Grenelle de l'Education [Compte rendu d'atelier] Écoute et proximité : séance 4 - Reconnaissance
L’incubateur du Grenelle de l’Éducation permet une concertation large avec la société civile, sous la forme d’ateliers associant des représentants de la communauté éducative. Consultez le compte rendu de l'atelier Écoute et proximité, séance 4, Reconnaissance, 25 novembre 2020.
Témoignages et échanges
Le changement de modèle managérial de la MAIF
Pascal DEMURGER, directeur général de la MAIF, présente la démarche de GRH mise en place au sein de cette entreprise mutualiste en revoyant de fond en comble les principes sur lesquels elle reposait. Le Groupe a pris cette orientation en 2014 : la digitalisation entraînant une horizontalisation de plus en plus grande de la société, l’Entreprise a estimé qu’elle ne pouvait rester un îlot de verticalité. L’équipe dirigeante a également considéré que cette démarche devenait indispensable afin de conserver une forme de singularité en matière de relations clients. La démarche comportait un volet managérial important, baptisé « management par la confiance », qui reposait sur trois piliers.
En premier lieu, il s’agissait de redéfinir le rôle social de l’entreprise dans la mesure où le schéma sur lequel celle-ci repose (dans lequel les collaborateurs vendent leur force de travail contre une rémunération) ne peut plus être purement transactionnel. Chacun a désormais besoin de trouver du sens dans ses missions quotidiennes. Cela suppose aussi de rechercher une cohérence entre les objectifs stratégiques et chacun des acteurs de l’Entreprise, afin que chacun comprenne sa contribution personnelle à l’accomplissement de cette mission.
Le deuxième pilier de la démarche est la confiance : les salariés doivent ressentir qu’ils ne sont pas là seulement pour exécuter un processus défini par d’autres. L’entreprise leur fait confiance pour trouver des solutions aux problèmes qui se posent à eux. C’est le cas par exemple des gestionnaires de sinistres, dont le travail est complètement différent selon qu’ils ont l’impression de dérouler un script ou que l’entreprise leur laisse des marges de manœuvre pour trouver des solutions innovantes, parfois même non prévues dans les garanties contractuelles, afin de trouver la meilleure solution pour l’assuré.
Il s’agit enfin de modifier la nature des relations interpersonnelles (entre salariés et managers ou du point de vue des salariés entre eux), en misant davantage sur la bienveillance et sur l’attention portée à l’autre plutôt que de promouvoir la concurrence et l’émulation, jugée moins bénéfique, pour les individus comme pour le collectif.
La démarche a ainsi conduit à remplacer un management traditionnel, reposant sur l’autorité, par un management reposant sur l’envie, laquelle doit seule tirer la motivation. Il en résulte un épanouissement des collaborateurs, qui évoluede manière incroyablement rapide – ce que la MAIF mesure régulièrement à travers des enquêtes. Moins de dix-huit mois après la mise en place de ce nouveau style de management, l’Entreprise a constaté une baisse de l’absentéisme de l’ordre de 25 %. La motivation en sort grandie et nourrit la dynamique collective, soutenue par un attachement largement partagé aux valeurs de l’Entreprise. Last but not least, les salariés deviennent les meilleurs ambassadeurs de la marque, ce qui se ressent fortement sur la satisfaction des clients.
