Grenelle de l'Education [Compte rendu d'atelier] Protection et valeurs de la République : séance 1 - Protection des personnels
L’incubateur du Grenelle de l’Éducation permet une concertation large avec la société civile, sous la forme d’ateliers associant des représentants de la communauté éducative. Consultez le compte rendu de l'atelier Protection et valeurs de la République, séance 1, Protection des personnels, 19 novembre 2020.
La présidente de l’atelier, Marie-France MONEGER-GUYOMARC’H accueille les participants pour l’atelier Protection et valeurs de la République.
Introduction
Marie-France MONEGER-GUYOMARC’H précise que ce dixième atelier du Grenelle de l’éducation est une conséquence de la mort de Samuel Paty. Ses premières pensées vont vers sa famille et ses collègues, les enseignants du lycée de Conflans et ses élèves. L’assassinat de Samuel Paty est lié directement à son enseignement, précédé par un déferlement de haine sur les réseaux sociaux. Il pose la question de sa mission, de l’enseignement des valeurs de la République, du soutien à cet enseignement et aux enseignants et de la protection qui est due par la société à l’enseignant. C’est le sens de cet atelier auquel la Présidente remercie tous les membres de participer. Elle espère que le fait que cet atelier soit très ouvert, réunissant à la fois des représentants de l’enseignement et des représentants d’autres instances permettra d’avancer et de formuler des propositions concrètes pour soutenir les enseignants dans cette responsabilité qui consiste à enseigner les valeurs républicaines.
Le secrétaire général de l’atelier, Jérôme GRONDEUX précise que cet atelier se réunira à quatre reprises. Outre la séance de ce jour, une réunion se tiendra le 1er décembre au matin, puis le jeudi 10 décembre et le jeudi 17 décembre sur la journée.
Le 1er décembre, l’atelier abordera deux questions :
- comment faire pour qu’un enseignant n’apparaisse pas seul dans l’éducation à la citoyenneté ?
- comment faire pour que l’Education nationale ne soit pas seule dans cette tâche, mais articule son action avec d’autres institutions partenaires ?
La journée du 10 décembre sera consacrée à la protection, c’est-à-dire à tous les dispositifs existants et souhaitables pour protéger un personnel de l’Education nationale lorsqu’il est en butte à la diffamation, connaît une atteinte à son intégrité ou est la cible potentielle d’un attentat.
La journée du 17 décembre sera dédiée à une réflexion globale en vue de formuler des propositions concrètes, proches du terrain, opérationnelles.
Tour de table des principaux enjeux de l’atelier
A l’occasion d’un tour de table, les participants sont invités à se présenter et à indiquer le point qui leur semble prioritaire dans les travaux de l’atelier.
Un représentant du collège encadrement souligne le besoin de dresser un état des lieux des actions existantes et des articulations entre les différentes institutions (Education nationale, police, gendarmerie, parquet, etc.). Le travail partenarial est extrêmement fort.
Une représentante du collège encadrement estime qu’il faut assurer la sécurisation et l’outillage des personnels et professeurs pour porter les valeurs de la République, les incarner et les aider à se sentir en situation de les porter dans leur quotidien. Il faut leur permettre de développer des actions explicites à la fois pour les élèves et les parents, en lien avec des associations et des collectivités territoriales, pour assurer une continuité, notamment dans le 1er degré, sur tout ce qui relève du périscolaire. Les élèves doivent comprendre qu’ils pourront retrouver les valeurs républicaines qu’ils apprennent à l’école dans d’autres services publics.
Une autre représentante du collège encadrement observe que les personnels se sentent isolés de par leur méconnaissance. Le principe de laïcité ne fait pas toujours sens dans les modalités de leur enseignement ; il se positionne comme un élément qui se décrète, sans prise directe avec le quotidien. Il transparait une difficulté à maitriser le sujet et s’approprier les outils pour le mettre en œuvre.
Un autre représentant du collège encadrement souligne qu’il faut veiller à l’articulation entre le cadre national, les programmes, les documents, les pratiques pédagogiques et les dispositifs d’accompagnement des personnels, avec une attention particulière sur le 1er degré où les enseignants ne disposent pas des mêmes ressources que dans le 2nd degré, mais aussi à l’articulation entre l’accompagnement des personnels et les ressources mises à leur disposition. Il apparaît également nécessaire de renforcer le travail mené en partenariat avec les acteurs de la préfecture et des collectivités territoriales.
