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Le Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.

Organisation générale

Partenariat

Partenariat renforcé entre l'autorité judiciaire et les services du ministère chargé de l'éducation nationale

NOR : MENH1521584C

Circulaire n° 2015-153 du 16-9-2015

MENESR - DGRH - JUSTICE - DACG

Texte adressé aux procureurs généraux près les cours d'appel ; au procureur de la République près le tribunal supérieur d'appel ; aux procureurs de la République ; aux rectrices et recteurs d'académie
Référence : circulaire du 11-3-2015

De récentes affaires mettant en cause des agents de l'éducation nationale préalablement condamnés ou mis en cause par l'institution judiciaire ont montré des dysfonctionnements systémiques dans le circuit de transmission des informations entre la justice et l'éducation nationale. Le renforcement de la coopération entre les services constitue donc une impérieuse nécessité pour assurer durablement la protection des mineurs et faire en sorte que ce type d'événements ne se reproduise pas.

Pour assurer l'efficacité et la pérennité du circuit de transmission des informations, nous avons décidé, dans le prolongement des travaux conduits entre des recteurs et des procureurs généraux et sur la base des préconisations du rapport établi conjointement par les inspections générales (IGAENR et IGSJ) de nos deux ministères (1), de la généralisation des référents justice auprès des recteurs d'académie ainsi que des magistrats référents éducation nationale auprès de chaque parquet. Des modalités précises et sécurisées d'échanges d'informations doivent également être mises en œuvre.

Ce nouveau dispositif est mis en place dès cette rentrée scolaire 2015 dans l'ensemble des parquets et académies. Il sera complété ultérieurement sur la base des dispositions législatives qui seront soumises par le Gouvernement au Parlement ainsi que des évolutions réglementaires qui seront élaborées pour permettre des possibilités plus larges d'accès au bulletin numéro deux du casier judiciaire.

La présente circulaire a pour objectif de décrire les orientations générales du dispositif à mettre en œuvre immédiatement et de préciser les modalités selon lesquelles des informations seront échangées entre nos administrations.

I - Organisation du réseau des référents justice de l'éducation nationale

A - Positionnement des référents

Les recteurs ont désigné durant l'été pour chaque académie un référent académique justice qui a vocation à assurer l'interface entre l'éducation nationale et l'autorité judiciaire pour toutes les affaires qui concernent :

- les élèves victimes ou mis en cause pour des faits commis dans le cadre scolaire ;

- les agents, victimes à l'occasion de l'exercice de leur fonction, mis en cause ou condamnés.

En fonction du nombre de tribunaux de grande instance (TGI) par académie et du nombre potentiel d'affaires à suivre, le recteur peut constituer, en appui au référent académique qu'il a désigné, une cellule comprenant plusieurs référents supplémentaires, choisis parmi les personnels des directions départementales des services de l'éducation nationale, chacun ayant la responsabilité d'un ou plusieurs TGI et étant l'interlocuteur de référence d'un ou plusieurs départements. Il ne pourra être désigné plusieurs référents pour un même tribunal.

Cette cellule est animée par le référent académique qui coordonne, sous l'autorité du recteur, l'ensemble des relations avec l'autorité judiciaire dans l'académie. L'organisation retenue par le recteur est communiquée à la direction générale des ressources humaines du ministère chargé de l'éducation nationale ainsi qu'aux procureurs généraux et procureurs de la République du ressort de l'académie.

Selon l'organisation mise en place, les magistrats pourront ainsi contacter soit le référent académique, soit le référent spécialement désigné pour leur TGI.

   

B - Profil et formation des référents

1 - Profil des référents

En fonction de la charge des affaires suivies, les référents pourront être spécialement dédiés aux relations avec l'autorité judiciaire ou faire partie d'une structure plus large. Il pourra s'agir par exemple de proviseurs vie scolaire, de conseillers sécurité, de responsables de service juridique ou de service de ressources humaines. Les référents justice contribuent aux activités de veille, d'aide et d'appui mises en place dans les académies pour améliorer le climat scolaire. Ils sont tenus au secret professionnel, dont la violation est réprimée par le code pénal.

