Cyclone Chido à Mayotte : le ministère de l’Éducation nationale se mobilise. Consultez les dernières informations

Grenelle de l'Education [Compte rendu d'atelier] Atelier encadrement : séance 4

L’incubateur du Grenelle de l’Éducation permet une concertation large avec la société civile, sous la forme d’ateliers associant des représentants de la communauté éducative. Consultez le compte rendu de l'atelier encadrement, séance 4, 16 décembre 2020.

Introduction

A ce stade des travaux du Grenelle de l’éducation, Lionel TARLET souligne la richesse des contributions et des échanges. Tous les ateliers sont extrêmement vivants et si riches de propositions qu’il est difficile d’en faire une synthèse sans risquer une simplification qui ne serait pas souhaitable. Il convient cependant de sérier les propositions et de formuler en conséquence les besoins ou les attentes qui leur sont liées, tout comme le calendrier et les modalités de leur mise en œuvre.
Lionel TARLET propose ainsi que la première partie de la séance soit consacrée, après un retour sur les travaux des sous-groupes des précédentes séances, à un classement, par vote des recommandations, qu’il a rassemblées dans un tableau remis aux membres de l’atelier en amont de la séance.

Retour sur les travaux des sous-groupes et vote sur les propositions

Lionel TARLET propose, compte tenu du temps limité qu’ils avaient eu pour restituer ces réflexions, que les trois rapporteurs reviennent sur les travaux menés par les trois sous-groupes lors de la précédente séance. 

1. Premier sous-groupe : l’entrée dans les fonctions d’encadrement 

Sur le premier thème, cinq axes principaux ont été identifiés par le groupe. Celui-ci s’est d'abord demandé comment réussir sa conversion professionnelle (qui est souvent une conversion identitaire). Sur ce point, le groupe propose de :

  • introduire les compétences transversales et les codes de l’encadrement ;
  • mettre davantage en valeur les soft skills ;
  • offrir aux enseignants des stages d’immersion auprès des chefs d’établissement ;
  • définir des missions rémunérées non strictement pédagogiques au sein de l’établissement ;
  • développer des fonctions mixtes préparant à l’encadrement intermédiaire ;
  • maîtriser et promouvoir les postes de « faisant fonction », en réfléchissant notamment à leurs conditions de rémunération.

Un autre axe de réflexion du groupe consiste à identifier dès le début de carrière le potentiel des enseignants pour l’encadrement.

Le groupe juge important de faire une place aux personnes non issues de la sphère pédagogique ou revenant au sein de celle-ci. Il plaide pour le rééquilibrage des voies d’accès aux fonctions d’encadrement (concours, détachement) et prône de veiller à l’adaptation de personnes intégrant l’Éducation nationale (ou y revenant) en deuxième partie de carrière.

Pour amortir le choc de la prise de fonction des chefs d’établissement et des inspecteurs territoriaux, le groupe propose de consolider la formation initiale et continue des personnels de direction et des inspecteurs territoriaux.

Enfin, pour accompagner la mobilité fonctionnelle et géographique, le groupe propose d’aider les intéressés à s’installer dans leur nouvel environnement, sans oublier l’appui à apporter aux conjoints afin de faciliter cette installation.

Lionel TARLET revient sur les fonctions mixtes qui préparent à l’encadrement intermédiaire afin d’en préciser les formes possibles et l’équilibre entre l’observation des fonctions d’encadrement et l’exercice d’une fonction d’encadrement à part entière. Est-il, en particulier, possible d’exercer des fonctions d’encadrement à temps partiel ? 

Sur ce point, un membre du sous-groupe rappelle que le principe d’annualisation du temps de travail de l’enseignant avait été suggéré, en distinguant par exemple une première partie de l’année au cours de laquelle l’enseignant exercerait sa fonction d’enseignant, et une seconde partie au cours de laquelle il épaulerait par exemple son chef d’établissement. 

Un représentant du collège encadrement indique que le principe d’une annualisation du temps de travail lui paraît présenter davantage d’intérêt que celui d’un mi-temps, lequel n’offre qu’une marge de manœuvre très limitée, notamment en matière de contenu des missions.

Un représentant du collège syndical signale le cas fréquent d’enseignants qui sont en sous-service et qui pourraient accompagner la direction de leur établissement durant ces plages, pour compléter leur service et à cette occasion mieux découvrir les métiers d’encadrement.