Un représentant du collège professeurs estime qu’il faut donner du sens au quotidien aux valeurs de la République et faire en sorte que la laïcité soit comprise comme une ouverture et non comme une restriction. Les réseaux présentent également une grande importance : il faut travailler avec les partenaires pour assurer la protection des valeurs de la République.
Une autre représentante du collège professeurs ajoute qu’il faut donner du sens en faisant en sorte que les élèves comprennent que ces valeurs représentent l’histoire de tous.
Un autre représentant du collège professeurs observe qu’il ne faut pas oublier les activités périscolaires qui ont un rôle à jouer dans ce dispositif.
Une autre représentante du collège professeurs estime que la question de la formation des formateurs constitue un sujet prioritaire. Il est urgent d’élargir le vivier des formateurs en s’appuyant davantage sur les professeurs de sciences et en établissant des passerelles avec le 1er degré. Il faut en effet mieux former et outiller les personnels du 1er degré en créant des synergies. Il convient aussi de mettre en place plus de partenariats pour mixer les angles sur un certain nombre de thématiques.
Un représentant du collège monde associatif et économique souligne le sentiment d’abandon, de solitude extrême des enseignants dans les dossiers ouverts tant au niveau judiciaire qu’au niveau de l’Education nationale. Certes, des progrès ont été réalisés récemment, avec des circulaires recommandant que le rapport entre l’enseignant de base et l’administration soit amélioré. Pour autant, deux aspects semblent prioritaires. Lorsque l’administration convoque un enseignant qui peut être mis en cause par des parents d’élèves, il serait important qu’il puisse être accompagné par un avocat-conseil. Il faut aussi que l’administration donne une réponse rapide à l’appel de l’enseignant. Enfin, il faut éviter que la parole de l’enfant soit manipulée.
Une représentante du collège monde associatif et économique note l’exposition grandissante des professeurs sur les réseaux sociaux. Elle insiste sur la dimension humaine, l’accompagnement, l’écoute immédiate et la bienveillance. Il faut aider les professeurs tout en respectant leur liberté pédagogique et sans les dessaisir de leur savoir-faire.
Un représentant du collège élus et collectivités indique que le thème de l’atelier se trouve au cœur de l’action quotidienne des forces de police. La sécurité, dans toutes ses composantes, est l’affaire de tous. Il faut assurer la sécurité des élèves et des enseignants à l’intérieur et aux abords de l’école.
Un représentant du collège famille et élèves remarque que l’école permet la socialisation de l’enfant et il importe que la laïcité soit au cœur de l’Education nationale dans les écoles et les établissements d’enseignement scolaires dans le respect de toutes les différences.
Un représentant du collège syndical précise qu’avec le vadémécum de la laïcité ou l’article 433-5 du Code pénal, les enseignants ont le droit, mais il leur manque la force. Sur le terrain, ils se sentent totalement délaissés et non protégés. Des parents d’élèves mettent beaucoup de pression sur le corps enseignant, remettant en cause le contenu, les programmes scolaires. Il faut faire confiance et respecter l’autorité des enseignants. Il soutient par ailleurs l’introduction dans la loi de l’obligation pour les élèves et leurs parents de respect envers les professeurs et les agents de l’Education nationale. Enfin, le site PHAROS pourrait constituer un outil de signalement rapide des menaces ou atteintes que peuvent subir les enseignants.
Un autre représentant du collège syndical estime qu’il est important d’analyser l’établissement comme lieu de formation et d’expression sur les valeurs républicaines et la laïcité. Souvent, cette mission est confiée au seul professeur d’histoire-géographie. Or toutes les personnes adultes doivent être concernées par le projet, enseignants, personnels des collectivités territoriales, etc.
Une représentante du collège syndical en appelle à l’unité autour de la notion d’autorité. Cette autorité est sans cesse sapée, remise en cause. Les textes existent déjà pour protéger les personnels. Point n’est besoin d’en introduire de nouveaux. Il semble difficile de demander à un enseignant de porter des valeurs républicaines qui peuvent être attaquées dans la société alors que dans le même temps il se sent culpabilisé, voire infantilisé.
Un autre représentant du collège syndical estime qu’il faut aussi s’interroger sur la façon dont les valeurs républicaines sont diffusées, appréciées et discutées dans les écoles sous contrat, notamment confessionnelles. Lorsque des décisions seront prises, il faudra bien penser un système global et non se limiter au seul système public.
