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Bulletin officiel spécial n°3 du 5 avril 2018

Enseignement du calcul : un enjeu majeur pour la maîtrise des principaux éléments de mathématiques à l'école primaire

NOR : MENE1809042N

Note de service n° 2018-051 du 25-4-2018

MEN - DGESCO A1

Texte adressé aux rectrices et recteurs d'académie ;  aux inspectrices et inspecteurs d'académie-directrices et directeurs académiques des services de l'éducation nationale ; aux inspectrices et inspecteurs d'académie-inspectrices et inspecteurs pédagogiques régionaux ; aux inspectrices et inspecteurs de l'éducation nationale du premier degré ; aux chefs d'établissements publics et privés sous contrat  ; aux professeurs des écoles et des collèges publics et privés sous contrat

Dans le rapport remis au ministre de l'Éducation nationale le 12 février 2018, le mathématicien Cédric Villani et l'inspecteur général de l'éducation nationale Charles Torossian ont souligné la nécessité de rééquilibrer et de clarifier l'enseignement des mathématiques, de lui donner une meilleure cohérence pour en augmenter l'efficacité.

Dans le cadre de cet enseignement, comme l'académie des sciences en 2007 puis le Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco) en 2015, le rapport accorde une place centrale au calcul. L'acquisition du sens des quatre opérations dès la classe de cours préparatoire, l'enseignement effectif des grandeurs et mesures pour soutenir le sens des nombres et des opérations, le développement des automatismes de calcul par des pratiques ritualisées qui en favorisent la mémorisation, libèrent l'esprit des élèves et facilitent la résolution de problèmes, sont recommandées dès les premières années de l'école primaire (mesures 11 et 12).

Les auteurs du rapport précisent toutefois : « Il ne s'agit évidemment pas de se précipiter à poser les opérations, sans compréhension ou contexte, mais plutôt d'explorer des situations qui donnent du sens aux actions liées aux quatre opérations, de les mettre en action, puis d'évoluer progressivement vers les écritures mathématiques. [...] Cette mise en place est fondamentale et il faut prendre le temps nécessaire pour installer les quatre opérations en alternant le travail sur le sens (comprendre pourquoi on le fait, le mettre en actes puis en mots) et celui sur l'acquisition nécessaire des automatismes. »

L'objet de la présente note de service est de préciser les orientations pédagogiques qui s'inscrivent dans la lignée des recommandations concernant l'enseignement du calcul. Il s'agit d'en clarifier les différentes composantes pour aider les professeurs des écoles à construire un enseignement rigoureux et progressif visant l'acquisition par tous les élèves du sens des opérations ainsi que de connaissances de faits numériques incontournables et de procédures de calcul efficaces.

Ce travail commencé à l'école se poursuivra au collège.

Qu'entend-t-on par : enseigner « les quatre opérations » ?

Les quatre opérations mathématiques enseignées à l'école élémentaire sont l'addition (symbole « + »), la soustraction (« - »), la multiplication (« x ») et la division (« : » ou «  ÷ »).

Il convient de ne pas confondre :

- l'opération mathématique : par exemple, pour l'addition : j'ajoute 14 et 35, j'obtiens 49. Sur des tout petits nombres et sans aucun formalisme, l'addition est abordée dès la moyenne section de maternelle (j'ai 4 œufs j'en ajoute 2, maintenant j'en ai 6).

- la symbolisation : 14 + 35 = 49, qui relève du cours préparatoire

- l'algorithme opératoire 

 

L'apprentissage des quatre opérations à l'école primaire repose d'abord sur la compréhension du sens de ces opérations. L'apprentissage de l'usage du symbole mathématique associé et a fortiori celui d'un algorithme opératoire peuvent arriver dans un deuxième ou un troisième temps.

À l'école maternelle

Très tôt, l'enfant manifeste des compétences relatives aux quantités et à leur expression par des nombres (1). La capacité à dénombrer et l'acquisition de la suite orale des nombres sont complémentaires.

À leur arrivée en maternelle, les élèves distinguent en général les très petites quantités (un, deux ou trois), mais le sens qu'ils ont de la cardinalité est encore intuitif. Pour cela, des activités qui ont spécifiquement pour but la construction de l'aspect cardinal des nombres sont proposées quotidiennement dès la petite section de maternelle. Des jeux (par groupes de deux ou trois) ou la résolution de petits problèmes dont l'énoncé est oralisé par le maître en s'appuyant sur un support toujours concret et tangible, sont proposés : aller chercher une quantité donnée d'objets, aller chercher le nombre nécessaire d'objets pour compléter une boîte dont le nombre de cases est donné ou connu (j'en veux 6 et pour l'instant j'en ai 2, il m'en manque donc 4), déterminer le résultat d'un ajout fait derrière un écran noir (j'en avais 4, j'en rajoute 2, combien en ai-je maintenant ?), etc.