Constatant les écarts importants dans la charge de, notamment parmi les inspecteurs territoriaux, un représentant de l’encadrement souligne aussi l’intérêt des postes mixtes pour mieux répartir la charge de travail. 

Une représentante du collège syndical observe que le temps de service des enseignants, dans d’autres pays, est structuré différemment et prévoit par exemple un temps face aux élèves, un temps de travail pour l’établissement et un temps de recherche. Sur le même principe, un temps dédié à l’établissement pourrait, en France, être pris en compte d’emblée dans le temps de service de l’enseignant. 

Ces précisions apportées, Lionel TARLET note également qu’un consensus s'est formé sur plusieurs propositions, qui gravitent toutes autour de l’objectif visant à élever le niveau de professionnalité et d’acculturation, sans mettre en difficulté dès le départ des personnels qui ont envie de se lancer pour exercer une fonction d’encadrement. Il propose alors que l’atelier vote sur les propositions de ce premier axe.

Les propositions soumises aux participants sont les suivantes et les résultats qu’elles obtiennent apparaissent entre parenthèses :

  • Acculturer dès le début de carrière les enseignants au leadership (11 votes favorables, soit 68,8 % des suffrages)
  • Identifier dès le début de carrière le potentiel des enseignants pour l’encadrement (7 votes, soit 43,8 %)
  • Assurer leur place aux personnels qui ne sont pas issus de la sphère pédagogique ou y reviennent (1 votes, soit 6,3 %)
  • Amortir le choc de la prise de fonction pour les chefs d’établissement et les inspecteurs territoriaux (7 votes, soit 43,8 %)
  • Accompagner la mobilité fonctionnelle et géographique (4 votes, soit 25 %).

2. Deuxième sous-groupe : l’évolution au sein de l’encadrement

Le groupe a évoqué la question des passerelles entre les métiers de l’encadrement et la nécessité de maîtriser les enjeux spécifiques à chacun des corps de métier, ce qui suppose notamment un meilleur accompagnement de la coopération au quotidien. La question de la rémunération des personnels a été abordée et l’atelier a insisté sur la nécessité, pour les chefs d’établissement, de sortir de la logique actuelle dans laquelle les encadrants n’accèdent aux postes complexes et prestigieux qu’en fin de carrière. Des postes complexes doivent être accessibles dès le début de carrière, plaide le groupe. Celui-ci constate aussi que toutes les fonctions de valorisation ne sont pas les mêmes. Les doyens des corps d’inspection sont, par exemple, au cœur du pilotage du système, alors que cette fonction est actuellement assez mal rémunérée.

Le groupe a jugé indispensable l’obligation de formation pour les cadres, d’autant plus que cette formation constitue une condition d’existence des passerelles. 

La question des directeurs d’école a été longuement débattue et des propositions ont été formulées, tant pour le contexte particulier des petites écoles rurales que pour les établissements de taille plus importante. Dans le premier degré, la question du périmètre d’intervention et du pilotage assuré par les IEN doit aussi être approfondie. Le groupe n’a pu aller jusqu’à l’élaboration de fiches de postes comme cela avait été envisagé. Il a par ailleurs confirmé l’intérêt du principe d’évaluation à « 360 degrés » : un tel dispositif est de nature à porter un regard très riche et peut-être plus objectif sur l’encadrant.

Un proviseur assure se reconnaître pleinement dans ces propos et demeure convaincu qu’il faut que le chef d’établissement puisse « encadrer et plus si nécessaire ». Dans une académie, l’IA-DASEN interdisait aux chefs d’établissement d’émettre le moindre avis à propos de leurs adjoints, dans le souci de ne pas « casser » le binôme ou le trinôme de direction. Ce participant considère toutefois qu’il y a un moyen terme à trouver. Le chef d’établissement doit avoir en effet son mot à dire, même si les relations du travail entre lui et son adjoint ne lui confèrent pas la meilleure place pour cette évaluation, rendant l’exercice parfois périlleux.

