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Grenelle de l'Education [Compte rendu d'atelier] Autonomie et déconcentration : séance 1 - Ouverture

L’incubateur du Grenelle de l’Éducation permet une concertation large avec la société civile, sous la forme d’ateliers associant des représentants de la communauté éducative. Consultez le compte rendu de l'atelier Autonomie et déconcentration, séance 1, Ouverture, 17 novembre 2020.

Introduction

Marc FOUCAULT remercie les participants pour leur présence à cet atelier du Grenelle de l’Éducation et pour leur engagement pour l’école. Participent à cet atelier trois représentants du collège encadrement, une représentante du collège opérateur, deux représentants du collège des professeurs, trois représentants du collège associatif et économique, un représentant du collège familles et élèves, une représentante du collège élus et collectivités et six représentants du collège syndicats.

Une note d’objectifs rédigée par François TADDEI et Marc FOUCAULT précise que l’autonomie comprend un sujet relatif aux ressources humaines, un sujet pédagogique et un sujet financier, mais aussi un sujet méthodologique relatif à la difficulté à faire vivre l’autonomie, dans la plupart des lieux scolaires. Il semble donc important de comprendre les raisons de cette difficulté, afin de trouver les solutions pour y remédier. François TADDEI précise dans son introduction que les collectifs parviennent à faire ensemble des choses que les individus ne peuvent faire seuls.

Quatre séances de travail sont programmées, pour une durée de quatre heures chacune, avec pour but de formuler des propositions pour mi-janvier. Les sujets devront être abordés de manière créative et libre, , notamment au cours des deux premières séances. Les participants pourront suggérer des améliorations dans la méthode choisie et apporter des contributions orales ou écrites.

Deux invités interviendront ce jour : Isaac GETZ, enseignant-chercheur et conférencier, spécialiste des organisations, et Éric TOURNIER, inspecteur général de l’Enseignement supérieur, de l’Éducation, du Sport et de la Recherche qui a copiloté le rapport général IGESR 2019 sur l’autonomie des établissements. Plus d’une centaine d’établissements ont été consultés et visités à cette occasion.

Au préalable, chaque membre de l’atelier se présente et définit son rapport au sujet de l’autonomie

Une représentante du collège des opérateurs indique que sa double formation de philosophie et de management qui l’a amenée à être d’abord professeur envisage d’abord l’autonomie du point de vue de l’autonomie des élèves, dans le but de les faire penser. En tant qu’enseignante-chercheur, sa thèse de doctorat portait sur l’autonomie au travail, dans une usine sidérurgique, et visait à savoir comment proposer à des ouvriers d’être autonome sans tomber dans une injonction paradoxale qui les mettrait en difficulté.

Pour mettre en oeuvre l’autonomie, au-delà d’un climat de confiance, trois éléments sont, selon elle, requis : les compétences, la bonne information et l’envie ou la motivation. Le collectif est essentiel, puisqu’il est impossible d’être autonome tout seul. Ayant ensuite été doyenne du corps professoral d’une école de commerce, cette représentante du collège des opérateurs veillait à ce que les professeurs puissent piloter les enseignements en dépit du contexte contraint de double accréditation. En tant que rectrice d’académie, elle a ensuite appliqué les principes découverts dans ses recherches et a été accompagnée par François Taddei pour construire une « académie apprenante », sur la base d’un projet participatif. Enfin, elle pilote maintenant un opérateur et souhaite redonner confiance à des jeunes qui ne se sentent pas capables d’inventer leur avenir en les mettant en situation d’autonomie par rapport à la création d’un savoir-devenir, compétence dont il convient de les doter.

Un représentant du collège encadrement précise qu’il est devenu proviseur parce que précisément l’autonomie des établissements scolaires existe. L’autonomie consiste à gouverner par ses propres lois, en créant un collectif dans un cadre strict et en étant original au sein de la règle. Pour ce faire, il convient de promouvoir l’horizontalité, avec des outils clairs et donc dans le contexte d’un cadre national fort. Les limites de l’autonomie sont liées à la verticalité de l’organisation et à l’accélération des réformes et des bouleversements. De l’audace est nécessaire, mais aussi des moyens humains, politiques et matériels. La procédure d’autoévaluation est difficile à intégrer, dans le contexte Covid et de réforme des lycées, mais elle est centrale pour l’autonomie et les collectifs apprenants.