À travers ces jeux ou problèmes qui amènent des décompositions et recompositions, les élèves mettent en œuvre le processus d'itération de l'unité (9 c'est 8+1) qui donne du sens à la relation d'ordre entre les nombres (8 c'est plus petit que 9, ou 8 c'est moins que 9) et contribue à construire l'aspect ordinal des nombres.

Toutes les occasions doivent être saisies (ou provoquées) afin de faciliter la mémorisation de la suite orale, qui doit être connue jusqu'à 30 en fin de grande section. La récitation collective comme les récitations individuelles doivent être encouragées. La mémorisation de comptines (« un, deux, trois, j'irai dans les bois ; quatre, cinq, six... ») peut y contribuer.

D'autres activités, comme le repérage de la date sur un calendrier, permettent de se familiariser avec cette suite de nombres jusqu'à 30 et son écriture en chiffres. Mais à la maternelle, la suite des nombres est une simple liste ordonnée : le principe fondamental de la numération décimale de position n'apparaît pas encore à l'élève de grande section, qui ne perçoit pas que le nombre qui se lit « douze » s'écrit 12 car il est égal à 1x10+2x1.

Parallèlement à la découverte des nombres écrits dans les activités ordinaires de la vie de la classe ou dans les jeux, l'apprentissage du tracé des chiffres se fait avec la même rigueur que celui des lettres.

À l'école élémentaire

Mémorisation de faits numériques, calcul mental, calcul en ligne, calcul posé : toutes les formes de calcul mobilisent à la fois :

- la connaissance de résultats mémorisés tels les compléments à 10, les résultats des tables d'addition et de multiplication, les doubles et les moitiés, quelques décompositions remarquables (100=25x4 par exemple), une parfaite compréhension des règles de la numération (2) et des manipulations simples qu'elle permet (305 c'est 300+5, aussi 205+100 ; etc.) ;

- le sens des opérations : mentalement, en ligne ou en colonne, ajouter deux nombres à trois chiffres ne peut être réussi si par ailleurs on ne sait pas ce que signifie le verbe « ajouter » et il en est de même pour les autres opérations ;

- des connaissances plus ou moins spécifiques du mode de calcul choisi : pour du calcul mental ou en ligne, les propriétés de commutativité et d'associativité de l'addition et de la multiplication, la distributivité de la multiplication sur l'addition, sont indispensables ; pour du calcul posé, un algorithme propre à chaque opération doit être parfaitement maîtrisé.

Comme tous les apprentissages, celui du calcul demande du temps, pour découvrir, pour chercher, pour s'approprier, pour mémoriser, pour s'entraîner. Il s'agit donc d'y consacrer le temps nécessaire. Toutefois, pour que les élèves abordent le calcul avec confiance et succès, un enseignement explicite, construit en vue de l'atteinte d'objectifs précis à l'horizon d'une séquence, d'une année ou d'un cycle doit lui être consacré.

La mémorisation de faits numériques

La mémorisation de résultats est un processus lent qui s'étale sur plusieurs années. Des réactivations seront nécessaires au collège, pour consolider et éviter l'oubli, mais à la fin de l'école primaire les tables et les principaux résultats indiqués ci-dessus doivent déjà être parfaitement disponibles. Pour cela, une programmation structurée, alliant rythme assez soutenu et réactivations très fréquentes est nécessaire.

L'apprentissage des tables, notamment, doit débuter dès le cours préparatoire avec les tables d'addition, en commençant à mémoriser très tôt, dans les deux sens, les sommes de deux nombres égales à 10 ou moins de 10 (7+3=? ou 6+?=9) et les tables des doubles de nombres inférieurs à 10, et se poursuivre au CE1 et au CE2 avec les tables de multiplication. Au cycle 3, des entraînements spécifiques mais surtout la mobilisation fréquente des résultats lors des activités de calcul mental, calcul en ligne et calcul posé, doivent en assurer la stabilisation.