2 - Formation des référents

L'ensemble des référents justice bénéficieront d'une formation, qui sera organisée conjointement par les deux ministères. Cette formation comportera un volet national sur le cadre général de leur action ainsi qu'un temps de découverte des TGI avec lesquels ils sont en relation. Elle permettra d'aborder les règles essentielles de la procédure pénale ainsi que de présenter les dispositions relatives au secret de l'enquête, de l'instruction et au secret professionnel.

Cette formation permettra enfin un partage collectif sur les retours d'expérience par les acteurs de terrain pratiquant déjà une forme similaire de coopération renforcée.

   

C - Rôle des référents

Les référents interviennent dans l'ensemble des échanges qui ont lieu entre les services de l'éducation nationale et le parquet.

Leurs missions principales sont notamment :

- l'analyse des remontées d'incidents et de faits graves au sein des services de l'éducation nationale et la vérification des signalements à la cellule de recueil des informations préoccupantes en cas de danger pour un mineur ou au procureur de la République si une infraction est constatée (article 40 du code de procédure pénale) ;

- le recueil des informations transmises par l'autorité judiciaire, leur analyse et l'information des différents acteurs concernés ;

- la vérification de la mise en œuvre des procédures administratives ;

- le suivi des procédures judiciaires en cours en interrogeant le parquet compétent ;

- l'animation, la sensibilisation et l'accompagnement des différents services de l'éducation nationale dans les procédures de signalement.

Au regard des textes actuels régissant l'application Cassiopée et de la finalité de ce fichier, il n'est pas prévu de donner un accès direct à cette application aux référents justice désignés par le ministère chargé de l'éducation nationale. Ces derniers formeront donc leurs demandes d'informations auprès du référent éducation nationale du parquet, qui lui communiquera les informations utiles et susceptibles de transmission en retour.

II - Désignation de magistrats référents éducation nationale au sein des parquets

Au sein de chaque parquet, un magistrat référent sera désigné pour suivre les relations avec les services de l'éducation nationale et notamment avec le référent justice compétent désigné par le recteur.

Il aura pour rôle d'entretenir des relations régulières avec le référent justice désigné au sein des services de l'éducation nationale et de s'assurer notamment que les demandes formulées par ce dernier sont prises en compte et traitées dans les meilleurs délais.

Ce référent éducation nationale n'a pas vocation à adresser l'ensemble des avis de poursuites et de condamnations au référent justice désigné par le recteur, cette charge devant être répartie entre les services concernés du parquet.

III - Modalités des échanges d'informations

A - Personnes concernées

L'objectif de la transmission d'informations, au-delà de la prise de mesures conservatoires et de l'exercice éventuel de poursuites disciplinaires à l'encontre de l'agent concerné, vise la protection des mineurs accueillis par le service public de l'éducation.

Les personnes concernées par les échanges d'informations sont celles qui, dans le cadre de leur profession ou activité, ont un contact habituel avec les mineurs. Il s'agit des personnels exerçant leur activité dans une école publique ou privée, un établissement d'enseignement public ou privé du second degré ou un service de l'éducation nationale quel que soit le statut de l'agent ou sa fonction.

   

B - Infractions concernées

Pour permettre à l'autorité judiciaire et à l'éducation nationale d'assurer leur mission de protection des mineurs, la transmission d'informations vers les référents justice du ministère chargé de l'éducation nationale concernera les procédures diligentées pour des infractions commises au préjudice de mineurs et notamment les faits de violences volontaires, de pédopornographie et les infractions de nature sexuelle visées à l'article 706-47 du code de procédure pénale.

Par ailleurs, il est également opportun d'informer les référents justice du ministère chargé de l'éducation nationale des procédures relatives à des faits de provocation directe à des actes de terrorisme ou d'apologie publique de tels actes.

Cette priorité accordée aux infractions concernant les mineurs n'entend pas exclure la possibilité de transmissions concernant d'autres types de condamnations concernant d'autres types d'agents, toutes les fois que la nature de l'infraction ou les circonstances de sa commission justifiera pour le parquet une information de l'autorité administrative.

   

C - Moment de l'information

Le référent justice désigné par le recteur sera toujours informé des décisions de condamnation portant sur les faits mentionnés au point B ci-dessus, les décisions de condamnation étant rendues en audience publique.

En outre, en application de l'article R. 156 du code de procédure pénale, le parquet compétent répondra favorablement à toute demande de transmission de la décision de condamnation ou de relaxe.

