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Grenelle de l'Education [Compte rendu d'atelier] Revalorisation : séance 2 - Reconnaissance

L’incubateur du Grenelle de l’Éducation permet une concertation large avec la société civile, sous la forme d’ateliers associant des représentants de la communauté éducative. Consultez le compte rendu de l'atelier Revalorisation, séance 2, Reconnaissance, 25 novembre 2020.

Introduction 

Marie-Pierre LUIGI indique qu’un accès à l’espace Tribu a été proposé aux participants : une documentation s’y trouve, avec des informations chiffrées issues d’une publication très récente l’état de l’école avec les données 2019. 

Il sera proposé, dans cette séance, de discuter des éléments qui doivent faire la différence, au sein de la rémunération des enseignants, en parlant des territoires (lieux d’éducation prioritaire, professeurs affectés dans le rural et dans l’Outre-mer), mais aussi des fonctions exercées et du temps de travail, de la formation et de l’innovation. Si la séance du jour est consacrée à la rémunération tandis que les suivantes s’intéresseront aux conditions d’exercice du métier et à l’image et au statut de l’enseignant dans la société, les participants peuvent aborder ces sujets dès maintenant. 

Guy WAISS présente quelques chiffres sur l’éducation prioritaire, les départements et régions d’Outre-mer et sur le rural isolé. Concernant l’éducation prioritaire, 120 000 enseignants, CPE et Psy-EN travaillent en REP ou REP+ (75 000 en REP et 45 000 en REP+) et bénéficient de conditions spécifiques de rémunération. En REP, l’indemnité brute annuelle s’élève à 1 734 euros et à 4 646 euros en REP+. 

Dans les départements et régions d’Outre-mer, toute la fonction publique bénéficie d’une rémunération supplémentaire : un peu plus de 5 % des enseignants exercent dans les départements et régions d’Outre-mer (5,1 % dans le premier degré et 5,6 % dans le second degré). 

Les contrats locaux d’enseignement pourraient intégrer des établissements se trouvant dans le rural isolé : selon la définition INSEE, 25 000 collègues du premier degré travaillent dans le rural isolé (7 % des collègues de cette catégorie dont 86 % de femmes) et 10 500 collègues du second degré (2,2 % des professeurs). L’ancienneté de ces collègues est assez proche de celle des enseignants en milieu urbain. Pour le moment, cette catégorie ne bénéficie pas d’une rémunération particulière. 

Marie-Pierre LUIGI souhaite que tous les collèges puissent s’exprimer lors de ces séances. 

Echanges autour des différences entre les territoires 

Un représentant du collège encadrement relève que la difficulté relative à l’éducation prioritaire a trait à l’évolution de la carte et au fait d’avoir des établissements avec des caractéristiques proches qui ne relèvent pas de l’éducation prioritaire. La question de la définition des frontières se pose et requiert des analyses plus nuancées de certains territoires. 

Le rural isolé concerne très peu de territoires, alors même que ces territoires se trouvent dans une problématique d’accès à la culture et à la formation. Il semble difficile de caractériser ces territoires puisque certains départements denses comprennent des territoires ruraux. Il faudrait alors aborder la question sous le biais de réseau, notamment pour les écoles rurales isolées des réseaux. 

Le document indique que la rémunération dans les Outre-mer est valorisée en termes indemnitaires alors que le complément intervient sur la rémunération indiciaire. 

Guy WAISS rappelle que s’agissant des REP er des REP+ les sommes indiquées plus haut sont bien de l’indemnitaire et non pas de l’indiciaire.  

Un représentant du collège encadrement juge la différence importante entre l’éducation prioritaire et les établissements qui n’en font pas partie, d’autant que les caractéristiques ne sont pas si diverses. Les cartes devraient être réactualisées plus régulièrement et les cartographies de l’éducation prioritaire devraient être plus flexibles. 