Quant à l’accompagnement des salariés, les managers, qui sont potentiellement les plus rétifs à une telle évolution, appelaient évidemment une attention particulière. Une partie du corps managérial se montrait sceptique, considérant que ces idées généreuses seraient difficiles à appliquer. D’autres étaient prêts à adhérer à la démarche sans savoir de quelle façon ils pouvaient s’y inscrire. C’est la raison pour laquelle la MAIF a mis en place un accompagnement personnalisé pour ses 800 managers, en partant du diagnostic des besoins de chacun, ce qui a pu donner lieu à des coachings, des voyages d’étude dans d’autres entreprises ou encore des actions de formation. Un catalogue d’actions de formation ou de coaching au bénéfice de tous a aussi été mis en place afin de soutenir la démarche tout du long et la MAIF a veillé à la mise en cohérence de l’ensemble de sa politique RH, faute de quoi tous ces efforts eussent été vains. Si l’Entreprise souhaite promouvoir des comportements de bienveillance et de coopération, le système de rémunération doit en tenir compte. C’est la raison pour laquelle toute idée de bonus, d’individualisation de la rémunération ou de commissions (même pour les commerciaux) a été écartée. L’accord d’intéressement de la MAIF inclut désormais des critères mesurant la satisfaction des clients, l’impact sur l’environnement et l’épanouissement des collaborateurs. Le montant d’intéressement est ensuite identique pour tous, sans même le définir comme un pourcentage du niveau de rémunération. Les critères comportementaux sont par ailleurs devenus centraux dans les critères de recrutement. Enfin, lorsque des managers ne voulaient pas faire évoluer leurs manières de faire, la MAIF a dû se résoudre à se séparer de certains d’entre eux, qui mettaient en péril l’évolution du collectif.
Interrogé par Aziz JELLAB quant aux impacts de la démarche du point de vue des relations avec les usagers et sociétaires, Pascal DEMURGER se dit convaincu d’une très grande porosité entre l’évolution interne de la MAIF et ce qu’elle donne à voir à l’extérieur. Si un collaborateur est parfaitement en adéquation avec la mission que s’est donnée son organisation d’appartenance, avec sa stratégie et avec l’équipe dont il fait partie, voire s’il en tire une fierté, cela va se ressentir et il sera le meilleur ambassadeur de la marque. Les orientations données aux conseillers vont dans le sens de la plus grande attention possible portée aux sociétaires et encouragent la délivrance d’un conseil ou d’un service qui aille dans le sens de l’intérêt du sociétaire..
Interrogé par un représentant du collège syndical quant à la place des instances représentatives du personnel et à celle du collectif dans la démarche décrite, Pascal DEMURGER précise que la place des organisations syndicales est très importante au sein de la MAIF. Peut-être même est-elle devenue, paradoxalement, encore plus importante qu’auparavant : l’objectif visant à créer un lien de confiance et d’adhésion avec le corps social pourrait laisser penser que les corps intermédiaires passent au second plan. Lors de son arrivée à la MAIF, il y a onze ans, Pascal DEMURGER avait une culture managériale extrêmement classique, admet-il, le regard rivé sur la productivité, l’efficacité collective et des indicateurs quantitatifs. Peu de temps après son arrivée, le Secrétaire du Comité d'Entreprise a fait voter par celui-ci un droit d'alerte – procédure remettant en cause la façon dont une entreprise est dirigée. En 2018, la même personne, qui était toujours le leader de son organisation syndicale, est venue le voir, soulignant que celle-ci avait eu des débats internes nourris quant à l’évolution de l’Entreprise. Il a dit à Pascal Demurger que son organisation lui faisait confiance, estimant qu’il était sincère et que la démarche allait dans le bon sens. Cette organisation avait même décidé de l’aider dans la mise en œuvre de cette démarche, ce qui dit bien à quel point un dialogue attentif et respectueux peut entraîner des changements de postures de part et d’autre, observe Pascal DEMURGER. La mission des managers n’est plus d’obtenir des résultats quantitatifs de l’équipe placée sous leur responsabilité : c’est d’être attentif à la situation de chacun de leurs collaborateurs. Ainsi, durant la première période de confinement, chaque manager a appelé au moins une fois dans la journée chacun de ses collaborateurs afin de savoir comment il se sentait, s’il avait besoin de soutien, etc.
