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Bulletin officiel spécial n°3 du 5 avril 2018
Enseignement de la grammaire et du vocabulaire : un enjeu majeur pour la maîtrise de la langue française
NOR : MENE1809041N
Note de service n° 2018-050 du 25-4-2018
MEN DGESCO A1
La maîtrise de la langue française est fondamentale pour l'émancipation des élèves. La capacité des élèves à comprendre, à analyser le fonctionnement de la langue et à savoir appliquer les règles est indispensable, car elle conditionne leur accès à tous les enseignements disciplinaires. Elle commande leur réussite scolaire ainsi que leur insertion dans la vie sociale.
La scolarité obligatoire doit permettre de l'acquérir de manière solide et durable.
La difficulté à pratiquer la langue française, notamment à l'écrit, dans ses niveaux soutenu et même standard est constatée aussi bien dans le champ scolaire que dans les champs universitaire et professionnel.
Ce texte a donc pour objectif d'aider les professeurs à conduire un enseignement rigoureux, explicite et progressif de la grammaire et du vocabulaire. Il en affirme les enjeux et en propose les modalités.
1 - L'enseignement de la grammaire et du vocabulaire : des enjeux de compréhension et d'expression
La compréhension de l'écrit repose sur la fluidité du déchiffrage ainsi que sur un lexique riche et la maîtrise des règles de l'orthographe et de la grammaire. La qualité de l'expression, notamment écrite, découle de ces connaissances.
Dans toutes les activités qui sont menées en classe, que ce soit à l'oral ou à l'écrit, apprendre le vocabulaire permet de connaître le sens et l'orthographe des mots. Apprendre la grammaire (l'étude de la morphologie et de la syntaxe de la langue française) permet de comprendre les relations entre les mots.
Un enseignement effectif
La leçon de grammaire ou de vocabulaire ne peut se résumer, en particulier au collège, à une série d'observations et d'activités ponctuelles à l'occasion de l'étude d'un texte. Aborder les notions grammaticales ou acquérir du vocabulaire au détour d'une activité plus globale de lecture ou d'écriture tend à faire croire que ces notions sont subsidiaires alors même qu'elles sont fondamentales pour écrire comme pour lire, comprendre et interpréter un texte.
À tous les niveaux de la scolarité obligatoire, l'enseignement de la langue est donc mené systématiquement, et la leçon de grammaire et de vocabulaire (découverte d'une notion grammaticale ou d'un mot, de son sens, de son étymologie comme de son histoire et leur appropriation par l'élève) doit être pratiquée conformément aux programmes, qui affirment la place importante des séances qui leur sont consacrées.
Un enseignement régulier et explicite
Comme tout apprentissage, celui de la grammaire et du vocabulaire nécessite non seulement observation et réflexion, mais aussi régularité et répétition. L'enseignant veille donc à inscrire ces leçons dédiées à la langue dans l'organisation quotidienne de son enseignement et à les annoncer comme telles aux élèves. La fréquence de ces leçons spécifiques est détaillée infra selon les cycles.
Par ailleurs, cet enseignement ne se réduit ni à une liste de prescriptions, ni à un étiquetage stérile. Afin qu'elles soient comprises et mémorisées de manière efficace, il convient au contraire d'expliciter les normes grammaticales en partant des formes régulières avant de faire place, progressivement, aux exceptions. De même, il est souhaitable d'expliciter les noms des classes de mots, des groupes syntaxiques et de leurs fonctions.
Au cours des leçons de vocabulaire, toute la richesse sémantique des mots et des expressions dans lesquelles ils sont employés doit être explorée et régulièrement révisée.
Un enseignement structuré et progressif
La mise en œuvre de séances spécifiques de grammaire et de vocabulaire, sollicitant observation, manipulation, réflexion, mémorisation et automatisation doit être renforcée. Pour ce faire, il convient de distinguer entre les séances qui ont pour objectif la découverte et la compréhension des textes, les séances destinées à la mise en œuvre des connaissances sur la langue dans la pratique de l'écriture et les séances consacrées plus particulièrement à la structuration des connaissances. Chacune des séances laissera une place importante à l'oral des élèves avant de procéder à une institutionnalisation des connaissances.
