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L'égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes, dans le système éducatif - vol. 2 [Éducation & formations n° 97]

La DEPP a souhaité que la revue Éducation & formations ouvre massivement ses pages à la publication d’études inédites sur l’égalité entre les sexes. Suite à un appel à contributions, une trentaine d’articles nous ont été soumis. Après la parution d’un premier volume, le n° 96 en mars 2018, nous poursuivons la valorisation de ces travaux en publiant cinq articles supplémentaires dans ce second volume.

Ces nouvelles contributions recouvrent une large part du système éducatif en s’interrogeant notamment sur l’orientation des élèves ou des étudiants mais aussi sur leur connaissance de filières ou de métiers traditionnellement sexués. La lutte contre le harcèlement scolaire est également appréhendée en considérant les différences entre les filles et les garçons. Enfin, une analyse de l’accession à la fonction d’inspecteur ou d’inspectrice de l’enseignement primaire permet de mettre en évidence des ambitions, des opportunités et des déroulements de carrières qui diffèrent entre les femmes et les hommes, tout en observant globalement une féminisation de cette profession. Ce n° 97 s’achève sur un article hors-thème sur les usages du matériel numérique dans les collèges, à partir d’une enquête déclarative auprès des élèves eux-mêmes.

Rédactrice en chef : Caroline Simonis-Sueur

Section I - L'égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes, dans le système éducatif

    1. Les filles et les garçons face aux sciences. Les enseignements d'une enquête dans les lycées franciliens

    Thomas Breda, Julien Grenet, Marion Monnet, Clémentine Van Effenterre

    Si les femmes sont aujourd’hui plus diplômées en moyenne que les hommes en France, comme dans la plupart des pays développés, elles restent largement sous-représentées dans les filières et les métiers scientifiques et techniques, notamment ceux liés aux mathématiques, à la physique ou à l’informatique. Les écarts de compétences entre les filles et les garçons dans les matières scientifiques sont faibles et ne peuvent expliquer qu’une petite partie de ces écarts d’orientation. La confiance en soi, les normes sociales et les stéréotypes de genre sont en revanche de plus en plus invoqués comme des facteurs explicatifs prépondérants. À partir d’une vaste enquête par questionnaire menée auprès de 8 500 lycéens franciliens, cette étude vise à objectiver l’existence de ces facteurs, et à les relier aux choix d’orientation. Elle documente d’abord l’ampleur des différences entre filles et garçons en termes de goût déclaré pour les sciences et de confiance en soi dans les matières scientifiques. Elle révèle ensuite que la prévalence des stéréotypes concernant les métiers scientifiques et la place des femmes au sein de ces métiers est loin d’être négligeable en milieu scolaire. Cependant, lorsqu’on met en relation les choix d’études des élèves avec leur niveau en mathématiques et en français, leur goût déclaré pour les sciences, leur confiance en soi, et leurs représentations stéréotypées, on trouve que le niveau en mathématiques et les stéréotypes ne parviennent à expliquer qu’une toute petite partie des différences d’orientation des filles et des garçons vers les filières scientifiques. À l’inverse, le goût déclaré pour les sciences et la confiance en soi en mathématiques, quel que soit l’indicateur retenu pour la mesurer, permettent d’expliquer une part importante des écarts d’orientation vers les sciences selon le genre.

     

    2. Genre et lutte contre le harcèlement à l'école. Les enseignements de trois expérimentations soutenues par le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse.

    Aude Kerivel

    Le genre, et tout ce qu’il sous-entend en termes de "logique globale qui organise la société" [Clair, 2012, p. 9], n’est pas toujours regardé lorsqu’il s’agit de penser les organisations scolaires. Pourtant la prise en compte du climat scolaire invite à observer les expériences des élèves dans les différents espaces au sein desquels ils évoluent.
    Cet article se propose de questionner la nécessité de considérer le genre par l’analyse détaillée du climat scolaire, en continuité des travaux de Rubi et Jarlegan [2013].Si filles et garçons ne sont pas égaux face à la question du harcèlement à l’école, les actions proposées pour prévenir ou lutter contre le phénomène doivent-elles être les mêmes en direction des uns et des autres ? Face à l’inégalité, le traitement se doit-il d’être inégalitaire, telle est la question qui se pose. Notre argumentaire s’appuiera sur trois expérimentations lancées par le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse (FEJ) en 2011 : la première teste la mise en place d’actions de prévention du harcèlement en direction des enseignants et des élèves, la seconde consiste en l’organisation de séances d’éducation à l’empathie et la troisième vise à faire intervenir des "médiateurs sociaux" : tiers créateurs de lien et ayant pour mission de gérer les conflits. Les évaluations, malgré leur diversité : évaluation randomisée, ante poste, in itinere, qui, utilisant des outils de recueil de données quantitatifs et qualitatifs, se sont toutes attachées à recueillir l’expérience et le point de vue des élèves, en se référant aux enquêtes de victimation, afin de mesurer les effets des dispositifs sur les situations de harcèlement et le climat scolaire.
    Il apparaît que les modalités visant à agir sur le harcèlement à l’école touchent différemment les enfants selon leur sexe. Ces résultats viennent alors interroger la possibilité d’aboutir via une égalité de traitement à une égalité réelle entre filles et garçons dans l’espace scolaire.

