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Enseignements primaire et secondaire

Enseignement privé

Conseil supérieur de l'Éducation statuant en formation contentieuse et disciplinaire

NOR : MENJ1000282S

MEN - DAJ A3

 
Affaire : Mésanges école bilingue Montessori
Dossier enregistré sous le n° 2138
Appel d'une décision du conseil académique de l'Éducation nationale de Grenoble statuant en formation contentieuse et disciplinaire, en date du 21 janvier 2010, confirmant l'opposition à l'ouverture d'une école maternelle hors contrat dénommée « Mésanges école bilingue Montessori », à Veigy-Foncenex.
Le Conseil supérieur de l'Éducation statuant en matière contentieuse et disciplinaire
Étant présents :
Jean-Michel Harvier, président
Monsieur Claude Keryhuel, secrétaire empêché, suppléé par Philippe Pechoux, élu par le conseil en son sein.
Représentant les corps enseignants de l'enseignement public : mesdames Monique Daune, Michelle Fremont, Claire Krepper, Michelle Olivier, Séverine Schenini et messieurs Julien Maraval, Michel Piecuch, Thierry Reygades ;
Représentant des établissements d'enseignement privés : Geneviève Imeneuraet et monsieur René Gardan ;
Vu le code de l'Éducation, et notamment ses articles L. 231-6, L. 234-3, L. 441-2, L. 441-3, R. 231-20 à R. 231-25 ;
Vu l'appel régulièrement formé par Chantal Detournay, enregistré au cabinet de l'inspecteur d'académie du département de Haute-Savoie, le 28 janvier 2010, référencé au secrétariat du Conseil supérieur de l'Éducation sous le numéro 2138 ;
Vu le constat d'huissier du 12 octobre 2009, établi à la requête de l'inspection académique de Haute-Savoie et produit le 4 mars 2010 par le recteur de l'académie de Grenoble ;
Vu le mémoire de maître Cécile Bersot ;
Vu le mémoire produit par le ministre de l'Éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, en date du 8 mars 2010 ;
Le dossier et le rapport ayant été tenus à la disposition des parties, de leurs conseils et des membres du Conseil supérieur de l'Éducation statuant en formation contentieuse et disciplinaire cinq jours francs au moins avant le jour fixé pour la délibération ;
Vu l'ensemble des pièces du dossier,
Après avoir entendu le rapport de Claire Krepper,
Statuant en audience publique ;
Les parties ayant été appelées ;
Après avoir entendu les observations de Chantal Detournay et de son conseil, maître Cécile Bersot ayant eu la parole en dernier,
Après en avoir délibéré :
Considérant que Chantal Detournay a déposé le 26 mai 2009 une demande d'ouverture d'un établissement hors contrat dénommé « Mésanges école bilingue Montessori » sis à Veigy-Foncenex (74) ; que l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'Éducation nationale de Haute-Savoie s'est opposé à cette demande le 1er octobre 2009 après réception de la dernière pièce du dossier ; que le conseil académique de l'Éducation nationale de Grenoble statuant en formation contentieuse et disciplinaire a confirmé cette opposition par un jugement du 23 octobre 2009 ; que par un arrêt en date du 17 décembre 2009 le Conseil supérieur de l'Éducation statuant en formation contentieuse et disciplinaire a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire devant les premiers juges ; que le conseil académique de l'Éducation nationale de Grenoble statuant en formation contentieuse et disciplinaire a de nouveau confirmé l'opposition à l'ouverture de l'établissement « Mésanges école bilingue Montessori » par un jugement en date du 21 janvier 2010 ; que Chantal Detournay relève régulièrement appel de ce dernier jugement ;
Considérant que l'article L. 441-1 du code de l'Éducation dispose : « Toute personne qui veut ouvrir une école privée doit préalablement déclarer son intention au maire de la commune où il veut s'établir, et lui désigner les locaux de l'école.
Le maire remet immédiatement au demandeur un récépissé de sa déclaration et fait afficher celle-ci à la porte de la mairie, pendant un mois.
Si le maire juge que les locaux ne sont pas convenables, pour des raisons tirées de l'intérêt des bonnes moeurs ou de l'hygiène, il forme, dans les huit jours, opposition à l'ouverture de l'école, et en informe le demandeur.
La même déclaration doit être faite en cas de changement des locaux de l'école, ou en cas d'admission d'élèves internes ».
Considérant qu'aux termes de l'article L. 441-2 du code de l'Éducation : « Le demandeur adresse la déclaration mentionnée à l'article L. 441-1 au représentant de l'État dans le département, à l'inspecteur d'académie et au procureur de la République ; il y joint en outre, pour l'inspecteur d'académie, son acte de naissance, ses diplômes, l'extrait de son casier judiciaire, l'indication des lieux où il a résidé et des professions qu'il a exercées pendant les dix années précédentes, le plan des locaux affectés à l'établissement et, s'il appartient à une association, une copie des statuts de cette association.
L'inspecteur d'académie, soit d'office, soit sur la requête du procureur de la République, peut former opposition à l'ouverture d'une école privée, dans l'intérêt des bonnes moeurs ou de l'hygiène.
Si le demandeur est un instituteur public révoqué désireux de s'installer dans la commune où il exerçait, l'opposition peut être faite dans l'intérêt de l'ordre public.
À défaut d'opposition, l'école est ouverte à l'expiration d'un délai d'un mois à compter du dépôt de la déclaration d'ouverture, sans aucune formalité. » ;
Considérant que, pour former son opposition à l'ouverture de l'établissement hors contrat dénommé « Mésanges école bilingue Montessori », le conseil académique de l'Éducation nationale de Grenoble statuant en formation contentieuse et disciplinaire s'est fondé en premier lieu sur le motif tiré de « l'absence de cour de récréation attachée aux locaux d'implantation de l'école susnommée » ; qu'il s'est fondé en deuxième lieu sur « le déroulement quotidien de la récréation prévue dans un parc public pouvant mettre les élèves en contact avec des objets insalubres » ; qu'il s'est fondé en troisième lieu sur « l'absence de sanitaires au sein du parc public » ; et qu'en dernier lieu il s'est fondé sur « l'absence de préau permettant la mise à l'abri des enfants en cas d'intempéries  » ;
 