La littérature est essentielle pour que l'enfant découvre le plaisir de la lecture. Cependant, le texte littéraire ne doit pas être conçu comme un prétexte pour aborder une notion grammaticale. Les apprentissages grammaticaux n'ont pas à être soumis à une progression liée à des thématiques ou des enjeux littéraires : une telle progression est trop souvent contraignante et sans rapport avec la construction progressive des éléments constituant la langue, elle peut nuire à la structuration des connaissances des élèves. Il est donc nécessaire de prévoir en amont une progression annuelle globale de l'enseignement de la grammaire, fondée sur la complexité croissante et la complémentarité des notions à assimiler et des compétences à acquérir.
Quant au vocabulaire, si son apprentissage peut avantageusement être lié à l'étude d'un texte en particulier par le repérage du champ lexical d'une notion, il doit également faire l'objet de séances qui lui sont dédiées et favorisent ainsi, à l'oral ou à l'écrit, la découverte du plaisir des mots.
Un enseignement équilibré
Autant grammaire et vocabulaire doivent occuper une place définie dans l'ensemble de l'enseignement du français, autant il serait préjudiciable de ne pas respecter un équilibre entre ses différentes dimensions et de ne pas établir de lien entre ces séances spécifiques et l'étude des textes littéraires comme documentaires. Ces connaissances (lexicales et grammaticales) seront réinvesties lors de la lecture et de la production de textes, en classe de littérature et dans toutes les autres disciplines.
À l'école élémentaire en particulier, l'étude de la morphologie (notamment les conjugaisons) ne peut se faire aux dépens du temps consacré à celle de la morpho-syntaxe. C'est en effet par l'observation de l'organisation et du fonctionnement de la langue que différentes règles d'orthographe grammaticale prennent leur sens.
Grammaire et vocabulaire sont au service de la lecture et de l'écriture : les notions étudiées constituent en effet pour les élèves des outils tant pour mieux comprendre les textes et justifier des interprétations que pour améliorer leur expression écrite. Cette amélioration suppose donc une pratique régulière de l'écriture sous toutes ses formes et dans tous les champs disciplinaires.
Cet enseignement explicite et progressif de la grammaire et du vocabulaire apporte une aide particulière aux élèves les plus fragiles linguistiquement en leur donnant des points de repère, gages d'une plus grande assurance et d'une meilleure efficacité dans l'usage de la langue.
2 - Les connaissances et les compétences attendues en grammaire et en vocabulaire
Les programmes de français actuellement en vigueur sont conçus pour établir une continuité dans l'enseignement de la langue du cycle 2 au cycle 4. Ainsi, les notions étudiées au cycle 3 figurent en nombre délibérément restreint pour permettre un apprentissage de la morphologie et du vocabulaire et poser les bases d'un enseignement de la syntaxe sur lequel l'accent doit être mis au collège. Il convient de s'assurer que ces notions sont acquises dans le cadre d'une progression équilibrée.
Pour faciliter l'établissement de cette dernière, les priorités en grammaire et des échelles lexicales feront prochainement l'objet de repères de progression annuels.
3 - Les modalités de l'enseignement de la grammaire et du vocabulaire
Les temps d'enseignement de la langue
Au cycle 2 comme au cycle 3, l'enseignement de la grammaire et du vocabulaire s'appuie sur des leçons et activités spécifiques et régulières, dispensées chaque jour de la semaine tout au long de l'année scolaire et consacrées, pour la grammaire, à la construction de notions clairement identifiées. La répétition facilite la compréhension, la mémorisation et l'application des procédures. Elle fixe durablement les connaissances. Dans le cadre de la durée hebdomadaire moyenne consacrée à l'enseignement du français, il est nécessaire de consacrer au moins trois heures par semaine à un enseignement structuré de la langue, en cycle 2 comme en classe de CM1 et en classe de CM2.
Au collège, ces leçons de grammaire et de vocabulaire doivent être poursuivies avec une fréquence hebdomadaire pour une durée d'au moins une heure trente sur les 4 h 30 en classes de 6e, 5e et 4e et les 4 heures en classe de 3e consacrées chaque semaine à l'enseignement du français.