Lionel TARLET rappelle que l’atelier avait déjà mis l’accent sur l’importance des garde-fous en la matière, en particulier la nécessité d’éviter l’interpersonnel et l’interférence de stratégies dans l’évaluation (par exemple la tentation d’évincer un subordonné peu apprécié en vantant ses mérites). Il relève que l’annualité de l’évaluation est, pour une majorité des membres de l’atelier, à promouvoir, de même que le rapprochement de l’évaluateur et de l’évalué. Or, l’évaluation d’un cadre par quelqu'un qui le connaît bien, n’a pas toujours été aisée pour les IA-DASEN ayant la responsabilité d’évaluer les adjoints des chefs d’établissements.

Lionel TARLET note enfin que le principe de l’évaluation à 360 degrés nécessite des moyens importants ne permettant pas de l’envisager à grande échelle mais que son expérimentation pour les cadres intermédiaires, dans des limites raisonnables, serait vertueuse selon l’atelier.

Une représentante de l’encadrement juge indispensable que les cadres s’acculturent à l’évaluation et de rompre avec les représentations usuelles de l’évaluation. La formation des cadres aux méthodes d’évaluation doit permettre que celle-ci ne soit pas comprise comme une sanction.

Un représentant du monde économique va dans le même sens : l’évaluation ne doit pas être perçue comme un examen. Il souligne aussi qu’un délai de trois ans entre deux évaluations serait beaucoup trop long à ses yeux.

Lionel TARLET propose alors que l’atelier vote sur les propositions de ce deuxième axe.

Les propositions soumises aux participants sont les suivantes et les résultats qu’elles obtiennent apparaissent entre parenthèses :

  • Ne pas lier la rémunération des personnels excessivement à la taille de la structure dirigée (11 votes, soit 68,8 % des suffrages)
  • Sécuriser les parcours et les compétences acquises (8 votes, soit 50 %)
  • Assurer leur place aux personnels qui ne sont pas issus de la sphère pédagogique ou y reviennent (6 votes, soit 37,5 %)
  • Donner aux directeurs d’école une responsabilité réelle dans le pilotage local (9 votes, soit 56,3 %)
  • Optimiser l’évaluation des cadres et sa visée formative (7 votes, soit 43,8 %).

3. Troisième sous-groupe : exercer un leadership efficace dans sa fonction de direction ou d’inspection

Trois questionnements ont structuré la réflexion du sous-groupe :

  • comment exercer les compétences managériales nécessaires aux métiers de l’encadrement ?
  • comment concilier la recherche de performance avec la dimension humaine du management propre à l’Éducation nationale ?
  • comment faire évaluer les procédures d’évaluation et d’accompagnement au service de la réussite des élèves ?

Trois propositions découlent de ces axes :

  • consolider l’aptitude à animer des collectifs au service d’un projet partagé ;
  • améliorer la coopération entre les cadres pédagogiques sur un territoire (chefs d’établissements, directeur d’école, corps d’inspection) ;
  • garantir la légitimité des cadres, quelle que soit leur origine, dans l’acte d’évaluer et de diriger ses pairs.

Un représentant du monde économique voit un point crucial dans la nécessité de concilier la recherche de performance avec la dimension humaine du management propre à l’Éducation nationale. Ce souci doit être présent dès l’élaboration du projet. 
Peut-être faudrait-il revoir le processus d’élaboration du projet d’établissement, tant celui-ci constitue la clé du leadership. 

Lionel TARLET observe que la question est rendue complexe par la nécessité de réaliser également des contrats d’objectifs prévus quant à eux par la loi, les chefs d’établissement ne pouvant se soustraire à leur élaboration. Le projet d’établissement est parfois tombé en désuétude et se trouve parfois implicitement remplacé par le contrat d’objectifs. Il convient en effet de bien positionner les projets les uns par rapport aux autres (en particulier projet d’établissement et contrat d’objectifs), du point de vue de leur temporalité et en les adossant à des critères d’efficacité.

S’il est légitime que l’école ait des comptes à rendre à la société du point de vue de son efficacité, souligne un représentant de l’encadrement, il ne faut pas pour autant tomber dans le travers d’une surévaluation de la demande sociale (par définition variable), et ainsi ne pas détourner les encadrants des objectifs fondamentaux et intemporels de leur mission (la transmission et l’éducation).