Sur l'absence de cour de récréation attachée aux locaux d'implantation
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose l'obligation d'une cour de récréation pour l'ouverture d'une école ; que Chantal Detournay soutient, sans être contestée, qu'il existe des établissements habilités par l'Éducation nationale sans cour de récréation attachée aux locaux et notamment dans des villes comme Paris et Lyon ; qu'il résulte de l'instruction que le parc est situé à une cinquantaine de mètres des locaux ; qu'à la lecture du constat d'huissier du 12 octobre 2009 établi à la requête de l'inspection académique de Haute-Savoie, on peut lire qu'il existe un passage piéton pour se rendre au parc tenant lieu de cour de récréation ; que, depuis le constat de l'huissier, le passage piéton est agrémenté de deux chicanes ; que la route est peu passante puisque lorsque Chantal Detournay affirme lors de la séance du 21 janvier 2010 du conseil académique de l'Éducation nationale de Grenoble statuant en formation contentieuse et disciplinaire que, depuis septembre, « je n'ai dû arrêter les voitures que 4 fois afin de sécuriser la traversée des enfants vers le parc », ce que l'administration ne conteste pas ; qu'au demeurant dans son constat l'huissier ne relève pas une forte fréquentation de la route ; que le conseil académique de l'Éducation nationale de Grenoble statuant en formation contentieuse et disciplinaire n'est pas fondé à former opposition à l'ouverture de l'établissement « Mésanges école bilingue Montessori » de ce chef ;
 
Sur le déroulement quotidien de la récréation prévue dans un parc public pouvant mettre les élèves en contact avec des objets insalubres
Considérant que Chantal Detournay affirme, sans être contestée, que le taux d'encadrement dans le parc est de trois accompagnateurs pour six enfants ; que le parc est clos ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la lecture du constat d'huissier susmentionné, qu'il existe un passage piéton pour se rendre au parc ; qu'aucune présence d'objet insalubre n'est relevée et qu'il n'est fait mention dans le constat, ni d'objet, ni de déchets divers insalubres ou dangereux ; que l'accès du parc est interdit aux chiens ; qu'une halte garderie/crèche municipale se trouve dans le parc ; que si dans son constat l'huissier fait état d'une affirmation de Bernard Ringot, conseiller pédagogique de l'inspection départementale de Thonon-les-Bains, selon laquelle un jeu, en l'occurrence un toboggan, ne serait pas aux normes réglementaires, ces allégations ne sont assorties d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'en tout état de cause ainsi qu'il a été dit, le taux d'encadrement permet le contrôle du comportement des enfants ; que l'huissier ne constate aucun danger en lien avec les jeux ; que l'huissier ne constate aucun risque lié à la végétation du parc ; que l'administration ne conteste pas que le parc est surveillé, nettoyé et que les pelouses sont tondues toutes les semaines et qu'on peut lire sur le site internet de la municipalité qu'il a notamment été aménagé pour les « chérubins » ; que les premiers juges n'apportent aucun élément probant établissant que les élèves se retrouveraient dans un environnement dangereux ;
 
