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L'égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes, dans le système éducatif [Éducation & formations n° 96]

La DEPP a souhaité que la revue Éducation & formations ouvre massivement ses pages à la publication d’études inédites sur l’égalité entre les sexes. Suite à un appel à contributions, une trentaine d’articles nous ont été soumis.Les onze premiers articles publiés dans ce numéro présentent des études sous forme de constats, d’analyses, de témoignages, etc. Ils couvrent l’ensemble du système éducatif : les élèves et les étudiants, les enseignants tant dans leurs caractéristiques personnelles (salaire, bien-être) que professionnelles (pratiques pédagogiques).

Certaines problématiques s’inscrivent dans des territoires, dans des expériences locales, quand d’autres nous apportent un éclairage international sur cette égalité entre les sexes dans le champ de l’éducation. Cette thématique se prolongera dans les numéros du mois de septembre et de décembre 2018.

Rédactrice en chef : Caroline Simonis-Sueur

Section I - Du côté des élèves et des jeunes

1. Les inégalités de genre au prisme des objectifs chiffrés de la stratégie européenne éducation et formation 2020

Yann Fournier et Florence Lefresne

En donnant la priorité à une éducation inclusive visant l’égalité, l’équité et la non-discrimination, l’Union européenne ainsi que ses États membres s’engagent à combattre les inégalités liées au sexe dans le champ de l’éducation et la formation. Afin de dresser l’état des lieux de ces inégalités dans les pays de l’Union, l’article se concentre sur quatre objectifs chiffrés de la stratégie Éducation et formation 2020 : la lutte contre les sorties précoces, la réduction de la part d’élèves faiblement performants, le développement de l’enseignement supérieur et l’accès à l’emploi des diplômés. Le bilan peut s’énoncer sous la forme d’un paradoxe. Moins décrocheuses, plus performantes en compréhension de l’écrit et surtout plus diplômées, à tous niveaux d’éducation à l’exception des doctorats, les femmes ont massivement contribué à l’élévation générale des niveaux d’éducation en Europe. Pour autant, l’orientation des filles et des garçons entre les filières au niveau scolaire ainsi qu’au niveau de l’enseignement supérieur demeure marquée par de profonds déséquilibres. Poids des stéréotypes de genre, autocensure féminine à l’entrée des filières valorisées, notamment des filières scientifiques, difficulté à convertir des compétences scolaires en ressources professionnelles sont autant d’obstacles qui contribuent à expliquer les inégalités de positions, de salaires et de trajectoires professionnelles entre hommes et femmes sur le marché du travail.

2. Écarts de performances des élèves selon le sexe
Que nous apprennent les évaluations de la DEPP ?

Léa Chabanon et Claire Steinmetz

Les dispositifs d’évaluations des acquis des élèves mis en œuvre par la DEPP permettent de disposer d’un recul historique et d’une étendue suffisamment importante pour mettre en lumière les écarts de performances entre filles et garçons au fil de leur parcours scolaire tout en distinguant les disciplines. Cet article vise à produire un état des lieux sur le sujet à partir des données d’évaluations disponibles. Pour cela, nous avons répertorié et standardisé l’ensemble des écarts de performances entre filles et garçons constatés à chacune des évaluations menées par la DEPP depuis le début des années 2000 et même parfois avant.
Cette synthèse révèle que les écarts de compétences selon le sexe sont beaucoup plus marqués en français qu’en mathématiques et ce tout au long de la scolarité. Les écarts en mathématiques ainsi qu’en sciences expérimentales, en faveur des garçons, ont tendance à se stabiliser au collège. À l’inverse, les écarts sont importants en français en faveur des filles dès l’école primaire et n’ont pas tendance à se réduire dans le secondaire. Il en va de même pour les résultats observés en langues vivantes. Enfin, en histoire-géographie, les performances selon le sexe sont comparables à l’école mais deviennent en faveur des garçons en fin de collège.

