droit ne peuvent plus être retirées ou abrogées sans l’accord de la personne intéressée (C.E., 10 juillet 2020, n° 430609, aux tables du Recueil Lebon).
En revanche, des décisions créatrices de droits prises postérieurement à la date de notification de la décision juridictionnelle ne sauraient être regardées comme provisoires et ne peuvent être retirées, conformément au droit commun, que si elles sont entachées d'illégalité et dans un délai de quatre mois à compter de leur signature (cf. C.E., n° 416313, précitée).
Il en va ainsi, par exemple, de la décision de reclassement d’échelon dans un corps prise en exécution d’une annulation d’une première décision de reclassement, qui ne peut être retirée, avec toutes les conséquences financières qui y sont attachées, que dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la décision d’annulation (C.E., 11 mars 2020, Ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, n° 403560).
Il en est de même s’agissant de la rémunération d’un agent contractuel, cas de figure dans lequel l’autorité académique a la faculté de retirer les avenants relatifs à la réévaluation de cette rémunération passés en exécution d’un jugement d’annulation censuré en appel. Le retrait de ces avenants a alors pour effet de rétablir dans l’ordonnancement juridique, avec effet rétroactif, le contrat ou l’avenant précédent portant évaluation de la rémunération de l’agent qui avait fait l’objet d’une annulation par le juge de première instance.
En matière disciplinaire, lorsque l’annulation d’une sanction est elle-même annulée ou, s’agissant d’une sanction suspendue par le juge des référés, lorsque le recours tendant à l'annulation de la sanction est ensuite rejeté, l’administration a le choix de conserver la seconde sanction prise en exécution de ces décisions ou bien de la retirer, ainsi que l’ensemble des actes subséquents, au profit de la sanction initiale dans le même délai de quatre mois. Lorsque la sanction initiale est une mesure d'éviction du service, la répétition de la rémunération versée à l’agent n’est possible qu’en l’absence de service fait (cf. C.E., 17 mai 2017, n° 397053, aux tables du Recueil Lebon).
En outre, lorsque l’administration envisage d’abroger ou de retirer des décisions prises pour les besoins de l’exécution d’un jugement annulé, elle doit, avant de procéder à ce retrait ou cette abrogation, inviter l’intéressé à présenter ses observations et, selon la nature des décisions concernées, mettre l’agent en mesure de prendre connaissance de son dossier.
Frédéric Rochambeau | |
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