Un représentant du collège des professeurs considère que tout reste à accomplir pour promouvoir l’autonomie en élémentaire, à l’exception du projet d’école. Dans les jurys de recrutement, la question de l’autonomie n’est pas évoquée et seule la loyauté est abordée : le lien entre autonomie et loyauté peut d’ailleurs être interrogé. Le PEDT constitue une piste, avec les plans territoriaux puisqu’un partenariat est instauré avec les collectivités locales. Le champ de l’autonomie est vaste, et la notion doit être définie, tout en procédant à l’horizontalité des compétences.

Une représentante du collège associatif et économique souligne que l’autonomie est au coeur du débat des campus des métiers et des qualifications, programme ambitieux qui innove justement par l’autonomisation.

Un représentant du collège Familles et Élèves souligne que les établissements d’enseignement catholique ont plus d’autonomie, même si cette autonomie est partielle. Cette autonomie peut permettre l’épanouissement des enfants. La communauté éducative est essentielle pour cet épanouissement..

Une représentante du collège des élus et collectivités précise que son approche personnelle s’articule autour du dialogue social, avec une charte de reconnaissance du parcours syndical pour valoriser les compétences acquises, de l’égalité hommes femmes, du handicap et de la qualité de vie au travail. Un régime indemnitaire au mérite a été mis en place pour mieux reconnaître l’engagement des fonctionnaires territoriaux. Elle porte le projet « incarnons le travail de demain », articulé autour de trois valeurs fondamentales que sont l’autonomie, la confiance et la responsabilité et autour de trois axes que sont le télétravail, un nouveau mode de management, moins hiérarchique, et des espaces de travail plus ouverts.

Un représentant du collège des syndicats regrette le manque de données sur le premier degré qui représente 45 000 écoles. Sur le projet d’école, les objectifs cible ou le règlement intérieur, l’autonomie est quasiment inexistante puisque seuls les objectifs nationaux sont déclinés. La crise sanitaire a pourtant mis en évidence la compétence et la responsabilité des directeurs pour appliquer les protocoles. Il convient de libérer les énergies au sein des écoles pour créer un collectif et améliorer la réussite des élèves, en partant des besoins réels de chaque école.

Un représentant du collège des syndicats indique que son organisation est favorable à l’autonomie, à condition de disposer d’un cadre d’exercice clair. Les statuts doivent rester nationaux. Une fois le cadre posé, de l’autonomie doit être laissée aux équipes pour porter des projets d’établissements et des projets d’écoles, notamment sur l’évaluation des élèves et les formations des équipes et des collectifs de travail. Certains éléments doivent pouvoir être organisés par les établissements, en leur confiant une autonomie sur la gestion de certains moyens.

La note d’objectif de l’atelier semble réduire l’autonomie à une relation entre enseignants et personnels de direction alors que tout le personnel a un rôle à jouer, ainsi que les parents, et les élèves. Enfin, au-delà de l’autonomie, la question de la formation initiale et continue se pose, pour oser se remettre en cause, savoir travailler en équipe. L’intervenant insiste aussi sur le soutien de l’institution dans les moments difficiles et sur les conditions de travail qui peuvent conditionner le dynamisme et l’implication des personnels.

Enfin, il importe de pouvoir évaluer la réussite des projets, sachant qu’un important travail doit être réalisé en la matière.
Une représentante du collège encadrement pense que l’autonomie va de pair avec le leadership et le développement professionnel. Une réflexion devra sans doute être menée sur les moyens nécessaires, notamment dans le premier degré, pour la formation.

Une représentante du collège des syndicats souhaite parler de l’acquisition de l’autonomie par les élèves, pour les préparer à l’enseignement supérieur et à la vie. La liberté pédagogique n’est pas suffisamment valorisée et utilisée. Il convient également d’améliorer l’efficience de l’organisation des établissements, en utilisant toutes les marges de liberté possibles.

Un représentant du collège associatif et économique constate que de nombreuses initiatives existent, en matière éducative, mais que le blocage systémique constitue un frein, au lieu de favoriser les initiatives. De ce fait, les initiatives s’essoufflent à cause de blocages institutionnels. Il convient de donner davantage de pouvoir aux acteurs éducatifs. Les projets intéressants s’accompagnent souvent d’une forte communauté entre les enseignants, les élèves, les parents et les collectivités, créant des alliances éducatives.