Quant à la place du collectif, tout dépend d'abord de la taille des entités, qui varie de quatre personnes à plusieurs dizaines de salariés, suivant les sites. Un aspect du fonctionnement de l’Entreprise, qui éclaire cette question des collectifs de travail tout en ayant pris un relief particulier dans le contexte de crise sanitaire, a trait au télétravail. L’Entreprise a signé en juillet 2020 avec l’ensemble de ses organisations syndicales un accord généralisant la possibilité du télétravail et fixant des règles que Pascal DEMURGER croit saines pour encadrer cette pratique. Celle-ci ne peut s’appliquer qu’à des salariés volontaires et ne peut représenter plus de la moitié du temps de travail de chacun, car une entreprise suppose d'abord une culture commune et ne peut se satisfaire d’un étiolement des relations sociales en son sein.
Daniel PENNAC souhaite savoir si l’idée de la démarche décrite est venue spontanément à Pascal Demurger ou si elle constitue le fruit d’une culture managériale, voire de discussions avec les uns ou les autres.
Rappelant qu’il y a eu deux époques et deux façons d’exercer la fonction de directeur général, Pascal DEMURGER précise qu’il n’y a pas eu de révélation ni de rupture brutale entre ces deux périodes : ce fut plutôt une lente maturation, nourrie par une évolution personnelle. Le fait d’avoir des enfants, de comprendre quelle représentation ils se font du monde et de quelle manière ils se projettent dans leur vie future fait surgir des interrogations chez une personne arrivée à maturité, a fortiori si la juxtaposition de ces visions met en évidence un décalage important. La découverte progressive d’autres modèles d’entreprises et d’autres styles de management, dont la pertinence et l’effectif lui ont sauté aux yeux, a aussi joué un rôle. La possibilité d’aligner son éthique de conviction et son éthique de responsabilité
Au chapitre des écueils rencontrés et des étapes par lesquelles il a fallu passer, Pascal DEMURGER ne considère pas que les choses soient d’emblée duplicables ni que les facteurs d’échelle puissent être ignorés. Néanmoins, qu’une organisation compte 8 000 personnes (comme la MAIF) ou qu’elle en compte des millions (comme le ministère de l’Education nationale), il ne peut être question de miser seulement sur les relations interpersonnelles pour faire changer les choses. La démarche doit donc nécessairement manier le symbole. On ne peut entraîner un corps social que si un récit le fédère, souligne Pascal DEMURGER. Ces dernières semaines – marquées par une vague de remise en cause de l’attitude des assureurs – ont achevé de le convaincre sur ce point.
Il faut aussi que la volonté politique soit unanimement comprise. On ne peut modifier des comportements, à l’échelle de 8 000 personnes, si tout le monde n’est pas intimement convaincu de l’irréversibilité du mouvement. Sans cette condition, tous ceux qui ont intérêt au statu quo feront le dos rond et seront des adversaires actifs ou passifs de la démarche. Il faut, à un moment donné, une part de verticalité pour définir une mission et une incarnation pour la faire partager. Pascal DEMURGER a également misé sur la proximité. Il indique avoir par exemple proposé une visioconférence aux 8 000 salariés de la MAIF à la sortie du confinement. Durant celui-ci, il enregistrait une vidéo toutes les semaines pour montrer aux salariés l’attention qu’il leur portait.
L’expérience de l’académie de Lille
Christelle DERACHE [intervention peu audible], psychologue de formation et directrice des ressources humaines au sein de l’académie de Lille, souligne que reconnaître suppose d'abord de connaître. Outre la profusion des acronymes, qui l’a désorientée, elle s’est d’emblée étonnée du fonctionnement en silo qui prévaut dans l’Education nationale et de la méconnaissance mutuelle qui en découle souvent. Elle s’efforce aujourd'hui de porter une réflexion sur le primo-accueil des agents, de façon à les informer de leurs droits en fonction de leur situation et à pouvoir les orienter le cas échéant. Elle s’attache à entendre les questions des agents car c’est aussi par là que passe la reconnaissance.
