La Lettre d’information juridique n° 218 – janvier 2022

Direction des affaires juridiques - Lettre d'information juridique (LIJ)

La Lettre de la direction des affaires juridiques du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Éditorial

Deux des ordonnances commentées dans ce nouveau numéro de la LIJ illustrent la place particulière prise par les contentieux de référé dans l’action ministérielle. En une petite dizaine de jours (16 novembre 2021 puis 24 novembre 2021), le juge des référés du Conseil d’État s’est prononcé successivement sur la légalité des règles sanitaires (décret et protocole) applicables dans les établissements scolaires et sur la légalité de la réforme de la prise en compte du contrôle continu dans le baccalauréat à compter de la session 2022.

Ces décisions démontrent, s’il en était encore besoin, comme le débat sur la légalité de l’action administrative s’est déplacé pour intervenir dans le temps même de cette action, immédiatement après l’adoption des décisions. Cela conduit à une évolution des missions de soutien juridique de l’administration : là où le conseil juridique et la défense contentieuse étaient bien séparés dans le temps, l’un et l’autre sont aujourd’hui en continuité, l’édiction d’un acte, qui clôt la mission de conseil juridique, entraînant un basculement presque simultané vers sa défense contentieuse.

Cela renforce évidemment, en parallèle, la nécessité de sécurisation juridique des décisions de l’administration, qui ne peut plus jouer de la combinaison du privilège du préalable et des délais de jugement pour espérer, au moins pendant un certain temps, voir appliquer des actes à la légalité douteuse.

Cela interroge certainement aussi, du côté du juge, l’articulation entre le jugement en référé et le jugement au fond, l’absence de doute sérieux au stade du référé étant souvent vue comme une forme de validation juridictionnelle de l’acte – impression que la motivation particulièrement riche des ordonnances auxquelles il est ici fait référence n’est pas pour démentir. Le référé n’a peut-être pas fini de révolutionner la justice administrative.


Guillaume Odinet

Jurisprudence

Enseignement scolaire
Exercice de l'autorité parentale
C.A.A. Marseille, 27 septembre 2021, n° 21MA00570 et n° 21MA00571
Conseil d'administration et autres instances
C.E., 5 novembre 2021, n° 449941

Enseignement supérieur et recherche
Programmes d'investissements
T.A. Grenoble, 25 février 2021, n° 1703926
Questions spécifiques aux étudiants étrangers
C.E., 13 octobre 2021, n° 434055

Examens, concours et diplômes
Baccalauréat
J.R.C.E., 24 novembre 2021, Syndicat Action et Démocratie, n° 457053 et n° 457054

Personnels
Questions communes
T.A. La Réunion, 8 octobre 2021, n° 1901251
Maladie imputable au service
C.E., 22 octobre 2021, n° 437254, aux tables du Recueil Lebon
Retenues pour absence de service fait
T.A. Rennes, 15 septembre 2021, n° 1900569
Suspension conservatoire
C.E., 12 octobre 2021, n° 443903, aux tables du Recueil Lebon

Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille
Questions spécifiques (ouverture, fonctionnement, contrôle et personnels)
C.E., 6 octobre 2021, Société Galileo Global Education France, n° 439011 et nos 439017, 439019, 439021

Procédure contentieuse et questions de droit civil et pénal appliquées au droit de l’enseignement
Compétences des juridictions
T.C., 13 septembre 2021, Préfet de la région Île-de-France, n° C4226, au Recueil Lebon
C.E., 28 octobre 2021, Société En avant Guingamp, n° 445699, aux tables du Recueil Lebon

Questions propres aux personnels
C.E., 29 septembre 2021, n° 432628, aux tables du Recueil Lebon


Crise – Situation exceptionnelle
Questions générales
J.R.C.E., 16 novembre 2021, n° 457687

Enseignement scolaire

Exercice de l'autorité parentale

  • Acte usuel – Désaccord des parents – Inscription de l’élève dans l’école de sa commune de résidence – Intérêt supérieur de l’enfant

C.A.A. Marseille, 27 septembre 2021, n° 21MA00570 et n° 21MA00571

La mère d’un élève avait demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler les décisions par lesquelles son enfant, à la suite d’un jugement du juge aux affaires familiales fixant la résidence de l’enfant chez son père, avait été radié de l’école qu’il fréquentait, à Hyères-les-Palmiers, et avait été inscrit dans une école située dans la commune de résidence du père de l’enfant, au Luc-en-Provence. Le tribunal administratif avait annulé ces deux décisions au motif que la mère de l’enfant ayant fait part de son désaccord, l’administration avait méconnu l’article 372-2 du code civil. Le tribunal avait par ailleurs enjoint au recteur d’académie de procéder à la réinscription de l’enfant dans son école précédente.

Faisant droit à l’appel interjeté par le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, la cour administrative d’appel a annulé le jugement du tribunal administratif et rejeté la requête.

Après avoir rappelé les dispositions de l’article L. 131-5 du code de l’éducation selon lesquelles les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire doivent l’inscrire dans un établissement d'enseignement, la cour a souligné qu’il résulte des dispositions de l’article 372-2 du code civil que chacun des parents pouvait effectuer des actes usuels à l’égard d’un enfant, sans qu’il lui soit besoin d’établir qu’il dispose de l’accord exprès de l’autre parent, dès lors qu’il justifie exercer, conjointement ou exclusivement, l’autorité parentale sur cet enfant, et qu’aucun élément ne permettait à l’administration de mettre en doute l’accord réputé acquis de l’autre parent.

La cour a estimé que le jugement du juge aux affaires familiales, confirmé en appel, en ce qu’il fixait la résidence de l'enfant chez son père, "impliquait implicitement mais nécessairement sa scolarisation à proximité de celle-ci". Il s’ensuivait que l’administration, à laquelle il incombait d’assurer l’inscription de cet enfant dans une école, n’avait commis ni erreur de droit ni erreur d’appréciation, notamment au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, en procédant, à la demande du père et malgré le désaccord de la mère, à la radiation de l’enfant de son école et à son inscription dans une école située dans la commune de résidence de son père.