Une représentante du collège des professeurs estime que l’ouverture est nécessaire pour l’essor de l’innovation, mais insiste aussi sur l’utilité d’un cadrage.. Au quotidien, elle bénéficie ainsi d’une autonomie et d’un cadrage national. Elle a travaillé sur une licence inclusive pour bachelier professionnel pour les accompagner vers l’autonomie. L’ancrage territorial est nécessaire pour la transformation des systèmes éducatifs. Enfin, il semble nécessaire pour l’inclusion et l’autonomie de traiter le sujet du déterminisme social, très fort dans les concours de l’Éducation nationale.

Un représentant du collège des syndicats indique que son organisation a pour valeur l’autonomie des établissements. L’autonomie consiste à créer et faire vivre un espace de liberté collective dans un espace actuellement contraint par la loi et une hiérarchie de tradition jacobine. Se posent également la question des territoires, des attentes des différents groupes de pression autour d’un établissement, des nouveaux acteurs comme les réseaux sociaux, de la loyauté et de l’évaluation. Il convient donc de remettre l’autonomie dans la question sociétale, celle de la liberté de l’individu dans une société démocratique où l’intérêt commun doit prendre sa place.

Marc FOUCAULT remarque que le monde de l’hôpital et de l’éducation pendant le confinement sont sans doute source d’enseignements en termes d’autonomie. François TADDEI confirme que, face à une urgence systémique comme le Covid, les hôpitaux sont passés d’une vision verticale à une vision partant des urgences pour se réorganiser en profondeur. Des chefs de service dont les opérations étaient annulées ont contribué en tant que brancardiers. La capacité à relever collectivement des défis a toujours existé, mais apparaît plus fortement en temps de crise.

Que peuvent apprendre les entreprises libérées aux administrations et organismes publics ? Intervention d’Isaac GETZ

Isaac GETZ travaille depuis 2005 sur la confiance et la responsabilité au sein des organisations. Des centaines d’organisations, y compris administrations, organismes publics et syndicats, se sont « libérées ». En 2005, la situation était bien différente et la libération semblait utopiste.

Un extrait du film Le bonheur au travail, est diffusé.

Isaac GETZ signale que ce film montre des travailleurs engagés, qui ont plaisir à venir travailler et aiment leur entreprise ou leur collectivité. Un sondage d’engagement des salariés de Gallup en 2017 montre que seuls 6 % des salariés sont engagés en France. En Norvège, pays qui obtient pourtant les meilleurs résultats en Europe, ce taux n’est que de 17 %. Les salariés activement désengagés sont malheureux: ils sont 26 % en France. Les directeurs attendent des résultats et une performance et se soucient peut-être peu des états d’âme de leurs collaborateurs. Or, avec de tels taux d’engagement et de désengagement, les efforts de quelques-uns ne peuvent suffire.

Aristote définit la vie bonne comme la satisfaction de certains besoins, matériels et spirituels (dignité, besoin d’apprendre), et s’interroge pour savoir si les sociétés sont égales dans les chances offertes aux citoyens d’accéder à la vie bonne. Robert Greenleaf, inventeur du leadership serviteur, considère qu’une « société bonne voit le jour lorsque beaucoup de gens réalisent leur potentiel grâce à des contributions nombreuses et variées ».

Le pourcentage de salariés avec au moins un arrêt maladie par an s’établit à 28 % dans le privé, 32 % dans la Fonction publique d’État, 33 % dans la fonction publique hospitalière et 35 % dans la fonction publique territoriale. Dans les communes moyennes, l’absentéisme est de 8,7 % en 2013, avec une différence selon la taille des communes (6,4 % dans les communes qui comptent moins de 10 ans et 10,4 % dans les communes qui en comptent plus de 350). Le pourcentage des visites chez le médecin généraliste dues au stress au travail s’établit à 75 %. La première cause de stress au travail est le manque de contrôle et les tensions avec la hiérarchie, soit le manque d’autonomie. Agnès Buzyn, quand elle était ministre du Travail, se demandait jusqu’à quand l’Assurance-maladie pallierait les défaillances du management au travail.

