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Le Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.
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Personnels
CNESER
Sanctions disciplinaires
NOR : ESRS0900381S
ESR - DGES
Affaire : monsieur xxx, professeur des universités.
Dossier enregistré sous le n° 622.
Appel d'une décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Lyon 3 (renvoi après cassation).
Le Conseil national de l'Enseignement supérieur et de la Recherche statuant en matière disciplinaire,
Étant présents :
Professeurs des universités ou personnels assimilés :
Madame Joëlle Burnouf, présidente
Monsieur Vinh Nguyen Quoc, vice-président
Monsieur Claude Boutron
Richard Kleinschmager
Philippe Rousseau
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Vu le code de l'Éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 712-4 et L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 ;
Vu le décret n° 92-657 du 13 juillet 1992 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministre chargé de l'Enseignement supérieur, modifié en dernier lieu par le décret n° 2008-1183 du 14 novembre 2008 ;
Vu la décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Lyon 3, en date du 14 mars 2007, prononçant la relaxe de monsieur xxx ;
Vu l'appel régulièrement formé le 23 mai 2007 par monsieur le recteur, chancelier des universités de l'académie de Lyon ;
Vu la décision du Conseil d'État en date du 20 mars 2009 (n° 320837, 320894, 320990) prononçant notamment l'annulation de la décision rendue sur cet appel le 10 juin 2008 par le Conseil national de l'Enseignement supérieur et de la Recherche statuant en matière disciplinaire et lui renvoyant l'affaire ;
Le dossier et le rapport ayant été tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du Conseil national de l'Enseignement supérieur et de la Recherche statuant en matière disciplinaire dix jours francs avant le jour fixé pour la délibération ;
Vu ensemble les pièces du dossier ;
Monsieur xxx, ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre du 15 juin 2009 ;
Monsieur le recteur, chancelier des universités de l'académie de Lyon, ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre du 15 juin 2009 ;
Monsieur xxx n'étant ni présent ni représenté, sans avoir pour cette séance de jugement constitué avocat ni produit de mémoire en défense ;
Monsieur le recteur, chancelier des universités de l'académie de Lyon, étant représenté par madame Brigitte Bruschini, secrétaire générale du rectorat ;
Après avoir entendu en audience publique le rapport établi au nom de la commission d'instruction par monsieur Philippe Rousseau, les demandes et explications présentées par madame Bruschini, les témoins convoqués et présents ;
Après que ces personnes et le public se sont retirés ;
Après en avoir délibéré
Considérant que le dernier alinéa de l'article R 232-38 du code de l'Éducation susvisé dispose : « En l'absence de la personne déférée, la formation de jugement apprécie, le cas échéant, les motifs invoqués pour expliquer cette absence et, si elle les juge injustifiés, continue à siéger. En cas d'absence non justifiée, la procédure est réputée contradictoire » ;
Considérant que monsieur xxx n'est ni présent ni représenté à l'audience mais qu'il a averti le Conseil national de l'Enseignement supérieur et de la Recherche statuant en matière disciplinaire de son absence par courrier du 9 avril 2009, exposant qu'il a été invité par l'université du Minnesota (États-Unis d'Amérique) du 25 avril au 25 juillet 2009, période couvrant la séance d'instruction et l'audience de jugement ; qu'il a sollicité par ce même courrier un report de la procédure à la rentrée 2009 ;
Considérant que monsieur le président de l'université de Lyon 3 a communiqué le 21 avril 2009 au Conseil national de l'Enseignement supérieur et de la Recherche statuant en matière disciplinaire un courrier adressé par lui à monsieur xxx le 15 du même mois lui notifiant le rejet de sa demande d'autorisation d'absence à l'étranger pour l'invitation ci-dessus indiquée au motif précisément de la procédure disciplinaire en cours ;
Considérant que dans ces circonstances l'absence de monsieur xxx à la présente formation de jugement n'est pas justifiée et que la procédure devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire peut se dérouler hors de sa présence tout en étant réputée contradictoire ;
Sur la recevabilité de l'appel de la décision de première instance ;
Considérant que l'appel de la décision de première instance formé le 23 mai 2007 par le recteur chancelier des universités de Lyon qui en a reçu notification le 28 mars 2007 est parvenu au président de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Lyon 3 dans le délai et les formes prévus par les articles 37 et 38 du décret susvisé n° 92-657 du 13 juillet 1992 ; qu'il est donc recevable ;
Sur l'étendue et la portée de la saisine de la juridiction disciplinaire ;
Considérant que la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Lyon 3 fut saisie par le président de cet établissement le 26 octobre 2006 de faits reprochés à monsieur xxx, alors qu'il en était président (soit de septembre 1997 jusqu'au 31 août 2002), à savoir :
- « de n'avoir pas satisfait aux exigences que lui imposaient ses qualités de chef d'établissement en raison notamment :
. d'une prise illégale d'intérêt
. de favoritisme
- d'avoir porté atteinte à l'image et à la réputation de l'université Jean-Moulin Lyon 3 ».