Conseil d'administration et autres instances

  • Conseil d’administration des E.P.L.E. – Ordre du jour – Modalités de fixation par le chef d’établissement

C.E., 5 novembre 2021, n° 449941

Le syndicat national des enseignements de second degré (SNES) demandait au Conseil d’État l’annulation pour excès de pouvoir des dispositions du a) du 5° de l'article 1er du décret n° 2020-1632 du 21 décembre 2020 portant diverses mesures de simplification dans le domaine de l’éducation, instaurant de nouvelles modalités de fixation de l’ordre du jour du conseil d’administration des établissements publics locaux d'enseignement (E.P.L.E.).

Les nouvelles dispositions, qui modifient les articles R. 421-25 et R. 421-96 du code de l'éducation impliquent désormais  que : "Le chef d'établissement fixe l'ordre du jour, les dates et heures des séances du conseil d'administration en tenant compte, au titre des questions diverses, des demandes d'inscription que lui ont adressées les membres du conseil (...)" et suppriment le dernier alinéa de ces articles, qui prévoyait que l'ordre du jour est adopté en début de séance du conseil d'administration par ses membres.

Le syndicat requérant soutenait que ces nouvelles modalités avaient pour effet de donner au chef d’établissement un pouvoir exorbitant dans le fonctionnement du conseil d’administration et méconnaissaient ainsi plusieurs dispositions législatives du code de l’éducation.

Après avoir rappelé la teneur des dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 du code de l’éducation relatifs aux E.P.L.E., le Conseil d’État a estimé que les dispositions du décret attaqué ne pouvaient être regardées comme portant, par elles-mêmes, atteinte aux attributions du conseil d'administration définies aux articles L. 421-2 et L. 421-4 du même code.

Il a relevé qu’"Au demeurant, elles prévoient qu'il appartient au chef d'établissement, lorsqu'il fixe l'ordre du jour du conseil d'administration, de tenir compte, au titre des questions diverses, des demandes qui lui sont adressées par les membres du conseil. [Et qu’il] résulte, en outre, de l'article R. 421-25 du code de l'éducation que le conseil d'administration est réuni en séance extraordinaire à la demande de la moitié au moins de ses membres sur un ordre du jour déterminé." (Point 4.)

En outre, il a estimé que le simple fait que le chef d'établissement fixe l’ordre du jour du conseil d'administration ne saurait conduire, par lui-même, à une méconnaissance des dispositions des articles L. 421-6, L. 421-7, L. 421-8 et L. 421-9 du code de l'éducation qui permettent aux E.P.L.E. de dispenser des actions de formation par apprentissage, d'organiser des contacts et des échanges avec leur environnement économique, culturel et social, de s'associer au sein de réseaux d'établissements, de créer des liens avec des partenaires extérieurs impliqués dans la lutte contre l'exclusion ou de conclure des accords de coopération avec des établissements universitaires.

Enfin, il a relevé que ces dispositions ne sauraient être regardées comme méconnaissant les prérogatives dévolues au chef d'établissement et n’étaient pas contradictoires avec les dispositions de l'article R. 421-9 du même code qui fixent les compétences du chef d'établissement en qualité d'organe exécutif de l'établissement.

Enseignement supérieur et recherche

Programmes d'investissements

  • Déontologie – Programme d’investissement d’avenir – Comités Idex – Irrégularité de la présence du président de l’établissement au sein d’une commission ad hoc dont il n’était pas membre car susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision

T.A. Grenoble, 25 février 2021, n° 1703926

Un professeur des universités avait vu sa candidature rejetée à la suite d’un appel à projets scientifiques interdisciplinaires organisé par une communauté d’universités et établissements (COMUE) dans le cadre de la mise en œuvre du deuxième Programme d’investissement d’avenir (P.I.A.) ouvert par la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, et plus particulièrement de l’action "Initiatives d’excellence" (Idex). Il contestait la régularité de la procédure suivie et, en particulier, soulevait la méconnaissance du principe d’impartialité dans la sélection opérée.

Le tribunal administratif a rappelé que : "Si l’administration peut librement organiser une procédure de mise en concurrence, tel un appel à projets scientifiques, alors même qu'aucun texte ne le lui impose, elle est ensuite tenue de respecter les règles qu'elle a elle-même instituées. À cet égard, un vice affectant le déroulement de cette procédure n'est cependant de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé le ou les intéressés d'une garantie."

La Communauté d’universités et établissements (COMUE) avait organisé un processus de sélection en trois temps. Tout d’abord, une évaluation des projets avait été conduite par des rapporteurs choisis hors du site de Grenoble. Ensuite, une commission ad hoc pluridisciplinaire issue de la commission exécutive "Recherche et valorisation" élargie aux directoires des pôles de recherche et à des membres des commissions exécutives "Relations internationales" et "Formation" avait procédé à la sélection des projets en fonction de leurs mérites scientifiques et les avait classés par ordre de mérite. Enfin, le comité de pilotage de l’Idex, sans remettre en cause l’appréciation des mérites scientifiques des projets retenus par la commission ad hoc, avait apprécié leur adéquation à la stratégie de l’établissement et avait arrêté la liste des projets retenus.

En l’espèce, le tribunal a estimé que la décision de la commission ad hoc n’avait qu’un caractère préparatoire à la décision du comité de pilotage de l’Idex, qui seule faisait grief au requérant.

Toutefois, le tribunal a jugé que la composition de la commission ad hoc avait été irrégulière, le président de la COMUE y ayant siégé alors que ni l’appel à projet ni aucun autre texte ne le prévoyaient.

Le tribunal a estimé en l’espèce qu’"à supposer même que le président de la COMUE (…) n’ait pas participé aux débats lors des séances de la commission ad hoc, ce qui n’est, du reste, pas établi, sa seule présence a été susceptible d’avoir eu une influence sur le sens de la décision" au regard de ses liens d’intérêt avec l’un des porteurs de projet finalement sélectionné. Le tribunal en a conclu que l’irrégularité de la composition de la commission ad hoc entachait d’illégalité la décision prise par le comité de pilotage de l’Idex du 19 décembre 2016 et que, par suite, cette dernière décision devait être annulée.