Comment transformer l’organisation fondée sur la méfiance et le contrôle en une organisation fondée sur la confiance et l’autonomie ? Une philosophie, fondée sur des principes essentiels comme la liberté d’initiative, peut y contribuer, sous l’impulsion des dirigeants. La liberté n’est pas le pouvoir de faire ce qu’on veut, mais le droit de faire ce qu’il faut, selon Lord John Acton. Ce qu’il faut, pour un salarié ou le collaborateur d’un établissement, est de contribuer au projet commun défini ensemble. Un chemin doit donc être co construit et les collaborateurs doivent y participer, sur la base du volontariat, et se l’approprier. Certaines questions doivent se poser : les salariés désengagés ne l’étaient pas le premier jour de travail. Lors de leur entretien de motivation, ils ont effectivement démontré leur motivation. Les salariés proposent souvent des initiatives au début, puis se contentent d’exécuter les ordres. Dans ces organisations, des salariés enthousiastes sont recrutés et finissent par être des exécutants. Les organisations ne sont pas naturelles et violent les besoins fondamentaux des individus qui sont l’égalité intrinsèque, la réalisation de soi et l’auto direction.

Un film est diffusé, montrant une expérience menée dans un OPH, qui gère des organismes HLM.

L’entreprise libérée rend les salariés acteurs de l’entreprise et privilégie la politique d’accompagnement et non d’autorité.

Une telle organisation peut-elle être instaurée partout ? La France compte le plus grand nombre d’entreprises libérées dans le monde : Michelin est entré dans cette démarche, avec 60 usines « libérées » sur ces 80 entreprises, et entrent également dans cette démarche des entreprises comme Airbus, EDF, MAIF ou Pôle Emploi. Des lycées ont également mis en place cette démarche.

Un film réalisé dans un lycée « l’école libérée du lycée des Bressis » est diffusé.

Dans ce film, un professeur indique que ses élèves obtiennent des moyennes supérieures de 2-3 points aux autres classes. Faire confiance aux élèves, les accompagner à produire en équipe s’apparente au management des équipes. Et l’essaimage prend, les collègues bougent aussi les lignes, l’école bouge pour épanouir les élèves, les rendre autonomes, auto motivés.

Isaac GETZ indique que l’entreprise libérée est une philosophie : dans celle-ci, les salariés disposent d’une liberté d’entreprendre toute initiative qui leur semble la meilleure pour l’organisation. La question est de savoir comment organiser les environnements de travail qui satisfont les besoins psychologiques fondamentaux des êtres humains et leur donnent envie de contribuer pour le bien-être commun.

Un représentant du collège des professeurs signale qu’une difficulté des établissements est liée au renouvellement des équipes, jusqu’à un tiers chaque année scolaire.

Isaac GETZ ne pensait pas que le turn-over était si important et souligne que l’effort pour intégrer de nouveaux collaborateurs doit donc être très conséquent. Le point essentiel réside dans la stabilité du numéro 1 de l’établissement, dans une transformation qui prend quelques années. Il convient que le directeur reste au minimum trois ans pour que la transformation puisse être initiée.

Cette transformation ne peut être décrétée et elle doit reposer sur le volontariat des enseignants, personnels, élèves et parents. Le noyau initial peut être constitué d’une petite minorité, d’un tiers ou de la moitié des personnes concernées. Une fois engagé dans cette transformation, le personnel voudra rester quelques années pour voir le fruit de son travail. Le projet peut être très motivant et contribuer à la stabilité des effectifs.

Un représentant du collège des professeurs indique que certaines équipes sont ancrées dans les habitudes et vivent tout changement comme déstabilisant et stressant : de ce fait, elles n’osent pas innover. Les écoles sont très cloisonnées.

Isaac GETZ répond que la co-construction, alliée au volontariat, permet de surmonter les réticences. Les gens ne résistent pas au changement, mais au fait d’être changés : si la transformation est imposée, le collectif humain résiste. Si un seul établissement met en place une telle pratique, il n’aura pas d’effet de levier. Si plusieurs établissements lancent ces initiatives dans une même académie, ils se mettront en réseau, échangeront leurs pratiques et constitueront un socle de transformation collective : ils décideront alors de rendre leur exemple visible pour inspirer d’autres directeurs et rayonneront.

Un représentant du collège des syndicats souligne que le changement doit venir de la base, au risque sinon d’un échec assuré.

Isaac GETZ confirme que le changement ne peut être imposé et doit être co-construit. L’idée peut effectivement venir de la base, mais aussi de la direction, du recteur ou du ministère, à condition d’instaurer une dynamique de collaboration avec la participation de toutes les bonnes volontés.

Une représentante du collège des professeurs considère que, pour créer des réseaux et des communautés, il faut des lieux et du temps.

Isaac GETZ le confirme.

Une représentante du collège associatif et économique souligne le besoin de temps, pour que les individus prennent conscience des choses, et s’enquiert des solutions pour accélérer le processus.