Un autre représentant du collège encadrement ajoute que les enseignants en éducation prioritaire bénéficient en outre de 10 % de temps de travail en moins et d’une ancienneté accélérée. Ces enseignants ont besoin de plus de lisibilité et le statut ne doit pas être modifié. Trois académies réalisent une expérimentation sur les nouveaux contrats locaux d’accompagnement, c’est bien mais il sera difficile de conserver les enseignants en REP ou REP+ sans visibilité dans le temps. Toutes ces questions doivent être traitées sous l’angle de la mobilité et de l’attractivité des postes. La mobilité risque d’être importante dans les REP sans visibilité et reconnaissance. 

Une représentante du collège des professeurs qui exerce dans une école en ZRR (zone rurale de revitalisation) considère que les principaux problèmes sont liés au nombre de classes de niveaux, avec parfois un niveau unique de la moyenne section au CM2, ainsi qu’aux problématiques financières de la commune. Quand un enseignant se trouve seul dans une école, il est confronté seul aux difficultés et ne peut échanger avec des collègues. Dans son secteur, une association a été créée il y a 25 ans pour toutes les écoles de l’ancienne communauté de communes (10 écoles) pour pallier les difficultés des enseignants liées à l’isolement. Ils se réunissent plusieurs fois par an, notamment pour construire ensemble le projet d’école, mais aussi pour les élèves qui se trouvent loin des lieux de culture et des lieux d’exercice sportif, en faisant intervenir une troupe de théâtre ou en organisant des événements sportifs communs. Dans ces écoles, l’enseignant est parfois seul face aux parents et à la municipalité. Certains inspecteurs souhaitent disposer de moyens pour récompenser les enseignants, mais ce point est problématique puisque l’inspecteur ne sera pas toujours en mesure de relever tout ce que les enseignants peuvent faire. En milieu rural, avec une classe unique, il est impossible d’organiser une classe découverte. Les critères choisis ne pourront correspondre à tous les enseignants. 

Guy WAISS demande si l’association relève d’un regroupement pédagogique intégré ou dispersé ? 

Une représentante du collège des professeurs répond par la négative : il s’agit bien d’une association. Si des regroupements pédagogiques avaient été mis en place, des classes auraient été regroupées et surtout, les élèves auraient dû parcourir des distances importantes, puisque les écoles se trouvent parfois à 20 kilomètres les unes des autres. Actuellement, certains élèvent effectuent déjà 25 minutes de transport en bus pour venir à l’école. 

Une autre représentante du collège des professeurs a exercé en lycée et pense que les enseignants sont conscients de la difficulté du travail des enseignants de collège REP ou REP+ et ne pense pas que les valorisations salariales sont mal interprétées par les collègues. Cette revalorisation semble normale. Le travail des équipes pédagogiques et l’apprentissage en REP construit les élèves dans le regard à l’autre, plus que les autres établissements, même si les élèves n’ont pas eu la même préparation scolaire quand ils arrivent au lycée. Il convient peut-être de revoir la carte des territoires et de réévaluer les moyens alloués dans les établissements scolaires. L’expérience est difficile à transmettre et les liaisons entre établissements pourraient peut-être être plus fortes. 

Un représentant du collège associatif et économique constate que le coût de la vie est plus cher dans certains lieux. Pour se loger, les professeurs ne peuvent même pas louer un studio en début de carrière, à Paris, alors qu’ils pourraient louer un deux-pièces dans l’académie de Poitiers. Le coût de la vie est bien plus élevé en région parisienne. 

Guy WAISS note qu’une indemnité de résidence existe, même si la différenciation est faible entre les trois zones. 

Un représentant du collège associatif et économique ajoute que, au-delà du prix du logement, tout dépend aussi des commerces disponibles à proximité (petites épiceries ou grandes surfaces). 

Un représentant du collège familles et élèves estime que le plus important pour les parents réside dans la stabilité d’une équipe. Quelle que soit la zone, l’équipe a besoin de visibilité pour conserver sa motivation. Il convient donc de consolider l’attractivité pour que chaque territoire puisse profiter du dispositif de manière équitable. La visibilité contribue certainement à la stabilité des équipes. 

