Grenelle de l'Education [Compte rendu d'atelier] Collectifs Pédagogiques : séance 3 – Coopération

L’incubateur du Grenelle de l’Éducation permet une concertation large avec la société civile, sous la forme d’ateliers associant des représentants de la communauté éducative. Consultez le compte rendu de l'atelier collectifs pédagogiques, séance 3, coopération.

Introduction de la problématique

Sophie TARDY, secrétaire générale de l’atelier, propose que cette troisième séance soit consacrée aux collectifs d’élèves et à l’accompagnement des collectifs. Quelles propositions retenir pour favoriser les collectifs d’élèves ? Si les professeurs forment des collectifs, les élèves seront également encouragés à s’organiser sur ce mode. Les questions sont donc imbriquées et leurs enjeux interdépendants. Comment mieux accompagner l’inclusion d’enfants en situation de handicap dans des collectifs à l’école ? Quelles pistes pour créer un environnement qui soit favorable aux collectifs ? 
Et d'abord, pourquoi serait-il facile de travailler en équipe ? Cela ne tombe pas sous le sens, comme le souligne Philippe Perrenoud (université de Genève) dans ses travaux. Un certain nombre de conditions doivent être réunies, d'abord du fait de la tension qui peut se faire jour entre les dynamiques individuelles et collectives. Les cultures diffèrent (premier degré, second degré), en raison d’histoires distinctes. Les organisations, structurations et théories sous-jacentes aux rôles des acteurs peuvent également différer, de même que les contraintes réglementaires et les codes culturels ou professionnels. Il faudra aussi se pencher sur la question du lexique, car chaque groupe (Education nationale, professions médicales, etc.) a un lexique professionnel propre. Au sein de l’Education nationale, la place particulièrement importante des acronymes peut rendre le langage difficile par un acteur extérieur. L’explicitation de ces particularités et la recherche d’un langage commun pourraient constituer une piste de proposition. 

Il faut aussi travailler sur les représentations professionnelles qui, à propos des collectifs comme sur d’autres sujets, sont construites. Elles doivent être prises en compte, en ayant conscience de la possibilité de les dépasser. Les tensions nées de ces représentations peuvent se faire jour dans de multiples situations intermédiaires entre l’informel et le prescrit. C’est ce curseur qu’il faut savoir positionner afin de s’emparer du prescrit pour se l’approprier et y apporter son expertise professionnelle et personnelle. 

Des représentations existent aussi à propos de l’établissement, tant en termes d’archétype et d’idéal qu’en fonction de l’établissement où l’on enseigne ou que l’on dirige. Chacun a une conception de son métier, plus ou moins normée (champ disciplinaire, format du cours, organisation de la classe) et ces aspects peuvent aussi être discutés. Quels peuvent être, enfin, les gains naissant de la construction de collectifs et quelle est la prise de risque que les acteurs sont prêts à assumer ?

L’obligation de concilier des logiques en tension doit en tout cas conduire à miser sur l’engagement de tous. Le colloque « quels professeurs au XXIe siècle » (1er décembre 2020) a souligné le rôle crucial de l’engagement et du facteur motivationnel. L’enrichissement mutuel peut constituer une motivation de la création de collectifs, pourvu qu’il existe un espace intermétier au carrefour du monde médical, de celui de l’éducation, des parents, des associations et des collectivités territoriales. Les conditions de création de cet espace de rencontre, qui peut être physique ou virtuel, constitueront un sujet en soi à aborder, sans perdre de vue la nécessité de conserver les gestes appartenant à chaque univers professionnel.

Premier temps d’échanges

Marcel RUFO propose de réfléchir à une expression qui résume de façon très visible la volonté de l’atelier, par exemple « plus forts tous et toutes ensemble ». 

Un représentant du collège syndical propose « valoriser les collectifs pédagogiques », tant le statut de ce mode d’organisation passe souvent au second plan, derrière la posture pédagogique classique. Le terme « valoriser » a ici une dimension matérielle assumée, tant il peut y avoir là un frein objectif à la construction de collectifs. Il est d’autant plus important de traiter cette dimension qu’elle peut aussi être utilisée comme un alibi pour ne pas avancer.

Une représentante de l’encadrement propose que l’atelier se donne pour titre « valoriser la diversité des collectifs dans l’unité ».

Le terme de collectif pédagogique est réducteur, aux yeux d’un autre représentant de l’encadrement dans la mesure où les collectifs n’ont pas tous une visée pédagogique : il existe des collectifs de vie qui peuvent aussi introduire une dimension intéressante au sein des établissements.

Une AESH insiste sur la nécessité de faire collectif pour rendre l’école inclusive. A la maternelle, les enfants sont souvent très encadrés et l’expérience montre que l’accompagnement s’enrichit lorsqu’il devient possible de décloisonner l’Institution, en faisant entrer les professionnels de soin, les éducateurs spécialisés, les psychologues ou les psychiatres dans l’école. Cette dimension interprofessionnelle lui paraît capitale pour enrichir à la fois l’accompagnement proposé aux enfants et le travail des enseignants – lesquels se sentent souvent isolés au regard de l’impératif d’accueil d’enfants porteurs de handicaps. Peut-être que l’école doit-elle même devenir un lieu de vie plutôt qu’un lieu d’apprentissage. Cette participante plaide enfin pour un pilotage des collectifs qui fasse appel à des professionnels de terrain ayant un rôle de facilitateur, afin d’éviter une cristallisation de ce pilotage par un personnel de l’Education nationale ou un personnel médical.