Un autre représentant du collège syndical souligne qu’il faut renforcer la formation de tous les enseignants sur les valeurs républicaines et la laïcité, car ils se sentent très démunis aujourd’hui. L’articulation avec les parents d’élèves apparaît fondamentale. Il est aussi urgent d’agir vis-à-vis des élèves en leur rappelant que certains comportements ou attitudes sont passibles de sanctions lourdes, disciplinaires, mais aussi pénales. Les textes existent ; ils doivent être appliqués. La protection des agents est relativement bien assurée en théorie par l’article 11 de la loi de 1983, mais dans la pratique, la protection de l’administration n’est pas systématique et demeure un combat. De la même manière, il faut arrêter de demander aux chefs d’établissement dans leur lettre de mission de réduire le nombre de sanctions disciplinaires. Seuls des enseignants éclairés et libres peuvent dispenser de bons enseignements.
Une autre représentante du collège syndical convient qu’il faut défendre les valeurs de la République. Pour autant, l’école n’est pas une forteresse, un lieu hermétique à l’environnement social. Cet environnement se détériore depuis de nombreuses années et ce terreau menace les valeurs de la République et la laïcité, encourageant le développement de comportements inacceptables. Or les enseignants se trouvent démunis, en particulier dans le 1er degré. Il faut prévoir des temps de formation, en formation initiale et continue, en associant pleinement ceux qui sont confrontés à ces questions au quotidien sur le terrain. Si la démarche vient d’en haut, elle sera vécue par les enseignants comme une atteinte à leur liberté pédagogique.
Un représentant du collège syndical insiste sur la réassurance des enseignants et des personnels dans les établissements sur la manière dont ils peuvent porter les valeurs de la République et dont ils s’engagent à transmettre et faire partager ces valeurs aux élèves. La relation de ces personnels avec le territoire dans lequel ils évoluent apparaît également fondamentale. Il faut les accompagner dans l’appréhension de ce territoire.
Echanges sur les enjeux
Marie-France MONEGER-GUYOMARC’H remercie les membres de l’atelier pour ces présentations et ces premières propositions. Ces propos font largement écho à ce qu’elle a entendu lorsqu’elle était en activité au ministère de l’Intérieur en particulier le respect, l’interventionnisme, en l’occurrence des parents d’élèves, la mise en cause du professionnel, du représentant de la loi, la distance entre le terrain et l’institution centrale, avec quelques critiques sur la méconnaissance de ce qui se joue sur le terrain, la confiance du professionnel de terrain. Dans les ministères, il est difficile de faire passer l’information et de faire connaître un certain nombre de choses. Faire le point de l’existant est extrêmement important. Les notions d’écoute, de bienveillance, de protection et de soutien sont elles aussi largement évoquées au sein du ministère de l’Intérieur. Il n’existe plus de respect pour le professeur, le policier, le gendarme, le pompier, tous ceux qui représentent l’autorité. Les enseignants ne sont pas seuls à le ressentir. Il existe un problème de société. Toutes ces questions ne peuvent pas être résolues en interne. Il faudra travailler en partenariat avec les collectivités et les autres acteurs sur ce problème de société.
Jérôme GRONDEUX estime que la connaissance de l’existant se révèle très importante. Il invite donc les membres de l’atelier à remonter des informations utiles sur l’espace TRIBU (enquêtes, exemples de partenariat, etc.). La problématique de l’information apparaît centrale. Il s’agit de déterminer par quels canaux l’information doit passer pour toucher les enseignants. S’il peut exister parfois une difficulté de l’institution à se saisir des problématiques du terrain, il arrive aussi que le terrain méconnaisse les ressources que peut offrir l’institution. S’il ne faut pas s’interdire une réflexion sur les dispositifs eux-mêmes, il faut s’assurer qu’ils soient connus et appliqués et ne pas partir de l’idée que rien n’est fait.
Marie-France MONEGER-GUYOMARC’H observe que le territoire est assez peu évoqué alors que cette dimension est essentielle.
Jérôme GRONDEUX ajoute que la problématique du territoire sera aussi très importante quand il s’agira d’évoquer la protection des enseignants. La notion intervient lorsqu’il s’agit de signaler. Le rapport de 2019 sur les établissements et la laïcité évoque la problématique des alertes au travers de l’application « Faits établissements ».