L’importance de l’enseignement français à l’étranger n’a par ailleurs pas été soulignée alors que cet enseignement offre de nouvelles perspectives aux enseignants. 

Une représentante du collège des élus et collectivités souhaite tout d’abord réaffirmer son attachement au soutien des REP et REP+, avec le dédoublement des classes. Les dispositifs doivent effectivement être régulièrement réévalués, mais l’adhésion au dédoublement est forte et ce dispositif permet de lutter contre l’analphabétisme et les inégalités scolaires. Les changements brutaux seraient problématiques, notamment pour l’attractivité du métier. Les critères de la prime au mérite devraient être objectivés, en fonction des zones et des défis à relever, pour que les professeurs sachent quelles sont les attentes. Il conviendrait en outre que les professeurs contribuent à l’élaboration de ces critères avec l’inspecteur, pour sortir de la verticalité. 
Relayant la proposition de Jean-Pierre Obin, ancien inspecteur général, elle considère que s’il faut donner plus de moyens aux zones prioritaires, cette logique peut avoir un effet pervers puisqu’elle ne favorise pas la mixité sociale : un critère devrait favoriser l’introduction de plus de mixité sociale par le directeur ou les autorités académiques, avec plus de moyens pédagogiques. 

Un représentant du collège des syndicats considère que le lieu d’exercice doit donner lieu à une différence pour marquer l’engagement et la difficulté de l’exercice en REP et REP+. Une expérimentation est réalisée pour ajuster la carte des zones d’éducation prioritaire et cet exercice est intéressant, puisqu’il porte sur les écoles en difficulté. Toutefois des collègues peuvent exercer dans des zones considérées comme « normales et sans difficulté » alors qu’il peut se produire qu’il y ait 30 élèves de cycle 3 sur deux niveaux avec une allophone et un élève avec une AESH. Une indemnité pour classe à effectif lourd pourrait être envisagée, ainsi que pour classe à multiples niveaux, puisque ces deux points constituent des difficultés et que dans les lycées il a y a bien des pondérations de service pour effectifs lourds. Le coût de la vie est un sujet qui a été évoqué dans le cadre du dialogue social, notamment dans les zones frontalières, ce qui pose problème pour conserver les enseignants. 

Guy WAISS confirme la difficulté de pourvoir des postes dans les zones frontalières, à cause du coût de la vie trop élevé (exemple en Haute-Savoie).

Une représentante du collège des syndicats considère qu’une plus grande souplesse semble nécessaire dans la désignation des zones REP et REP+. La carte devrait être revue de manière bien plus attentive. La question du coût de la vie a été abordée dans des discussions avec la DRGH l’année précédente et l’indemnité de résidence est versée en fonction d’une carte qui date de 1950. Ce point doit être revu, puisque certains postes sont très difficiles à pourvoir, notamment en Haute-Savoie. 

Un représentant du collège des syndicats souhaite intervenir sur la méthode : l’atelier devait se pencher sur les éléments relatifs à la rémunération et à la revalorisation. Une différence est apparue avec le reste de la fonction publique et l’objectif devrait viser à répondre à cette problématique, pour l’ensemble des enseignants. Discuter du lieu d’exercice relève d’une autre discussion. La transparence et l’équité sont nécessaires. Comme les représentants du personnel sont maintenant exclus des échanges sur les promotions, la transparence n’existe plus. Des établissements n’accueillent que des élèves défavorisés et d’autres uniquement des élèves favorisés, du fait du marquage territorial. Un problème d’attractivité et de répartition des enseignants sur le territoire se pose donc. 

Plusieurs leviers sont possibles : la refonte des grilles indiciaires, la valeur du point d’indice et la logique basée sur l’indemnitaire socle (comme la prime d’attractivité). La reconnaissance de certains professeurs pour leur engagement doit être distincte de la revalorisation générale. 

Guy WAISS a bien noté, lors de la précédente réunion, que les représentants du collège des syndicats étaient favorables aux éléments socles et les remarques sur les différences entre premier et second degré. Au-delà de ces éléments, la question abordée ce jour porte sur les difficultés particulières rencontrées par certains enseignants. 