Une représentante du collège syndical souligne aussi la capacité que doit avoir un collectif à entendre les réticences et les avis dissonants pour faire grandir le collectif ou la communauté éducative dont il est question. Elle se dit très réticente quant à l’objectif qui consisterait à faire entrer la société civile dans l’école car celle-ci « n’est pas un hall de gare » et peut subir des intrusions qui lui causent du tort, même si les intentions de départ sont bonnes. Des conflits peuvent naître si des personnes extérieures viennent « chez nous », dit-elle, et il ne faut pas systématiquement considérer que l’école est ouverte à tous. L’école est un lieu de transmission de savoirs disciplinaires. Certes, les enseignants doivent apprendre la psychologie de l’enfant mais « il faut mettre des barrières ». 

Une représentante du monde associatif et économique trouve très intéressante l’idée consistant à rechercher l’imbrication du collectif d’adultes avec celui des enfants, ce qui la conduit à proposer le titre « dynamiser les collectifs pédagogiques/de vie ».

Les collectifs sont multiples, souligne une représentante du collège syndical. Ils peuvent être de toutes tailles et ce paramètre est important car plus le collectif est grand, plus il est délicat de le faire vivre. Il est également plus difficile de faire vivre des collectifs autour de jeunes élèves, car l’enfant est centré sur lui-même lorsqu’il est petit. Il faut en tenir compte pour développer les collectifs au fur et à mesure de la montée en âge des enfants. Pour le reste, les enseignants se sentent effectivement isolés pour prendre en charge l’accueil des enfants à besoins particuliers et c’est là que les collectifs peuvent s’avérer les plus précieux et remplir toute leur fonction. 

Une représentante de l’encadrement relate une expérience de travail avec l’UNAPEI visant à élaborer un contenu de formation que les professionnels du médico-social proposeront aux enseignants de maternelle. Cette réflexion a mis en évidence la nécessité de travailler à l’articulation du travail des adultes mais un autre axe de la formation se donnera aussi pour objectif d’accompagner le regard d’un enfant vers la différence, ce qui revient à accompagner le collectif des enfants à la conversion de son regard vers l’Autre, dans la logique de l’école inclusive – autour de laquelle de nouvelles dynamiques se mettent en place depuis l’instauration de l’instruction obligatoire à partir de 3 ans.

Regards d’experts

L’expérience d’un pédopsychiatre

Guillaume BRONSARD, pédopsychiatre et Secrétaire des Maisons des adolescents, observe que nous avons besoin des autres. Tout est fait autour du petit enfant pour qu’il s’émancipe et qu’il devienne une personne libre et autonome mais cette poussée – nécessaire pour le développement humain– peut, si elle va trop loin, l’amener vers une position de solitude ou d’isolement. A l’inverse, la protection qu’apportent les autres (d'abord les parents, puis le reste du groupe), indispensable au petit enfant pour survivre, crée le risque d’étouffement pour l’enfant. Il ne faut donc pas croire qu’il suffit de se former en groupe pour que tout aille mieux : un équilibre est à recherche pour les professionnels appelés à organiser le travail en groupe.

S'agissant de l’intégration du handicap, suffit-il de décréter que la différence ne constitue pas un problème pour qu’elle soit intégrée dans le groupe comme si de rien n’était ? Guillaume BRONSARD distingue, à cet égard, plusieurs types de handicaps. Le handicap sensoriel ou moteur présente une difficulté matérielle (nécessité de la connaissance de la langue des signes ou du Braille, nécessité d’aides mécaniques pour se déplacer).

Un problème d’un autre ordre se pose en présence du handicap mental. L’objectif d’intégration n’est certes pas à remettre en cause pour ces enfants mais il ne suffira pas de décréter le principe d’intégration et d’acceptation. Des modifications de posture ne peuvent simplement être exigées de l’enseignant ou de l’équipe éducative. Il faut mobiliser des personnes qui soient à l’aise avec ce type de handicap qui peut activer chez chacun de nous des sentiments archaïques (de peur, par exemple). A cet égard, les modalités actuelles d’accompagnement présentent de grandes insuffisances et certains modes d’accompagnement aggravent même la situation d’enfants ou d’adolescents, constate parfois Guillaume BRONSARD dans son cabinet. C’est ce qui le conduit à suggérer qu’un programme d’intégration puisse s’arrêter rapidement et s’ajuster par essais et erreurs si nécessaire. Un autre argument plaide en faveur du dosage de l’intégration et de la mixité : l’identification par classe d’âge revêt une grande importance chez les enfants et peut-être une mixité de classes d’âge ne serait-elle pas opportune.

Enfin, l’idée de constitution de groupes mixtes (pédagogues et pédopsychiatres), très ancienne, conserve toute sa validité, note Guillaume BRONSARD. Edouard Séguin fut l’un des premiers à œuvrer en ce sens, au 19ème siècle, avec l’idée d’atténuer des souffrances psychiques et de développer des capacités d’adaptation au monde, par la pédagogie, chez des malades psychiques. La coopération, dans ce domaine, doit être rythmée par des groupes de concertation réguliers qui se réunissent par exemple à une fréquence hebdomadaire. Guillaume BRONSARD mentionne une expérience particulièrement intéressante dont il avait eu connaissance, il y a une vingtaine d’années, dans un collège de Marseille. Le pédopsychiatre était invité, chaque vendredi soir, par le principal du collège, au même titre que d’autres professionnels du champ médical ou médico-social et ces réunions pluridisciplinaires étaient extrêmement utiles, pour le corps pédagogique mais aussi pour les pédopsychiatres, qui remplissaient là une véritable fonction de prévention.

