Grenelle de l'Education [Compte rendu d'atelier] Atelier numérique : séance 4

L’incubateur du Grenelle de l’Éducation permet une concertation large avec la société civile, sous la forme d’ateliers associant des représentants de la communauté éducative. Consultez le compte rendu de l'atelier numérique, séance 4, mardi 24 novembre 2020.

Introduction et présentation du thème de la séance

Quels potentiels faut-il envisager et développer dans les outils, les ressources et les usages numériques en classe et hors la classe ?

Aurélie JEAN rappelle que l’atelier a été construit selon une progression, du plus concret (équipements) vers le plus abstrait (les outils numériques et l’intelligence artificielle, thème de la présente séance), en passant par les compétences et la transformation du métier de professeur. Il s’agira aujourd'hui d’explorer la façon dont l’IA peut transformer la manière d’enseigner, la manière d’apprendre, la personnalisation de l’enseignement mais aussi l’évaluation des élèves, celle des professeurs et l’autoévaluation des enseignants. Une cinquième séance de l’atelier est d'ores et déjà prévue afin de travailler plus spécifiquement sur les propositions qui ont émergé au fil des séances. Elle sera certainement éclairée par des apports de terrain.

Brigitte HAZARD accueille, en tant qu’invitées, Célia Rosentraub et Valérie Barthez, respectivement présidente et directrice des Editeurs de l’éducation.

L’enquête PROFETIC de 2018 met en lumière les opinions des enseignants, s'agissant de l’intérêt du numérique. Elles sont particulièrement positives en ce qui concerne la possibilité de rendre les cours plus attractifs et préparer des séquences pédagogiques. Les opinions favorables reculent dès lors qu’il s’agit de favoriser l’autonomie, de faire progresser l’élève ou encore d’accompagner le travail personnel de l’élève. Il faut manifestement convaincre les enseignants de l’intérêt des outils numériques sur ces aspects, ce qui revient à mettre en questionnement la plus-value de ces outils sur les apprentissages.

Une enquête de l’OCDE montre que l’enrichissement, pour la lecture, est plus important avec un support papier qu’avec un support numérique et plus élevé en cas d’usage modéré du numérique dans la classe.

Stanislas Dehaene avait également évoqué, lors des Etats généraux du numérique, la pertinence de l’apport du numérique et y soulignait la nécessité d’un accompagnement fort par les enseignants, après la conception des outils par les chercheurs. Il faut également trouver une économie pour développer, mettre à jour et diffuser ces outils.

Pour l’heure, le chiffre d'affaires des activités numériques est encore très faible au regard du secteur de l’édition et même par comparaison avec celui de l’enseignement scolaire. De même, les ressources numériques ne représentent qu’un tiers du marché du numérique éducatif, les deux tiers restants étant occupés par les ENT (c'est-à-dire les plateformes) et d’autres outils (logiciels d’emploi du temps, logiciels de notes, manuels numériques…).

Durant la première période de confinement, au cours de laquelle les écoles étaient fermées, les classes virtuelles du CNED et les sites académiques ont été beaucoup utilisés. En revanche, l’exploitation des BRNE, pour l’école ou le collège, a été très limitée alors que ces ressources sont extrêmement utiles pour les enseignants. Les cours Lumni ont été un peu plus utilisés. Les ressources telles que CanoTech et Etincel, qui font pourtant partie du paysage scolaire, ont été délaissées, ce qui peut aussi constituer une piste d’interrogation. 

Quatre questions principales guideront la réflexion lors de la présente séance :

  • quels outils et quelles ressources ?
  • quels critères de choix de ces outils (en tenant compte de la variété des outils, de la dispersion des moyens d’accès, de leur disponibilité et de la possibilité qu’ils offrent en termes d’usage individuel ou collectif) ;
  • qui choisit ?
  • quelle politique de ressources pour les enseignants et les élèves (et quelle cohérence entre les deux) ?

Travail en sous-groupes

Les participants se répartissent en équipes 1 et 2 (identiques à celles des précédentes séances) pour travailler en sous-groupes durant 45 minutes.

Restitution du travail des sous-groupes et discussion

Le groupe 1 indique avoir réfléchi aux limites des outils numériques, à commencer par la faible utilisation des outils institutionnels. Cette faible exploitation résulte aussi d’un manque de formation. Le groupe a jugé nécessaire une co-construction des chercheurs et enseignants, de façon interdisciplinaire, pour ces outils. Un apport du numérique pourrait certainement résider dans le suivi personnalisé des apprentissages, en aidant les familles dans le suivi scolaire, ce qui plaide aussi pour une co-construction avec les parents. Ces outils ont été jugés perfectibles mais utiles, étant entendu qu’ils doivent faire l’objet d’une vigilance particulière en termes de protection des données. Enfin, s’il faut se réjouir, à certains égards, de la diversité des outils, leur prolifération peut conduire les familles et les élèves à s’y perdre, a fortiori pour ceux qui sont éloignés du monde numérique. Aussi le groupe suggère-t-il que les enseignants soient formés à un tronc commun d’outils numériques, qu’ils pourraient ainsi s’approprier et transmettre aux élèves, ce qui ne préjugerait pas de leur liberté de choix d’autres outils en complément.