Un représentant du collège des syndicats considère que ces éléments ne relèvent pas de la revalorisation. 

Un autre représentant du collège des syndicats observe que la discussion doit porter sur le temps long. La question des territoires est désormais actée par tous, ce qui n’était pas forcément le cas précédemment. Le principe des territoires est important. Différencier n’est pas trier, mais reconnaître des choses qui peuvent être objectivées. Les collègues ne viennent plus dans la fonction publique en général et dans l’Éducation nationale en particulier à cause de la rémunération proposée. S’ils quittent l’enseignement, ils ne le font toutefois pas à cause des questions de salaires mais à cause du sens du travail. La rémunération a une fonction de reconnaissance, mais aussi de pilotage du système : l’employeur doit se servir des outils à disposition pour pourvoir les postes vacants. L’évaluation doit être déconnectée de l’avancement des collègues et l’inspection doit être positionnée dans l’accompagnement et l’encouragement : les enseignants doivent pouvoir solliciter l’expertise de l’Inspection sans encourir un risque de carrière. 

Au-delà du socle, le complémentaire doit être lisible et partagé avec la société, pour renouer avec le consensus avec la société. La lisibilité est nécessaire pour que les enseignants puissent faire des choix de carrière éclairés. Cette question de l’argent se greffe à des mutations culturelles que l’institution n’a pas encore pu faire. 

Guy WAISS souhaite savoir si l’indemnitaire doit dépendre ou non de l’évaluation, en réponse à l’intervention précédente  

Un représentant du collège des syndicats répond que le CIA est plafonné à 15 % pour les attachés. Il souhaite évoquer  le « marché noir des heures supplémentaires » : si les collègues réalisent des heures supplémentaires et sont payés pour ces heures, s’ils sont libres de choisir leur mission complémentaire et que l’équilibre femmes-hommes est respecté, le point ne devrait pas poser problème, s’il s’applique en toute transparence. 

Un autre représentant du collège des syndicats s’interroge sur le mérite en enseignement, sur les critères d’évaluation et sur la reconnaissance. Le système d’évaluation par l’inspecteur, dans le cadre de PPCR, doit effectivement être déconnecté de l’avancement puisque les enseignants cherchent plutôt à cacher leurs éventuelles faiblesses au cours de  l’évaluation pour  bénéficier de l’avancement plutôt qu’être dans  une démarche de progrès professionnel De ce fait, les enseignants hésitent à demander l’accompagnement de l’inspection quand ils se trouvent en difficulté. 

Dans l’enseignement privé sous contrat, les missions complémentaires s’accumulent et le mérite ne doit pas être uniquement connecté  à ces missions annexes à l’enseignement, même si elles sont précieuses. 

Le mérite pourrait résider dans la reconnaissance de l’investissement supplémentaire, au-delà des obligations strictes. Avec les années, les missions se sont alourdies, ce que ne mesure pas l’INSEE dans son enquête en 2010 sur l’évaluation du temps de travail des enseignants et les réunions se multiplient. Reconnaître la hausse du temps de travail ne sera que juste. En entreprise, quand les salariés travaillent plus, leurs heures supplémentaires sont payées, ce qui n’est pas le cas dans le premier degré, malgré les 108 heures forfaitaires. 

Enfin, le temps de formation professionnelle doit être rémunéré – de manière distincte de la revalorisation. La formation doit peut-être s’adresser d’abord à des publics prioritaires, à savoir les contractuels qui pourraient bénéficier de formations à la pédagogie, surtout lorsqu’ils effectuent des remplacements sur des temps longs. La formation permettrait de donner un outil de travail à ces enseignants précaires dont l’ancienneté pourrait être valorisée, notamment pour rejoindre le corps enseignant sans passer par un concours classique. 