Une représentante du collège syndical confirme l’importance du territoire. Elle remarque que l’enseignant doit porter les valeurs de la République, y compris dans des zones de campagne, où des familles se sentent abandonnées par les services publics.
Une représentante du collège monde associatif et économique estime que la question du territoire rejoint celle de l’accueil des jeunes enseignants dans leur établissement. Lorsqu’ils viennent de passer le concours, qu’ils arrivent dans un établissement, ils connaissent assez mal le territoire. Il faudrait intégrer cette dimension territoriale dans l’accueil.
Un représentant du collège syndical souligne que l’approche de la laïcité est différente dans des banlieues dites difficiles ou dans des territoires plus ruraux. La formation des enseignants est fondamentale, car ils doivent être capables de s’adapter à des situations différentes. Il faut aussi arriver à aborder des sujets considérés comme clivants, notamment les signes religieux.
Un représentant du collège monde associatif et économique indique qu’il existe, sur les territoires, un problème entre les chefs d’établissement et les collectivités territoriales. Aux abords des écoles, des problèmes très pratiques se posent (sécurité, cantine) et lorsque les chefs d’établissement interviennent, le temps de réaction des collectivités est trop long. Il importe d’organiser des modules pour accélérer les contacts et débloquer les situations. De la même manière, quand les chefs d’établissement se tournent vers l’institution, leur inspecteur d’académie ou de circonscription, celui-ci doit les aider à intervenir auprès des maires. Or ce n’est pas toujours le cas.
Une représentante du collège encadrement signale qu’il existe parfois des antagonismes liés aux représentations sur la capacité d’action de chacun. Il importe d’organiser des actions de formation et de rencontre pour préciser les acteurs et leur action. Si dans les quartiers sensibles ou les villes, les acteurs associatifs et institutionnels peuvent constituer des relais nombreux de l’école, ce n’est pas le cas dans les espaces ruraux où il règne un sentiment d’isolement. Il manque des associations, des maisons de quartier et d’organismes qui créent du lien social et peuvent porter les valeurs qu’enseigne l’école.
Marie-France MONEGER-GUYOMARC’H a le sentiment que les représentants des différentes institutions sur les territoires se connaissent, mais leurs institutions respectives sont beaucoup moins au fait de ce qui se passe et les démarches ne sont pas partagées.
Un représentant du collège monde associatif et économique remarque qu’il existe des référents Laïcité, Justice, Education nationale. Or la circulaire qui les régit concerne davantage le rôle attendu des enseignants. Il faudrait revoir le contenu de ce texte pour prendre en compte le cas où les enseignants sont agressés afin que ces référents coordonnent leur action.
Un représentant du collège professeurs estime qu’il faut distinguer les problèmes d’urgence et les problèmes de prévention. Aux abords des établissements, les collectivités peuvent intervenir avec la police municipale et la gendarmerie lorsqu’elles sont contactées par le chef d’établissement en cas d’urgence. En termes de prévention, la création des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC), en réunissant des élus, des membres de la gendarmerie ou de la police et de l’Education nationale développe une véritable politique de prévention, notamment de la délinquance.
Un représentant du collège encadrement rappelle que les politiques d’éducation sont menées sur les territoires, avec les équipes académiques qui peuvent intervenir pour accompagner les équipes pédagogiques afin de réassurer les enseignants dans leur pratique pédagogique. En cas d’incident, il faut s’assurer que les différents échelons soient saisis et puissent prendre en charge la situation. Un travail doit être mené dans le 1er degré qui signale moins ces problématiques comme le montre l’analyse des remontées d’incidents, via l’application « Faits établissements » et la notion d’atteintes aux valeurs de la République. Quand le signalement est effectué, la procédure est déclenchée et amène les équipes académiques à intervenir avec les référents, correspondant du territoire, notamment lorsqu’est détectée une atteinte pénale. Des progrès ont été réalisés dans ce domaine. Il faut cependant mettre plus en avant les référents laïcité au sein de l’Education nationale et des préfectures et faire en sorte qu’ils travaillent mieux ensemble.
Une représentante du collège professeurs signale que certains faits établissements remontés ces derniers temps n’ont pas été anticipés et sont très difficiles à traiter. La semaine précédente, par exemple, l’équipe a dû traiter dans l’urgence des faits liés au documentaire « Hold-up » ou à un clip de rap massivement diffusé sur YouTube. Or pour apporter la réponse la plus précise possible à l’établissement ou au personnel, il faut effectuer une veille de tous les instants.
