Grenelle de l'Éducation [synthèse d'atelier] : autonomie et déconcentration
Consultez la synthèse des ateliers "autonomie et déconcentration" du Grenelle de l'Éducation.
L’importance du champ réglementaire et la verticalité de l’organisation ont longtemps été un obstacle à l’autonomie de l’établissement dans le système éducatif français. Les rapports successifs de l’inspection générale montrent aussi que, même lorsque des marges d’autonomie existent, les établissements s’en saisissent peu. Un meilleur équilibre est donc à rechercher entre verticalité et horizontalité au profit de l’ensemble du système et de tous ses acteurs ; et cela même si l’autonomie est une recherche permanente sans cesse remise sur le métier. L’établissement est un lieu où l’on applique des règles mais il doit être aussi un lieu qui produit ses propres règles – étymologie du mot Autonomie. L’atelier s’est donc efforcé d’identifier des propositions de nature à favoriser la mise en place d’une culture de l’autonomie, du travail collectif, de la construction d’un projet.
Les propositions de l’atelier traitent de la formalisation du projet et de la stratégie de l’établissement ainsi que de son articulation avec les travaux du C2E et des objectifs académiques, de la stabilité et de la promotion des équipes qui s’investissent dans le projet, des modes de recrutement des personnels et de leur formation, du soutien humain et matériel qui peut être apporté à l’implantation et à la réussite de ces démarches d’autonomie, de la place des collectivités territoriales et de leur besoin d’être mieux associées aux politiques éducatives, des espaces physiques indispensables pour se réunir, partager et inventer.
L’atelier a aussi souhaité qu’une attention particulière soit portée aux questions d’identité, de partage des valeurs, de sentiment d’appartenance, comme attributs importants de l’autonomie et de la réussite d’un établissement.
L’atelier a procédé à plusieurs auditions d’experts du monde de l’organisation ou de notre système scolaire (public, privé, enseignement français à l’étranger), de proviseurs et d’inspecteurs. Le rapport 2019 de l’IGÉSR sur l’autonomie a été une source utile de propositions. Chacun des membres du groupe a apporté son expérience de l’autonomie et de la construction d’un collectif et en a déduit des axes de travail et des propositions.
En parallèle à ces auditions, et par incrémentations successives de propositions, un logiciel de vote a été fourni à chaque membre. Ce logiciel lui a permis à la fois d’inscrire des propositions et de voter pour celles du groupe. Ces propositions ont ensuite été discutées, améliorées, recoupées entre elles.
Ces propositions ont été travaillées par tous mais ne font pas toutes consensus et des réserves ont pu être émises par tel ou tel.
Axe 1 : clarifier la formalisation du projet de l’établissement, la construire autour des nouvelles ingénieries d’évaluation
Le projet d’établissement est fortement démonétisé dans sa forme comme dans son contenu. Il est peu collectif, peu connu des parties prenantes, peu incitatif pour les équipes. La notion même d’autonomie y est interprétée de manière très variable. La mise en place de l’évaluation des établissements par le C2E est l’occasion de clarifier les rapports entre l’EPLE et sa tutelle, de distinguer le stratégique de l’opérationnel annuel, de faire de ces outils d’évaluation et de formalisation de projet de vrais moteurs pour l’autonomie.
Il est donc proposé de remplacer dès l’année scolaire 2021-2022 le projet d’établissement par le Projet (ou Plan) d’autonomie et de réussite d’établissement (PARE). Celui-ci énoncera notamment les objectifs pédagogiques, les organisations décidées, les valeurs de l’établissement, les actions collectives, les rapports entre acteurs. La globalité de l’établissement sera prise en compte et pas seulement la manière dont sont gérées les marges d’autonomie. Il doit être l’expression de la responsabilité de l’EPLE. D’une durée de 5 ans et calé sur le dispositif d’évaluation, il se déclinera annuellement sous la forme d’un Plan annuel et collectif d’action (Exemple : Plan collectif d’action 2021-2022).
En continuité avec la proposition précédente, le contrat d’objectifs, dont la forme et le fond introduisent de la confusion, disparaitra. Il est essentiel de clarifier les liens entre l’EPLE autonome et l’autorité académique. À sa place, un Document d’Objectifs (DOCOB) d’une durée de 5 ans sera adressé par la tutelle (l’académie), et la collectivité le cas échéant, à l’établissement précisant la feuille de route à observer. Une annexe annuelle (ou avenant) est possible.
Le PARE et le DOCOB constitueront donc les deux piliers du contrat académie-établissement.
Il est également demandé le maintien du calendrier annoncé du schéma d’évaluation quinquennale des établissements scolaires : évaluation et autoévaluation seront en effet des moteurs essentiels de l’autonomie et du projet.
Dans le premier degré, il est suggéré d’assortir le projet d’école (d’une durée à caler sur la future période d’évaluation – 5ans) d’un plan annuel et collectif d’action et de consulter obligatoirement les directeurs d'école pour l’écriture du projet de circonscription collaboratif, déclinaison locale du projet académique du premier degré.
Enfin, l’article 34 de la loi de 2005 qui permet les pratiques dérogatoires au code de l’éducation mérite d’être complété. À l’issue des 5 ans, il faut décider soit d’assurer une contractualisation et un basculement dans le non dérogatoire pour permettre la généralisation d’une pratique, soit de cesser l’expérimentation.
Axe 2 : encourager la stabilité et la mobilisation des équipes autour de la construction et de l’animation du projet de l’établissement
Le paradigme actuel de l’Éducation nationale en termes de ressources humaines est à bien des égards un frein à l’ancrage des projets et au développement de l’autonomie. La stabilité des équipes autour d’un projet est le facteur clé de succès premier d’un établissement (cf. rapport Igaenr Igen 2016-2017 sur les facteurs de réussite aux Ival).