La mixité et le vivre ensemble ne peuvent simplement se décréter, insiste en conclusion Guillaume BRONSARD. Il doit exister des personnes et des espaces pour doser cette mixité et amortir les différences. Il faut de nombreux dispositifs de régulation, d’organisation et de rencontre (sans oublier des moments de jachère) pour permettre à cette mixité de s’épanouir dans de bonnes conditions.

Une participante, AESH, relate son expérience de coordination d’un PIAL (pôle d’inclusion et d’accompagnement localisé) à Paris depuis 2019. Cette expérimentation, qui a pour but de mutualiser les aides destinées aux enfants en situation de handicap en pôles restreints autour d’un établissement, montre le rôle indispensable d’un coordinateur de terrain pour faire vivre la notion d’équipe et pour que les AESH ne soient plus isolés au sein des écoles. Après un peu plus d’un an d’expérimentation de ces coordinations locales, les retours sont en grande majorité positifs. Les directeurs d’établissement se trouvent déchargés de tâches administratives qui les accaparent beaucoup. Une communication bienveillante et toujours rattachée au terrain complète le dispositif en évitant de le rendre trop vertical. Cette AESH assure aussi qu’elle ne remet aucunement en question l’expertise de quiconque. Accompagnants, enseignants et personnels de soin ont néanmoins intérêt à travailler ensemble pour s’enrichir et enrichir l’accompagnement qu’ils mettent en œuvre. L’école inclusive consiste à accompagner tous les enfants, et non seulement ceux en situation de handicap. Il existe d’autres enfants à besoins particuliers (enfants non francophones, enfants venant de milieux sociaux particuliers, etc.). 

Une participante, directrice d’une association culturelle intervenant en milieu scolaire, suppose que les collectifs se forment autour d’un projet. Elle demande confirmation du fait qu’il y a là un prérequis dans le fonctionnement actuel des collectifs. 

Une enseignante, revenant sur l’expérience d’accueil en classe d’un enfant souffrant de troubles autistiques, souligne que si l’inclusion est importante, elle se heurte parfois à des freins, ce qui la conduit à se demander si tous les degrés de handicap peuvent être accueillis dans une classe et s’il ne faut pas s’interroger quant à ce qui est profitable pour les uns et les autres. Elle estime aussi que l’accueil de ce type d’enfant est plus aisé dans des classes à double niveau.

Marcel RUFO se souvient d’une formation qui avait mêlé, à Aix-en-Provence, des ASEN, des AESH, des soignants et des enseignants lors d’une journée collective de réflexion. Après s’être rencontrés sur un terrain commun de formation continue, la coopération était grandement facilitée par la suite entre tous ces professionnels.

L’expertise du réseau Canopé

Marie-Caroline MISSIR, directrice générale du réseau Canopé (opérateur public rattaché au ministère de l’Education nationale) qui produit des ressources pédagogiques et numériques, accompagne les enseignants et se réoriente depuis cette année vers des missions de formation des enseignants. Le collectif constitue une part importante de l’ADN d’un tel réseau. Celui-ci s’appuie notamment, dans tous les départements français, sur des lieux de co-construction et de croisement des compétences autour de projets. Canopé organise également des hackathons pédagogiques qui illustrent bien sa vocation au service du monde pédagogique et des organisations qui gravitent autour de l’école. Le co-design est plus qu’une méthode qui guide ces travaux : c'est une valeur qui insuffle les pratiques de Canopé pour faire évoluer les pratiques, car les réponses à proposer aux enseignants doivent naître de façon collective et horizontale. Canopé se rend dans un établissement, à la demande de celui-ci, afin d’animer durant une semaine des séances de co-construction sur une thématique identifiée (par exemple le climat scolaire). Ce sont des dispositifs puissants appelés à prendre de l’ampleur au cours des prochaines années, à la faveur du renforcement des missions de formation de Canopé. Celui-ci organise également, au plan international, un créathon (autour de chercheurs, start-up, etc.) centré sur une thématique de recherche partagée afin de co construire des solutions. Ce dispositif a pour thème, cette année, l’intelligence artificielle.

Marie-Caroline MISSIR évoque également les outils numériques pouvant être mobilisés pour animer les collectifs d’enseignants. Elle cite la plateforme Viaéduc, développée en 2015 et conçue comme un réseau social pour les enseignants. Cet espace d’autonomie, permettant de travailler collectivement sur des projets, d’échanger des idées ou de monter de petites communautés, fonctionne mal, sans doute parce que l’ADN d’un réseau social se conjugue mal avec celui d’une institution fortement verticalisée. Marie-Caroline MISSIR voit là une piste intéressante de réflexion pour l’atelier et se dit désireuse d’entendre le point de vue des participants quant aux moyens de faire vivre de tels dispositifs. Elle cite aussi Canoprof, outil permettant à des enseignants de partager des outils pédagogiques avec leurs pairs, qui a rencontré un grand succès durant la période de confinement mais dont la diffusion reste également limitée.