Un autre participant ajoute que le groupe a ébauché les contours d’une nouvelle gouvernance des instances en établissement autour du principe de leadership partagé, ou distribué comme dit parfois, lequel pourrait conduire à donner une plus grande responsabilité et visibilité des enseignants et des équipes pédagogiques aux côtés des chefs d’établissement 

Un représentant de l’encadrement voit un point essentiel dans l’articulation des acteurs à l’échelle d’un territoire et se demande si le nombre actuel de strates, dans les projets, est réellement nécessaire. Force est aussi de constater que les liens noués avec les collectivités sont très inégaux selon les établissements.

Le débat étant épuisé, Lionel TARLET propose alors que l’atelier vote sur les propositions de ce troisième axe.

Les propositions soumises aux participants sont les suivantes et les résultats qu’elles obtiennent apparaissent entre parenthèses :

  • Consolider l’aptitude à animer des collectifs au service d’un projet partagé (12 votes, soit 75 % des suffrages)
  • Améliorer les coopérations entre les cadres pédagogiques sur un territoire (8 votes, soit 68,8 %)
  • Assurer la légitimité des cadres, quel que soit leur origine, dans l’acte d’évaluer et de diriger ses pairs (7 votes, soit 37,5 %).

Au terme des trois votes, sont ainsi retenues les propositions suivantes :

  • Identifier dès le début de carrière le potentiel des enseignants pour l’encadrement ;
  • Amortir le choc de la prise de fonction pour les chefs d’établissement et les inspecteurs territoriaux ;
  • Ne pas lier la rémunération des personnels excessivement à la taille de la structure dirigée ;
  • Donner aux directeurs d’école une responsabilité réelle dans le pilotage local ;
  • Consolider l’aptitude à animer des collectifs au service d’un projet partagé ;
  • Améliorer les coopérations entre les cadres pédagogiques sur un territoire.

Lionel TARLET remercie vivement les participants pour leurs contributions. 

La direction d’école : Mise en perspective historique, par Jean-Michel COIGNARD (IGESR)

Jean-Michel COIGNARD, inspecteur général, observe que la question des modes de gouvernance des différents échelons de l’école n'est guère nouvelle, de même que celle des directeurs d’école. En 1952, lorsque le gouvernement souhaite la création d’un grade spécifique aux directeurs, la proposition est déjà combattue par certaines organisations syndicales, conduisant à son abandon. La contestation la plus connue est récente. Elle date de 1986-1987 et visait le décret des maîtres-directeurs d’école. Ceux-ci ont existé durant trois ans mais n’ont pas passé le cap de l’alternance politique, le décret ayant été abrogé dès 1989.

Pour autant, la pression sur les unités locales que constituent les écoles n’a cessé d’augmenter, notamment au motif de leur nécessaire efficacité et au titre des comptes que l’école a à rendre à la société. La réponse à cette demande sociale a récemment fait émerger des notions nouvelles (école fondamentale, école du socle) autour du principe d’une gouvernance unique pour l’école et le collège. Les promoteurs de ce modèle (tel que l’établissement public des savoirs fondamentaux), mettent en exergue le continuum d’apprentissage de l’élève autour duquel devrait désormais s’organiser le système, qui ferait donc l’objet d’un pilotage unique de la maternelle à la fin de classe de 3ème.

Le projet de loi sur l’école de la confiance a fait naître un amendement proposant l’expérimentation de ces établissements publics des savoirs fondamentaux, en mettant en réseau des écoles et le collège de leur secteur. L’amendement a donné lieu à de vives prises de position et a été rejeté. Les contradictions ne sont pas absentes de ce débat puisque ceux qui ne veulent pas voir d’autorité reconnue aux directeurs d’école plaident simultanément pour une autorité locale au plus près de l’école et même au sein de celle-ci, note Jean-Michel COIGNARD.

Un peu plus tard, en 2018, la députée Cécile Rilhac a établi un rapport flash sur la question spécifique de la direction d’école. Elle y évoque « une profession sur le fil » pour laquelle le statu quo serait intenable. En 2019, le suicide d’une directrice d’école de Seine-Saint-Denis a encore accru l’acuité du débat et une proposition de loi a été élaborée par Cécile Rilhac. Le Sénat publie, de son côté, 16 propositions pour une fonction rénovée de direction d’école. La proposition de loi Rilhac reconnaît la fonction de direction d’école en lui concédant des avantages et propose un nouvel accompagnement aux directeurs d’école. Il ne semble pas encore exister, en revanche, de consensus suffisant pour donner un statut aux directeurs d’école.