N.B. : Les questions d’ordre déontologique concernant les procédures d’appels d’offre internes aux universités réalisées dans le cadre du programme "Initiatives d’excellence" des P.I.A. ont fait l’objet d’un avis du 18 septembre 2020 du collège de déontologie publié le 17 décembre 2020 au Bulletin officiel du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Cet avis recommande que "dans des situations comme l'existence de liens des experts avec le projet, de collaborations antérieures ou de copublications significatives avec des porteurs de projet, de relations hiérarchiques ou personnelles avec ces derniers, les experts se trouvant dans ces situations doivent se déporter et ne pas participer à l'évaluation des projets concernés. Ces règles, qui sont celles de l'[Agence nationale de la recherche], sont proches de celles indiquées dans l'avis du collège sur les procédures de recrutement."

Questions spécifiques aux étudiants étrangers

  • Bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux – Condition de domiciliation en France – Étudiant étranger hors U.E. conjoint de ressortissant français

C.E., 13 octobre 2021, n° 434055

Une étudiante, de nationalité ukrainienne, et son conjoint, ressortissant français, contestaient la légalité de la circulaire n° 2019-096 du 18 juin 2019 relative aux modalités d’attribution des bourses d’enseignement supérieur sur critères sociaux, des aides au mérite et des aides à la mobilité internationale pour l’année 2019-2020, au motif qu’elle instituait une différence de traitement entre l’étudiant conjoint d’un ressortissant français travaillant en France, d’une part, et l’étudiant de nationalité française, d’autre part, pour le bénéfice des bourses d’enseignement supérieur, des aides au mérite et des aides à la mobilité internationale. Ils demandaient au Conseil d’État, avant dire droit, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (C.J.U.E.) sur l’interprétation de l'article 24 (relatif à l’égalité de traitement) de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE.

Après avoir écarté l’intérêt pour agir du conjoint, le Conseil d’État a considéré que l’étudiante ukrainienne n’était recevable à contester la circulaire qu’en tant qu’elle concernait les étudiants étrangers non ressortissants d’un État membre de l'Union européenne. De ce fait, elle ne pouvait utilement invoquer l’incompatibilité de la circulaire, en ce qu’elle poserait des conditions restrictives à certains membres de la famille de citoyens ressortissants de l’Union européenne, avec les objectifs de l'article 24 de la directive du 29 avril 2004 posant l'égalité de traitement entre les citoyens de l'Union qui séjournent sur le territoire d'un autre État membre et les ressortissants de cet État membre, principe étendu aux membres de sa famille, qui n'ont pas la nationalité d'un État membre et qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de séjour permanent.

En deuxième lieu, le Conseil d’État a considéré qu’ "eu égard à l'objet des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux", la circulaire, qui subordonne le droit des étudiants non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, de bénéficier d’une telle bourse à une condition de durée de résidence préalable sur le territoire national, sans réserver la situation des étudiants étrangers qui sont les conjoints d'un ressortissant français, ne saurait méconnaître les stipulations combinées de l'article 8 (relatif au droit au respect de la vie privée et familiale) et de l'article 14 (relatif à l’interdiction de discrimination) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En troisième lieu, le Conseil d’État a considéré que la circulaire attaquée ne traitait pas différemment les étudiants non ressortissants d'un État-membre de l'Union européenne selon qu'ils étaient conjoints d'un ressortissant français ou conjoints d'un ressortissant d'un de ces États.

Enfin, le Conseil d’État a jugé qu’"En prévoyant qu'outre le respect des conditions générales et la possession d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de résident, l'étudiant de nationalité étrangère doit, pour être éligible à une bourse d'enseignement supérieur, être domicilié en France depuis au moins deux ans, la circulaire attaquée n'a pas méconnu les dispositions précitées [des articles L. 821-1 et D. 821-1 du code de l’éducation] et est dénuée, sur ce point, d'erreur manifeste d'appréciation."

Le Conseil d’État a donc rejeté la requête.

N.B. : La directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 "s'applique à tout citoyen de l'Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu'aux membres de sa famille, tels que définis à l'article 2, point 2), qui l'accompagnent ou le rejoignent" (premier alinéa de l'article 3 de la directive).

Par une jurisprudence constante (cf. arrêts de grande chambre du 25 juillet 2008, Metock et autres c/ Minister for Justice, Equality and Law Reform, n° C-127/08, et du 14 novembre 2017, Toufik Lounes c/ Secretary of State for the Home Department, n° C-165/16), la C.J.U.E. a précisé que "tirent de la directive 2004/38 des droits d'entrée et de séjour dans un État membre non pas tous les ressortissants de pays tiers, mais uniquement ceux qui sont membres de la famille, au sens de l'article 2, point 2, de cette directive, d'un citoyen de l'Union ayant exercé son droit de libre circulation en s'établissant dans un État membre autre que l'État membre dont il a la nationalité" et rappelé que "les règles du traité en matière de libre circulation des personnes et les actes pris en exécution de celles-ci ne peuvent être appliqués à des activités qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l'une quelconque des situations envisagées par le droit communautaire et dont l'ensemble des éléments pertinents se cantonnent à l'intérieur d'un seul État membre" (points 73 et 77 de l'arrêt n° C-127/08 précité).

La directive "n'octroie toutefois aucun droit autonome aux membres de la famille d'un citoyen de l'Union qui sont ressortissants d'un État tiers. Ainsi, les éventuels droits conférés à ces ressortissants par cette même directive sont dérivés de ceux dont jouit le citoyen de l'Union concerné du fait de l'exercice de sa liberté de circulation (…). / Or, ainsi que la Cour l'a jugé à plusieurs reprises, il résulte d'une interprétation littérale, systématique et téléologique des dispositions de la directive 2004/38 que celle-ci régit uniquement les conditions d'entrée et de séjour d'un citoyen de l'Union dans les États membres autres que celui dont il a la nationalité et qu'elle ne permet pas de fonder un droit de séjour dérivé en faveur des ressortissants d'un État tiers, membres de la famille d'un citoyen de l'Union, dans l'État membre dont celui-ci possède la nationalité (...)" (points 32 et 33 de l’arrêt n° C-165/16 précité).

Dès lors que le requérant français est établi en France et que son épouse est ressortissante d'un État tiers à l'Union européenne, leur situation relève d'un seul des États membres de l'Union et n'entre aucunement dans le champ d'application de l’article 24 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004.