Cette fréquence s'accompagne d'une vigilance constante en matière de qualité de l'expression orale et écrite, d'une attention portée, par l'enseignant comme par l'élève, au respect des normes dans tous les domaines d'enseignement à l'école, dans toutes les disciplines au collège, dans les lectures et les écrits demandés aux élèves, dès le cours préparatoire, jusqu'à la classe de troisième et bien au-delà de la scolarité obligatoire.
Les démarches pédagogiques pour l'enseignement de la grammaire
Au cycle 2 comme au cycle 3, la pratique d'exercices est quotidienne. Des activités systématiques d'entraînement et de réinvestissement succèdent aux activités d'observation. Les exercices proposés alternent des temps d'appropriation individuelle et des temps collectifs afin de permettre aux élèves de traiter ces exercices en commun et de réfléchir ensemble à cette occasion à des questions d'ordre grammatical qui éclairent souvent des questions orthographiques.
L'orthographe grammaticale est étroitement liée aux relations grammaticales entre les mots et aux formes verbales. Son apprentissage est conduit de manière à mettre d'abord en évidence les régularités du système de la langue auxquelles il faut s'entraîner et qu'il convient d'automatiser par l'intermédiaire d'exercices de mémorisation et d'application en faisant varier les contextes d'apprentissage. Cet apprentissage nécessite des séances relativement longues, par exemple à partir de corpus de phrases, qui permettent aux élèves d'observer les régularités orthographiques et d'apprendre les règles correspondantes. Elles sont accompagnées d'exercices destinés à mettre en place chez les élèves des réflexes et des automatismes.
Pour mener une séance de langue, le professeur peut mettre en œuvre différents dispositifs et modalités de travail. Parmi toutes les démarches existantes, il est utile de se référer, selon l'objectif, l'objet et le moment de l'apprentissage, à certaines pratiques de l'enseignement de la langue :
- la démarche de la récurrence et de la répétition correspond à une approche ritualisée qui repose sur la mémorisation, la restitution et l'automatisation. Certaines connaissances ou certains savoir-faire nécessitent une approche brève et récurrente. Les activités à proposer peuvent être la mémorisation de mots et de phrases, la dictée du jour, la lecture à voix haute de phrases complexes pour en faire repérer la structure et en comprendre ainsi le sens, etc. Elles doivent trouver également toute leur place au collège ;
- la leçon de grammaire respecte quatre étapes fondamentales : la phase d'observation et de manipulation, la structuration et la formulation des règles, la phase de consolidation, de mémorisation et d'automatisation par un entraînement soutenu à l'utilisation des connaissances acquises et enfin l'évaluation. La multiplicité des exercices d'entraînement permet d'automatiser les mécanismes acquis et de garantir ainsi la solidité des connaissances grammaticales ;
- le travail sur un corpus (ensemble de mots, de phrases, d'énoncés sélectionnés à dessein par l'enseignant) engage l'élève, par l'intermédiaire d'activités de manipulation et de classement, à dégager une régularité, à identifier la notion à partir de l'observation. Le corpus d'apprentissage sert à proposer un modèle de réflexion ou un classement à partir d'un nombre suffisant d'informations ;
- le travail en lien avec l'écriture permet d'apprendre aux élèves, grâce aux indications données par l'enseignant, à réviser leur production en exerçant une vigilance orthographique et en mobilisant les acquisitions travaillées lors des leçons de grammaire. Toute leçon de grammaire doit trouver son prolongement et son application dans des activités d'écriture aux formes variées : argumentation, invention, imitation dont l'objectif est aussi d'aider les élèves à s'approprier leur manière d'écrire ;
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le travail en lien avec la lecture permet aux élèves d'exercer cette même vigilance orthographique et mobilisation des connaissances grammaticales pour comprendre avec exactitude.
Les démarches pédagogiques pour l'enseignement du vocabulaire
L'enseignement du vocabulaire s'appuie sur le sens des mots, l'analyse de leur formation et de leur polysémie, s'il y a lieu. Un corpus de fiches pédagogiques consacrées aux mots les plus présents dans les entrées de programmes et dans les consignes adressées aux élèves pour orienter leur travail est en cours d'élaboration. Ces fiches proposeront aux enseignants diverses approches pédagogiques pour amorcer l'étude des mots, apporteront les informations essentielles sur l'origine et l'histoire de chacun et proposeront des exercices et activités destinés à fixer le sens du mot et à favoriser son réemploi à bon escient. Elles fourniront des références littéraires et artistiques qui peuvent, via l'étude d'un mot, enrichir la culture personnelle des élèves.
