Inégalités sociales, motivation scolaire, offre de formation, décrochage
Dans ce numéro de la revue Éducation & formations consacré aux élèves, certaines contributions sont essentiellement méthodologiques et proposent de nouveaux outils permettant, par exemple, de mieux appréhender le statut social des élèves ou de calculer les chances d’obtenir le baccalauréat pour un élève de sixième. D’autres s’intéressent aux caractéristiques individuelles des élèves telles que leur motivation pour la lecture en cours de CP, leurs motifs de décrochage, les raisons de leur recours et de leur maintien dans une structure de retour à l’école ou un dispositif « deuxième chance »…
Rédaction en chef : Caroline Simonis-Sueur
Construction d’un indice de position sociale des élèves
Thierry Rocher, MENESR-DEPP
L’origine sociale des élèves est le plus souvent appréhendée par la profession et catégorie sociale (PCS) de leurs parents. L’idée de construire un indice dérivé de la PCS, qui puisse mesurer la position sociale des élèves répond à deux besoins issus des études statistiques des performances scolaires des élèves. En premier lieu, la PCS des parents est certainement la variable la plus utilisée dans le champ des études sur les inégalités sociales à l’école, mais elle peut montrer certaines limites à remplir son rôle de repérage central des disparités de réussite scolaire. Cet indice aurait pour vocation de synthétiser davantage de dimensions (sociales, économiques, culturelles). En second lieu, le profil social d’ensembles plus larges que le simple individu se laisse difficilement appréhender à l’aide de la nomenclature des groupes socioprofessionnels. Une mesure quantitative permet de passer plus facilement du niveau de l’élève à celui de la classe ou de l’établissement scolaire. Un indice peut ainsi servir d’instrument pour la mesure des effets de contexte qui sont au cœur des problématiques actuelles de la sociologie de l’éducation. En outre, il peut donner une mesure plus fiable et plus robuste de la mixité sociale dans les établissements. En réponse à ces deux préoccupations, la solution envisagée et présentée dans cet article est la suivante : une transformation de la PCS des parents en un indice de position sociale.
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Analyse dynamique de la motivation des élèves en début de scolarité obligatoire en fonction de la nature de leurs interactions avec l’enseignant
Olivier Cosnefroy, Cécile Nurra et Philippe Dessus, Univ. Grenoble Alpes
L’objectif général de cette recherche est de mieux comprendre l’évolution de la motivation des élèves en début de scolarité obligatoire (cours préparatoire) tout en interrogeant les facteurs sur lesquels il est possible d’intervenir afin d’influencer le niveau de motivation et son évolution au cours de l’année, comme la qualité de la relation élèves-enseignant. En début, en milieu et en fin d’année de cours préparatoire, 270 élèves de 45 classes ont été interrogés. Des observations collectées individuellement auprès des élèves, ainsi que quatre cycles d’observation des pratiques enseignantes sur une échelle standardisée, ont permis de mettre en relation ces pratiques avec l’évolution de leur motivation pour la lecture durant une année. Les résultats montrent que les élèves présentent majoritairement une motivation pour la lecture stable et élevée tout au long de l’année, mais que cette tendance moyenne masque des évolutions spécifiques plus variables, notamment décroissantes. Il apparaît que la qualité du soutien à l’apprentissage fourni aux élèves par l’enseignant augmente la probabilité des élèves d’appartenir au groupe motivationnel stable et élevé.
Parcours des élèves en difficulté scolaire. Influence de l’offre de formation et de l’académie
Nicolas Miconnet, MENESR-DEPP
L’orientation dans la voie générale et technologique après la troisième dépend fortement des politiques académiques d’orientation et de l’offre de formation, en particulier pour les élèves en difficulté scolaire. Seulement 13 % de ces derniers sont orientés en seconde générale et technologique dans les académies de Caen, de Nantes ou de Rennes, contre 38 % en Corse. Cinq groupes d’académies peuvent être définis pour expliquer l’orientation post-troisième. En fin de seconde générale et technologique, le type de lycée à proximité dans l’académie influence de nouveau le choix entre séries générales et technologiques pour les élèves de faible niveau scolaire. Entre les académies d’Orléans-Tours ou de Rennes et celle de Corse, la probabilité de passage en première générale varie du simple au double (de 22 % à 44 %) pour le quart des élèves considérés comme les plus en difficulté scolaire.