Silvana BUTERA [intervention peu audible], qui dirige depuis quelques semaines le département chargé des personnels (DPE) enseignants au sein de la Direction des ressources humaines de l’académie de Lille, complète cette intervention en évoquant la façon dont des réponses écrites sont apportées à chacun des demandeurs qui s’adressent au service des ressources humaines de l’académie, de façon à bien montrer à chacun que la réponse qui lui est apportée n’est pas standardisée. Elle dit s’être demandé, dès son arrivée, comment mener une démarche de ressources humaines avec 80 000 agents et a rapidement acquis la conviction, en tant « qu’obsédée de l’écrit », que le soin apporté à la rédaction d’un courrier de réponse pouvait tout changer. Si des écrits-types tels que ceux que le service utilisait durant longtemps s’avèrent satisfaisants du point de vue réglementaire, il arrive qu’un élément important de la réponse doive faire écho à des éléments qui n’étaient ni dits ni écrits, parfois à peine suggérés. Fort de ce constat, le service a souhaité revoir les modèles de réponses qu’il utilisait et a mis sur pied le GREC (groupe de réflexion sur les écrits), en travaillant d'abord sur quelques écrits particulièrement importants, notamment lorsqu’ils ont trait à la famille et à des changements générateurs d’interrogations (par exemple une naissance). Ecrire à ces personnes offre une occasion inespérée de se rapprocher d’eux, souligne Silvana BUTERA. Une cellule d’écoute des personnels a aussi été mise en place par le service, en mars 2020, dès les premières semaines de la crise sanitaire. Si les questions concrètes étaient nombreuses parmi les motifs d’appel des agents, tout aussi nombreux étaient les témoignages et appels à l’aide d’enseignants qui disaient leur désarroi devant la nécessité, pour la première fois, d’exercer à distance ou qui faisaient simplement part d’un sentiment de grande solitude.
La genèse d’un projet de recherche-action sur la gestion des ressources humaines
Sylvie CONDETTE, maître de conférences à l’université de Lille, intervient en sciences de l’éducation et de la formation, en lien avec la psychologie du travail. Elle a conduit, à ce titre, un travail sur la ré-humanisation des relations et sur la qualité de l’écoute. De longues années de recherche lui ont appris que les métiers de l’Education nationale – et ceux de la fonction publique de façon plus générale – étaient en mouvement constant, offrant peu de possibilités de se stabiliser et imposant de gérer l’imprévu dans des temps fortement contraints. En témoigne depuis quelques années l’accélération du temps scolaire. Les réformes tendent aussi à s’y succéder à un rythme accru, donnant lieu à la construction de nouvelles modalités de travail dans lesquelles les enseignants peinent à trouver leur place. La notion de changement elle-même devient, dès lors, problématique alors qu’il pourrait être perçu comme un facteur de dynamiques collectives. Même lorsque les changements sont expliqués, ils sont vécus comme des atteintes à la personne ou à la professionnalité, faisant surgir des questions sur le sens du travail. Les agents peinent à se projeter et leur fatigue devient, de plus en plus, un épuisement, physique et psychologique. Le doute les gagne, se traduisant parfois par la tentation du retrait ou par le besoin de se ressourcer dans la formation.
Le besoin de reconnaissance, déjà mis en évidence au sein du ministère fin septembre dernier, existe à tous les niveaux de l’Education nationale, en tant qu’institution au sein de laquelle les valeurs ne sont parfois que partiellement portées ou traduites en actes. Plaidant pour un continuum entre la formation initiale et la formation continue, Sylvie CONDETTE juge également nécessaires, à l’échelle de l’établissement, des espaces d’interdisciplinarité et de rencontre. Les conseils pédagogiques constituent une belle initiative mais les enseignants ont aussi besoin d’espaces de dialogue, de façon plus institutionnalisée que dans la salle des professeurs. Il faut également desserrer la contrainte des évaluations, qui sont très nombreuses, et limiter les injonctions contradictoires (par exemple la simultanéité de l’appel à la bienveillance et de l’exercice d’une pression accrue). Sur la base de ces constats, un projet de recherche-action, actuellement dans une phase de recueil de données, a été élaboré en vue de la mise en place d’une gestion des ressources humaines de proximité.