Enfin, une circulaire du 25 août 2020 sur la direction d’école présente des recoupements manifestes avec le projet de loi Rilhac. Elle arrête notamment une amélioration des décharges et prévoit la désignation de référents-directeurs départementaux vers lesquels pourraient se tourner les directeurs d’école. Ceux-ci auront aussi la possibilité de multiplier les échanges entre pairs, ce qui répond à une de leurs attentes. La circulaire introduit enfin le principe d’une GRH rénovée, misant notamment sur une formation initiale et une formation continue revisitées ainsi que la prise en compte de la fonction des directeurs d’école « comme s’ils étaient des cadres », même s’ils n’en ont pas le statut.

Lionel TARLET note que si ces mesures de la circulaire d’août 2020 apparaissent bien comme un entre-deux, elles n’en constituent pas moins des avancées considérables, après les 130 ans de « renoncement » bien résumés par Jean-Michel Coignard. Ces progrès récents ont été permis par une prise de conscience collective manifeste depuis quinze ans.

Une directrice d’école en réseau d’éducation prioritaire, à la tête de huit classes, confirme percevoir depuis peu cette volonté d’écoute et de changer les choses. Un réseau se crée aussi parmi les directeurs. Ceux-ci perçoivent néanmoins une pression réelle au quotidien et de très nombreux directeurs ne vont pas bien, se sentant désarmés devant le poids des responsabilités et très seuls face aux décisions à prendre. La question de l’autorité apparaît comme centrale en ceci que s’ils se rendent compte des difficultés posées par la situation actuelle, les directeurs d’école craignent de perdre, s’ils changeaient de statut, la relation de proximité qu’ils ont avec leurs pairs, qu’ils ne souhaitent probablement pas évaluer.

Une représentante du collège syndical évoque la difficulté du rapport à l’autorité, y compris pour un certain nombre d’IEN et pointe du doigt une confusion fréquente entre autorité et autoritarisme dans le premier degré. Ces compétences peuvent s’apprendre et accompagner les directeurs et directrices d’école de ce point de vue pourrait leur faciliter la tâche.

« Commençons par faire confiance aux directeurs et par les accompagner ! », souligne pour conclure Jean-Michel COIGNARD, qui plaide aussi pour l’expérimentation locale afin que les directeurs d’école disposent de relais à différents niveaux et se sentent moins isolés.

Lionel TARLET abonde dans le même sens et note que Jean-Michel COIGNARD a plusieurs fois fait référence, dans son exposé, à l’autorité – morale – des directeurs d’école, celle qui se conquiert, et qui n'est aucunement orthogonale avec la liberté pédagogique de leurs pairs.

Eléments de comparaisons internationales, par la DREIC

L’étude conduite par la DREIC (Délégation aux Relations Européennes et internationales et à la Coopération) montre que dans onze pays européens, une expérience minimale de cinq ans est requise pour exercer la fonction de chef d’établissement, indique Nathalie NIKITENKO, déléguée aux Relations Européennes et internationales et à la Coopération. Le recrutement s’opère généralement sur la base de l’expérience. Ainsi, en Allemagne, les établissements scolaires sont dirigés par des Rektor qui doivent être titulaires d’un diplôme d’enseignement, avoir accompli plusieurs années dans l’enseignement et disposer d’une expérience de management. Au Danemark, les directeurs de folkeskole (primaire et secondaire inférieur) sont nommés par le conseil municipal. L’Espagne et l’Italie recrutent leurs directeurs d’école sur concours. Dans les deux cas, cinq ans d’expérience en tant qu’enseignant sont exigés.

Du point de vue des missions, le cadre général est défini, en Belgique francophone, par un décret et affiné par une lettre de mission (rédigée par le gouvernement et le pouvoir organisateur, avec une durée de validité de six ans) afin de tenir compte des spécificités de l’établissement. Les directeurs sont notamment chargés de la gestion des matériels de l’établissement et de la communication interne et externe de celui-ci. En Finlande, les directeurs observent le déroulement des cours en classe et définissent avec les enseignants des objectifs d’amélioration. Ils identifient des enseignants leaders auxquels ils confient des responsabilités supplémentaires. En Allemagne et au Danemark, les directeurs d’école font partie de l’équipe enseignante.

