Rythmes scolaires : rapport sur la mise en place des projets éducatifs territoriaux (PEDT)
À l'occasion du 3e comité interministériel aux ruralités, Françoise Cartron, sénatrice de la Gironde, a remis son rapport sur la mise en place des projets éducatifs territoriaux (PEDT), le 20 mai 2016, au Premier ministre Manuel Valls, en présence de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et de Patrick Kanner, ministre de la Ville de la Jeunesse et des Sports.
Ce rapport identifie 25 propositions concrètes pour mieux accompagner encore les petites communes et communes rurales dans la mise en place de la réforme des rythmes scolaires.
Synthèse du rapport
Afin d'identifier les moyens de mieux accompagner encore les petites communes et communes rurales, nous avons mis en place un programme d'auditions d'environ 100 personnes, de visites dans 12 départements - et collecté des témoignages par la mise en place d'un blog et la diffusion d'un questionnaire en ligne. Les chiffres présentés correspondent aux réponses de: 1002 communes issues de 86 départements qui représentent 4,3 millions d'habitants et plus de 360000 enfants scolarisés.
La réforme des rythmes scolaires, confrontée les premiers mois à des difficultés d'organisation laisse peu à peu sa place au projet collectif nécessaire à la réussite de la réforme des temps de l'enfant. La prise en compte des facteurs humains permet de gommer, petit à petit, les imperfections et de transformer les contraintes en opportunités. Cette réforme doit encore faire l'objet d'ajustements pour atteindre sa vitesse de croisière, dans un souci d'amélioration continue et avec cette préoccupation d'un saut qualitatif déjà engagé et souhaité par tous.
Plus d'activités pour plus d'enfants, un défi relevé
Le nombre d'accueils périscolaires déclarés est passé de 17 416 à la rentrée 2012 à 31 952 à la rentrée 2015, faisant passer le nombre de places ouvertes de moins de 1 million (982 708) à plus de 3 millions (3 058 064) sur la même période. Compte-tenu des normes d'encadrement qualifié et des projets éducatifs attendus par la DDCSPP pour garantir la qualité des activités proposées, le constat est clair: davantage d'enfants ont bénéficié d'activités périscolaires avec la volonté de la part des décideurs de proposer des activités enrichissantes, de qualité, à des publics qui jusqu'alors n'en bénéficiaient pas. Beaucoup d'enfants qui participent désormais aux "TAP" n'avaient jamais eu accès à ces pratiques. La mise en place des projets de territoires est l'opportunité de recréer des espaces collectifs où nos enfants, indépendamment de leurs origines, vont partager plus d'activités, ensemble.
Les offres sont diverses mais la constante dans la qualité et la diversité des activités proposées aux enfants tient, selon nos observations davantage à la volonté politique, à son antériorité et à l'engagement local pour faire réussir le projet qu'à la taille de la commune ou de sa proximité avec des grandes structures culturelles. Mais il est incontestable aussi de constater que cette diversité et les écarts dans l'offre éducative existaient déjà et qu'ils se réduisent lorsque les acteurs construisent collectivement, un projet éducatif autour d'un objectif commun, à savoir l'allègement de la concentration du temps scolaire et l'ouverture des activités périscolaires à un grand nombre d'enfants, dans une cohérence des temps et des apprentissages.
Les activités
La satisfaction vis-à-vis des activités proposées
Près des ¾ des communes se disent très satisfaites ou satisfaites des nouvelles activités périscolaires proposées aux enfants.
Des activités enrichissantes ancrées dans l'histoire et la culture locale mais aussi propices aux découvertes, aux expérimentations et à l'éveil citoyen.