L’espérance d’obtenir le baccalauréat pour un élève de sixième. Un indicateur de la mesure académique de l’accès au baccalauréat plus pertinent
Marie-Laurence Jaspar et Fanny Thomas, MENESR-DEPP
La proportion de bacheliers dans une génération, utilisée depuis une trentaine d’années, a montré ses limites à repérer les disparités d’accès au baccalauréat entre les académies. Cet indicateur sensible aux migrations inter-académiques ne mesure pas convenablement les efforts pédagogiques fournis par l’académie de formation et ne permet pas d’évaluer rapidement l’impact des réformes. L’espérance d’obtenir le baccalauréat pour un élève de sixième est le nouvel indicateur qui évalue pour un jeune entrant au collège les chances d’obtenir le baccalauréat, sous statut scolaire ou par apprentissage. Il est calculé à partir de l’observation des parcours de formation une année donnée, ce qui autorise une étude plus rapide des effets des politiques éducatives mises en œuvre. Cet indicateur ne mobilise que des sources de données internes aux ministères en charge de l’éducation nationale et de l’agriculture et ne repose donc sur aucune donnée ou estimation externe. Pour les académies, ce nouvel indicateur se substitue à la proportion de bacheliers dans une génération pour mieux cerner l’accès au baccalauréat des jeunes formés dans une académie.
Les motifs de décrochage par les élèves. Un révélateur de leur expérience scolaire
Pierre-Yves Bernard et Christophe Michaut, Université de Nantes
Pour quelles raisons une partie des élèves interrompent-ils, au moins temporairement, leurs études ? Les recherches ont désormais bien établi les différents facteurs sociaux et scolaires conduisant au décrochage scolaire. Mais la perception qu’ont les jeunes des conditions et des situations justifiant leur décrochage est moins investiguée. Or on peut s’interroger sur les façons dont les jeunes motivent eux-mêmes leur décrochage scolaire, et en quoi cela reflète, ou non, une forme spécifique de rapport à l’institution scolaire. Une première enquête conduite en 2013 dans l’académie de Nantes révélait une forte lassitude du système scolaire considéré par une majorité des jeunes comme inadapté, sélectif et injuste [Bernard et Michaut, 2014]. Nous poursuivons ici ce travail, à partir d’une enquête réalisée dans l’académie de Créteil. Près d’un tiers des jeunes décrocheurs y ont ainsi été sollicités par téléphone ; et un échantillon représentatif de 762 jeunes a accepté de répondre au questionnaire. Interrogés sur les motifs de leur décrochage, les jeunes manifestent massivement leur souhait de rejoindre le marché du travail et leur rejet de l’institution scolaire. Les modélisations statistiques et les classifications révèlent que les motifs d’interruption sont davantage associés à l’expérience scolaire des jeunes qu’à leurs conditions sociales.
Comment faire pour refaire ? Les décrocheurs scolaires qui raccrochent
Joël Zaffran et Juliette Vollet, Université de Bordeaux
Si les facteurs du décrochage scolaire sont connus, les éléments constitutifs du raccrochage le sont moins. Or, après avoir décroché de l’école, et après une période plus ou moins longue, les jeunes peuvent soit solliciter une structure de retour à l’école, soit entrer dans un établissement de formation par alternance. Cet article traite donc des parcours des décrocheurs qui raccrochent auprès d'une structure à visée strictement scolaire ou d'un dispositif de remise à niveau scolaire et d’insertion professionnelle. Dans le premier cas, il s’agit d’une structure de retour à l’école (microlycée), et dans le second cas d’un dispositif de « seconde chance » (école de la deuxième chance ou établissement public d’insertion de la Défense). Prenant comme objet le raccrochage, l’article se fonde sur des entretiens avec des jeunes. Et l’analyse est menée à partir d’une approche séquentielle des parcours en trois temps : le décrochage, le raccrochage et l’accrochage. Les résultats mettent en lumière d’une part les ingrédients du raccrochage qui proviennent du passé scolaire et de la biographie du jeune, et d’autre part les vecteurs de l’accrochage qui tiennent à l’organisation du dispositif et à la façon de recomposer la forme scolaire. Au final, l’article montre que le raccrochage et l’accrochage sont les séquences d’un processus d’ajustement des aspirations et des attentes du jeune au fonctionnement du dispositif.
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