En ce qui concerne le salaire des chefs d’établissement, une indemnité relative au management s’ajoute à la rémunération d’enseignant dans neuf pays (Autriche, Espagne, Grèce, Hongrie, Irlande, Pologne, République Tchèque et Slovaquie). En Allemagne, le salaire des directeurs et directeurs adjoint dépend de l’effectif de l’école. Au Danemark, un contrat de performance est conclu au niveau municipal pour deux ans et le directeur d’école peut percevoir, à ce titre, une indemnité de gestion en plus de la rémunération d’enseignant. Dans certains systèmes éducatifs, les chefs d’établissement sont rémunérés selon une échelle de salaire distincte de celle des enseignants et bénéficient en plus d’une indemnité de gestion. Dans d’autres pays, les chefs d’établissement sont rémunérés selon une échelle de salaire distincte de celle des enseignants sans indemnité de gestion.

La formation continue est obligatoire en Belgique francophone depuis 2003, à raison de six jours par an. A l’inverse, il n’existe aucune obligation en Finlande, où un budget est alloué aux écoles. En Nouvelle-Zélande, un programme de formation au leadership présente les compétences requises pour diriger un établissement scolaire. Le dispositif s’appuie notamment sur des ressources en ligne.

Quant aux missions d’inspection, Nicolas BENARD (DREIC) constate la place croissante donnée à l’auto-évaluation dans les procédures d’évaluation et d’inspection des écoles, des pratiques pédagogiques et du personnel. D'une façon générale, les missions d’inspection et d’évaluation ne relèvent pas nécessairement d’une administration dédiée. Il faut aussi noter que dans les pays dotés d’une structure politique décentralisée, les autorités locales font souvent preuve d’innovation dans la déclinaison des missions d’inspection. En Allemagne, le contrôle de la qualité de l’enseignement appartient aux Länder, où coexistent les autorités de surveillance scolaire et les instituts de développement scolaire. En Espagne s’articulent les interventions d’une institution nationale et d’institutions locales, tandis que l’Institut National d’évaluation éducative évalue le système éducatif espagnol de façon globale. Plusieurs pays combinent une évaluation interne aux établissements et une évaluation externe. C’est le cas par exemple au Portugal. Au Royaume-Uni, l’auto-évaluation a vu sa place étendue depuis 2010. Enfin, certains États privilégient un modèle décentralisé et d’évaluation interne aux établissements. C’est notamment le cas de la Finlande.

Un représentant de l’encadrement s’interroge quant à l’articulation de ces données qui pourrait être faite avec l’analyse des résultats des performances de ces systèmes éducatifs. Le cas de la Finlande, notamment, paraît paradoxal, combinant une forte formation initiale et une grande liberté dans la mise en œuvre de la formation continue.

Nathalie NIKITENKO précise qu’il n’existe pas ce type d’évaluation croisée. Il existe cependant suffisamment d’outils pour évaluer la performance mais aussi des aspects tels que le bien-être du corps enseignant ou la liberté pédagogique. Il faudrait, pour ce faire, croiser les résultats de l’enquête PISA et ceux d’enquêtes de l’OCDE. La Finlande et le Portugal ont par exemple réalisé des bonds importants dans le classement PISA ces dernières années.

Conclusion

Lionel TARLET remercie Nathalie NIKITENKO et Nicolas BENARD pour leur présentation et ce benchmarking très utile qui permet de retenir quelques différences éclairantes et variables selon les états :

  • La part entre validation des acquis et concours ;
  • L’obligation de formation continue pour les dirigeants ;
  • L’activité d’enseignement poursuivie par les chefs d’établissement ;
  • La complémentarité entre évaluation interne et externe des établissements ;
  • L’autonomie régionale dans la mesure de la performance ;
  • La formation spécifique au leadership, etc.

Au terme de ces 3 heures 30 d’échanges, Lionel TARLET en vient à la conclusion provisoire des travaux, qui, en l’état, se prêtent désormais à une présentation claire et concluante. Il souhaite d’excellentes fêtes de fin d’année à tous les participants, qu’il remercie très chaleureusement pour leur assiduité et leur mobilisation.

Mise à jour : décembre 2020

Le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports engage en 2021 une évolution profonde du système éducatif et des métiers des personnels de l'Éducation nationale.

Mobilisation d'experts, retours d'expériences, concertations, ateliers, agenda social : d'octobre 2020 à février 2021, suivez le Grenelle de l'éducation.

En savoir plus