C’est pourquoi plusieurs membres de l’atelier ont appelé de leurs vœux la possibilité d’un recrutement hors mouvement dans la limite de 25 % des postes par le chef d’établissement pour les établissements en éducation prioritaire (Rep+). Pour des établissements hors Rep+, il faudrait s’appuyer sur l’article 34 ou sur des appels à projets spécifiques.
Il importe aussi de revoir le mode de rémunération des chefs d’établissement, aujourd’hui fondé sur la taille des établissements, pour permettre à des dynamiques collectives de se développer et de s’enraciner autour du Projet d’autonomie et de réussite. La sédentarité au service d’un projet et de la réussite de son établissement ne doit pas être un obstacle à la promotion et à la valorisation de la mission effectuée.
Dans l’idée de valoriser les enseignants exerçant des responsabilités et voulant les exercer dans leur établissement, il a été demandé d’expertiser l’idée qu’un professeur principal puisse devenir principal adjoint dans le même collège comme faisant fonction (en Education prioritaire et préalablement au mouvement) ; ou de prévoir que, si un professeur principal passe le concours, il puisse demander à être nommé en priorité dans l’établissement d’où il vient (aujourd’hui, un chef d’établissement ne peut retourner dans un établissement précédent avant dix ans).
L’atelier a constaté que les compétences des professeurs en dehors de la pédagogie sont souvent ignorées et du coup s‘exercent plus fréquemment à l’extérieur du ministère qu’en son sein, faute de sollicitation. Il s’agirait donc pour remédier à cette carence d’inciter le chef d’établissement à créer une CVthèque indiquant les compétences diverses des personnels de l’établissement.
Comme d’autres ateliers, et s’agissant du premier degré, il est souhaité la création d’un statut fonctionnel pour les directeurs d'école afin de favoriser l'autonomie et en tirer toute conséquence sur le statut juridique de l’actuelle école, les décharges et les rémunérations.
Le temps de travail collectif de l’enseignant a besoin d’être précisé pour se développer. D’où la proposition d’intégrer dans les obligations réglementaires de service un temps de travail en équipe : en plus de l’horaire obligatoire devant élèves.
Pour le premier degré, l’atelier suggère de renforcer l’autonomie d’utilisation des 108 heures (pleine responsabilité du directeur sur son déploiement) en révisant la circulaire de 2013 et en ne fléchant que les 9 heures minimum de formation et les 6 heures de participation au conseil d’école.
La budgétisation annuelle est souvent un frein à l’inscription dans la durée d’un projet. Il faudrait donc rendre possible une allocation pluriannuelle des moyens pour des projets spécifiques sur des périmètres identifiés.
Comme plusieurs groupes, une vision ascendante et individualisée de la formation à l’autonomie et au projet est privilégiée. L’atelier propose de redistribuer et de lisser la formation sur plusieurs années en 4 quarts, soit 1 quart pour les priorités nationales, 1 pour les priorités académiques, 1 pour les priorités de l'établissement et 1 pour le développement professionnel de l'enseignant ; développer, dans la formation continue des équipes de direction et des directeurs d’école, les compétences spécifiques permettant autonomie, conduite d’équipe et de projets, rédaction du plan stratégique.
Le temps consacré à la stratégie de l’établissement et à son projet n’est pas suffisant. C’est pourquoi il est proposé d’organiser une pré-rentrée de deux journées dont l’une sera consacrée au Plan stratégique d’établissement et au Plan annuel et collectif d’action 2021-2022 (ou l’organisation d’un séminaire de travail sur un autre moment de l’année). Il manque du temps mais aussi des lieux. D’où la volonté de l’atelier de rendre possible dans chaque établissement la présence d’un lab (tiers lieu d’innovation) pour favoriser les échanges, les projets et faire vivre l'autonomie de tous.
Axe 3 : mieux associer toutes les parties prenantes au projet de l’établissement
Les élus municipaux (maires et maires adjoints) expriment un besoin d’information au meilleur niveau et d’échanges restreints et formalisés sur les politiques éducatives déployés par les ministres et les académies. La collectivité ne doit pas se vivre comme un simple prestataire de services. En sens inverse, les autorités éducatives gagneraient à une information plus forte sur les projets municipaux ou métropolitains dans le domaine éducatif et au-delà.
La création d’un Conseil communal restreint (biannuel) des écoles et de la réussite éducative ou de Rencontres éducatives bilatérales répondrait à ce besoin. Le conseil serait composé des personnes suivantes : maire ou adjoint Éducation de la commune – directeurs d’école – IEN – Recteur ou Dasen dans toutes les villes de + 20 000 habitants. Le rendre facultatif pour les communes plus petites.
Il a aussi été souhaité que s’élabore entre la collectivité référente et l’Etat une charte de bonnes pratiques pour aboutir à des conventions de gestion avec les établissements permettant de bien gérer les deniers publics, de dégager des marges financières favorisant l’autonomie de l’établissement, d’avoir les moyens financiers de faire vivre le "Plan d’autonomie et de réussite d’établissement" (Pare).
Il est proposé enfin que les élèves puissent être associés à la construction du plan stratégique et du règlement intérieur et que se généralise l’appui des inspecteurs référents ou autres ressources (chercheurs, pairs, retraités, etc.) auprès des établissements en termes d’aide au projet, dans une logique "d’ami critique".
Mise à jour : janvier 2021
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