L'apprentissage des faits numériques ne peut être simplement renvoyé aux familles dans le cadre des « leçons » ; il doit faire l'objet d'un travail en classe. Chaque résultat est d'abord exploré et construit en classe, récité et réinvesti, noté dans le cahier de référence en mathématiques. Dans un deuxième temps seulement un travail à la maison peut être demandé.

Par exemple, le résultat du produit 6x8 étant à apprendre, le maître demande d'abord à tous les élèves de chercher plusieurs façons de calculer 6x8 (6x4+6x4=24+24=48 ; 6+6+6+6+6+6+6+6=12, 18, 24...48 ; 8+8+8+8+8+8=16+16+16=32+16=48 ; 6x8=5x8+1x8 ; etc.), puis note au tableau toutes les procédures trouvées par les élèves, puis fait noter dans le cahier de référence le résultat et quelques procédures significatives, puis propose quelques calculs en ligne ou posés comme 616x8 ou 816x66, enfin demande aux élèves d'apprendre la table de 8 jusqu'à 6x8 sachant que les résultats 2x8, 3x8,4x8 et 5x8 ont déjà été travaillés.

Le calcul mental

Que ce soit sous forme d'activité décrochée de la séance de mathématiques ou bien intégrée à celle-ci, oralement, sur l'ardoise, sur feuille ou sur le cahier de brouillon, avec un support oral (le maître dicte) ou écrit (tableau noir, TBI, tablettes, ordinateurs, fiches, etc.), le calcul mental doit faire l'objet d'une pratique quotidienne moyenne d'au moins 15 minutes. On privilégiera l'alternance de séries de séances d'entraînement courtes (10 à 15 minutes) avec des séances longues (30 à 45 minutes) visant des apprentissages procéduraux spécifiques.

La construction des faits numériques relève dans un premier temps du calcul mental, mais la pratique du calcul mental s'appuie aussi sur une bonne compréhension et une bonne connaissance de propriétés des nombres et des opérations qui doivent être enseignées et formalisées. Les noms savants des propriétés des opérations (commutativité, distributivité, etc.) ne relèvent pas de l'école élémentaire. Les propriétés peuvent être énoncées à partir d'exemples prototypiques ou à l'aide de phrases utilisant un vocabulaire simple. Ainsi, on ne parlera pas de la commutativité de l'addition mais, après plusieurs observations de cette propriété, on énoncera qu'« on ne change pas le résultat d'une addition si on change l'ordre des nombres » et on donnera quelques exemples. Ensuite, la phrase notée sur le cahier de référence sera à nouveau énoncée à l'identique chaque fois que la propriété sera utilisée.

D'autres connaissances procédurales, comme par exemple « pour multiplier par 5, je peux multiplier par 10 et diviser par 2 » relèvent du calcul mental et doivent aussi être enseignées et exercées.

Dès la fin du cycle 2 toutes les tables de multiplication doivent être sollicitées, ainsi que la commutativité et la distributivité de la multiplication sur l'addition et sur la soustraction, mais sur des petits nombres. Au cycle 3, les mêmes connaissances pourront s'appliquer à des nombres entiers un peu plus grands, et à des nombres décimaux.

Le calcul en ligne

Le calcul en ligne repose sur les mêmes principes que le calcul mental, mais le support de l'écrit permet d'alléger la mémoire de travail en notant des résultats intermédiaires et d'aborder ainsi des calculs sur des nombres un peu plus grands ou sur des nombres plus nombreux. Par exemple, ajouter trois nombres au lieu de deux ; ou multiplier un nombre décimal par un nombre entier au lieu de multiplier deux nombres entiers. Le calcul en ligne permet ainsi de soumettre aux élèves des calculs qui pourront être traités mentalement plus tard. Par exemple, le produit 6x48 peut être proposé dès la fin du cycle 2 comme calcul en ligne et au cours du cycle 3 comme calcul mental.

De nombreux compléments sur ces deux modes de calcul, mental et en ligne, sont disponibles sur Éduscol (3).

Le calcul posé

Le calcul posé repose sur la connaissance de faits numériques (tables) et sur celle d'algorithmes qui ne sont véritablement opératoires que s'ils sont parfaitement maîtrisés.

Ainsi, les quatre algorithmes opératoires (pour l'addition, la soustraction, la multiplication, la division) doivent faire l'objet d'un enseignement précis, guidé et normalisé. Au début de l'apprentissage, le rythme doit être suffisamment soutenu afin que l'automaticité - et donc le confort et la sûreté pour l'élève - puissent s'installer. Ensuite, à partir du CE1, la plupart des séances de mathématiques donnent l'occasion aux élèves de poser une ou plusieurs opérations.