Une représentante du collège syndical salue la volonté dont a fait preuve Canopé d’évoluer et de prendre en compte les pratiques numériques de l’éducation, notamment à travers le travail réalisé sur les réseaux sociaux. Néanmoins, si Viaéduc souffre d’une désaffection par les enseignants, peut-être est-ce parce qu’il n’était pas indispensable de créer un réseau social institutionnel, les enseignants ayant trouvé ailleurs des solutions qui leur conviennent pour échanger hors du regard de l’Institution. Ce besoin d’échange horizontal est très prégnant mais il n’est pas facile de tester et échouer sous le regard de sa hiérarchie. Viaéduc souffre également d’un manque d’ergonomie. L’obligation de s’y inscrire sous son vrai nom n’arrange rien, de même que l’absence de liens avec les autres réseaux sociaux.

Marie-Caroline MISSIR partage en grande partie ce constat. Dès lors que les réseaux sociaux existent, il n’y a pas lieu de les dupliquer au sein d’une Institution. Un exemple intéressant est celui du festival Ludovia, qui a lieu tous les ans durant cinq jours dans les Pyrénées. Cette rencontre permet à des enseignants de montrer ce qu’ils ont réalisé en classe (souvent autour du numérique mais pas seulement) et met souvent en lumière des innovations pédagogiques extrêmement intéressantes.

L’enseignant se trouve aussi happé par la multiplicité des collectifs auxquels il est appelé à participer, observe une enseignante du premier degré, et la charge de travail est d’autant plus lourde que le collectif est étendu. Le dispositif nouveau de formation en « constellation », mis en place cette année, semble de nature à faire évoluer le regard porté par les enseignants sur la hiérarchie et inversement : ces acteurs vont être obligés de parler sur un même plan pour trouver conjointement des solutions. La multiplication du nombre des collectifs et de leur taille crée en tout cas le risque d’écraser les enseignants alors que ceux-ci trouveront plus facilement leur place dans un collectif à taille humaine, où ils craindront moins le regard de l’autre.

Marie-Caroline MISSIR relève aussi l’intérêt manifesté par les enseignants pour le dispositif de classe inversée, ce qui peut conduire à s’interroger sur la façon d’apprendre en collectif dans un esprit de partage et de bienveillance, en misant particulièrement sur une transmission orale.

Marcel RUFO observe que sa pratique de groupe de parole lui montre que des adolescents qui ne parlent pas tirent néanmoins bénéfice du groupe. Le groupe ne bénéficie pas seulement à ceux qui participent oralement, il bénéficie également à ceux qui écoutent. 
Par ailleurs, si le confinement a été un désastre et aura des conséquences gravissimes, la co-éducation qui s’est instaurée entre les enseignants et les parents a constitué une formidable pratique, y compris pour des familles de milieu modeste : celles-ci ont tiré parti du numérique pour surmonter des freins qui les empêchaient, jusque-là, de dialoguer avec les enseignants.

Rappelant que nombre de dispositifs relèvent de l’auto-formation et ne sont pas prescrits, Marie-Caroline MISSIR insiste aussi sur la nécessité de créer le désir de formation. C'est ce qui permet d’envisager la construction d’un continuum de formation entre l’auto-formation (notamment au niveau numérique) et les parcours proposés par l’Institution. L’expérimentation actuelle des Territoires Numériques Educatifs, dans l’Aisne et le Val d’Oise, montre de quelle manière l’Institution peut faire évoluer ses dispositifs en introduisant la co-construction des parcours avec les académies sur la base d’un recueil des besoins des enseignants.

Une représentante des familles rappelle que, comme elle l’avait fait observer lors d’une précédente séance, le thème même de l’atelier peut apparaître comme un oxymore, puisque la pédagogie marque souvent la frontière au-delà de laquelle il est demandé aux parents de ne pas s’investir. Il est donc difficile, pour les parents, de se projeter dans différents schémas de collectifs pouvant être décrits à travers ces expérimentations et la réconciliation des objectifs de chacun lui paraît un préalable.

Pour Marie-Caroline MISSIR, la capacité à communiquer avec les parents doit en tout cas être reconnue comme une compétence nécessaire aux enseignants et l’Institution doit prendre garde à ne pas placer les parents dans une position intimidante susceptible d’empêcher ce dialogue.

Marcel RUFO partage cette analyse, d’autant plus que les parents refont souvent leur scolarité à travers leurs enfants. 

Les contextes favorisant les collectifs

Le point de vue du collège encadrement

Pour faire naître un collectif, observe Sophie TARDY, des conditions d’organisation spécifiques doivent exister, mais aussi des conditions psychologiques (engagement, motivation) et sociales. Des connaissances et de l’expérience sont également requises, de même que le partage de représentations sur les collectifs, ce qui est peut-être plus difficile. Il existe des intérêts distincts mais complémentaires et convergents autour des notions de soin, d’éducation et d’apprentissage. Le collectif constitue aussi l’occasion de créer un espace professionnel qui n’appartient à personne tout en appartenant à tous afin de refaçonner des règles de métier, repensées et co-construites. On peut enfin se demander s’il existe une culture d’établissement qui soit plus propice à l’innovation.

Il y a aussi une réserve d’espérance déterminante pour le soutien du métier, souligne Marcel RUFO. Eprouver du plaisir dans une démarche constitue la clé de la réussite. Il peut y avoir du plaisir à être soutenu et un enthousiasme de contribuer à faire évoluer l’image d’une Institution que d’aucuns jugent parfois fermée, voire hermétique. 