Une représentante du collège des syndicats indique que, au-delà de l’amélioration des rémunérations pour tous, la différence de salaire entre les REP et REP+ commence à être très importante et que des pondérations s’ajoutent pour les collègues de REP+, mais pas de REP. Les ASA pour les promotions concernent les zones concernées par les violences qui relèvent de la politique de la ville : les REP+ ne se trouvent pas toujours dans les zones prioritaires de la ville. Des écoles se trouvent en difficulté scolaire et ne sont pas des REP, alors que les ZEP comprenaient auparavant des écoles en zone rurale. Avoir de bonnes conditions de travail, grâce à la réduction des effectifs et de l’isolement, permet de conserver les enseignants. En zone rurale, la moindre sortie culturelle requiert d’importants moyens puisqu’il faut louer un bus et non prendre les transports en commun. L’argent pour  l’école est un point essentiel sur ces questions. 

Il est effectivement compliqué de se loger dans les grandes villes et les départements frontaliers, mais aussi dans les toutes petites communes en début de carrière. L’âge des professeurs des écoles augmente puisque les stagiaires ont maintenant 28 ans : à cet âge, une affectation éloignée de son domicile est problématique. 

Un représentant du collège associatif et économique souligne que Schneider Electric a une école à Grenoble, avec une double vocation de formation en alternance, avec un CFA d’entreprise, pour des jeunes en décrochage scolaire avancé pour leur faire passer le baccalauréat. Il a donc bien conscience de la difficulté qui peut exister dans certains établissements. La problématique des salaires semble soulever trois problématiques :  la revalorisation via l’indice, l’évolution en fonction de critères de performance (ou mérite) qui existe dans l’entreprise, tant sur le salaire de base que sur les éléments variables, et un complément de rémunération lié aux difficultés d’exercice de la fonction. Dans le privé, ce complément existe pour l’expatriation : toutes les grandes entreprises ont mis en place des outils partagés qui combinent une prime de difficulté hardship, selon une classification entre les pays, comprise entre 5 et 40 % selon la difficulté, et le coût de la vie, sur la base de tables de coût de la vie établies par Mercer, acteur de référence en la matière, qui donnent lieu à un coefficient, appliqué à la hausse ou à la baisse. Ces tables s’appliquent en fonction des entreprises et des souhaits de celle-ci pour que le collaborateur bénéficie d’un niveau de vie bas, moyen ou élevé dans le pays concerné.  

En entreprise, la reconnaissance passe par le salaire, mais pas seulement. Il convient de travailler également sur les éléments non salariaux de la reconnaissance. Les salariés ne quittent que très rarement les entreprises à cause de la rémunération et souvent à cause de leur relations avec le manager. 

Un représentant du collège des syndicats constate que des spécificités existent entre les ministères : l’objectif du Grenelle est bien de travailler sur la rémunération des enseignants par rapport au reste de la fonction publique, mais aussi au niveau interministériel, notamment sur la prime du coût de la vie. Une prime d’entrée dans le métier pourrait être versée, accompagnée d’un équipement informatique. Le sujet interministériel est important et le Grenelle de l’éducation doit concerner tout le gouvernement (ministre de l’Éducation, ministère de la Fonction publique et ministre des Finances). 

Une expérimentation a été lancée dans trois académies (Nantes, Lille et Marseille). Les lycées ne sont pas cités dans la problématique REP et REP+, mais 408 lycées sont concernés puisqu’ils figuraient dans l’ancienne carte. Dans les 301 lycées professionnels concernés , 35 % des élèves proviennent des collèges de l’éducation prioritaire : dans ces lycées, des difficultés supplémentaires se posent, par exemple pour les infirmières puisque l’accès aux soins est moindre pour ces élèves. Sur les 408 lycées concernés, la clause de sauvegarde s’est arrêtée à l’été 2020. 

Les fonctions spécifiques et leur reconnaissance 

Marie-Pierre LUIGI propose de revenir sur l’exercice des fonctions spécifiques et sur leur reconnaissance ainsi que sur l’évaluation. Ce point peut inclure les points relatifs à la formation. 

Guy WAISS évoque la possibilité, si l’avancement est déconnecté de l’évaluation, de prévoir des mesures de reconnaissance spécifique, notamment sur la reconnaissance du mérite ou de la performance individuelle ou collective, qui récompense l’ensemble d’une équipe d’établissement ayant mené un projet spécifique. 