S’agissant de la condition de domiciliation en France depuis au moins deux ans, le Conseil d’État a déjà jugé que pouvaient légalement être fixés en fonction de critères de nationalité et de durée de résidence en France les droits d’inscription devant être acquittés par les étudiants "eu égard aux objectifs poursuivis par le service public de l’enseignement supérieur, parmi lesquels figure celui de former les individus susceptibles de contribuer à la vie économique, sociale, scientifique et culturelle de la nation et à son développement" (C.E., 1er juillet 2020, Association UNEDESEP et autres, n° 430121, au Recueil Lebon).

Examens, concours et diplômes

Baccalauréat

  • Baccalauréat général et baccalauréat technologique – Modalités d’organisation de l’examen – Contrôle continu – Sécurité juridique – Liberté pédagogique – Commission d’harmonisation – Projet d’évaluation – Égalité de traitement entre les candidats (oui)

J.R.C.E., 24 novembre 2021, Syndicat Action et Démocratie, n° 457053 et n° 457054

Par une ordonnance du 24 novembre 2021, le juge des référés du Conseil d’État a rejeté les deux requêtes présentées par le syndicat Action et Démocratie demandant la suspension de l’exécution, d’une part, du décret n° 2021-983 du 27 juillet 2021 modifiant les dispositions du code de l'éducation relatives au baccalauréat général et au baccalauréat technologique et, d’autre part, de l’arrêté du même jour portant adaptations des modalités d’organisation du baccalauréat général et technologique à compter de la session 2022.

Cette ordonnance se situe dans la continuité de la jurisprudence du Conseil d’État relative aux modifications réglementaires apportées aux conditions d’organisation du baccalauréat en raison du contexte de crise sanitaire (J.R.C.E, 22 avril 2021, Syndicat Action et Démocratie, n° 450874, à propos de la session 2021 du baccalauréat).

Le syndicat requérant contestait les règles d’organisation du baccalauréat permettant la prise en compte du contrôle continu comptant pour 40 % de la note finale moyenne obtenue à l’examen par le candidat, selon des modalités élargies par les textes précités (dont la LIJ n° 217 a rendu compte), dès lors que la part de contrôle continu est désormais uniquement constituée de la note issue de l’évaluation chiffrée des résultats scolaires obtenus dans les enseignements communs suivis au cours du cycle terminal et dans l’enseignement de spécialité suivi uniquement en classe de première.

Tout d’abord, le juge des référés a rejeté le moyen tiré de l’atteinte au principe de sécurité juridique. Tout en reconnaissant que les dispositions contestées donnaient "un poids accru aux notes obtenues en cours d'année dans le cadre du contrôle continu", il a retenu que celles-ci "n'ont ni pour objet, ni pour effet d'instituer de nouvelles épreuves ou modalités d'évaluation impliquant une préparation spécifique de la part des élèves de terminale". En outre, il a relevé que ces nouvelles modalités avaient été portées à la connaissance tant des candidats que des professeurs en temps utile (point 6).

Il a ensuite écarté le moyen tiré de l’atteinte à la liberté pédagogique des enseignants issue de l’article L. 912-1-1 du code de l’éducation au motif que ce principe, "qui s'exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre chargé de l'éducation nationale et dans le cadre du projet d'école ou d'établissement, concerne à titre principal la manière dont l’enseignement est délivré, et ne fait pas obstacle à ce que les pouvoirs publics modifient le déroulement ou les modalités d’évaluation des épreuves du baccalauréat en accroissant la part du contrôle continu" (point 7).

Cette décision confirme ainsi la portée limitée donnée à ce principe par la jurisprudence, confirmant une précédente jurisprudence de 2002 admettant que la liberté pédagogique "n’a trait […] qu’aux conditions dans lesquelles les personnels enseignants préparent et délivrent leur enseignement aux classes qui leur sont confiées" (cf. C.E., 30 décembre 2002, Syndicat national unifié des directeurs, instituteurs et professeurs des écoles de l'enseignement public-F.O., n° 234626, aux tables du Recueil Lebon).

Enfin, le juge des référés n’a pas estimé fondée l’atteinte au principe d’égalité entre les candidats alléguée par le syndicat requérant. Celui-ci soutenait en effet qu’en l’absence de normes précises encadrant les modalités de notation dans le cadre du contrôle continu, ces dernières variaient considérablement selon le type d’établissement et le niveau d’exigence des requérants.

Le juge a ainsi rappelé l’existence des deux outils garants du principe d’égalité que sont, d’une part, au niveau académique, les commissions d’harmonisation des notes (article D. 334-4-1 du code de l’éducation modifié par l’article 3 du décret du 27 juillet 2021) et, d’autre part, dans chaque établissement, les projets d’évaluation élaborés en conseil d'enseignement et validés en conseil pédagogique (article 2 de l'arrêté du 27 juillet 2021) dont la mission est de définir des principes communs d’évaluation (point 8).

Personnels

Questions communes

  • Enseignant – Service – Modification d’une mission – Mesure d’ordre intérieur

T.A. La Réunion, 8 octobre 2021, n° 1901251

La requérante, professeure de philosophie chargée d’une mission d’inspection et d’animation pédagogique, contestait un courrier de l’inspecteur pédagogique régional l’informant des modifications apportées à sa mission dans le cadre d’une nouvelle répartition des champs d’intervention de l’équipe.

Par un jugement inédit, le tribunal administratif a estimé que, par ses effets, ce courrier constituait une mesure d’ordre intérieur. En effet, bien que ces modifications traduisaient une diminution des tâches de la requérante au titre de la mission qui lui était confiée depuis plusieurs années, elles ne révélaient aucune atteinte aux droits et prérogatives qu’elle tirait de son statut de professeur agrégée.

Le tribunal a également estimé que la requérante n’établissait pas qu’elle aurait subi une perte de responsabilités significative.