Un représentant de l’encadrement abonde en ce sens. La force du collectif peut aider chacun à surmonter ses difficultés et l’encadrement a un rôle particulier à jouer pour écouter et entraîner les autres. Pour ce faire, il faut que les gens se connaissent – ce que le numérique ne facilite pas. Ce participant a l'habitude de proposer, en introduction des réunions de co-construction, une animation « brise-glace », souvent par le jeu, sans rapport avec le contenu de la réunion, afin de permettre aux participants de faire connaissance, et ensuite pouvoir entrer dans les thèmes de travail de façon plus constructive. Force est aussi de constater que les enseignants sont demandeurs de moments collectifs, de même que les parents (dans un cadre précisément défini) et les personnels médicaux. 

Interrogé par Sophie TARDY quant au rôle du chef d’établissement et de la culture de l’établissement dans la naissance des collectifs, un autre participant juge fondamental de relier les notions de collectif pédagogique et de climat scolaire – lequel peut favoriser l’amélioration des résultats scolaires des élèves, la baisse du décrochage ou encore accroître la fidélité des équipes pédagogiques. En Ile-de-France, les lycées se sont adaptés pour accueillir les enfants en situation de handicap, ce qui constitue une première étape. A l’échelle de l’établissement, il est crucial d’oser réunir les personnes autour d’une table pour les inviter à parler, sans honte, de leurs difficultés. C’est toujours le discours que ce directeur d’établissement tient aux enseignants arrivant dans son lycée. Quant aux réponses à apporter, elles sont de plusieurs natures. Il faut d'abord analyser le public auquel on s’adresse. L’expérimentation doit avoir une place particulière car elle permet de sortir du cadre pour s’adapter au territoire. Cette démarche a, par exemple, conduit à décortiquer le temps dont dispose l’élève pour travailler le soir chez lui, et adapter les devoirs de sorte qu’il n’ait pas plus de trois matières à travailler chaque soir. Le lycée a aussi mis en place des entretiens individuels pour chaque élève entrant au lycée, durant une journée, avec deux membres de l’équipe pédagogique. Le soir même de cette première journée, un bilan est dressé et l’équipe pédagogique sait quels élèves seront autonomes, ce qui lui permet d’organiser des groupes en conséquence. En outre, à certains moments de l’année, cet encadrant donne du temps aux enseignants pour les faire respirer, en leur proposant notamment des moments informels de convivialité, durant lesquels des choses importantes se disent. Cela fait partie de l’accompagnement d’une équipe, souligne-t-il. 

Un autre participant se dit persuadé qu’un établissement ne peut se contenter, aujourd'hui, de dispenser des savoirs disciplinaires : ce sont aussi des règles de fonctionnement que les acteurs d’un établissement doivent appliquer, formant une sorte de microsociété. L’école a aussi pour rôle de former de futurs citoyens et il faut faire entrer les partenaires de l’école au sein des établissements, avec mesure. L’école ne doit pas rester une bulle hermétique. Elle doit être en rapport avec la société. 

Quant à la culture d’établissement pouvant favoriser les collectifs, la culture du projet disciplinaire ou interdisciplinaire peut fédérer une équipe autour d’un objectif commun. Il peut s’agir d’équipes disciplinaires, d’équipes d’enseignants ou d’équipes inter catégorielles. La culture du partenariat avec d’autres institutions, notamment culturelles, lui paraît importante dans l’émergence de ces collectifs depuis plusieurs années, car les institutions culturelles ont une exigence de travail collectif et ont-elles-même réfléchi à la dimension pédagogique de leurs projets. Un partenariat s’est par exemple noué il y a vingt-cinq ans, en Ile-de-France, avec l’Opéra de Paris. Cet encadrant a également la chance de participer, à travers son établissement, à un partenariat avec le Centre national de la cinématographie (CNC), lequel exige l’engagement d’une équipe et la participation de tous les partenaires formant cette équipe, ce qui inclut l’équipe de vie scolaire et la direction de l’établissement. Au sein de l’Education nationale, la culture de l’éducation prioritaire implique aussi le collectif, du fait notamment de la jeunesse des enseignants, de leur besoin de soutien et de la nécessité de conduire des projets concertés pour répondre aux problématiques qui se font jour. Cette culture de l’éducation prioritaire constitue une chance pour l’Institution et peut l’aider à faire davantage de place au collectif.

Auparavant, l’élève devait faire le lien entre les compétences en mathématiques, en sciences, en français, etc. Ce sont pourtant les enseignants, dans le système français, qui sont les spécialistes et non les élèves. Il incombe donc aux enseignants de travailler en collectif pour que ce lien soit plus visible et accessible aux élèves. A titre d'exemple, ceux-ci étudient des graphiques en histoire mais également en physique et en mathématiques. Pourtant, avant que les enseignants ne travaillent sur cette question, aucun d’eux n’avait la même façon d’aborder ces graphiques.