Un représentant du collège encadrement note que la participation à la vie de l’établissement et aux réunions n’est pas quantifiée et peut donc donner lieu à des conflits. Au-delà du face à face, le travail préparatoire est difficile à quantifier, puisque certains collègues expérimentés conservent le même cours pendant 20 ans tandis que d’autres innovent constamment. Les IMP ont remplacé les décharges horaires mais ne suffisent pas à couvrir le travail supplémentaire de prise en charge et de référents. Les référents ne sont pas toujours récompensés. Les décharges de formation interviennent parfois au-delà du temps de service ou sur le temps de service, ce qui implique de prévoir des remplacements. Une grille de reconnaissance contribuerait à la transparence, réclamée par tous les enseignants. Les IMP sont distribués après présentation en conseil d’administration. La reconnaissance des travaux d’équipe revient à rendre visible le travail invisible et cette reconnaissance complémentaire constituerait une bonne chose. Tous les enseignants ne choisissent pas d’être en éducation prioritaire et ils se trouvent alors en souffrance – et cette dernière n’est pas compensée par la rémunération supplémentaire. 

Un autre représentant du collège encadrement privilégierait des primes collectives au niveau d’une école ou d’un établissement qui pourraient être assises sur les attendus de réussite des élèves, particulièrement pour ceux qui se trouvent le plus en difficulté. La capacité collective à faire progresser les élèves qui en ont le plus besoin pourrait être reconnue, sur la base des évaluations réalisées à l’entrée au CP ou en sixième, pour l’ensemble de l’équipe (enseignante et non enseignante). Ceci lierait la dimension indemnitaire au cœur du métier, à savoir la réussite des élèves. 

Un autre représentant du collège encadrement ajoute qu’il conviendrait de reconnaître l’expérimentation et le droit d’innover, et donc aussi de se tromper. 

Une représentante du collège des professeurs signale que le métier est déjà très difficile et que la volonté de proposer une rémunération qui dépendrait de critères impossibles à objectiver, avec un sous-entendu extrêmement lourd sur la responsabilité de la non-réussite des élèves, lui semble problématique. La réussite ne dépend pas uniquement des enseignants mais aussi sur les moyens dont ils disposent, par exemple pour remplacer un enseignant absent. Des effets pervers pourraient en outre émerger, avec un tri des élèves. Cette rémunération au mérite insistera sur les différenciations alors qu’il faudrait insister sur ce qui rassemble les enseignants qui devraient tous percevoir la même rémunération. Les enseignants sont mal payés et continuent à exercer malgré tout. Le ministre a annoncé que le Grenelle de l’éducation aboutirait à une revalorisation historique des professeurs. Les pistes envisagées, sur le mérite, aboutiront à diviser les enseignants qui ont pourtant besoin de soutiens. 

Marie-Pierre LUIGI rappelle que la première session de l’atelier Revalorisation a donné lieu au constat unanime d’un souhait d’augmentation généralisée. Le point porte maintenant sur les fonctions spécifiques, liées à un exercice dans des territoires différents, ou à des engagements professionnels particuliers ; la question est celle de la prise en compte et de l’objectivation de ces situations. 

Une représentante du collège des professeurs signale que la répartition des IMP donne lieu à des « clopinettes », insuffisantes par rapport au débat sur la revalorisation des enseignants. 

Un représentant du collège associatif et économique souhaite savoir pourquoi le mérite ne pourrait pas être évalué. 

Une représentante du collège des professeurs indique que les enseignants travaillent sur l’humain : évaluer la progression requerrait une évaluation précise de l’élève à son arrivée et à son départ et de la comparer à une norme. Les enseignants voient en moyenne leur supérieur hiérarchique une fois tous les quatre ans ce qui ne suffit pas à évaluer la qualité du travail réalisé. L’évaluation est problématique puisqu’elle est individuelle alors que l’enseignant travaille en équipe. 