Isaac GETZ constate qu’une PME a mis six mois pour introduire des changements, mais qu’il faut plutôt deux ou trois ans généralement. Dès les premières semaines, des effets exceptionnels peuvent être observés, grâce à une suggestion apportée par un personnel.

L’inspecteur qui a vu le travail réalisé par le professeur dans le lycée des Bressis l’a immédiatement intégré à son équipe de formateurs. Ce professeur a introduit de la coopération dans ses classes et ces dernières ont bien mieux vécu le confinement.

Échange avec Eric Tournier autour du rapport des inspections générales sur l’autonomie des établissements

Marc FOUCAULT précise que l’Inspection générale rend chaque année un rapport général sur un sujet qui fait l’objet d’une attention particulière. Un rapport a ainsi été rendu sur le sujet de l’autonomie en 2019 et Eric Tournier a piloté cette mission, avec deux autres collègues. Le rapport a été adressé aux membres de l’atelier qui peuvent donc poser leurs questions.

François TADDEI souhaite savoir ce que Eric Tournier tire comme enseignement de cette mission et de la précédente intervention.

Le rapport est né d’une auto saisine des inspections générales, selon une méthode proche de celle utilisée pour le rapport de 2015 sur les facteurs de valeur ajoutée des lycées, fondée sur l’observation d’un échantillon représentatif d’établissements.

Le rôle du collectif est fondamental : un établissement qui se saisit de son autonomie prend conscience de son collectif, de sa capacité à agir sur la réussite des élèves et du fait que l’autonomie est vaste.

François TADDEI constate que les conclusions du rapport mettent en avant la stabilité des équipes, en soulignant que les chefs d’établissement ne restent pas toujours suffisamment longtemps pour créer la confiance nécessaire au collectif. Dans les pays où les inégalités scolaires sont les moins importantes, il existe aussi une incitation pour les enseignants à aller dans les lieux défavorisés, ce qui n’est pas suffisamment le cas en France.

Eric TOURNIER observe que le rapport de 2015 sur la valeur ajoutée des établissements mettait en avant que les lycées qui enregistraient la meilleure réussite de leurs élèves avaient un engagement fort des équipes autour des projets collectifs et un leader qui donnait un cap. Trois éléments semblent indispensables : un projet, porté par chacun, un leadership et l’évaluation de l’effet des actions menées. Le rapport a montré que certains établissements très classiques, sélectionnés au hasard, avaient des pratiques remarquables. Ainsi, les équipes d’un collège et d’un lycée professionnel faisaient régulièrement le point sur les effets de la répartition de la dotation horaire, tous les deux ou trois ans.

Concernant les personnels de direction, la nécessité d’une certaine permanence a été mise en avant, avec un effet pervers du statut et de la rémunération puisque les directeurs sont incités à aller vers les établissements de taille supérieure pour obtenir une rémunération supplémentaire. De ce fait, ils ne restent généralement que trois ou quatre ans dans les établissements. La durée minimale est de trois ans et la durée maximale de neuf ans, ce qui dans ce cas donne de la stabilité et de la mobilité. Aucune préconisation n’a été formulée sur le sujet, si ce n’est une invitation à réfléchir au lien entre rémunération et taille de l’établissement.

Le rapport Igesr n’a pas abordé la question des établissements d’enseignement supérieur et la question de l’autonomie des établissements de premier degré. Seuls les établissements de second degré sont des EPLE et le décret de 1985 liste tous les éléments de l’autonomie.

Un représentant du collège des syndicats s’interroge sur l’adéquation autonomie financière et décentralisation.
François TADDEI souligne la nécessité de mettre en réseau les établissements. Des innovations existent sur tout le territoire, mais les effets de systèmes sont faibles : il convient d’autonomiser les établissements, mais aussi de leur permettre de créer des collectifs autonomes, avec une évaluation par les pairs, à l’instar de ce qui existe dans l’enseignement supérieur, pour penser des collectifs plus horizontaux.

Eric TOURNIER juge la question essentielle puisqu’elle renvoie au statut des EPLE qui font partie d’une chaîne de pilotage et sont chargés de mettre en oeuvre des orientations ministérielles et académiques. L’EPLE est également un établissement public local, puisqu’il a été créé dans les années 1980, après l’adoption des deux lois de décentralisation, sous l’influence d’un certain nombre d’acteurs qui insistaient sur la capacité à définir des projets locaux, compte tenu de l’écosystème local. L’établissement devait être capable de tenir compte de ses caractéristiques et des besoins de ses élèves pour définir un projet.