3. Les nouvelles activités périscolaires
Quelles différences entre filles et garçons ?

Véronique Barthélémy, Benoît Dejaiffe et Gaëlle Espinosa

En 2013, dans un souci politique et social de lutte contre l’échec scolaire à l’école primaire, le ministère de l’Éducation nationale a décidé la modification des rythmes scolaires 1. Par ailleurs, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République du 8 juillet 2013 rappelle que la transmission de la valeur d’égalité entre filles et garçons se fait dès l’école primaire. La convention interministérielle pour l’égalité des filles et des garçons indique en outre que la réussite de tous est liée à la manière dont l’École porte le message de l’égalité et en assure l’effectivité. Notre objectif est d’étudier les différences de perception des nouvelles activités périscolaires 2 (NAP) selon le sexe des élèves, et notamment celles concernant la réussite. Pour ce faire, nous nous appuyons sur le socle commun de connaissances de compétences et de culture entré en vigueur en 2016, dont l’objectif est de permettre aux enfants d’atteindre le niveau minimum de connaissances et de compétences, contribuant ainsi à leur formation. La méthodologie est constituée de l’analyse d’un questionnaire administré à 396 garçons et 412 filles et d’entretiens semi-directifs menés auprès de 14 garçons et 12 filles. Ces données ont été recueillies dans 8 écoles élémentaires de la ville de Nancy. Nous analysons les données recueillies en considérant l’expérience des filles et des garçons. Les résultats apportent des informations significatives relatives au regard porté par les enfants sur les activités réalisées en NAP, mais aussi sur les connaissances et compétences développées au sein des NAP et réinvesties en classe.

4. Genre et perception de la réussite en Guyane
Cas d’un collège ouvert en l’an 2000

Muriel Epstein et Nicole Armoudon

Notre article s’intéresse aux perceptions de la réussite par des collégiens dont les parents n’ont peu ou pas été scolarisés. Nous étudions un établissement du second degré créé en 2000 dans une des communes de l’Ouest Guyanais, isolée géographiquement, dont l’accès pour certains enfants se fait par voie fluviale et où la population était peu scolarisée au-delà de l’école primaire avant la création de ce collège. Ces enfants ont donc peu, dans leurs ascendants familiaux, de modèle de réussite scolaire. Dans ce canton, les établissements scolaires présentent la particularité d’accueillir les enfants de populations autochtones qui ont gardé leur mode de vie traditionnel. Il n’en demeure pas moins que le cadre institutionnel qui s’applique est identique à celui de la France métropolitaine, avec de rares adaptations. Cet article est construit sur une exploitation secondaire d’un questionnaire auprès de l’ensemble des élèves du collège (451 réponses exploitables). L’analyse montre des différences importantes dans la perception de la réussite par les filles et les garçons. Ainsi, fonder une famille est une réussite pour les garçons tandis que cela ne devient un objectif pour les filles que lorsqu’elles ne s’intègrent pas ou ne réussissent pas au collège.

5. Pourquoi les filles décrochent ?
L’effet du genre sur l’expérience du décrochage scolaire

Pierre-Yves Bernard et Christophe Michaut

Filles et garçons en décrochage ont-ils connu des parcours scolaires similaires et avancent-ils les mêmes motifs d’interruption de leurs études ? Dans quelles situations se trouvent ces jeunes quelques mois après leur décrochage ? S’appuyant sur une enquête réalisée auprès de 2 945 jeunes en situation de décrochage, les analyses multivariées révèlent que les filles, qui représentent 42 % de l’échantillon, ont vécu leur scolarité dans un environnement social plus précaire. Si leur performance scolaire antérieure diffère peu de celle des garçons, elles manifestent, tout au long de leur scolarité, un engagement plus soutenu dans leurs études et considèrent que leur décrochage résulte davantage de problèmes personnels, d’une peur de l’échec, de difficultés à répondre aux exigences scolaires et d’une orientation subie. Les garçons attribuent plus fréquemment leur rupture au souhait de gagner de l’argent et d’exercer une activité professionnelle. Ce plus fort rejet de l’école conduit les garçons à s’inscrire davantage dans un parcours d’insertion professionnelle alors que les filles vont plus fréquemment raccrocher en formation.