Plus de 80% des communes estiment que les nouvelles activités périscolaires contribuent à l'enrichissement culturel, à l'épanouissement et au mieux vivre ensemble des enfants. Dans les communes rurales que nous avons pu visiter, les maires et leurs équipes, très loin de l'image misérabiliste des communes rurales éloignées des grands musées et des ressources éducatives des grandes villes, ont témoigné auprès de la mission d'une volonté de partager leur culture et leurs richesses territoriales avec les plus jeunes. Des ressources locales : l'engagement des animateurs, des ATSEM et des agents territoriaux, des associations locales et les structures culturelles est remarquable pour qualifier les offres d'activités
Des partenaires s'engagent :
Des grands musées de France mais aussi des musées locaux qui produisent des malles, L'INRIA qui travaille sur des ressources de codage et de programmation numérique, Les Parcs Naturels Régionaux qui forment et accompagnent les équipes d'animation, le réseau CANOPE qui met son expertise pédagogique au service des collectivités Des partenariats avec des associations sportives ou des agences de santé pour développer le "sport plaisir" et "le sport santé"... autant de ressources qualitatives pertinentes qu'il convient de déployer sur l'ensemble du territoire. Tous ces projets mettent la question éducative au cœur de l'activité d'une commune rurale et mobilisent les différents acteurs sur l'idée de construire une ruralité positive. La mission confirme la nécessité de ne pas entrer dans une surenchère et une surconsommation d'activités périscolaires, gardant une place forte à la bienveillance éducative, à l'utilisation des ressources du territoire et de garder à cœur la valorisation de projets collaboratifs ainsi que l'éducation à la citoyenneté.
L'échelon intercommunal : collaborer, mutualiser, enrichir l'offre
Nous avons observé à de nombreuses reprises l'intérêt de travailler les PEDT à l'échelon intercommunal afin de lutter contre les inégalités en œuvrant pour que chaque commune, quelle que soit sa taille, bénéficie d'ateliers menés par des professionnels. L'intérêt des regroupements et des projets de territoires intercommunaux est d'offrir une offre éducative moderne et adaptée alliant plusieurs volets de la loi et notamment l'accès au numérique pour tous, l'accueil des deux ans et la liaison CM2-6ème lorsque le site se rapproche du collège de secteur.
La satisfaction des enfants
Près de 95% des communes estiment que les enfants sont heureux de prendre part aux nouvelles activités périscolaires. Les évaluations menées à l'initiative des communes témoignent de cette satisfaction. Les TAP sont de nouveaux espaces éducatifs entre l'école et la famille, qui permettent l'échange, la collaboration, la découverte, l'expérimentation et le jeu.
L'articulation scolaire-périscolaire : passer des compétences partagées aux compétences conjuguées
Les instances de concertation
70% des communes ont mis en place des comités de suivi et des espaces de dialogue en dehors des conseils d'école. Et plus de 6 communes sur 10 jugent positivement la collaboration entre les équipes de l' éducation nationale et les équipes périscolaires mais demandent à un dialogue portant maintenant davantage sur le fond, la complémentarité de l'action éducative. Les Groupes d'Appui Départementaux sont identifiés par ¼ des élus. Les GAD sont désormais attendus sur l'impulsion de nouveaux partenariats pour diversifier l'offre d'activités, la mise en place de formations croisées et l'accompagnement des communes dans l'évaluation du projet qu'elles portent.
Les enfants à besoins particuliers
Au regard des bonnes pratiques observées, la mission préconise de : Différencier l'application de la réforme en maternelle en privilégiant des temps d'activités calmes et de repos sur la pause méridienne et inscrire la question du rythme des temps des enfants au cœur des projets d'école en maternelle. Pour les enfants porteurs de handicap, la priorité doit être donnée au dialogue préalable et à l'élaboration d'un projet de prise en charge cohérent et global répondant aux besoins des enfants aux différents moments de la journée.