L’autonomie des établissements est donc double, et parfois contradictoire. Elle est d’abord descendante puisque l’établissement met en oeuvre la politique nationale, ministérielle et académique, en fonction de ses caractéristiques. Elle est également ascendante puisque l’établissement peut adopter un projet d’établissement, signer un contrat d’objectif et adopter un règlement intérieur. Si le système est décentralisé, il reste unifié.

À cet égard, les relations avec les académies sont largement empreintes d’une autonomie descendante, s’agissant des projets d’établissement et des contrats d’objectifs. Les académies demandent souvent aux établissements de promouvoir les projets d’académie. Lorsque des opérations de contractualisation se mettent en place, les établissements contractualisent souvent sur des objectifs définis par l’échelon académique.

Pour mieux reconnaître une autonomie ascendante, il conviendrait de partir de l’autoévaluation partagée. Avec une telle démarche, les établissements pourront prendre conscience de leur situation et de leur capacité à agir sur le résultat des élèves. Une réflexion sur la place du projet d’établissement et du contrat d’objectif devra être menée, ainsi qu’une réflexion sur l’articulation entre ces deux points. Pour faire prévaloir un chaînage autoévaluation, projet d’établissement et contrat, le contrat devra prendre en compte la démarche d’établissement et le projet d’établissement sera premier. Si un cinquième des établissements entre dans l’autoévaluation et dans la définition d’un projet d’établissement, il sera possible de passer de la réussite individuelle à la réussite collective.

L’étude a porté sur la réforme de l’éducation en Wallonie avec la mise en place d’un système de formation des équipes d’établissement à l’évaluation et à l’autoévaluation collective, au diagnostic sur le fonctionnement et sur les besoins de l’établissement : à l’issue de cela, les établissements élaborent un plan d’action ou un projet d’établissement. Des chefs d’établissement et inspecteurs, détachés pour être délégués au contrat d’objectif, aident les établissements à construire, en lien avec l’autorité ministérielle, un contrat d’objectif par lequel l’établissement met en place sa politique. La contractualisation est seconde par rapport au projet d’établissement.

François TADDEI relève que le choix des mots est important et que le terme d’inspecteurs a été remplacé en Belgique.

Eric TOURNIER répond que les missions de l’inspection ont évolué en 2015 : si l’activité d’inspection individuelle demeure, une activité d’inspection collective a été introduite. L’inspecteur a également une mission d’expertise et une mission d’accompagnement des établissements. 10 inspecteurs ont été positionnés comme référents auprès des établissements, avec des retours très positifs des enseignants et des directeurs. Des réticences sont parfois observées au sein du corps des inspecteurs, avec le souhait d’être mieux formés pour bien comprendre la dynamique de l’établissement.

Marc FOUCAULT constate que, pendant très longtemps, seuls deux pays ne faisaient pas d’inspections d’établissement : la France et la Bulgarie. Dans la tradition française, l’inspecteur inspecte le maître, et non l’établissement. Le Haut Conseil pour l’évaluation instauré en 2020 va permettre d’instaurer pour la première fois des évaluations d’établissements (fondées notamment sur l’auto évaluation).

Un représentant du collège des syndicats observe que le lien entre autonomie financière et décentralisation risque de poser problème, compte tenu de la volonté des collectivités de reprendre cette marge d’autonomie.

Eric TOURNIER confirme que des inquiétudes existent quant à la latitude de l’établissement à disposer d’une autonomie financière. Certaines collectivités prennent en gestion directe un grand nombre d’activités qui devraient relever de l’établissement ce qui interroge sur le devenir des métiers de gestionnaires et d’agents comptables. L’autonomie financière constitue effectivement un volet essentiel de l’autonomie, alors que des collectivités prennent des décisions qui limitent cette autonomie financière.

L’autonomie de l’établissement n’est pas celle du chef d’établissement. L’autonomie doit être pensée au niveau collectif, notamment au sein de l’équipe de direction composée du chef d’établissement et de ses adjoints et gestionnaires. Cette équipe a tout intérêt à être élargie à des personnes ressources ou des personnes relais puisque l’autonomie existe là où le chef d’établissement pilote en s’appuyant sur un certain nombre d’enseignants, afin de démultiplier son action. Le rapport préconise de retrouver de la liberté dans l’attribution des IMP (indemnités pour missions particulières), sachant qu’elles avaient initialement été créées sans cadrage.