Une représentante du collège encadrement signale que le rapport de l’IGESR « L’application du principe de laïcité dans les établissements scolaires publics » (novembre 2019) souligne la nécessité de progresser sur le partage de ces démarches au niveau national. Généralement, lorsqu’ils rencontrent une difficulté, les personnels actionnent leur réseau local. En outre, chaque institution propose sa formation (DDCS, préfecture…) et l’Education nationale peine à être associée. Les référents travaillent ensemble au niveau académique ou départemental, mais il faut faire en sorte que cette rencontre se poursuive à l’échelle locale.
Jérôme GRONDEUX précise que l’application « Faits établissements » permet de signaler 5 types de faits liés à la laïcité et aux valeurs de la République : tenues ou signes religieux, contestations d’enseignements, refus d’une activité, suspicion de prosélytisme et autres, que ces agissements émanent des élèves ou des parents, voire des personnels. Ce signalement est effectué de manière anonyme et peut déclencher une action des équipes « Valeurs de la République ». Ces équipes sont aussi contactées directement par les chefs d’établissement.
Une représentante du collège encadrement ajoute que l’application permet de signaler tout fait qui perturbe l’établissement et doit être porté à la connaissance de la hiérarchie : agression d’un parent d’élève, injure, violences entre élèves, situation sanitaire, accident d’un élève, mise en place d’une cellule d’écoute, etc. Les atteintes à la laïcité sont automatiquement communiquées à la hiérarchie. Les autorités départementales et académiques sont informées.
Un représentant du collège syndical signale que le rapport de 2019 formule un certain nombre de préconisations intéressantes, avec la volonté d’uniformiser le dispositif pour qu’il soit le plus opérationnel possible au niveau local. Certains faits peuvent être traités directement par les établissements, mais encore faut-il que les référents Laïcité aient le temps et les moyens de le faire. Enfin, la réponse éducative est importante. Quand des sanctions sont nécessaires, il faut qu’elles s’appliquent, y compris en dehors du monde éducatif, en faisant intervenir les forces de police ou le monde judiciaire. Pour autant, il ne faut pas oublier la dimension éducative et émancipatrice de la laïcité et croire que tout pourra être résolu par la sanction.
Un représentant du collège syndical précise qu’il faut distinguer l’application « Faits établissements », qui est une plate-forme de signalement par les chefs d’établissement et la plate-forme de signalement instaurée en décembre 2017 permettant à tous les enseignants de signaler un fait au niveau national. Par ailleurs, plus qu’un référent Laïcité par établissement, il faudrait un référent autour de l’action citoyenne.
Jérôme GRONDEUX observe qu’il convient d’assurer une cohérence entre toutes les valeurs.
Un autre représentant du collège syndical estime que l’application « faits établissements » est insuffisante. Les enseignants ne veulent pas entrer dans une démarche administrative trop lourde. Au lieu de multiplier les référents, il faut raccourcir la chaîne. Par ailleurs, les lettres accusatrices, envoyées sans preuves par les parents, créent un climat délétère, d’autant que beaucoup trop d’IEN de circonscription semblent porter un jugement a priori trop hatif sans procéder auparavant à certaines vérifications ou investigations. Il ne faut pas minimiser non plus la pression religieuse à l’école. La religion n’a pas sa place à l’école et tout le monde doit faire l’effort de respecter ce principe. Il ne s’agit pas de créer un monde autoritariste. L’autorité n’est pas un gros mot et il n’existe aucun risque que les enseignants deviennent autoritaristes.
Un représentant du collège monde associatif et économique signale qu’il existe un problème de transparence, car les enseignants ignorent ce qu’il advient de leur signalement. Ils sont même parfois pris à partie par la famille à qui le signalement a été remis. Des enseignants hésitent aussi à déposer plainte, craignant que les familles se déchaînent contre eux. Il faut protéger l’enseignant. Enfin, il faut faire respecter le principe de la procédure du contradictoire, défendue par l’autorité judiciaire et par la Cour européenne des droits de l’homme, en permettant à l’enseignant mis en cause d’avoir connaissance des faits qui lui sont reprochés afin de pouvoir se défendre et être assisté d’un conseil.