La fatigue
La fatigue des enfants largement relayée doit faire l'objet d'une étude scientifique mais surtout être abordée au regard de l'évolution des modes de vie. Nous préconisons d'engager une réflexion croisée mobilisant les parents, les enseignants et les élus non sur la redéfinition du cadre horaire mais plutôt centrée sur la manière dont tout le monde s'engage à réduire ou à adapter les activités pour prendre en compte la fatigue des plus petits. Au fil de nos rencontres, de nombreux témoignages ont fait état d'un recalibrage entre 2014 et 2015 du nombre et du type d'ateliers proposés, revus à la baisse mais également repensés avec un regard bienveillant sur la problématique de la fatigue des enfants.
L'interrogation de l'offre périscolaire
Pour 4 communes sur 10, la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires a été l'occasion d'une interrogation globale sur l'offre périscolaire avec un regard particulier sur la pause méridienne, la mise en place d'espaces ludiques et de réflexion sur les activités à proposer après l'école et le mercredi après-midi afin d'éviter la surconsommation, la répétition et l'essoufflement.
L'encadrement
Les agents municipaux
Dans 73,5% des communes, les ATSEM encadrent les activités en maternelle. Les animateurs titulaires mais aussi les intervenants en éducation artistique et sportive ou même des agents avec des profils plus variés représentent une partie importante de l'encadrement des NAP. Dans plus de 6 communes sur 10, la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires a conduit à la consolidation d'emplois dans le domaine de l'animation ou de la coordination par l'augmentation du temps de travail.
Le bénévolat
44% des élus témoignent de l'intervention de bénévoles ceux-ci sont issus des associations locales. Les parents constituent un vivier non négligeable puisqu'ils sont actifs dans un tiers des communes
Une mise en situation pour les personnes destinées à l'enseignement
Près de 15% des communes ont recruté parmi les vacataires des personnes se destinant à l'enseignement.
La coordination des nouvelles activités : un nouveau métier
3 communes sur 10 ont procédé à un recrutement pour la coordination des NAP. Plus d'une commune sur 10 a confié l'organisation des NAP à une association partenaire de l'école.
La formation des animateurs et intervenants
La formation fortement mobilisée
Depuis 2013, Plus de la moitié des communes a mis en place des formations nouvelles pour les animateurs et les intervenants. 2/3 des communes, qui ont eu recours à la formation BAFA.
Une volonté d'aller plus loin sur la formation
Plus de 7 communes sur 10 expriment un besoin de formation supplémentaire pour les intervenants. En particulier sur la conception des activités et la prise en charge et la gestion de groupes. Plus d'1/3 des communes expriment un besoin de formation pour la prise en charge des enfants à besoins spécifiques. 4 communes sur 10 souhaitent bénéficier de formations spécifiques pour les enfants de maternelle.
Le financement et la gouvernance
Le fonds d'amorçage ou de soutien de l’ État
La quasi-totalité des communes ont bénéficié du fonds d'amorçage de l'État ou du fonds de soutien. 93% des communes n'ont pas rencontré de difficultés particulières pour bénéficier du financement de l'État.
Le financement de la CAF
La moitié des communes a bénéficié des financements de la CAF pour la mise en œuvre de la réforme. La difficulté à obtenir les financements CAF est directement liée à la taille des communes, les difficultés sont accrues pour les communes de moins de 1000 habitants. Une simplification des procédures est attendue.
Les préconisations
Simplifier les dossiers.
1. Clarifier l'offre des activités proposées
- Valoriser l'intérêt des activités ludiques et collaboratives dans l'éducation des enfants et déconstruire le discours de l' "atelier idéal" qui freine certaines initiatives
- Valoriser les apprentissages informels auprès des enseignants et des parents (enrichissement culturels, vivre-ensemble, sollicitation langagière, découverte.)