Un représentant du collège associatif et économique distingue l’obligation de moyens (investissement de l’enseignant) et l’obligation de résultat (progression de l’élève). De nombreux autres métiers travaillent sur l’humain : dans la fonction publique hospitalière, la performance dépend effectivement de l’individu, de l’équipe et de l’organisation. Le travail avec l’humain peut sans doute être évalué. 

Un autre représentant du collège associatif et économique juge le droit à l’innovation très intéressant d’autant qu’il peut susciter de l’attractivité. 

Un représentant du collège familles et élèves estime qu’une école vit par son directeur, son équipe éducative, ses élèves et ses parents. La reconnaissance des parents est importante, même si l’enseignant ne voit son supérieur hiérarchique que tous les quatre ans. Les parents voient bien quand les enseignants sont investis et apprécient cet investissement. Un partenariat entre l’école et les parents dans le sens d’une co-construction semblerait donc pertinent, dans l’intérêt des élèves. 

Une représentante du collège des élus et collectivités entend de nombreux professeurs qui s’épuisent quand l’institution ne reconnaît pas leur surcroît d’investissement. D’autres exercent une pression sur leurs collègues qui s’investissent plus, en soulignent qu’ils ne seront pas mieux rémunérés pour autant. Il serait intéressant de réfléchir à une prime collective qui pourra avoir un effet d’entraînement, même si elle ne doit pas être exclusive. Si les défis à relever sont déterminés avec l’inspecteur et que les critères sont adaptés, le point pourra être adapté à tous les enseignants, y compris en milieu rural. Tout professeur devrait avoir le droit de participer à la recherche participative, car il peut réaliser des diagnostics sur les difficultés et trouver des solutions pertinentes. Les innovations peuvent être diverses et il existe presque un devoir d’innovation, qui doit obligatoirement s’accompagner d’un droit à l’erreur. 

Une représentante du collège des syndicats se déclare surprise de l’évolution des débats, puisqu’ils s’éloignent des sujets annoncés en début de séance. La revalorisation commune ne doit pas être oubliée, alors que la différence entre les enseignants et la catégorie A de la fonction publique est importante que la rémunération de la catégorie A, dans la fonction publique, repose sur un indemnitaire fixe qui n’est pas corrélé à des tâches spécifiques exercées par les fonctionnaires. Les tâches supplémentaires (réunions, coordination, conseils pédagogiques, référents sur différentes thématiques) pourraient effectivement donner lieu à une rémunération supplémentaire puisque les IMP restent insuffisantes, voire à des décharges d’heures de cours. Si l’innovation n’est pas corrélée à un objectif, elle n’a pas de sens. L’objectif doit être celui du progrès des élèves. Les élèves ont de plus en plus de difficulté à s’exprimer à l’écrit et à l’oral et l’accent doit être mis sur ce point, avec une réflexion sur l’enseignement de tel contenu et du temps pour le faire. 

Un représentant du collège des syndicats observe que la revalorisation devait permettre aux enseignants de se retrouver au niveau des attachés. Cet objectif ne pourra être atteint avec le seul indemnitaire. 

Guy WAISS précise que la grille des attachés est similaire à celle des enseignants et que la différence s’établit bien sur l’indemnitaire. 

Un représentant du collège des syndicats considère que les missions de l’enseignant ne sont pas reconnues dans le suivi individualisé des élèves, notamment celles relatives aux besoins éducatifs particuliers alors que les tâches administratives induites sont importantes. De nombreux enfants ont des allergies et la question de la responsabilité en matière de santé se pose, alors que les enseignants manquent d’information et de formation en la matière et que les conséquences peuvent être graves. Les projets culturels ou sportifs ou de classe découverte, pourraient faire l’objet d’une prime collective ou individuelle. Les missions de directeurs et de formateurs peuvent également être citées. 

Un autre représentant du collège des syndicats observe que les rémunérations particulières, comme pour les REP+, ne règlent pas tous les problèmes d’attractivité. L’indemnité de résidence est assez faible et représente au maximum 3 % du traitement : sa revalorisation concernerait toutefois toute la fonction publique. Une politique particulière relative au logement pourrait être prévue, avec la possibilité d’accéder à des logements, pour reconnaître les difficultés liées au lieu d’exercice. 