6. L’évolution des inégalités de genre dans l’enseignement supérieur français entre 1998 et 2010
Une analyse de l’(in)efficacité des réformes politiques

Magali Jaoul-Grammare

Fruit d’un long processus historique, le principe de mixité scolaire s’impose aujourd’hui comme une évidence au sein du système éducatif français. L’égalité entre filles et garçons est inscrite dans le code de l’éducation et depuis une trentaine d’années, la lutte contre les inégalités de genre est au cœur de la plupart des réformes éducatives.
Ce travail a pour objectif d’analyser si les réformes les plus récentes ont réellement permis une baisse des inégalités filles/garçons dans l’enseignement supérieur français entre 1998 et 2010 et ceci, selon trois dimensions : l’accès aux filières prestigieuses, l’accès aux filières « masculines » et l’accès aux diplômes les plus élevés.
Nos résultats montrent que malgré une baisse des inégalités, l’accès aux filières prestigieuses et l’accès aux plus hauts diplômes (en particulier les diplômes d’ingénieur), laissent apparaître des inégalités filles/garçons. Nous montrons également que les inégalités d’accès aux filières « masculines » ont augmenté entre 1998 et 2010, certaines filières demeurant très sexuées. Nous rejoignons ici les récentes conclusions du ministère de l’Éducation nationale qui souligne que « la réussite et l’échec scolaire, la réussite et l’échec en matière d’insertion professionnelle restent des phénomènes relativement sexués » [LEROY, BIAGGI et alii, 2013, p. 26].

 

Section II - Du côté des pratiques enseignantes et des outils pédagogiques

7. Égalité des sexes a l'école
Du flou politique aux confusions pédagogiques

Elise Brunel et Sylvie Cromer

NoREVES, Normes de genre et réception de la valeur égalité des sexes par la jeunesse, les parents et les professionnel-les de l’éducation, est un projet chercheur citoyen financé par le Conseil Régional des Hauts-de-France, de 2013 à 2016. Celui-ci s’est fixé comme ambition de renouveler les points de vue sur la socialisation sexuée, en observant des actions à l’égalité, à différents stades du système scolaire et en recueillant les points de vue des acteurs et actrices de la conception à l’utilisation de l’outil (des adultes et des enfants). Cet article consacré à la petite enfance, les 3-6 ans, s’attache à analyser ce que fait l’égalité des sexes aux pratiques professionnelles enseignantes, et réciproquement, ce que révèlent ces pratiques des perceptions de l’égalité, en prenant comme point d’entrée l’exposition « des elles, des ils », conçue par le Petit Forum des Sciences, et programmée plusieurs mois durant. A partir de l’analyse de dix entretiens individuels ou collectifs d’enseignantes et d’un entretien avec une conseillère pédagogique de 7 écoles différentes, cet article fait émerger les conceptions sous-jacentes de l’égalité des sexes.

8. Les contre-stéréotypes en éducation.
Un outil en faveur de la promotion de l’égalité filles-garçons ?

Julie Devif, Laurence Reeb, Christine Morin-Messabel et Nikos Kalampalikis

En partant des politiques éducatives qui encadrent la promotion de l’égalité filles-garçons et des apports de la psychologie sociale, nous questionnons la déconstruction des stéréotypes à travers l’utilisation de modèles non-stéréotypés, voire contre-stéréotypés. Notre contribution vise à interroger le rapport des enseignantes et enseignants et des élèves d’élémentaire aux contre-stéréotypes de sexe présents dans les albums jeunesse. La première étude, exploratoire, rend compte du rapport des enfants aux contre-stéréotypes de sexe à travers l’évaluation de personnages illustrés ayant une apparence stéréotypée versus contre-stéréotypée. Les résultats révèlent un rejet des illustrations contre-stéréotypées, et un discours majoritairement stéréotypé. La deuxième recherche s’intéresse aux discours enseignants sur des albums jeunesse stéréotypés versus contre-stéréotypés. Nous pouvons noter une absence de prise de conscience des questions d’égalité, mais également des discours négatifs sur le personnage contre-stéréotypé. À travers les résultats de ces deux études, nous présenterons tout l’intérêt de penser la relation enseignante/enseignant-élève dans le rapport aux stéréotypes-contre-stéréotypes de sexe de manière indissociale.