En effet, l'étude du vocabulaire ne se réduit pas à un catalogue de définitions : elle met en jeu l'enrichissement culturel de chaque élève ainsi que la notion de plaisir à découvrir un mot, sa singularité, ses sonorités, sa calligraphie, etc.
L'enseignement du vocabulaire contribue également à la maîtrise de l'orthographe lexicale qui favorise l'automatisation de la reconnaissance des mots et l'accès à leur sens. Des séances courtes et régulières d'enseignement de l'orthographe lexicale sont quotidiennement consacrées à un travail de mémorisation des mots. La mémorisation des règles orthographiques mais aussi des mots irréguliers les plus fréquents doit être constante tout au long de la scolarité pour enrichir le vocabulaire des élèves. Les exercices d'épellation, ceux associant forme graphique et mémoire visuelle, ainsi que ceux portant sur le lexique peuvent y contribuer.
L'importance de la dictée
La dictée, dans ses différentes modalités, offre aux élèves l'occasion de se concentrer exclusivement sur la réflexion logique et la vigilance orthographique que nécessite la transcription d'un texte qui leur est lu. Cet exercice présente l'avantage, pour les élèves, de travailler des compétences précises qui peuvent être identifiées, sériées et annoncées par le professeur. À titre d'exemple, lors d'une séance de dictée, l'élève portera son attention sur l'accord dans le groupe nominal qui a fait l'objet d'une leçon précédente ; une autre fois, il focalisera sa vigilance sur la morphologie verbale sans évidemment relâcher son attention sur les points étudiés précédemment.
Dès lors, les différentes formes de la dictée ont toutes leur place pour consolider l'orthographe lexicale comme l'orthographe grammaticale : auto-dictée, dictée de mots ou de phrases préparées, dictée raisonnée, dictée visant un contrôle des connaissances, etc.
À l'école élémentaire, l'exercice de la dictée doit s'installer quotidiennement.
L'évaluation
La vigilance constante exigée pour la correction grammaticale ainsi que pour la variété et la précision du vocabulaire ne signifie pas que les autres qualités attendues pour un écrit ou un oral (imagination dans certains cas, rigueur du raisonnement dans un autre cas, etc.) soient minimisées ou que la prestation de l'élève soit trop lourdement pénalisée si des erreurs par rapport à la norme sont commises. La réflexion sur la nature des erreurs commises, sur leur importance respective et sur les critères d'évaluation qui en découlent est nécessaire en fonction de l'objectif d'apprentissage.
Il est par ailleurs nécessaire, au cours du cycle 4, d'avoir en perspective les attendus du diplôme national du brevet et notamment la place qu'occupe explicitement la maîtrise de la langue française dans les conditions d'attribution du diplôme. Outre les compétences exigibles formulées par le socle commun, la description des épreuves de l'examen (note de service n° 2017-172 du 22 décembre 2017) souligne en effet l'importance de la maîtrise de la langue française pour l'épreuve orale et celle des compétences langagières et de grammaire pour l'épreuve écrite. Les épreuves de cet examen fondent donc les exigences qu'il convient de satisfaire par l'enseignement dispensé en ce qui concerne la maîtrise de la langue française : les équipes pédagogiques doivent veiller notamment à entraîner régulièrement leurs élèves sur des sujets correspondant à ces attendus.
La direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) et la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco) préparent, en lien avec le conseil scientifique installé auprès du ministre de l'Éducation nationale, la mise en œuvre d'évaluations de début d'année, notamment pour la classe de CE1 et la classe de 6e. Ces évaluations éclaireront les enseignants sur les acquis des élèves afin de leur permettre de construire une progression annuelle adaptée et de choisir les meilleurs outils pour un enseignement efficace de l'orthographe, du vocabulaire et de la grammaire.
Jean-Michel Blanquer