Une représentante du collège encadrement se demande comment l’évaluation des écoles pourrait être menée, avec éventuellement l’autoévaluation des écoles, s’interroge sur la responsabilité des directeurs et sur le lien avec les collectivités territoriales et notamment les mairies, en créant une commission scolaire effective permettant aux écoles d’avoir une réelle autonomie.

Un représentant du collège des syndicats précise que les écoles ont des projets d’école et des cibles, toutes descendantes. L’autonomie est un levier qui concourt à la réussite des élèves et doit être activée dès l’école maternelle. Le directeur anime, impulse, organise, a un important travail partenarial avec tous les membres de la communauté éducative, mais est rarement décideur. Les directeurs sont très peu invités à travailler en collaboration pour impulser les collectifs pédagogiques.

Eric TOURNIER répond que les conditions d’une autonomie contribuant à la réussite des élèves, basées sur un projet collectif, partagé, construit à partir d’un diagnostic et piloté par un leadership, valent pour le premier degré comme pour le second degré. Il existe toutefois dans le second degré des établissements publics qui disposent d’une autonomie, contrairement aux écoles du premier degré. La logique y est donc exclusivement descendante.

Marc FOUCAULT se demande pourquoi le statut empêche de mettre du collectif et de l’autonomie dans les écoles.

Eric TOURNIER répond que l’inspecteur de la circonscription dispose de l’autorité hiérarchique et définit le plan de formation, ce qui n’est pas le cas dans le second degré où le chef d’établissement dispose de cette autorité et de ces prérogatives.

Une représentante du collège encadrement considère qu’un écueil de la formation des personnels d’encadrement réside dans l’insuffisante fluidité entre les différents corps et par les cloisons entre direction et inspection, alors que le passage de l’un à l’autre est très bénéfique et devrait être favorisé. Le contenu de formation est peu ouvert sur les marges d’autonomie : la formation initiale est importante, pour les personnels de direction, mais la formation continue est faible alors que les chefs d’établissement auraient besoin de formation pour s’approprier l’autonomie. Enfin, le système éducatif est séquencé en années scolaires et le séquencement des moyens induit que les moyens sont attribués pour une période courte : la contractualisation pluriannuelle présenterait alors un intérêt.

Un représentant du collège encadrement rejoint le point de vue et souhaite savoir dans quelle organisation l’autonomie ascendante peut être mise en oeuvre. L’accompagnement à mettre en oeuvre sur le terrain est alors indispensable et doit accorder une place aux élèves dans l’autoévaluation. L’objectif est de mettre en oeuvre et d’essaimer, au-delà de formations trop théoriques.

Eric TOURNIER juge primordial d’instaurer une culture commune entre les corps d’inspection et de direction, culture basée sur la connaissance de l’établissement, dans le but d’introduire une meilleure fluidité et de positionner les inspecteurs auprès des établissements, en tant qu’experts. Le rapport prend position sur la pluri annualité. Les établissements pourraient recevoir certains moyens pour une période de trois ans. La notion de marge d’autonomie doit être considérée dans son ensemble : dans un collège, les personnels enseignants soulignaient que le niveau sixième était trop chargé, alors que la marge d’autonomie de trois heures par division permettait de créer une autre classe. Il convient donc de raisonner sur la globalité des moyens.

La question de l’autoévaluation fera la réussite ou l’échec de la politique d’évaluation et l’autoévaluation devra nécessairement être collective et partagée. Un accompagnement sera nécessaire. Les usagers (parents, élèves et collectivités) devront être impliqués.

Un représentant du collège des syndicats se demande si la prise en considération des réseaux dans les académies peut être un levier pour un projet partagé, entraînant des établissements non engagés. Le temps est de plus en plus compté dans les activités quotidiennes, ce qui constitue sans doute un frein à la dynamique de l’autonomie.

Le ministre a récemment proposé que chaque établissement puisse mettre en place des projets pédagogiques, dans le cadre de la crise sanitaire, pour instaurer à la fois du distanciel et du présentiel. Or, certains établissements n’ont pas voulu s’engager dans cette voie, faute de consensus : l’autonomie connaît une limite quand elle se confronte à une minorité qui dispose d’un point de vue différent.