S'agissant de l'information en cours de procédure, et conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (2), le secret de l'enquête et de l'instruction n'est pas opposable au ministère public qui, dans l'exercice des missions que la loi lui attribue, peut apprécier l'opportunité de communiquer à un tiers des informations issues d'une procédure en cours, dans le respect de la présomption d'innocence.

Dès lors, il appartient au cas par cas au procureur de la République compétent d'apprécier si l'information de l'engagement de poursuites pour l'une des infractions précédemment mentionnées à l'encontre d'un agent qui, du fait de la nature de sa fonction, est en contact habituel avec des mineurs, est nécessaire à l'exercice, par les autorités du ministère chargé de l'éducation nationale, de leur mission de protection des mineurs accueillis dans la cadre du service public de l'éducation.

Par ailleurs, il doit être rappelé que les dispositions de l'article R. 18 du code de procédure pénale imposent que lorsque le juge d'instruction prononce, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, une interdiction d'exercer une activité de nature professionnelle ou sociale en application du 12° de l'article 138 de ce code, avis en est donné s'il y a lieu à l'autorité hiérarchique dont relève la personne mise en examen. Cette procédure devra être mise en œuvre sans défaut.

Dès lors qu'une information aura été donnée à l'éducation nationale en cours de procédure, il appartiendra au parquet compétent de veiller à l'avertir de l'issue de cette procédure afin de lui permettre d'en tirer les conséquences en matière disciplinaire. L'avis d'information sera joint au dossier.

   

D - Contenu de l'information

Conformément aux dispositions de l'alinéa 3 de l'article 11 du code de procédure pénale, les informations transmises au stade des poursuites doivent être des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre la personne mise en cause.

Ainsi, l'avis d'information doit comporter l'identité de la personne, la qualification juridique des faits reprochés, leur date et lieu de commission, la profession ou l'activité exercée par l'intéressé ainsi que son lieu d'activité.

Par ailleurs, il est souhaitable que cet avis précise quelques éléments sur le contexte de commission et la nature des faits reprochés, afin de permettre à l'autorité administrative du ministère chargé de l'éducation nationale d'évaluer les conséquences des faits sur l'activité de l'intéressé et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires.

Lorsque cet avis intervient postérieurement à la condamnation, sont en outre précisés la date et le lieu de la condamnation et le dispositif de la décision. Il est également indiqué si la décision est définitive ou si elle a fait l'objet de l'exercice d'une voie de recours.

Vous trouverez ci-joint des modèles d'avis d'information.

IV - Modalités de transmission des informations

Les échanges d'informations se dérouleront principalement par courriers électroniques, aux adresses qui feront l'objet d'une diffusion au sein de chaque ministère.

Ces échanges électroniques n'empêchent pas, en cas d'urgence notamment, des échanges téléphoniques.

Vous veillerez en outre à ce que des rencontres sur ce thème des échanges d'informations soient organisées régulièrement, et a minima une fois par an, entre les deux institutions, de préférence au niveau du parquet général.

En tout état de cause, ces échanges d'informations n'ont pas vocation à se substituer aux relations partenariales fortes entretenues au niveau local entre les parquets et les directions des services départementaux de l'éducation nationale tant dans le domaine de la protection de l'enfance que dans le cadre de la prévention de la délinquance. Ces rencontres partenariales devront donc être maintenues et, le cas échéant, s'intensifier.

  

La mise en œuvre de ces instructions constitue un enjeu essentiel pour le bon fonctionnement de nos services publics dont l'engagement pour la protection des mineurs ne saurait être mis en cause.

Elle est attendue par nos concitoyens et appelle de la part de chacun d'entre vous une mobilisation et une vigilance de tout instant.

Nous vous saurions gré de bien vouloir nous tenir informées, sous le timbre du bureau de la politique pénale générale de la direction des affaires criminelles et des grâces et sous celui de la direction générale des ressources humaines du ministère chargé de l'éducation nationale, de toute difficulté qui pourrait survenir dans la mise en œuvre de la présente circulaire.

La ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
Najat Vallaud-Belkacem

La garde des sceaux, ministre de la justice,
Christiane Taubira

     

(1) #MEDIA_HTTP#/file/05-mai/97/5/Rapport_etape_Villefontaine_418975.pdf

(2) Civ 1re, 10 juin 1992, Bull. 1992 n° 176, p. 120 ou Crim. , 26 mai 2004