N.B. : La notion de mesure d’ordre intérieur désigne une catégorie particulière d’actes administratifs individuels qui ne font pas grief parce que leur effet est jugé insuffisamment important pour qu’ils puissent être contestés devant un juge. Les mesures de faible importance qui constituent des mesures d’ordre intérieur sont, dès lors, insusceptibles de recours, à moins qu’elles ne traduisent une discrimination. L’acte qualifié de "mesure d’ordre intérieur" ne peut pas engager la responsabilité de l’administration (cf. C.E., 10 mars 1982, n° 24010, aux tables du Recueil Lebon).

Ne peuvent être qualifiées de "mesures d’ordre intérieur" celles qui emportent une perte de responsabilité (cf. C.E., 5 avril 1991, n° 96513, aux tables du Recueil Lebon), une diminution de rémunération (C.E., 8 mars 1993, n° 112742, aux tables du Recueil Lebon), une réduction des perspectives de carrière (C.E., Section, 13 décembre 1991, Syndicat C.G.T. des employés communaux et syndicat des cadres communaux C.G.T. de la mairie de Nîmes, n° 74153-74154, au Recueil Lebon), la privation d’un avantage, une atteinte aux droits et prérogatives que l’agent tient de son statut (C.E., 17 octobre 1986, n° 59536, aux tables du Recueil Lebon) ou à l’exercice de ses droits et libertés fondamentaux (C.E., Section, 25 septembre 2015, n° 372624, au Recueil Lebon).

Maladie imputable au service

  • Fonctionnaires et agents publics – Congé de maladie – Imputabilité au service – Maladie – État anxio-dépressif – Attitude systématique d’opposition à un supérieur hiérarchique – Fait personnel conduisant à détacher la maladie du service (oui)

C.E., 22 octobre 2021, n° 437254, aux tables du Recueil Lebon

Le requérant contestait le refus de son administration de reconnaître l’imputabilité de sa maladie au service. Saisi d’un pourvoi de son employeur contre l’arrêt ayant annulé le refus, le Conseil d’État a annulé l’arrêt et a renvoyé l’affaire aux juges du fond.

Après avoir rappelé la définition de la maladie imputable au service (cf. C.E., 13 mars 2019, n° 407795, au Recueil Lebon), le Conseil d’État a jugé que le juge d’appel avait commis une erreur de droit en se bornant à constater que le syndrome anxio-dépressif dont était atteint le requérant était en lien avec ses conditions de travail, sans rechercher si celui-ci, par son propre comportement, avait pu contribuer à la survenance de cette pathologie.

En effet, pour apprécier l’imputabilité au service d’une maladie, le juge doit tout d’abord déterminer si le contexte professionnel est susceptible d’être à l’origine de la maladie. Il doit ensuite rechercher si des éléments sont de nature à détacher la maladie du service. Il peut s’agir d’un "fait personnel" qui permet de prendre en compte le comportement général de l’agent tel que son attitude systématique d’opposition adoptée à l’arrivée de la nouvelle hiérarchie invoquée par son employeur ou de "toute autre circonstance particulière", ce qui comprend notamment l’existence d’antécédents médicaux (cf. C.E., 24 octobre 2014, Syndicat intercommunal d'équipements publics de Moirans, n° 362723, aux tables du Recueil Lebon).

Retenues pour absence de service fait

  • Enseignant – Suspension de fonctions – Congé de maladie – Mesure de contrôle judiciaire – Absence de service fait – Rémunération – Reclassement

T.A. Rennes, 15 septembre 2021, n° 1900569

Le requérant, un professeur, avait été suspendu de ses fonctions en raison de l’existence d’une relation inappropriée entre lui et une élève. Il avait ensuite été placé en congé de maladie ordinaire. Après avoir été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de se livrer à toute activité le mettant en relation avec des mineurs, l’intéressé avait été informé que le versement de sa rémunération serait suspendu à l’issue de son congé de maladie.

Condamné à une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis et à une peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs pour une durée de trois ans, le requérant avait fait l’objet d’une révocation.

L’intéressé demandait au tribunal administratif de Rennes de condamner l’État à l’indemniser des préjudices qu’il estimait avoir subis, l’absence de toute rémunération entre la décision de suspension à titre conservatoire et la décision de révocation étant fautive.

Le tribunal administratif, par son jugement du 15 septembre 2021, a rejeté sa requête.

Après avoir cité les dispositions de l’article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le tribunal administratif a rappelé la jurisprudence du Conseil d’État selon laquelle lorsque l’administration, après avoir suspendu à titre conservatoire un agent, le place en congé de maladie ou de longue maladie, elle met nécessairement fin à la mesure de suspension, sans préjudice de la possibilité pour elle de la prononcer à nouveau à l’issue du congé si les conditions prévues à l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 demeurent remplies (C.E., 26 juillet 2011, n° 343837, aux tables du Recueil Lebon).

Le tribunal a ainsi estimé que l’administration était tenue de mettre fin au versement de la rémunération de l’agent en l’absence de service fait dès lors que la décision de suspension avait été abrogée par celle le plaçant en congé de maladie et qu’aucune mesure de suspension ou de placement n’était intervenue.

Par suite, l’administration n’avait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité en ne versant pas au requérant son traitement pendant toute la période où il faisait l’objet de poursuites pénales.

Elle n’avait pas non plus commis de faute en ne procédant pas au reclassement de l’intéressé dès lors, d’une part, qu’un professeur n’a pas vocation à exercer d’autres activités que celles d’enseignement et, d’autre part, que la mesure de placement sous contrôle judiciaire dont il faisait l’objet lui interdisait toute activité d’enseignement à l’égard des mineurs ainsi que toute activité le mettant en relation avec des mineurs.

N.B. : Un appel formé contre le jugement est actuellement pendant.

Suspension conservatoire

  • Fonctionnaires et agents publics – Suspension de fonctions – Poursuites pénales – Reclassement – Affectation dans un autre emploi – Faculté pour l’administration

C.E., 12 octobre 2021, n° 443903, aux tables du Recueil Lebon

Par cette décision, le Conseil d’État a précisé la portée des dispositions du troisième alinéa de l’article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 introduites par l’article 26 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

Le Conseil d’État a rappelé qu’il résulte de ces dispositions que si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire suspendu, celui-ci est rétabli dans ses fonctions, sauf s’il fait l’objet de poursuites pénales. Un fonctionnaire doit être regardé comme faisant l’objet de poursuites pénales lorsque l’action publique a été mise en mouvement à son encontre et ne s’est pas éteinte. Lorsque c’est le cas, l’autorité administrative peut, au vu de la situation en cause et des conditions prévues par ces dispositions, le rétablir dans ses fonctions, lui attribuer provisoirement une autre affectation, procéder à son détachement ou encore prolonger la mesure de suspension en l’assortissant, le cas échéant, d’une retenue sur traitement.