- Repenser les heures dédiées aux APC
2. Alléger les procédures d'attribution des aides de la CAF
Former et Qualifier
3. Valider l'expérience d'acquis professionnels par un diplôme de niveau 5 pour les animateurs et un diplôme de niveau 4 pour les coordonnateurs
4. Associer le CNFPT à ces parcours diplômants de le cadre de formations conjuguées
5. Pour les formations DDCSP, alléger les conditions d'obtention du BPJEPS et favoriser la polyvalence dans la formation et les contrats d'animateurs
6. Prévoir des modules spécifiques interprofessionnels au sein des ESPE dans le but d'établir très tôt une culture commune
7. Valoriser la participation des bénévoles
8. Reconnaître l'implication des étudiants qui encadrent des NAP ou les coordonnent dans leurs parcours universitaires
Enrichir les propositions
9. Diversifier l'offre pédagogique et éviter l'essoufflement
10. Réaliser dans chaque département un bilan quantitatif et qualitatif de la mise en œuvre de la réforme en termes de choix d'horaires, de qualité des ateliers proposés et de cohérence entre les temps scolaire et périscolaire. Dans le cas des après-midi libérés, une vigilance particulière doit être portée à la qualité des activités proposées sur un temps plus long, à l'accessibilité aux familles les plus démunies et au taux de fréquentation qui ne devrait pas être inférieur à 50%
11. Mobiliser les ressources thématiques locales (musées, associations, parcs naturels, etc.) dans des formations thématiques d'activités
S'adapter à la diversité
12. Engager une réflexion avec l'ensemble des acteurs à l'échelle d'un PEDT afin de prendre en compte de façon globale la problématique de la fatigue des enfants, conjuguant les temps familiaux, scolaires, péri- et extrascolaires.
13. Prévoir des modules spécifiques aux rythmes de l'enfant et à leurs implications didactiques, au sein des ESPE. Mobiliser particulièrement les corps d'inspection du premier degré à l'encadrement pédagogique sur ce thème.
14. Poursuivre l'approche spécifique en maternelle
15. Faciliter les participations des enfants en situation de handicap au TAP
Coordonner
16. Mettre en place au niveau national un groupe de suivi interministériel et ainsi assurer une action cohérente sur le long terme.
17. Au niveau départemental, mobiliser les GAD pour :
- Renforcer la collaboration sur des formations croisées qui répondent aux besoins des territoires
- Réaliser dans chaque département un bilan quantitatif et qualitatif de la réforme
- Accompagner les communes dans leur démarche d'évaluation.
18. Faciliter la mise en œuvre des NAP au niveau intercommunal
19. Revoir le fonctionnement des conseils d'école en associant davantage les élus à l'ordre du jour, et permettre aux responsables éducatifs de la commune et les coordonnateurs du périscolaire d'y siéger officiellement et de participer aux votes lorsque ceux-ci concernent le périscolaire.
Stabiliser
20. Réaffirmer la pérennisation des aides de l'Etat et asseoir définitivement les expérimentations règlementaires sur les taux d'encadrement et les organisations horaires qui permettent des assouplissements adaptés aux réalités locales
21. Affiner le mode de calcul de l'attribution de la DSR cible en prenant en compte le lieu d'habitation des enfants
22. Engager les départements à faire preuve d'une démarche volontariste en matière d'accompagnement des communes sur les transports d'enfants
23. Prolonger les Emplois avenir qui arrivent à terme à la rentrée de 2016 pour les communes s'étant engagées dès 2013
24. Valoriser l'engagement des communes à travers la mise en place d'un label
25. Stabiliser et renforcer les contrats de travail en établissant un lien avec des structures qui recrutent des professionnels de l'animation pour un public plus large que celui de l'école
Rapport sur la mise en place des projets éducatifs des territoires
Une réforme dans le rythme : vers une nouvelle étape qualitative
Établi par Françoise Cartron vice-présidente du Sénat, sénatrice de Gironde
- Une réforme inscrite dans la dynamique éducative locale
- L'articulation scolaire-périscolaire : passer des compétences partagées aux compétences conjuguées
- L'encadrement des nouveaux temps périscolaires
- Les coûts, le financement et les procédures
- Les préconisations