Franck LAURENT, IA IPR EVS, dit avoir eu, outre un parcours associatif dans les métiers du care, une expérience au sein du ministère de la Défense et au sein du ministère des Affaires sociales, parcours singulier qui l’a conduit à se lancer dans la construction d’une sociologie du travail pour les métiers d’interaction, en particulier ceux qui sont en contact direct avec le public, en se fondant sur le comportement des acteurs.
Lors de sa nomination en tant qu’inspecteur, il a d'abord été frappé par la part d’implicite dans l’Institution, un certain nombre de règles n’étant connues que d’un nombre réduit d’initiés, à l’opposé du modèle de fonctionnement du ministère des Armées où toutes les règles sont très explicites. « On cherche où sont les murs et jusqu’où on peut aller », lui disait par exemple un agent. « Si je dis qu’il y a un problème, je deviens le problème », lui disait un autre. Il existe une profusion de décrets et de prescriptions mais les acteurs ont l’impression d’une certaine opacité dans les relations professionnelles entre les individus – ce qui rend plus difficile la lecture de l’organisation de travail. Franck LAURENT a également constaté que l’individu était bien plus souvent regardé que son action. Il existe une part de contribution non reconnue en tant que telle car rendue nécessaire par des prescriptions non explicites. Ce peut être le cas de la débrouillardise, qui contribue de façon importante au fonctionnement de l’Institution mais n’est pas suffisamment observée, ce qui renvoie au constat de Norbert Alter selon lequel « les organisations savent prendre mais ne savent pas recevoir ».
Simultanément, les établissements sont pris dans une double superposition de régulations, celle qui embrasse les établissements pour la mise en œuvre de réformes et la régulation adaptée à la réalité locale, garante de réponses souvent plus efficaces. Le positionnement des acteurs est rendu difficile par de cette double régulation. Il arrive aussi que le niveau central cherche à alléger l’organisation bureaucratique alors que les niveaux intermédiaires tendent, au contraire, à complexifier le fonctionnement, pour se rassurer, ce qui brouille les messages. Enfin, il est fréquent que la réalité du travail disparaisse dans l’évaluation et que celle-ci suscite davantage de désinvestissement que d’investissement, faute de s’attacher à la réalité du travail. Franck LAURENT note enfin que l’écoute, sans proximité et sans compréhension des enjeux locaux, ne sert à rien.
Une représentante du collège syndical souligne que cette présentation lui fait penser à la fonction clé de la secrétaire de circonscription qui connaît tous les rouages et a un rôle déterminant au quotidien : elle se tourne, aussi souvent que nécessaire, vers le rectorat pour ensuite apporter des réponses aux enseignants, de façon bien plus efficace que si ceux-ci faisaient directement appel au rectorat. Les syndicats jouent également un rôle très important de décryptage, mais il n’est pas tout à fait normal de devoir passer par leur intermédiaire pour comprendre ce à quoi un courrier ouvre droit ou quelles règles s’appliquent en matière de mobilité, observe cette participante.
Une représentante des parents d’élève assure ressentir, dans son rôle, nombre des constats dont font part les enseignants, y compris lorsqu’elle discute avec d’autres parents d’élèves. Le bien-être des enseignants rejaillit sur les enfants et sur les familles, souligne-t-elle. Lorsqu’un enseignant ne se sent pas bien et n’a pas les moyens de « décharger » ce mal-être, il se présente devant les élèves en étant alourdi par cette charge émotionnelle, ce que les enfants perçoivent. Pour les parents, le chef d’établissement constitue un relais essentiel – ce qui pose la question du statut particulier du directeur d’école. D'une façon générale, les parents d’élèves sont très admiratifs du travail des enseignants, assure cette participante.