Le groupe 2 indique qu’un consensus s’est formé autour de plusieurs points. En premier lieu, les outils et ressources doivent présenter une plus-value pour l’élève et l’enseignant. L’outil doit être facile à prendre en main. Des plateformes permettant une plus grande liberté d’usages, avec des dispositifs de capsules opérables entre elles, ont été évoquées. La notion d’agora a été évoquée, sur le principe d’un grand portail de ressources qui seraient mises à la disposition de la communauté élargie. La parentalité et la co-éducation ont aussi été évoquées, sous l’angle des ressources qui pourraient être offertes aux parents. L’outil numérique doit en tout cas être choisi par l’enseignant au service de sa pratique, a considéré le groupe de façon unanime. Les participants ont plaidé pour le principe d’une école plus inclusive. Enfin, la nécessité d’un socle de formation suffisant, pour les enseignants, a été affirmée.

Un représentant du collège syndical observe que les réflexions de l’atelier plaident, en creux, pour la mise en œuvre d’un service public du numérique éducatif qui coordonne la gestion du matériel comme la création de ressources. Le ministère de l’Agriculture dispose d’une maison d’édition qui crée des ressources spécifiques aux enseignants du ministère. C’est une expérience intéressante, il faut en revanche s’assurer de l’égalité d’accès de tous, quel que soit le territoire, à ces outils. Pour l’heure, l’ENT constitue un concept qui n’a jamais été défini, ce qui explique leur hétérogénéité et aussi de grandes disparités suivant les territoires.

Un participant, membre d’un Conseil académique, note également que certains ENT ont fonctionné et d’autres non, ce qui va faire surgir des difficultés propres à la région, dont les élèves subiront les conséquences. Indépendamment de ces difficultés, les modèles d’ENT peuvent être très différents d’une région à une autre, ce qui plaide, à ses yeux, pour un meilleur contrôle des académies sur ces contenus.

Une représentante de l’encadrement ne croit pas à un ENT national, qui serait bien trop lourd compte tenu des milliers d’usages quotidiens qui y transitent. Le schéma directeur des ENT peut en revanche qualifier ce qui est attendu de ces plateformes. Les entreprises sont parfois étonnées de la qualité des fonctionnalités collaboratives et de communication offertes par les ENT. Encore faut-il s’assurer de l’existence d’un marché du numérique pédagogique en France, car il n’est pas structuré pour le moment. Si l’État peut jouer un rôle d’impulsion et de coordination, le financement ne peut venir que du marché. La mission de l’école est de former, en s’appuyant sur des outils de qualité, et les enseignants peuvent utilement coopérer avec les éditeurs mais l’État n’a pas, selon elle, à se substituer aux acteurs du marché.

Une représentante du monde associatif et économique va dans le même sens. Les éditeurs ont progressé, ce qui est possible chaque fois qu’ils ont devant eux une visibilité et un horizon suffisant pour investir. Les régions ont fait un premier pas (la région Grand Est en tête), ce qui a permis de faire évoluer les solutions. En l’absence de marché, celles-ci ne pourront continuer d’évoluer. Il incombe à l’enseignant de choisir sa ressource. Généralement, ses premiers critères de choix sont la gratuité de la ressource et la conformité avec le RGPD (règlement général de protection des données personnelles). Il devient donc crucial d’élargir les possibilités de choix des enseignants en les dotant de budgets spécifiques, selon un principe très simple, un peu comme des « comptes PayPayl » qu’ils pourraient utiliser afin d’outiller leur classe. A défaut de la création de ce marché, les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) risquent de prendre la place.

Aurélie JEAN note qu’un paradoxe peut se faire jour entre le principe d’un tronc commun et l’encouragement des initiatives individuelles. La protection des données et la lutte contre les risques de piratage a été soulignée. Les outils vont se complexifier au fil du temps et la formation des parents et familles sera d’autant plus importante. Elle souligne aussi que l’IA peut permettre l’autoévaluation à un degré assez élevé, pourvu de prendre garde à un certain nombre d’écueils propres à l’IA (par exemple les phénomènes de bulle et la diminution du champ des possibles pouvant résulter d’une orientation biaisée de l’algorithme).

Date de la prochaine séance

La dernière séance de l’atelier aura lieu à une date qui reste à déterminer via un doodle qui sera proposé aux participants.

Mise à jour : décembre 2020

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