Sur l'absence de sanitaires au sein du parc public
Considérant que les toilettes de l'école sont situées à environ 50 mètres du parc public et que l'on peut s'y rendre rapidement et en sécurité ; qu'il existe, en effet, un passage piéton avec chicanes ; que le taux d'encadrement autorise un accompagnement aux toilettes sans que la surveillance des enfants soit fragilisée ; que la route peu passante permettra de se rendre rapidement aux toilettes ; que le moyen tiré de l'absence de sanitaires est non fondé ;

Sur l'absence de préau permettant la mise à l'abri des enfants en cas d'intempéries
Considérant qu'aucun texte législatif et réglementaire ne subordonne l'ouverture d'un établissement privé à l'existence d'un préau en son sein et qu'il existe un grand nombre d'établissements scolaires sans préau ; que la proximité des locaux permet aux enfants de se retrouver à l'abri en quelques instants ; que la route à traverser, peu fréquentée, ne retardera pas le trajet des enfants ; que ce motif n'est pas fondé ;
Considérant que l'administration ne conteste aucun des faits et aucun des arguments avancés par la requérante ou son conseil et notamment que la structure ne fonctionnerait que sous forme d'atelier ;
Considérant que le maire n'a pas formé d'opposition dans le délai de 8 jours comme en dispose l'article L. 441-1 du code de l'Éducation ;
Considérant que la sous-commission départementale accessibilité a formulé un avis favorable le 7 juillet 2009 ;
Considérant que la commission départementale pour la sécurité et l'accessibilité a donné un avis favorable, en date du 21 juillet 2009, auquel le ministre se réfère dans son mémoire en date du 8 mars 2010 ;
Considérant que Chantal Detournay a produit toutes les pièces requises et a souscrit à toutes les demandes, alors même qu'elles concernaient des pièces que l'article L. 441-2 du code de l'Éducation n'exige pas ;
Considérant que Chantal Detournay est fondée à soutenir que c'est à tort que le Conseil académique de l'Éducation nationale de Grenoble statuant en formation contentieuse et disciplinaire a confirmé l'opposition formée par l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'Éducation nationale de Haute-Savoie à l'ouverture de l'établissement d'enseignement privé « Mésanges école bilingue Montessori » pour des motifs tenant à l'hygiène et à la sécurité ; que le jugement en date du 21 janvier 2010 doit être annulé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les risques allégués ne sont pas établis et que rien ne s'oppose à l'ouverture de l'établissement hors contrat dénommé « Mésanges école bilingue Montessori » sis à Veigy-Foncenex (74) ; que, par voie de conséquence, l'opposition formée par l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'Éducation nationale de Haute-Savoie doit être levée ;
Par ces motifs
Délibérant en séance non publique, au scrutin secret, à la majorité absolue des membres présents, la majorité des membres du Conseil étant présents,
Décide
Article 1 - Le jugement en date du 21 janvier 2010 du conseil académique de l'Éducation nationale de Grenoble statuant en formation contentieuse et disciplinaire est annulé ;
Article 2 - L'opposition à l'ouverture de l'établissement hors contrat dénommé « Mésanges école bilingue Montessori » formée par l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'Éducation nationale de Haute-Savoie, est levée ;
Article 3 - Le présent arrêt sera notifié à Chantal Detournay, au ministre de l'Éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, et au recteur de l'académie de Grenoble.
 
Fait à Paris et lu en séance publique, le 10 mars 2010.
Le président,

Jean-Michel Harvier

Le secrétaire suppléant, élu par le conseil en son sein,

Philippe Pechoux