Une représentante du collège des professeurs considère que, pour libérer les forces et l’autonomie, il convient de veiller à l’hybridation des métiers d’enseignants et de directions : l’IMP morcelle davantage qu’elle libère. La question du temps se pose, puisque le professeur est encouragé à rester dans sa salle de classe. Il conviendrait donc peut-être d’encourager le décloisonnement des carrières enseignantes.

Eric TOURNIER précise que depuis le décret d’août 2014, le temps de service des enseignants est désormais défini en fonction du temps de travail annuel des fonctionnaires et que les obligations de service de l’enseignant comprennent, outre le face à face en classe, le travail en équipe pluridisciplinaire et pédagogique, le dialogue avec les parents d’élèves et l’orientation des élèves.

Une représentante du collège associatif et économique observe que les défis d’orientation, d’insertion et de citoyenneté requièrent des moyens nouveaux tandis que l’autonomie doit être liée à un territoire et aux modèles économiques de ce territoire. Les CMQ et d’autres dispositifs incitent à répondre à des appels à projets et à rechercher une autonomie financière, ce qui suppose sans doute une nouvelle organisation.

Un représentant du collège des syndicats précise que l’idéal consisterait à rechercher des sources de financement extérieur, pour les EPLE, mais juge le point compliqué pour les personnels par manque de temps et par manque de culture. Si les moyens humains manquent, l’échec est assuré.

Eric TOURNIER juge la question passionnante. La structure d’établissement dans le cadre d’un campus des métiers est fondée sur un projet : par conséquent, la structure est intrinsèquement autonome. Parfois les acteurs voient plus la structure que l’animation de la structure et la vision du projet, mais tout ce qui favorise la mise en réseau requiert de passer par un projet.

Un représentant du collège des professeurs souhaite revenir sur la question de l’autonomie financière : les écoles élémentaires sont très dépendantes des politiques de la ville et des budgets votés en conseil municipal. Des villes limitrophes peuvent avoir des axes très différents. Un levier doit donc être travaillé au niveau du PEDT, qui doit faire l’objet d’une approche renouvelée.

Une représentante du collège des opérateurs salue la qualité du rapport Igesr qui s’appuie sur les visites de terrain. Elle se déclare frappée par la question de l’autonomie ascendante et descendante : le recteur est accusé d’imposer des thématiques dans les projets d’établissement et via les contrats d’objectif. Le premier degré n’a pas de leader officiel et la réflexion doit être menée en collège des IEN. Dans une démarche de co construction, cette représentante du collège des opérateurs a ouvert la démarche à la participation de tous. Il convient de déterminer qui est leader, même si le projet est collectif. Si le leader se trouve simplement au niveau local, il convient de préciser le rôle du recteur, de l’inspecteur et du ministre. La question de l’accompagnement se pose également, puisque les moyens manquent. Les inspecteurs doivent être référents d’établissement, en plus de leurs fonctions. Le rôle des différentes échelles de pilotage doit être revisité. Si l’autonomie importe pour la réussite des élèves, il convient de commences dès le premier degré et de définir les rôles respectifs de chacun, pour éviter les injonctions contradictoires.

Eric TOURNIER considère que l’établissement se trouve dans une chaîne de pilotage, dont les leaders sont le ministre et le recteur, mais peut aussi être accompagné par l’inspection académique dans une autonomie ascendante. Le chef d’établissement peut alors être leader à l’échelon local.

Une représentante du collège des opérateurs juge la question de l’alignement fondamentale en stratégie, même s’il ne convient pas que chaque communauté se fixe les mêmes objectifs, si l’efficacité est visée.

François TADDEI considère qu’il convient de penser une école des défis, définir collectivement les défis, en laissant la communauté trouver ses réponses localement, même si l’échelon supérieur peut impulser des réflexions.

Eric TOURNIER rejoint le point de vue précédemment exprimé sur les PEDT.

Marc FOUCAULT remercie tous les participants. La prochaine réunion sera organisée autour d’un regard croisé avec deux chefs d’établissements français à l’étranger et la directrice du collège Sévigné, établissement privé sous contrat. Les participants seront ensuite invités à faire part d’une expérience d’autonomie qu’ils ont vécue, qu’elle soit positive ou pas, dans le système scolaire ou non. Il conviendra de préciser le traitement qui sera réservé au premier degré, sans doute lors de la 3e séquence.

François TADDEI remercie les participants pour leur collaboration. Celle-ci permettra de créer un collectif très utile pour nos futures propositions.

Mise à jour : novembre 2020

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