Au chapitre des facteurs de résistance au collectif, cet encadrant mentionne le cadre statutaire et l’autonomie laissée aux enseignants dans la préparation, qui peuvent constituer des freins. Le collectif n’implique pas un travail supplémentaire mais un travail sous une autre forme, de façon collective et induit sans doute, sur le long terme, un gain de temps à la faveur de la répartition des différentes tâches. L’Institution aurait aussi tout à gagner à conduire une réflexion sur l’aménagement des locaux. Les établissements scolaires continuent de sortir de terre sans avoir nécessairement pris en compte les évolutions du métier, tant pour les enseignants que pour les élèves. Les grandes salles des professeurs, par exemple, ne sont plus forcément nécessaires, alors que des salles de réunion permettant aux enseignant et élèves de se réunir seraient très utiles.

Au sein des collectifs institutionnels, c'est-à-dire cadrés par les textes, à l’image du Conseil pédagogique ou du Conseil de classe, les élèves occupent une place définie. Cette place pourrait-elle être discutée afin de faire une plus large place à la participation des élèves ? Un encadrant se pose la question. Dans son établissement a été initié un cycle de conférences, autour d’un invité extérieur, auxquelles tous les élèves de l’établissement sont conviés. L’amphithéâtre est, à chaque fois, plein comme un œuf et des échanges passionnants naissent entre les élèves et les invités extérieurs. Pour aller plus loin, il faut qu’une discussion ait lieu entre les adultes et les élèves. Or les réunions sont difficiles à programmer au-delà des emplois du temps existants. C’est la raison pour laquelle cet encadrant suggère de prévoir des réunions institutionnalisées dans l’emploi du temps des élèves et des enseignants. Ce pourrait être une première étape, avant de réfléchir aux conditions de développement d’une culture du collectif dans un second temps.

Marcel RUFO estime que les élèves ne s’autoriseraient sans doute cet engagement que si la proposition vient des enseignants. Il insiste aussi sur la nécessaire co-construction du programme. Une autre idée lui paraît capitale, celle d’un continuum des collectifs de vie pédagogique, du primaire au collège et du collège au lycée, voire jusqu’aux premières années de l’enseignement supérieur. Cette pratique du collectif doit accompagner les élèves tout au long de leur vie scolaire et éducative.

Un directeur d’établissement considère que de nombreux enseignants sont actuellement dans une position d’attente (notamment de reconnaissance) et craint qu’il soit difficile de les embarquer dans un projet qui leur demanderait de travailler davantage. La façon de leur présenter les choses sera donc déterminante. L’ambiance de travail est également primordiale et un climat de confiance, au sein de l’équipe enseignante, peut considérablement faciliter les choses. En primaire, les équipes sont de taille plus restreinte, ce qui peut faciliter la mise en place ou l’animation de collectifs. De nombreuses choses existent déjà en termes de pratiques collectives, même si celles-ci ne sont pas toujours cadrées. Les échanges sont nombreux et les enseignants n’ont aucune peine à s’inscrire dans de tels projets pourvu qu’ils aient du sens à leurs yeux, pour la réussite des élèves. Enfin, de nombreux directeurs ont une charge de travail importante et doivent effectuer des tâches chronophages. Une partie de ce temps pourrait être allouée à la gestion des collectifs.

Sophie TARDY retient notamment l’attention à porter à la communication vers les enseignants, ce qui fait écho à une remarque précédente selon laquelle le collectif doit permettre de dégager du temps individuel. C’est une autre façon d’envisager le travail du professeur dans sa globalité.

Une représentante de l’inspection souscrit pleinement aux propos du Professeur RUFO quant à la notion de plaisir et d’enthousiasme, mais aussi sur la nécessité d’accompagner tous les enfants, y compris ceux qui sont « invisibles ». Si l’école inclusive et l’éducation prioritaire sont fréquemment évoquées, les territoires ordinaires le sont moins souvent, alors que de nombreux publics y rencontrent des difficultés scolaires appelant la même attention. Dans ces territoires également, les enseignants ont le désir de rompre leur isolement, ce en quoi ils sont fréquemment encouragés par les directeurs d’école. Ceux-ci jouent un rôle clé d’impulsion, de soutien, d’animation et de définition des objectifs du projet. Une nouvelle circulaire, parue en août 2020, ouvre d'ailleurs de nouvelles perspectives quant à l’articulation de l’inspecteur et du directeur, ce qui pourrait augurer d’évolutions de l’Institution de ce point de vue. Jusqu’à présent, l’inspecteur du premier degré reste vécu comme un axe vertical du prescrit, dans une fonction où l’autorité et le contrôle demeurent prédominants.
Pour autant, la posture professionnelle de l’inspecteur, sa formation et l’évolution du métier ont déjà permis l’introduction d’une horizontalité qui peut faire de l’inspecteur un pilote de projets ou de groupes. Les inspecteurs ont d'ailleurs été peu évoqués depuis le début de la journée, alors qu’ils pourraient être des chefs d’orchestre des dynamiques décrites. Le plan Mathématiques et le plan Français, qui assurent la continuité entre l’école et le collège, valorisent nettement le rôle de l’inspecteur et celui de l’enseignant et cette valorisation est généralement associée à la reconnaissance que manifeste l’inspecteur vis-à-vis du travail de l’enseignant.

Un autre axe d’émergence des collectifs a trait au territoire où le projet voit le jour. Il doit être question de tous les temps de vie de l’enfant, y compris avant et après l’école. La réflexion doit donc inclure tous les partenaires territoriaux de l’école et des collectifs sont à créer à cette échelle. Pour l’heure, ils reposent souvent sur des relations interpersonnelles davantage que sur une véritable culture du partenariat.