Le requérant, un conseiller principal d’éducation stagiaire, avait été suspendu de ses fonctions à la suite de sa condamnation par le tribunal correctionnel de Mamoudzou à une peine d’emprisonnement pour des faits d’agressions sexuelles sur mineur de moins de 15 ans. À l'expiration d'un délai de quatre mois, le vice-recteur de Mayotte avait prolongé la mesure conservatoire de suspension de fonctions et réduit de moitié sa rémunération.

Le Conseil d’État a jugé qu’en l’espèce, le requérant faisait toujours l’objet de poursuites pénales au moment de l’adoption de l’arrêté de prorogation de la suspension conservatoire, dès lors que l’action publique n’était pas éteinte en raison de l’appel interjeté par le requérant du jugement du tribunal correctionnel.

Il a précisé que "si les dispositions [du troisième alinéa] de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 (…) permettent à l’administration d’affecter provisoirement un fonctionnaire faisant l’objet de poursuites pénales dans un autre emploi, celle-ci n’est pas tenue de le faire", confirmant ainsi l’absence d’obligation pour l’administration de mettre fin à la suspension de fonctions dès lors que les poursuites pénales n’y font pas obstacle.

N.B. : Il ressort tant de la rédaction des dispositions dudit article 30 telles que modifiées par la loi du 20 avril 2016 que de l'étude d'impact et des travaux parlementaires de cette loi que le législateur a seulement donné à l'administration, sous certaines conditions, la faculté, et non l'obligation, d'employer le fonctionnaire suspendu faisant l'objet de poursuites pénales au lieu de le maintenir en dehors du service.

Il revient par conséquent à l'administration d'apprécier au cas par cas s'il y a lieu de mettre en œuvre ces possibilités de "reclassement provisoire" désormais offertes par l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, en tenant compte des mesures de contrôle judiciaire décidées par le juge pénal et de l'intérêt du service, au regard notamment de la nature de la faute reprochée à l’agent et des fonctions qu'il peut être amené à exercer dans une autre affectation correspondant à son grade ou dans le cadre d'un détachement dans un autre corps ou cadre d'emplois.

Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille

Questions spécifiques (ouverture, fonctionnement, contrôle et personnels)

  • Établissements d’enseignement supérieur privés à but lucratif – Taxe d’apprentissage – Aide d'État (non) – Établissements d'enseignement supérieur consulaire

C.E., 6 octobre 2021, Société Galileo Global Education France, n° 439011 et nos 439017, 439019, 439021

Aux termes de l’article L. 6241-2 du code du travail, le produit de la taxe d’apprentissage est divisé en deux parts dont l’une, autrefois dénommée "hors quota", égale à 13 % du produit brut de la taxe, peut être versée par les entreprises assujetties sous la forme de dépenses libératoires imputées sur le montant de la taxe à verser. L’article L. 6241-4 du même code précise au 1° que peuvent être imputées sur cette fraction de la taxe d’apprentissage "les dépenses réellement exposées afin de favoriser le développement des formations initiales technologiques et professionnelles, hors apprentissage, et l’insertion professionnelle, dont les frais de premier équipement, de renouvellement de matériel existant et d’équipement complémentaire".

La liste des établissements et organismes habilités à percevoir le solde de la taxe d’apprentissage correspondant aux dépenses libératoires est fixée par l’article L. 6241-5 du code du travail et comprend notamment les établissements privés relevant de l’enseignement supérieur gérés par des organismes à but non lucratif ou leurs groupements agissant pour leur compte, ainsi que les établissements gérés par une chambre consulaire et les établissements d'enseignement supérieur consulaires mentionnés à l'article L. 711-17 du code de commerce.

Un groupe d'enseignement supérieur privé géré par un organisme à but lucratif demandait l’annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre avait rejeté sa demande tendant à la notification auprès de la Commission européenne du régime d’aide d’État que constituait, selon lui, ce dispositif.

Dans sa décision, le Conseil d’État a rappelé les conditions cumulatives définissant l’aide d’État mentionnées au 1 de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (T.F.U.E.), "à savoir qu'il existe une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État, que cette intervention soit susceptible d'affecter les échanges entre les États membres, qu'elle accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire et qu'elle fausse ou menace de fausser la concurrence".

Il a précisé qu’"Il résulte à ce titre d'une jurisprudence constante de la Cour de justice qu'aux fins d'apprécier, parmi les quatre conditions requises, la sélectivité de la mesure en cause, il convient d'examiner si, dans le cadre d'un régime juridique donné, ladite mesure constitue un avantage pour certaines entreprises par rapport à d'autres se trouvant, au regard de l'objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable."

Le Conseil d’État a considéré que "Les établissements d'enseignement secondaire et supérieur, publics ou privés à but non lucratif, visés par ces dispositions et habilités ainsi à percevoir les dépenses libératoires correspondant au solde de la taxe d'apprentissage lorsqu'il est acquitté selon la modalité prévue au 1° de l'article L. 6241-4 du code du travail, dans le but de favoriser l'affectation de ressources publiques destinées à financer des formations technologiques et professionnelles dispensées en formation initiale hors du cadre de l'apprentissage, ainsi que l'insertion professionnelle, sont, soit en raison de leur statut, soit en raison de leur mode de gestion, soit en raison de leurs obligations pédagogiques et des contrôles qui s'y rattachent, dans une situation différente de celle des autres établissements d'enseignement."

Sur ce point, il convient de souligner que par une décision n° 439011, le Conseil d’État a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité formée par le  requérant portant sur la conformité des dispositions de l’article L. 6241-5 du code du travail aux droits et libertés garantis par la Constitution, en particulier la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques, en ce que ces dispositions n'incluaient pas l'ensemble des établissements privés d'enseignement. Le Conseil d’État a jugé que cette question n’était ni nouvelle ni sérieuse, en se référant à la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à des dispositions ayant un objet similaire, prévues à l'article L. 6241-9 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 (Cons. const., 21 octobre 2015, Association Fondation pour l'École, n° 2015-496 QPC).