Considérant qu'il résulte du dossier comme de l'instruction que cette saisine vise d'abord les délits dénoncés, le premier pour prise illégale d'intérêt qui donna lieu à une condamnation pénale en 1ère instance prononcée le 7 avril 2006 (embauche fin août 2002 de la soeur de monsieur xxx comme enseignante contractuelle sur les crédits d'un emploi de professeur certifié), le second pour favoritisme (attribution de marchés de bouche sans mise en concurrence préalable, comme l'exigeait le code des marchés publics en vigueur à l'époque des faits) qui donna lieu à une condamnation pénale en 1ère instance prononcée le 30 mars 2007 ; que si cette deuxième condamnation est postérieure de quelques jours à la décision disciplinaire frappée d'appel intervenue le 14 mars 2007, la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Lyon 3 ne pouvait ignorer la procédure pénale alors en cours, d'autant moins que l'audience correctionnelle pour cette affaire de favoritisme venait d'avoir lieu le 2 mars 2007 et qu'il résulte du dossier que sa tenue avait été médiatisée à Lyon ;
Considérant que la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Lyon 3 n'a examiné que le premier délit dénoncé par sa saisine (prise illégale d'intérêt) et ses éventuelles conséquences ; qu'en négligeant de statuer sur la dénonciation de favoritisme aussi contenue littéralement dans sa saisine cette formation de jugement n'a pas complètement exercé son office ; que sa décision doit pour ce motif être annulée ;
Considérant que la saisine de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Lyon 3 accuse en outre monsieur xxx d'avoir porté atteinte à l'image et à la réputation de cet établissement ; que ce reproche n'est directement motivé par aucun élément factuel précis et qu'il ne peut donc viser que les conséquences morales des faits énoncés ci-dessus comme pénalement répréhensibles et imputés à celui qui à leur époque dirigeait l'établissement ;
Sur l'évocation ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu pour le C.N.E.S.E.R. d'évoquer l'affaire ;
Sur la prise illégale d'intérêt ;
Considérant que les faits constitutifs de ce délit imputé à monsieur xxx sont établis par un arrêt de la cour d'appel de Lyon en date du 27 février 2008 (n° 1010/06), revêtu de l'autorité de la chose jugée depuis l'arrêt de rejet de la cour de cassation (chambre criminelle) du 17 décembre 2008 (n° 08-82318) ;
Considérant qu'en droit pénal (comme l'a rappelé la cour d'appel de Lyon dans son arrêt précité) le délit de prise illégale d'intérêt est caractérisé par la seule constatation de faits matériels, ceux-ci impliquant d'eux-mêmes au regard du juge pénal l'intention frauduleuse du condamné ; qu'en l'espèce il s'agit de la signature par monsieur xxx faisant fonction de président de l'université de Lyon 3 d'un contrat d'embauche dans cet établissement au bénéfice de sa soeur ;
Considérant qu'il résulte du dossier comme de l'instruction que cette infraction fut en outre commise dans des conditions contraires aux règles universitaires ;
Considérant qu'avant les faits reprochés madame xxx, soeur du déféré, enseignait les techniques de communication à l'université de Lyon 3 en qualité de vacataire ; qu'il résulte clairement du dossier et de l'instruction que sa nomination comme enseignante contractuelle sur les crédits d'un emploi de professeur certifié (P.R.C.E.) alors inopinément vacant lui permettait de poursuivre sa collaboration alors qu'elle ne pouvait plus la continuer comme vacataire ; qu'en effet elle ne remplissait plus la condition selon laquelle nul ne peut enseigner comme vacataire dans un établissement public d'enseignement supérieur s'il n'exerce pas aussi une activité professionnelle principale ;
Considérant qu'il résulte du dossier et de l'instruction qu'à cette fin le profil disciplinaire de l'emploi de professeur certifié sur les crédits duquel madame xxx fut recrutée a été modifié (techniques de communication au lieu d'informatique de gestion) sans délibération préalable en ce sens du conseil d'administration de l'université ;