Le point de vue du collège des professeurs

Une enseignante juge important de tenir compte de la spécificité des établissements : les collectifs auront des contours distincts dans le premier et dans le second degré, en particulier dans les lycées professionnels, où des entreprises pourront être associées aux projets conduits. L’enseignant n’a pas une place figée dans le collectif : il peut être à son initiative ou simple participant, par exemple lorsque le collectif est réuni pour évoquer la situation particulière d’un élève.

Parmi les facteurs favorisant ou freinant le collectif, le poids de la hiérarchie peut être écrasant pour de nombreux professeurs. La culture de verticalité de l’Institution est à briser, d’autant plus que les nouvelles pratiques pédagogiques incitent les enseignants à développer les relations horizontales avec leurs élèves.

Le projet d’établissement doit par ailleurs faire l’objet d’une co-construction car il donne une impulsion déterminante, laquelle n’appartient pas seulement au chef d’établissement. Il faut accepter l’idée selon laquelle des indicateurs de réussite ou d’échec ne peuvent pas toujours être identifiés immédiatement : dans de nombreux domaines, la réussite d’une démarche ne peut s’apprécier que sur le long terme.

Le soutien que la direction apporte aux projets portés par les enseignants est capital. C'est notamment une condition pour que les professeurs s’autorisent à expérimenter et à échouer, le cas échéant. Ce n’est pas suffisamment le cas aujourd'hui, alors qu’un échec peut s’avérer extrêmement instructif.

Cette enseignante plaide aussi pour davantage de souplesse lorsque de nouveaux dispositifs institutionnels sont créés. A cet égard, la co-intervention et le chef d’œuvre, qui demandent aux enseignants de travailler en collectif sans leur ménager de temps de concertation, font plutôt figures de contre-exemples. L’Institution devrait enfin faire davantage confiance aux enseignants quant au rythme de progression à l’intérieur du cadre défini.

Le point de vue du collège syndical

Une enseignante, membre du collège syndical, souligne que les collectifs naissent parfois d’un besoin, de la volonté de partager quelque chose ou d’un projet auquel d’autres enseignants souhaitent s’associer. Il peut également arriver qu’un projet collectif naisse de l’idée d’un parent. La mairie propose parfois aux équipes pédagogiques de travailler sur des projets tels que des expositions. Des propositions peuvent aussi émaner d’équipes de circonscription. Les enseignants ont néanmoins constaté la nécessité de faire des choix pour se centrer sur certains objectifs et ne pas se noyer. Plus les participants à un projet sont nombreux, plus le travail est compliqué et ce facteur est très important. Il manque aussi des espaces de réunion (en tout cas dans le premier degré) et des temps dédiés, étant entendu que tous les membres d’un collectif n’ont pas nécessairement besoin de se réunir tous ensemble aux mêmes moments. Cette enseignante juge d'ailleurs important de se mettre d'accord dès le départ sur le temps qui sera consacré au collectif. S’ils comprennent la nécessité de cette procédure, les enseignants trouvent souvent dissuasive la lourdeur des demandes à instruire pour obtenir des intervenants extérieurs. La culture d’établissement lui paraît également très importante pour l’émergence des collectifs.

Une autre représentante du collège syndical considère que la proposition de l’atelier est de nature à faire naître des interférences parmi les différents acteurs internes ou externes à l’Education nationale. Le rôle de l’enseignant, vis-à-vis des collectifs, est essentiel et il ne doit pas être occulté ni considéré comme un personnage secondaire. L’enseignant est chez lui à l’école. C’est lui qui invite le collectif dans l’établissement, aux côtés du chef d’établissement, et doit même avoir un droit de veto quant à l’accueil d’un collectif. Ce syndicat est en faveur d’une sanctuarisation de l’école. La question du lieu est également déterminante pour l’existence d’un collectif. Le collectif implique un pilotage de proximité par l’équipe pédagogique (directeurs d’école, IEN, chefs d’établissements), ce qui implique une modification sensible du statut de directeur d’école afin de le rapprocher de celui de chef d’établissement, eu égard à la multiplicité de ses missions dans le cadre des collectifs. Cette participante considère également qu’une culture d’établissement ne saurait être imposée de façon institutionnalisée si certains acteurs de l’établissement n’y sont pas favorables. 

Quant aux facteurs de résistance au collectif, elle cite le manque de liberté pédagogique ou la présence non consentie de la société civile, ainsi que la mise en concurrence entre pairs. Il faut également faire attention à la relation parents-enfants, qui peut être difficile, dans le premier comme dans le second degré : les parents doivent reprendre leur rôle d’éducateurs, sans tout attendre de l’école. Le resserrement du maillage par les assistantes sociales serait également profitable.

A l’inverse, la liberté d’action et la possibilité de travailler avec ou sans la société civile peuvent, aux yeux de cette participante, favoriser la création de collectifs. Il faut aussi qu’un dialogue différent se noue et que les chefs d’établissement mettent davantage en confiance leur personnel.