En outre, le Conseil d’État a écarté le moyen principal de la requête tiré de la différence de situation entre les établissements d’enseignement supérieur consulaires, habilités à percevoir le solde de la taxe d'apprentissage, et les établissements privés d’enseignement supérieur à but lucratif, non habilités à percevoir ce solde, en jugeant que les premiers ne pouvaient être regardés comme "soumis à des règles de fonctionnement, d’organisation et de financement comparables" en raison des contraintes propres pesant sur eux alors que les seconds étaient ouverts librement aux seules conditions, limitées pour l'essentiel aux éléments de la déclaration préalable à souscrire, prescrites par le titre III du livre VII de la troisième partie du code de l'éducation.

En effet, "il résulte de l'article L. 711-17 du code de commerce [que les établissements consulaires] ne sont régis par les dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes que dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux dispositions spécifiques qui les régissent. À ce titre, en premier lieu, leurs missions et activités sont définies par la convention que passent avec eux les chambres de commerce et d'industrie qui les constituent et les contrôlent pour la réalisation de la mission en faveur de la formation professionnelle initiale qui est confiée par le législateur à ces établissements publics administratifs de l'État au 4° de l'article L. 710-1 du même code. Les stipulations de cette convention, imposées par un décret en Conseil d'État, fixent également leurs objectifs académiques, les principes régissant la composition de leur corps enseignant, les principes régissant les modalités à leur accès, les liens entre leurs activités et les activités de formation assurées par les chambres de commerce et d'industrie ou des filiales, ou encore les orientations relatives à la politique partenariale, notamment au niveau international. En deuxième lieu, la composition de leur conseil d'administration ou de surveillance est encadrée par la loi pour comprendre des représentants des étudiants, des enseignants et des autres agents et leurs statuts doivent être approuvés par arrêté interministériel. En troisième lieu, un bénéfice distribuable, tel que défini à l'article L. 232-11 du même code pour les sociétés commerciales, qu'ils réaliseraient ne peut qu'être affecté à la constitution de réserves."

Puis, le Conseil d’État a considéré qu’"En retenant ces catégories [d’établissements], fondées sur des critères objectifs et rationnels au regard de l'objectif poursuivi par ce régime, l'article L. 6241-5 du code du travail n'a (…) pas habilité des établissements d'enseignement se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable à celle des autres établissements d'enseignement" à percevoir le solde de la taxe d'apprentissage et que, dès lors, cette possibilité "ne peut être regardée comme accordant un avantage sélectif à ces établissements, de sorte qu’elle n’a pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, le caractère d’une aide d’État".

Le Conseil d’État a donc jugé que "[la] mesure n’avait, dès lors, pas à faire l’objet d’une notification préalable à la Commission européenne en application du paragraphe 3 de l’article 108 du traité" et a, par conséquent, conclu au rejet de la requête.

Procédure contentieuse et questions de droit civil et pénal appliquées au droit de l’enseignement et du sport

Compétences des juridictions

  • Fonctionnaires et agents publics – Protection fonctionnelle – Octroi – Refus de prise en charge totale des honoraires d’avocat – Contestation – Compétence des juridictions administratives

T.C., 13 septembre 2021, Préfet de la région Île-de-France, n° C4226, au Recueil Lebon

Le Tribunal des conflits a déterminé l’ordre de juridiction compétent pour connaître d’un différend opposant un avocat, conseil des ayants droit d’un fonctionnaire décédé en service, bénéficiaire d’une protection fonctionnelle, à l’administration qui refusait le paiement de plusieurs factures présentées dans le cadre de la convention d’honoraires conclue entre cette dernière et l’avocat.

Dans le cadre de la protection fonctionnelle instaurée par l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires au bénéfice des agents publics, la collectivité publique peut, dans certaines conditions, ne prendre en charge qu'une partie des honoraires demandés par l'avocat de l'agent lorsque le nombre d'heures facturées ou déjà réglées apparaît manifestement excessif. Si les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 font obligation à l'administration d'accorder sa protection à l'agent victime d’attaques dans l'exercice de ses fonctions, protection qui peut prendre la forme d'une prise en charge des frais engagés dans le cadre de poursuites judiciaires qu'il a lui-même introduites, elles n'ont pas pour effet de contraindre l'administration à prendre à sa charge, dans tous les cas, l'intégralité de ces frais (cf. C.E., 2 avril 2003, n° 249805 et n° 249862, aux tables du Recueil Lebon). Dans ce cas, le règlement du solde incombe à l'agent dans le cadre de ses relations avec son conseil.

Le Tribunal des conflits a jugé que la décision prise par l'administration de refuser le paiement de certaines factures présentées par l'avocat de l'agent public bénéficiaire de la protection s'inscrivait dans le cadre des relations entre la collectivité publique et son agent, l'administration n'étant ni cliente, ni bénéficiaire des prestations de l'avocat, ni substituée dans les droits de cet agent, et ce, alors même qu'elle aurait signé avec l'avocat une convention relative au montant des honoraires pris en charge.

Il s'ensuit que la contestation par l'avocat de l'agent du refus de l'autorité administrative de payer une partie de ses honoraires, qui est hors du champ des articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, relatifs au recours devant le bâtonnier en cas de différend sur le montant et le recouvrement des honoraires, relève de la compétence de la juridiction administrative.

  • Ligue de football professionnel – Droits d'exploitation audiovisuelle – Exercice d’une prérogative de puissance publique (absence) – Compétence des juridictions de l’ordre judiciaire

C.E., 28 octobre 2021, Société En avant Guingamp, n° 445699, aux tables du Recueil Lebon

Conformément aux dispositions des articles L. 333-1 et suivants du code du sport, la Ligue de football professionnel (L.F.P.), personne morale de droit privée, s'est vu confier, par convention conclue avec la Fédération française de football, la gestion du football professionnel, notamment l'organisation et la règlementation des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2. Elle est, à ce titre, chargée d'une mission de service public administratif.

