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Le Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.
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Personnels
CNESER
Sanction disciplinaire
NOR : ESRS0900104S
ESR - DGES
Affaire : monsieur xxx, professeur des universités.
Dossier enregistré sous le n° 656.
Appel d'une décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Grenoble III.
Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire,
Etant présents :
Professeurs des universités ou personnels assimilés :
Joëlle Burnouf, présidente
Vinh Nguyen Quoc, vice-président
Claude Boutron
Richard Kleinschmager,
Philippe Rousseau
Vu la loi n°2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie,
Vu le code de l'éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 712-4, L. 811-5, L. 811-6 et L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 ;
Vu le décret n° 92-657 du 13 juillet 1992 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur, modifié en dernier lieu par le décret n° 2008-1183 du 14 novembre 2008 ;
Vu la décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Grenoble III, du 8 février 2008 prononçant la sanction d'abaissement d'échelon
Vu l'appel régulièrement formé, par courrier en date du 3 avril 2008, reçu à l'université le lendemain, par Maître Jean-Luc Medina, avocat à Grenoble agissant pour monsieur xxx, et la demande, par requête distincte, de sursis à exécution de la décision du 8 février 2008 de la section disciplinaire du conseil d'administration de cette université
Vu l'appel incident formé le 24 avril 2008 et régularisé le 06 novembre 2008 par le recteur de l'académie de Grenoble ;
Le dossier et le rapport ayant été tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire dix jours francs avant le jour fixé pour la délibération ;
Vu ensemble les pièces du dossier,
La séance ayant été suspendue le 9 décembre 2008 à 19 heures 45 et reprise le 6 janvier 2009 à 9 heures 40,
Monsieur xxx, ayant été informé de la tenue de ces séances par lettres des 13 novembre et 10 décembre 2008,
Le recteur de l'académie de Grenoble ayant été informé de la tenue de ces séances par lettres des 13 novembre et 10 décembre 2008,
Monsieur xxx étant présent, assisté le 9 décembre 2008 de Maître Émilie Lecomte et de Maître Jean-Luc Médina, avocats, le 6 janvier 2009 de Maître Jean-Luc Médina,
Le recteur de l'académie de Grenoble étant présent le 9 décembre 2008 et représenté le 6 janvier 2009 par Gérard Olivieri, responsable du service juridique et contentieux au secrétariat général du rectorat de l'académie de Grenoble,
Après avoir entendu en audience publique le rapport établi au nom de la commission d'instruction par Vinh Nguyen Quoc, les demandes et explications des parties, les témoins convoqués et présents puis les conclusions de Maître Jean-Luc Médina et du déféré, ceux-ci ayant eu la parole en dernier,
Après que ces personnes et le public se sont retirés ;
Après en avoir délibéré
Sur la recevabilité de l'appel incident du recteur de l'académie de Grenoble de la décision de première instance,
Considérant que l'appel incident est recevable sans délai dès lors que l'appel principal est recevable et ce jusqu'à la clôture de l'instruction donc durant toute la période antérieure à la formation de jugement,
Considérant que par courrier en date du 24 avril 2008, adressé au CNESER statuant en matière disciplinaire qui l'a reçu le lendemain, le recteur de l'académie de Grenoble a interjeté appel incident contre la décision attaquée par monsieur xxx, alors que l'article 38 du décret modifié n° 92-657 du 13 juillet 1992 prescrit qu'il soit formé auprès du président de la section disciplinaire qui a statué en première instance,
Considérant que cet appel incident a été régularisé selon cette forme le 6 novembre 2008 par le recteur chancelier des universités de l'académie de Grenoble et qu'il est donc recevable,
Sur la régularité de la décision de première instance et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la défense à son encontre,
Considérant que la décision est insuffisamment motivée au principal, car elle se borne à dénoncer des propos et agissements de monsieur xxx, sans décrire expressément ceux qu'elle retient (l'allusion aux travaux de la commission d'instruction est ici insuffisante, puisque ces travaux ne lient pas juridiquement la formation de jugement), même si in fine elle les qualifie de « manquements sérieux à certaines obligations incombant à un professeur d'université dans le cadre de ses responsabilités »,