Pour une autre représentante du collège syndical, le travail collectif est indispensable, tant pour la prise en compte des besoins des élèves que pour soutenir les professionnels dans leur travail. Le climat scolaire passe largement par la cohérence éducative et donc par le travail collectif. Les enseignants peuvent assumer des rôles variables dans les collectifs de travail et en être de simples participants (comme dans les conseils de classe) ou des acteurs essentiels (ce qui est le cas par exemple des coordonnateurs de REP ou des professeurs référents). Ils peuvent aussi être les porte-parole d’autres professionnels lorsqu’ils sont délégués élus au Conseil d’administration, et initient parfois des collectifs autour de projets particuliers, dans des cadres moins formels, voire informels, à partir de besoins ou de désirs discutés en salle des professeurs. Si l’architecture des établissements est rarement favorable à la réunion des adultes professionnels ensemble, il faut aussi que les participants disposent de temps ad hoc pour ces échanges, lesquels doivent être entretenus par des moments de bien-être et de convivialité. Sentir la reconnaissance de ses pairs et des élèves aide beaucoup à s’investir dans les collectifs. La lisibilité de l’organisation à mettre en place constitue aussi un facteur important (possibilité de planifier les temps de participation au collectif, efficacité des réunions, modalités de définition et respect de l’ordre du jour, etc.). La stabilité des équipes favorise également le travail collectif dans la durée, ainsi que la formation initiale et la formation continue de tous les personnels pouvant y participer. Quant aux freins éventuels, outre les locaux et l’emploi du temps, la charge de travail croissante des personnels leur laisse peu de temps pour le travail collectif. S’y ajoutent la complexification du métier et une reconnaissance insuffisante de l’Institution pour le travail collectif. Cette représentante du collège syndical signale enfin que l’atelier n’a pas la légitimité requise, à ses yeux, pour formuler des propositions qui induiraient des évolutions statutaires.

Pour un autre représentant du collège syndical, le travail collectif est indispensable et peut constituer un facteur de bien-être au travail. Un facteur important, mais complexe, a trait à la culture professionnelle, qui n’est pas toujours une culture commune. Les cultures d’établissement sont diverses et l’impulsion donnée par le chef d’établissement sera très différente selon qu’il est en début ou en fin de carrière notamment. Il faut réfléchir à cette culture commune et il apparaît nécessaire de valoriser la place donnée aux collectifs éducatifs : tant que le temps pris pour travailler ensemble ne sera pas revalorisé, un grand nombre d’enseignants estimeront que ce temps est moins important que celui passé face aux élèves. 

Valoriser les collectifs pédagogiques passe aussi par une valorisation sonnante et trébuchante substantielle. Ce participant souhaite enfin que 10 % de la dotation horaire globale (DHG) soient fléchés pour faire vivre les projets collectifs.

Sur ce point, un représentant de l’encadrement rappelle que tout établissement a le loisir de déposer un dossier d’expérimentation et d’utiliser les moyens dont il dispose. 10 % de la DHG peuvent déjà être fléchés vers des projets (ce qui peut représenter 200 heures pour certains établissements).

Marcel RUFO identifie un point central dans le clivage qui transparaît parfois entre l’élève et l’enfant. Cette dissociation n’est pas acceptable et l’enfant n’est pas la propriété de l’école. Les parents doivent donner délégation d’autorité aux enseignants mais l’unicité de l’enfant ne peut être mise en cause. 

Méthode de hiérarchisation des propositions

Sophie TARDY propose d’organiser la formalisation de propositions (à laquelle sera consacrée la quatrième séance de l’atelier, le vendredi 11 décembre) en renseignant, pour chacune d’elles :

  • son caractère consensuel ou discuté ;
  • les autres ateliers éventuellement concernés ;
  • les besoins et attentes auxquels la proposition répond ;
  • sa facilité de mise en œuvre (sur une échelle de 1 à 5) ;
  • l’intensité d’impact de la recommandation.

Il faut que les professeurs se sentent, à l’aune des propositions retenues, gagnants dans leur pratique, souligne aussi Marcel RUFO.

Sophie TARDY en convient, de même qu’il faudra évaluer l’effet des propositions retenues. 

Une élue suggère aussi de tenir compte du coût des propositions.

Un représentant de l’encadrement attire également l’attention de l’atelier sur la nécessité de ne pas décourager d’avance les chefs d’établissement en empilant les contributions du Grenelle de l'éducation sur ce qui existe déjà. C’est la raison pour laquelle un préalable pourrait résider dans le toilettage des nombreux dispositifs de travail collectif existant (conseils de cycle, conseils de maître, etc.).

Sophie TARDY convient de la nécessité de prendre garde à cet effet d’empilement. Elle compte également sur les participants et sur le ministère pour veiller à ne pas reproduire des dispositifs qui auraient déjà existé.

Marcel RUFO retient, pour finir, l’image dans laquelle l’enseignant, d’une part, les parents, d’autre part, prennent l’enfant en difficulté par la main pour l’accompagner vers la réussite.

Prolongements

Sophie TARDY propose que l’atelier revienne, lors de la quatrième séance de l’atelier, qui aura lieu le vendredi 11 décembre de 10 heures à 17 heures, sur la dizaine de pistes de propositions qui avaient déjà été identifiée. Tous les participants peuvent aussi verser des contributions sur cette base, auquel cas elles alimenteraient un document de travail qui sera élaboré d’ici la prochaine séance.

Un focus sera proposé, le 11 décembre au matin, sur les valeurs éthiques du collectif, en présence de la philosophe Cynthia Fleury, ainsi que sur la place de la culture dans les projets collectifs. Un autre éclairage sera proposé sur la recherche et les collectifs dans le monde scientifique.

Mise à jour : janvier 2021

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