Une enseignante revient sur la notion de territoire, qui lui paraît fondamentale. Les enseignants travaillent tous sur des territoires éducatifs divers et l’Institution tend à découper ceux-ci en tranches. Les difficultés constatées à la maternelle sont pourtant similaires, bien souvent, à celles qui existent au lycée, ce qui plaide pour un travail sur l’unité territoriale. Les enseignants sont souvent freinés par un manque de moyens techniques, financiers, matériels ou pédagogiques, de la maternelle au lycée. Ils auraient tout intérêt à mutualiser ces moyens mais, faute de temps, ne peuvent le faire. Des coordinateurs (chargés de mission, ingénieurs de projet ou autres), à l’image de ceux qui existent dans les réseaux d’éducation prioritaire, pourraient jouer un rôle clé au niveau des territoires, au-delà des seuls aspects RH, pour faciliter ces synergies et coordonner des actions des enseignants.
Propositions
Sur la base des exposés et échanges de la séance, Aziz JELLAB formule un certain nombre d’axes de propositions que l’atelier pourra continuer d’explorer lors de sa cinquième séance :
- le développement de l’accompagnement de la carrière de tous les personnels ;
- la création de liens et de collectifs professionnels pérennes, sur fond de coopération (collectifs permanents ou ponctuels) ;
- le renforcement de la formation et le développement des compétences ;
- la prévention des risques psychosociaux en veillant à la qualité de vie au travail (ce qui doit notamment englober un travail sur la qualité des aménagements physiques) ;
- une meilleure information des enseignants afin de les aider à construire leur parcours professionnel (en veillant aux conditions d’émergence et de repérage des besoins ainsi qu’à la qualité des réponses offertes aux enseignants) ;
- la professionnalisation de l’écoute à travers une formation de qualité des personnels amenés à agir dans le cadre d’une GRH de proximité (ce qui peut conduire à faire une place aux pairs) ;
- la revalorisation de l’image des enseignants mais aussi de celle des autres personnels à travers des campagnes de communication (interne et externe) sur les métiers et les réalisations.
Un représentant du collège syndical souligne que même les titulaires de mandats de représentants du personnel ignorent, parfois, ce que l’administration fait, ce qui alimente le sentiment de déshumanisation et l’impression d’être face à une institution qui considère peu ses personnels. L’introduction du principe de subsidiarité pourrait être intéressante afin de pallier cette difficulté, de même que la communication sur les actions conduites.
Un représentant des personnels de direction en établissement scolaire souligne que les directeurs d’école, à la fois garants du cadre légal et responsables de faire vivre de nombreux projets collectifs ou individuels, se positionnent souvent en tant que facilitateurs. Il note aussi, en écho à l’intervention de Monsieur Demurger, que la littérature scientifique atteste l’intérêt des pratiques horizontales basées sur la confiance. Des rapports de l’OCDE et des recommandations de l’Union européenne plaident également en ce sens. La France est très en retard en matière d’évaluation globale (laquelle implique aussi les élèves et les parents). Cette démarche a été lancée avec force puisqu’elle doit concerner 20 % des établissements chaque année. Il y a là l’occasion de porter un regard réflexif sur l’ensemble de la communauté éducative.
Une représentante du collège enseignant observe que l’atelier devrait davantage s’engager vers des objectifs très opérationnels. Il faut dépasser le cadre de gestion d’un rectorat, estime-t-elle, et identifier des pistes pour chacun des corps de métier. Elle préférerait aussi que des crédits budgétaires soient mobilisés, le cas échéant, pour accroître les moyens réels des écoles, collèges et lycées plutôt que dans une campagne de communication visant à valoriser le métier d’enseignant : « La priorité n’est pas de montrer aux parents que les enseignants font des jolies choses » car ils le savent, considère-t-elle.
Prolongements
Aziz JELLAB invite les participants, s’ils le souhaitent, à continuer d’alimenter les travaux par des contributions écrites d’ici la prochaine séance. Celle-ci (le 30 novembre de 9 heures à 12 heures) débutera par une introduction de Daniel Pennac sur le thème de la création du lien pour la création collective.
Mise à jour : novembre 2020
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