Considérant qu'en outre le caractère immédiatement exécutoire nonobstant appel de la sanction prononcée n'a pas fait l'objet d'une motivation spécifique,
Sur l'évocation,
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu pour le CNESER d'évoquer l'affaire ;
Sur le fond,
Considérant que selon la lettre de saisine de la commission disciplinaire de première instance « Les faits reprochés à monsieur xxx par plusieurs personnels enseignants, chercheurs, administratifs et techniques de l'université Stendhal et du C.N.R.S. qui travaillent à l'I.C.P. (site Stendhal) peuvent en effet relever d'une qualification de harcèlement au regard de la législation et de la réglementation appropriées »,
Considérant qu'il résulte du dossier et de l'instruction que cette saisine n'exclue pas que les faits reprochés à monsieur xxx soient qualifiés de fautes disciplinaires sans être uniquement constitutifs de faits de harcèlement mais aussi contraires à la déontologie universitaire, portant atteinte à la dignité des fonctions de professeur des universités, à l'ordre et au bon fonctionnement de l'établissement comme à son image de marque,
Considérant que le président de l'université Grenoble III a été alerté par la médecine du travail, notamment à l'occasion d'une réunion tenue en sa présence le 8 novembre 2006,
Considérant que selon un témoin entendu par le CNESER statuant en matière disciplinaire, au moment des faits technicien à l'I.C.P. (site de l'université Grenoble III), monsieur xxx aurait à la cafétéria et au moment de la pause-café baissé son pantalon et son slip et se serait, devant les consommateurs présents, gratté les parties génitales,
Considérant en outre que ce témoin déclare avoir vu monsieur xxx se mettre torse nu devant une délégation parlementaire en visite à l'université le 28 juin 2004 (expliquant qu'il faisait chaud) et qu'il l'a aussi vu ce matin là courir tout nu (streaking) dans le couloir de l'I.C.P., fait confirmé par un autre témoin entendu par le CNESER statuant en matière disciplinaire,
Considérant que ce témoin déclare aussi qu'il a assisté fin 2005 à une bagarre entre monsieur xxx et monsieur Rillard, chargé de recherche de 2ème classe au C.N.R.S., et qu'il est intervenu pour les séparer ; que celui-ci, aussi entendu par le CNESER statuant en matière disciplinaire, déclare que cet incident eut lieu le 16 décembre 2005 pour un motif futile (l'acquisition d'une clé U.S.B.) et qu'il obtint ensuite sa mutation à l'université de Paris-Sud (Paris XI),
Considérant qu'un autre témoin entendu par le CNESER statuant en matière disciplinaire, monsieur Audibert (aujourd'hui ATER, en D.E.A. au moment des faits), dit que monsieur xxx l'a, en juin 2004 et en public, embrassé sur la bouche et qu'il le craint encore, bien qu'il n'ait plus de relations scientifiques avec lui,
Considérant que les comportements ci-dessus constatés de monsieur xxx ont perturbé la communauté universitaire (tous personnels et étudiants de l'université Grenoble III et l'autorité académique), ont porté gravement atteinte à l'ordre et au bon fonctionnement de l'établissement comme à son image de marque et sont incompatibles avec la dignité d'un professeur des universités responsable comme il le fut d'un laboratoire, d'une U.F.R. et d'un centre de recherches,
Par ces motifs
Statuant au scrutin secret, à la majorité absolue des membres présents,
Décide
Article 1 - L'appel incident du recteur de l'académie de Grenoble est recevable.
Article 2 - La décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Grenoble III est annulée.
Article 3 - Monsieur xxx est mis à la retraite d'office avec interdiction définitive d'enseignement et de recherche dans tout établissement d'enseignement supérieur public.
Article 4 - Il n'y a plus lieu à statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution de la décision de première instance.
Article 5 - Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du code de l'éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à monsieur xxx, à la présidente de l'université Grenoble III et à la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche ; copie en sera adressée au recteur de l'académie de Grenoble ; elle sera publiée au Bulletin officiel du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
Fait et prononcé en audience publique à Paris,
le 6 janvier 2009 à 17 h 45, à l'issue du délibéré
La présidente
Joëlle Burnouf
Le secrétaire de séance
Philippe Rousseau
Joëlle Burnouf
Le secrétaire de séance
Philippe Rousseau