L’évolution des rémunérations doit être déconnectée des évolutions de carrière, en faisant confiance aux équipes et en privilégiant le travail d’équipe. Il semble impératif de créer de la dynamique et de fonctionner dans un rapport de confiance. Un héritage différent existe dans le premier et le second degré, avec un fonctionnement très hiérarchique dans le premier degré peu propice à la prise d’initiatives. Dans le premier degré, les IMP n’existent pas et ce point peut faire l’objet d’une réflexion. Dans le second degré, l’investissement est reconnu par les IMP : si le système est géré en toute transparence, les collègues le vivent très bien. Il convient d’identifier les sujets, sans les mélanger, puisqu’ils répondent à des objectifs différents. La logique de mérite est problématique à cause de sa connotation morale, mais l’investissement particulier doit pouvoir faire l’objet d’une reconnaissance particulière. 

Un représentant du collège des syndicats rejoint le point de vue exprimé sur la notion de mérite. Le point de vue selon lequel il faudrait évaluer un mérite ( en réalité  difficile à mesurer)  pour favoriser l’émulation n’est pas partagé par la majorité des collègues. Pour reconnaître l’investissement supplémentaire dans une mission ou une fonction complémentaire, il suffit de mesurer le temps de travail effectif et de le rémunérer. Les promotions sont contingentées, ce qui semble étonnant, puisque les mentions au bac ou le taux de réussite au bac ne sont pas contingentés ! Le système d’évaluation actuel doit être évalué lui-même. Trop de problèmes se posent actuellement pour envisager l’évaluation au mérite. 

Une représentante du collège des syndicats indique que son organisation syndicale souhaite également déconnecter les évaluations du déroulement de carrière. Les enseignants du premier degré manquent effectivement d’autonomie par rapport à l’IEN. La formation continue contribuerait à l’innovation qui peut consister en une meilleure pratique pédagogique. 

De nombreuses missions ou fonctions spécifiques sont déjà reconnues. Le métier d’enseignant se complexifie chaque année et les missions complémentaires sont nombreuses. Il semble difficile de définir une rémunération pour chaque mission spécifique, raison pour laquelle une revalorisation globale est demandée. 
 
Un représentant du collège des syndicats considère que l’Éducation nationale ne doit pas renoncer à évaluer. Plusieurs thèmes se mêlent : le droit à l’innovation, l’autonomie de l’agent et son identité professionnelle. Certains problèmes de reconnaissance seraient résolus par d’autres formes de reconnaissance, comme le droit à la formation ou le droit à travailler autrement, à plusieurs.  

La question du temps doit être abordée : certains avaient demandé que l’IMP donne lieu à du temps et non à de l’argent. Avec un IMP rémunéré, des inégalités apparaissent entre hommes et femmes et certains collègues s’épuisent. Donner du temps laisserait du temps au responsable d’établissement pour la gestion des collectifs. Ces questions de temps sont donc fondamentales et les enseignants pourraient choisir entre temps et rémunération. Enfin, la question de l’autonomie est également importante, pour l’agent comme pour les cadres. 

Un autre représentant du collège des syndicats constate que PPCR a raccourci les carrières à 26 et 24 ans. Le mérite revient souvent à reconnaître le travail des uns et à déconsidérer celui des autres, ce qui est problématique. Les enseignants pourraient effectivement participer à la recherche, comme le permettait auparavant l’INRP. La recherche en éducation et la didactique sont nécessaires pour faire progresser l’enseignement pour tous les collègues. Des IMP ont remplacé les décharges. 

Marie-Pierre Luigi clôt la séance en rappelant que des contributions peuvent être déposées sur l’espace dédié et Guy Waïss donne rendez-vous aux membres de l’atelier au 9 décembre au matin. 

Mise à jour : décembre 2020

Le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports engage en 2021 une évolution profonde du système éducatif et des métiers des personnels de l'Éducation nationale.

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