    3. Formation supérieure ou emploi, un faux choix. Imbrication des normes de genre et fonctionnement du système d’emploi local tessinois.

    Maël Dif-Pradalier, Danuscia Tschudi

    Cet article étudie les motivations et les conceptions qui sous-tendent les arbitrages entre poursuite vers des études supérieures ou entrée sur le marché du travail. Il s’appuie sur les résultats d’une étude portant sur l’influence des normes de genre au moment de la construction des choix d’orientation et des projets d’avenir chez des jeunes suisses venant de réussir l’examen de maturité professionnelle commerciale (l’équivalent du Bac pro en France) dans le contexte spécifique du Tessin. Ce canton transfrontalier entre la Suisse et l’Italie se distingue du reste du pays notamment par le fait que les jeunes s’orientent relativement moins vers la formation professionnelle au sortir de l’école obligatoire et par des difficultés relativement plus importantes sur le marché du travail (chômage plus élevé, sous-enchère salariale diffusée, développement d’emplois atypiques). Notre article permet de préciser la manière avec laquelle l’interprétation des rôles et des normes de genre dont sont porteurs les élèves se combine avec l’importance du contexte socio-économique (et de son évolution) dans la construction de leurs projets professionnels et de leurs stratégies éducatives. Il met également en évidence le poids relatif des normes de genre et des origines socio-économiques dans ces choix d’orientation qui ne peuvent se comprendre en dehors de leur inscription dans le système d’emploi particulier du Tessin et de la perception qu’ont les jeunes de ce dernier.

     

    4. Les métiers de la petite enfance. Quelles sont les connaissances des élèves de troisième et de terminale sur ces métiers ?

    Christine Fontanini

    Actuellement, en France, encore peu d’hommes exercent des métiers de la petite enfance. L’accès des hommes aux métiers traditionnellement féminins a été peu pris en compte dans les différents textes visant la mixité des emplois. Néanmoins, certaines recherches montrent que les jeunes adhèrent moins aux stéréotypes de genre que les précédentes générations.
    C’est pourquoi nous avons mené une recherche pour étudier si les élèves de classes de troisième et de terminale sont ouverts à l’exercice des métiers de la petite enfance par les hommes. Les garçons et les filles connaissent-ils ces métiers ? Sont-ils tentés de les exercer ? Leurs filières d’études et/ou leurs origines sociales ont-elles un impact ou pas sur leurs connaissances et leurs projets d’exercer ces métiers ?
    Les résultats montrent un faible attrait des élèves du secondaire pour les métiers de la petite enfance. La connaissance de ces métiers dépend de l’âge, de la filière suivie en terminale et du genre des élèves. Toutefois, la connaissance des métiers n’implique pas que les élèves souhaitent les exercer, ce qui signifie qu’informer les élèves ne suffit pas pour susciter des projets d’orientation vers ces métiers.

     

    5. L'inspection dans l'enseignement primaire. Une voie professionnelle qui favorise l’égalité entre les femmes et les hommes ?

    Gilles Combaz

    En France, depuis la "loi Roudy" de 1983, les dispositifs officiels visant une meilleure égalité professionnelle entre les femmes et les hommes se sont multipliés. Plus de trente ans après les premières mesures, nous chercherons à vérifier si cet objectif a été atteint. C’est ce que propose cet article en centrant l’analyse sur un corps de fonctionnaires encore très peu étudié : les inspecteurs de l’enseignement primaire. Nous montrons dans un premier temps que cette profession a été longtemps réservée aux hommes. Des statistiques nationales exhaustives montrent que la féminisation de ce corps intervient dès les années 1990 et, en 2015, l’équilibre entre les sexes est quasiment atteint. Il est possible que les politiques publiques en faveur d’une meilleure égalité entre les femmes et les hommes commencent à porter leurs fruits. Ces données masquent toutefois le fait que des inégalités entre les sexes subsistent dans le déroulement des carrières. C’est ce que révèlent 36 entretiens biographiques qui ont permis d’analyser finement les rapports complexes qui s’établissent entre l’engagement professionnel, les aspects personnels et la vie familiale. Dans ce domaine-là, seuls de profonds changements sociétaux permettront la réduction des inégalités.

     

    Section II - Hors thème

    6. Enquête de 2015 sur les collèges connectés. Ce que les collégiens, connectés ou non, disent de l’utilisation du matériel numérique.

    François Alluin, Leïla Benaddou

    La question de l’utilisation du matériel numérique au collège telle que les élèves se la représentent peut être abordée grâce à des données provenant d’une enquête sur les collèges connectés. Après mise en forme de ce corpus, l’analyse des données textuelles produit une classification des réponses des collégiens s’appuyant sur leur lexique. Ces "mondes lexicaux" peuvent alors être interprétés selon trois ou quatre thèmes : le numérique comme aide aux élèves et la critique de l’insuffisance de son utilisation, la demande de matériel, la critique de la qualité du matériel existant au collège, et enfin les réponses lapidaires ("c’est cool"...).
    Si ces données sont spécifiques (elles proviennent d’un échantillon non représentatif, au sens statistique, de la population des collégiens, et se basent sur l’analyse d’une seule question ouverte), elles ont en revanche l’intérêt d’être disponibles et de fournir un aperçu rarement donné sur la parole de collégiens.