Considérant que lorsque comme en l'espèce un emploi de P.R.C.E. (ou de professeur agrégé du second degré - P.R.A.G.) devient inopinément vacant dans un établissement d'enseignement supérieur il est loisible à celui-ci d'y nommer à titre provisoire pour un an toute personne qu'il juge apte et sans condition de publicité préalable ; mais qu'il relevait de la responsabilité de son président, au moment où cette modification de l'orientation disciplinaire du poste devait être décidée, de veiller à ce que le conseil d'administration de l'établissement en fût saisi ;
Considérant que la décision d'utiliser ce support budgétaire dans ces conditions constitue un grave manquement aux règles universitaires de la part d'un président d'université ;
Considérant en outre que Lyon et ses environs pouvaient offrir des ressources de compétences au moins équivalentes à celles de madame xxx, résidant en Ile-de-France, avec des coûts de transport considérablement moindres pour le service public, et que la responsabilité de cet arrangement incombe à monsieur xxx au moment de sa présidence ;
Sur le favoritisme ;
Considérant que les faits constitutifs de ce délit imputé à monsieur xxx sont établis par un arrêt de la cour d'appel de Lyon en date du 27 février 2008 (n° 1050/07), revêtu de l'autorité de la chose jugée depuis l'arrêt de rejet de la cour de cassation (chambre criminelle) du 17 décembre 2008 (n° 08-82319) ;
Considérant que même si la peine infligée par le juge pénal est bien inférieure au maximum encouru selon l'article 432-14 du code pénal, ces faits sont ici d'une particulière gravité au regard de la déontologie universitaire, car ils furent commis par un professeur des universités en sciences de gestion qui en cette qualité, comme président d'université et précédemment comme directeur d'une de ses composantes (l'Institut d'administration des entreprises), était évidemment informé des normes de la gestion publique ;
Sur l'atteinte à l'image et à la réputation de l'université de Lyon 3 ;
Considérant que comme énoncé ci-dessus ce grief doit être cantonné aux conséquences morales des infractions pour lesquelles monsieur xxx a fait l'objet de condamnations pénales ;
Considérant qu'il est connu de la communauté universitaire nationale que l'université de Lyon 3 a fait depuis sa création l'objet de critiques de toutes sortes, au moins jusqu'à la saisine de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Lyon 3 à l'encontre de monsieur xxx le 26 octobre 2006 ; qu'à l'écoute de ces critiques, cantonnées à la politique scientifique de l'établissement et à ses modalités de gestion et peut-être contestables, il incombait à ses présidents successifs, dont monsieur xxx, de ne pas agir de sorte à prêter le flanc à de nouvelles critiques ;
Considérant que les infractions pénales établies à l'encontre de monsieur xxx ont été médiatisées dans la presse locale et divers sites internet et y ont alimenté des polémiques à l'encontre de l'université de Lyon 3 ; que si cette médiatisation ne lui est pas directement reprochable, elle est la conséquence directe des faits que la juridiction pénale lui a imputés, qu'il aurait pu prévenir en s'en abstenant ;
Par ces motifs
Statuant au scrutin secret, à la majorité absolue des membres présents,
Décide
Article 1 - La décision de la section disciplinaire de l'université de Lyon 3 en date du 14 mars est annulée.
Article 2 - Monsieur xxx est reconnu coupable, alors qu'il était président de l'université de Lyon 3, de pratiques de prise illégale d'intérêt et de favoritisme qui ont porté atteinte à l'image, à la réputation et donc au bon fonctionnement de cette université.
Article 3 - Monsieur xxx est mis à la retraite d'office.
Article 4 - Dans les conditions fixées aux articles R 232-41 et R 232-42 du code de l'Éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à monsieur xxx, au recteur, chancelier des universités de Lyon, et au président de l'université de Lyon 3 ; elle sera publiée au Bulletin officiel du ministère de l'Éducation nationale sous forme anonyme.
Fait et prononcé en audience publique à Paris, le 9 juin 2009 à 16 h 23, à l'issue du délibéré.
La présidente
Joëlle Burnouf
Le secrétaire de séance
Richard Kleinschmager
Joëlle Burnouf
Le secrétaire de séance
Richard Kleinschmager