Pour autant, une fois les principes de fonctionnement d'un algorithme d'une opération posée acquis par les élèves, le cadre privilégié pour l'entraînement à la mise en œuvre de cet algorithme est celui de la résolution de problèmes. Il faut ainsi éviter la pratique répétée d'exercices techniques sur des temps excessivement longs. Dans le même esprit, on évitera les exercices de calcul d'opérations posées trop longues comme par exemple la multiplication de nombres supérieurs à 1 000 ou la division par des grands nombres.

Pour la soustraction, le choix de l'algorithme (compensation ou cassage de l'unité de numération supérieure) relève de l'équipe d'école. On aura intérêt à conserver le même durant les quatre années concernées (du CE1 au CM2).

Pour la division, des étapes peuvent être envisagées, le nombre de calculs écrits (multiplications, soustractions, etc.) se réduisant progressivement.

La justification mathématique de la pertinence des algorithmes opératoires est d'une difficulté inégale selon l'opération :

- pour l'addition, la compréhension de l'algorithme relève stricto sensu de la compréhension de la numération décimale et à l'aide de matériel de numération (plaques, barres, cubes) puis par l'oralisation, le maître doit expliquer et justifier l'algorithme ;

- pour la soustraction, si c'est le choix du cassage de l'unité de numération supérieure qui est fait, comme pour l'addition le maître doit justifier l'algorithme par l'utilisation de matériel puis l'oralisation ; en revanche, si c'est le choix de la compensation qui est fait, une justification peut être donnée, basée sur des écritures en ligne (75-29 = (75+10) - (29+10), c'est pour cela que l'on dit « 9 ôtés de 5 je ne peux pas, donc je fais 9 ôtés de 15 (ce qui revient à ajouter une dizaine à 75), je pose 6 et je retiens 1 ; 2 et 1 de retenue (ce qui revient à ajouter une dizaine à 29) qui font 3, 3 ôtés de 7 font 4 ») sans qu'il soit demandé à tous les élèves de mémoriser cette explicitation ;

- pour la division, une explication orale appuyée sur une écriture en ligne est possible pour une situation où les nombres sont petits et bien choisis (par exemple 642 : 3), la généralisation étant admise.

Calcul mental, calcul en ligne ou calcul posé ?

Il n'y a pas lieu d'opposer les différents modes de calcul. Chacun doit faire l'objet d'un entraînement spécifique. L'élève, lorsqu'il doit produire un résultat, par exemple pour une résolution de problèmes, doit pouvoir choisir le mode de calcul qui lui paraît, à lui, dans cette situation, avec ses connaissances, le plus sûr et/ou le plus rapide et/ou le plus facile.

Conclusion

La place du calcul dans l'enseignement des mathématiques est aujourd'hui reconnue unanimement et la nécessité d'acquérir des automatismes ne fait plus débat. Si la résolution de problèmes est bien au centre de l'activité mathématique, la familiarité avec les nombres et leurs propriétés, ainsi qu'une maîtrise minimale du calcul sont indispensables aux élèves pour qu'ils puissent appréhender le problème et appliquer leur intelligence à la recherche et à la poursuite des voies de résolution qui s'offrent à eux. Par ailleurs, la majorité des élèves aiment manipuler les nombres, calculer, c'est pour eux une forme de jeu. Enseigner explicitement et intensivement le calcul aux élèves revient en fait à leur offrir à la fois des outils pour la résolution de problèmes et la suite de leurs études et le plaisir de jouer avec les nombres.

Le ministre de l'Éducation nationale,
Jean-Michel Blanquer

  

(1) Cours de Stanislas Dehaene, les fondements cognitifs de l'arithmétique élémentaire https://www.college-de-france.fr/media/stanislas-dehaene/UPL22033_dehaene_res0708.pdf

(2) La représentation chiffrée d'un nombre correspond à son développement décimal : le nombre douze se code « 12 » car 12 est égal à 1x101+2x100, c'est-à-dire à 1x10+2x1 ; et le nombre qui se code « 305 » est égal à 3x102+0x101+5x100, c'est-à-dire 3x100+0x10+5x1.

(3) http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Mathematiques/87/9/RA16_C2_MATHS_calcul_en_ligne_587879.pdf