Lauréate du Prix Goncourt des Lycéens 2023
Le Prix Goncourt des Lycéens 2023 est décerné à Neige Sinno pour son roman Triste Tigre (Éd. P.O.L).
La Fnac et le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, organisateurs du Prix Goncourt des Lycéens, ont réuni ce jeudi 23 novembre à Rennes, les 13 lycéens délégués nationaux pour les délibérations finales à huis clos.
Après plus deux mois de lectures assidues des 16 livres en lice pour le Prix, issus de la première sélection de l’Académie Goncourt, et suite aux rencontres en région avec les auteurs, les lycéens ont choisi de décerner le 3e Prix Goncourt des Lycéens à Neige Sinno pour son roman Triste Tigre paru aux éditions P.O.L.
Le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Gabriel Attal, et le Directeur général du groupe Fnac Darty, Enrique Martinez, félicitent chaleureusement la lauréate et remercient les lycéens qui se sont engagés avec ferveur dans la lecture des ouvrages, et qui ont échangé et débattu avec enthousiasme lors des délibérations pour l’attribution du Prix Goncourt des Lycéens 2023.
Créé en 1988, à l’initiative de la Fnac et du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, avec l’accord de l’Académie Goncourt et d’après sa sélection, le Prix Goncourt des Lycéens donne l’opportunité à près de 2 000 élèves de lire et étudier des ouvrages de littérature contemporaine. Ce jury est issu d’une cinquantaine de classes de lycée (seconde, première, terminale ou BTS) des filières généralistes et professionnelles.
La remise du Prix aura lieu à 19h au ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, à Paris.
Triste Tigre de Neige Sinno (Éd. P.O.L)
Entre 7 et 14 ans, la petite Neige est violée régulièrement par son beau-père. La famille recomposée vit dans les Alpes, dans les années 90, et mène une vie de bohème un peu marginale. En 2000, Neige et sa mère portent plainte et l’homme est condamné, au terme d’un procès, à neuf ans de réclusion. Des années plus tard, Neige Sinno livre un récit déchirant sur ce qui lui est arrivé. Sans pathos, sans plainte. Elle tente de dégoupiller littéralement ce qu’elle appelle sa « petite bombe ». Il ne s’agit pas seulement de l’histoire glaçante que le texte raconte, son histoire, une enfant soumise à des viols systématiques par un adulte qui aurait dû la protéger. Il s’agit aussi de la manière dont fonctionne ce texte, qui nous entraîne dans une réflexion sensible, intelligente, et d’une sincérité tranchante. Ce livre est un récit confession qui porte autant sur les faits et leur impossible explication que sur la possibilité de les dire, de les entendre. C’est une exploration autant sur le pouvoir que sur l’impuissance de la littérature. Pour se raconter, la narratrice doit interroger d’autres textes, d’autres histoires. Elle nous entraîne dans une relecture radicale de Lolita de Nabokov, ou de Virginia Woolf, et de nombreux autres textes sur l’inceste et le viol (Toni Morrisson, Christine Angot, Virginie Despentes).
Comment raconter le "monstre", "ce qui se passe dans la tête du bourreau », ne pas se contenter du point de vue de la victime ? Jusqu’à reprendre la question que le poète William Blake adressait au Tigre : "Comment Celui qui créa l’Agneau a-t-il pu te créer ?" (The Tyger). Le récit de Neige Sinno nous fait alors entrer dans la communauté de celles et ceux qui ont connu "l’autre lieu", celui de la nuit et du mal, qui ont pu s’en extraire mais qui en sont à jamais marqués, et se tiennent ainsi à la frontière des ténèbres et du jour. Nulle résilience. Aucun oubli ni pardon. Juste tenter de tenir debout, écrire son récit comme une "petite bombe artisanale qu’on fait exploser tout seul chez soi, dans l’intimité de la lecture. Elle a l’intensité et la fragilité des choses conçues dans la solitude et la colère. Elle en a aussi la folle et ridicule ambition, qui est de faire voler ce monde en éclats".
Mise à jour : novembre 2023