 

Section III - Du côté des enseignants

9. À salaire égal, travail inégal ?
Rémunération des femmes et des hommes enseignants en Europe

Robert Rakocevic

Les enseignantes en Europe reçoivent en moyenne un salaire légèrement inferieur à celui des enseignants. Cette idée heurte l’image d’une profession intimement liée au secteur public et au principe de l’égalité salariale (« à travail égal, salaire égal ») et de l’égalité devant l’emploi (interdiction des discriminations) que celui-ci incarne. Il semble donc commode de chercher les facteurs de ces écarts de salaire du côté des effets de structure (ancienneté dans le métier, temps de travail). Si le présent article montre que cette démarche est en partie judicieuse, il signale également que la preuve est difficile a apporter, en raison à la fois de la complexité des systèmes de rémunération et des limites des données statistiques. Plus encore, il suggère que les déterminismes sociaux ne doivent aucunement être négligés, s’agissant notamment de l’accès des enseignantes aux responsabilités et aux avantages salariaux qu’elles produisent. L’article aborde en outre les tendances actuelles en matière d’emploi des enseignants, de plus en plus décentralisé et donc perméable aux inégalités de recrutement et de promotion.

10. Les enseignantes perçoivent 14 % de moins que les enseignants
Analyse des écarts de salaire

Marion Defresne, Olivier Monso et Sophie Saint-Philippe

L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est au cœur des valeurs et des missions de la fonction publique. Toutefois, l’égalité salariale de « droits » entre les deux sexes n’est pas forcément une égalité de « faits ». En 2015, dans le secteur public, une enseignante titulaire perçoit en moyenne un salaire net inférieur de 14 % à celui d’un enseignant. Alors que les règles de recrutement, d’emploi et de rémunération ne font intervenir aucune différenciation sexuée, pourquoi constate-t-on ces écarts de salaire ? Les enseignantes et enseignants n’ont pas les mêmes caractéristiques. D’une part, les femmes sont majoritaires dans le corps des professeurs des écoles, dont la rémunération est moins avantageuse que dans le second degré. D’autre part, elles effectuent plus souvent leur service à temps partiel et accèdent moins souvent à des fonctions offrant des compléments de salaire.
La méthode d’Oaxaca et Blinder, devenue standard dans l’analyse des inégalités de salaire, permet d’isoler le rôle de ces facteurs et de les hiérarchiser. Elle consiste à décomposer l’écart de salaire moyen entre les enseignantes et les enseignants entre une part qui vient des effets de composition (position dans la hiérarchie des emplois, rythme d’activité, fonctions exercées par les enseignants, âge, zone d’affectation), appelée part « expliquée », et une part qui reste « inexpliquée » après prise en compte des différences structurelles. Prises dans leur ensemble, les différences de situation permettent d’interpréter 80 % à 90 % des écarts de salaire entre enseignantes et enseignants.

11. Conditions d’exercice et bien-être au travail des enseignants
Quelles différences hommes-femmes ?

Laurent Zavidovique, Nathalie Billaudeau, Fabien Gilbert, Marie-Noël Vercambre-Jacquot

Des inégalités sexuées persistent dans le monde du travail, souvent en défaveur des femmes. Qu’en est-il dans l’enseignement, secteur fortement féminisé ? Dans une enquête extrapolable réalisée en 2013 auprès de 2653 enseignants français, des différences de conditions d’exercice étaient retrouvées entre hommes et femmes dans le 1er degré, 2nd degré et supérieur. Outre le fait que les hommes étaient plus présents dans les niveaux d’enseignement élevés, ils étaient aussi plus souvent agrégés ou PLP au sein du 2nd degré, professeurs des universités dans le supérieur, et y enseignaient plus fréquemment des disciplines scientifiques ou techniques. Les enseignantes, pour leur part, exerçaient plus souvent à temps partiel et étaient moins souvent déchargées d’heures d’enseignement que leurs homologues masculins. Les différences sexuées étaient plus nuancées pour les indicateurs de bien-être professionnel, l’épuisement émotionnel ayant tendance à être un peu plus élevé chez les femmes en analyse univariée seulement, la dépersonnalisation chez les hommes. Cette comparaison hommes/femmes dans un métier où les tâches à un niveau donné ne diffèrent pas a priori selon le sexe pointe vers des mécanismes de sélection où dispositions, aptitudes et conditionnement sociaux-culturels interagissent. Au final, si les enseignantes et les enseignants peuvent vivre différemment leur quotidien, leur bien-être professionnel resterait, à quelques exceptions près, comparable.

 

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