Un représentant du collège syndical remarque que dans de trop nombreuses situations où le professeur est mis en cause, la hiérarchie ne semble pas forcément aidante, donnant parfois même le sentiment de le rendre responsable de la situation. Il se voit demander de modifier sa pratique, écrire une lettre d’excuse, etc. L'allégation de faits rapportés et non vérifiés est versée au dossier sans qu’il en soit informé, sans parler des témoignages anonymisés pour protéger soi-disant la famille ou l’élève alors que l’anonymisation n’est justifiée que lorsqu’il existe un risque que la personne mise en cause agisse en représailles. Il faut montrer que l’on peut avoir des débats apaisés sur le sujet de la laïcité.
Jérôme GRONDEUX rappelle que la laïcité est aussi un objet juridique.
Un représentant du collège « famille et élèves » reconnaît qu’il faut travailler en toute transparence avec les enseignants : l’anonymisation des témoignages pose problème. Quand un élève passe en conseil de discipline, le témoignage doit comporter le nom du témoin. Il doit en être de même lorsqu’un enseignant est mis en cause. Les attaques envers l’institution sont quand même le fruit d’une minorité. Pour autant, les parents ne sont invités à venir dans l’établissement que pour des aspects négatifs. Les enfants représentent les premières personnes qui peuvent apporter de la sérénité entre les parents et l’institution. Si les élèves se sentent bien à l’école, ils véhiculent un aspect positif dans leur famille. L’élève occupe une place centrale sur le sujet. Enfin, il faudrait s’intéresser aux associations qui interviennent dans les établissements d’enseignement scolaire et les écoles pour s’assurer que leur objet social est en complète concordance avec les finalités éducatives de l’école ; et qu’elles sont bien agrées par l’éducation nationale
Un représentant du collège syndical remarque qu’il ne faut pas opposer l’autorité à la bienveillance ou à l’aspect éducatif ; les deux peuvent cohabiter. Trop souvent, dans des établissements, des dérogations à la loi, au règlement viennent saper les fondements de l’autorité. Accepter que quelques véhicules passent au feu rouge met en cause la sécurité de tous. Le fait que l’autorité ne puisse plus garantir le respect des lois met en péril les droits des citoyens. Ainsi, un établissement avait créé une « salle à voile » permettant aux jeunes filles de se dévêtir dans l’enceinte de l’établissement. L’arbitrage laissé à l’échelon local est trop souvent interprété de façon arbitraire.
Un représentant du collège professeurs signale que dans certains quartiers, en particulier les quartiers REP/REP+, les mères voilées sont acceptées pour accompagner les sorties, parce que sans elles, les enseignants ne trouveraient personne.
Jérôme GRONDEUX rappelle que les programmes d’enseignement moral et civique fixent quand même une définition des valeurs de la République et de la laïcité. Il est certain que les enseignants ont besoin de bien connaître les lois, la façon dont elles s’appliquent et leur lien avec les valeurs de la République.
Un représentant du collège syndical observe qu’il subsiste un flou trop important aujourd’hui sur le sujet des mères accompagnatrices. L’enseignant doit juger par lui-même s’il s’agit d’un signe de prosélytisme religieux, ce qui fait peser une forte pression sur lui. Il revient à l’Etat de fixer des règles claires.
Un représentant du collège encadrement estime qu’il faut travailler la question de l’incarnation de l’action publique propre à chaque acteur gravitant autour ou dans la sphère de l’Education nationale. Par le passé, il a accompagné, dans le cadre de la protection fonctionnelle, une enseignante du 1er degré qui avait été agressée. L’Education nationale et l’avocat de l’organisation syndicale à laquelle elle avait fait appel ont travaillé ensemble, incarnant leur mission au service de cette enseignante. Sur les territoires, les partenariats associatifs sont nécessaires. Pour autant, il faut porter un regard éclairé pour évaluer la plus-value que les associations peuvent apporter dans les écoles. Il faudrait outiller tous les personnels et enseignants sur les valeurs de la République, car l’externalisation de ces questions pose un problème.
Marie-France MONEGER-GUYOMARC’H remercie l’ensemble des participants. Les différentes prises de parole démontrent combien la question est complexe et nécessite des éléments permettant de stabiliser les choses. Elle entend également une demande de réflexion interne, d’outillage des enseignants pour qu’ils puissent apporter les réponses eux-mêmes.
Jérôme GRONDEUX clôture la séance et invite les participants à déposer sur l’espace TRIBU des données qui pourraient intéresser l’ensemble de l’atelier.
Mise à jour : novembre 2020
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