Pour autant, tous les litiges nés des décisions qu’elle prend ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative.

Par sa décision du 28 octobre 2021, le Conseil d’État a rappelé en effet que les actes et décisions que prend la L.F.P. "ne ressortissent à la compétence de la juridiction administrative que pour autant qu'ils constituent l'exercice d'une prérogative de puissance publique pour l'accomplissement de cette mission".

En l’espèce, les décisions prises par le conseil d’administration de la L.F.P. pour adopter le guide de répartition des droits audiovisuels relatifs à la Ligue 1 et à la Ligue 2 pour la saison 2020-2021 se rattachaient à l’activité de la Ligue de commercialisation des droits d'exploitation audiovisuelle et concernaient la redistribution des produits en résultant entre les sociétés sportives propriétaires de ces droits. Ces décisions ne constituaient pas, ainsi, l’exercice d’une prérogative de puissance publique.

Par suite, ce litige ne relevait pas de la compétence des juridictions de l’ordre administratif.

N.B. : Par une ordonnance du 11 janvier 2008, le Conseil d’État avait déjà jugé qu’en faisant le choix de produire elle-même les images des matchs dont elle commercialisait les droits d’exploitation, la L.F.P. ne mettait en œuvre aucune prérogative de puissance publique et que le litige qui avait résulté de cette décision ne ressortissait pas de la compétence des juridictions de l’ordre administratif (J.R.C.E., 11 janvier 2008, Société Canal+ et autre, n° 311327, aux tables du Recueil Lebon).

De la même manière, plus récemment, le tribunal administratif de Paris a estimé que la commercialisation et la négociation des droits d’exploitation audiovisuelle par la L.F.P. ne relevaient pas de l’exercice de prérogatives de puissance publique (T.A. Paris, 8 juillet 2021, S.A. Olympique Lyonnais Groupe et autre, nos 2102265 et 2021739).

En revanche, les juridictions administratives sont compétentes pour connaître des litiges nés des décisions émanant des fédérations délégataires et des ligues professionnelles subdélégataires qui organisent les compétitions à l’issue desquelles sont délivrés les titres nationaux et les pouvoirs liés à ces compétitions (accès, gestion, discipline) qui relèvent de l’exercice de prérogatives de puissance publique (s’agissant de l’accès aux compétitions dont le monopole d’organisation est accordé aux fédérations délégataires et de leurs résultats, cf. C.E., Section, 15 mai 1991, Association Girondins de Bordeaux Football Club, n° 124067, au Recueil Lebon ; T.C., 13 janvier 1992, Préfet de la région Aquitaine, préfet de la Gironde c/ Association nouvelle des Girondins de Bordeaux, n° 02681, au Recueil Lebon ; C.E., 29 septembre 2003, Figeac Athlétisme Club, n° 240639, au Recueil Lebon).

Questions propres aux personnels

  • Personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires – Sanction disciplinaire – Juridiction disciplinaire unique instituée par l’article L. 952-22 du code de l’éducation – Régularité de la procédure juridictionnelle disciplinaire – Atteinte au principe d’impartialité par le rapporteur désigné pour instruire le dossier (non) – Atteinte au principe d’impartialité par les auteurs d’un rapport d’une mission d’inspection au vu duquel la juridiction s’est prononcée (moyen inopérant) – Méconnaissance de l’article L. 311-3 du code des relations entre le public et l’administration et de l’article 65 de loi du 22 avril 1905 (moyen inopérant)

C.E., 29 septembre 2021, n° 432628, aux tables du Recueil Lebon

Une professeure des universités-praticienne hospitalière, qui avait fait l’objet d’une suspension pour une durée de trois ans, avec privation de 60 % de sa rémunération, prononcée par la juridiction disciplinaire unique instituée par l’article L. 952-22 du code de l’éducation, compétente à l’égard des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires et des personnels enseignants de médecine générale, avait contesté en cassation la régularité de la procédure juridictionnelle disciplinaire et le bien-fondé de cette sanction.

S’agissant de la régularité de la procédure suivie devant la juridiction disciplinaire, l’intéressée reprochait au rapporteur de l’affaire ainsi qu’aux autres membres de la juridiction un défaut d’impartialité dans l’examen de son dossier.

Le principe d'impartialité est applicable "à toutes les juridictions administratives" (cf. C.E., Assemblée, 6 avril 2001, S.A. Entreprise Razel Frères et M. X, n° 206764 et n° 206767, au Recueil Lebon) et, notamment, au juge ainsi qu’au rapporteur, que ce dernier soit ou non membre de la formation de jugement disciplinaire (C.E., 30 novembre 2016, n° 381856, aux tables du Recueil Lebon ; C.E., 31 mars 2017, Ministre des affaires sociales et de la santé, n° 388099, aux tables du Recueil Lebon).

Le Conseil d’État a relevé qu’en l’espèce, il ne ressortait pas des pièces de la procédure devant la juridiction disciplinaire que le rapporteur désigné pour l’instruction du dossier aurait manqué au principe d’impartialité dans l’établissement de son rapport ou qu’il se serait estimé lié par les conclusions du rapport de la mission  d’inspection commune à l’inspection générale des affaires sociales (I.G.A.S.) et à l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (I.G.A.E.N.R.), faisant état de nombreux témoignages concordants imputant à la requérante des faits de harcèlement moral responsables d'une dégradation profonde du climat de travail, qui affectait la planification des activités universitaires et le déroulement des enseignements.

Le Conseil d’État a, de même, jugé que les autres membres de la juridiction ne s’étaient pas non plus estimés liés par les conclusions de ce même rapport (point 5), la décision juridictionnelle n’ayant d’ailleurs pas retenu le reproche qui était fait à la requérante par la mission d’inspection de ne pas s’être essentiellement consacrée à ses fonctions (cf. conclusions du rapporteur public sur la décision commentée, en ligne sur la base de jurisprudence du Conseil d’État ArianeWeb).

L’intéressée reprochait également une atteinte au principe d’impartialité par les auteurs du rapport de la mission d’inspection. Si le principe d’impartialité s’applique à tous les organes administratifs (cf. C.E., Section, 29 avril 1949, Sieur Bourdeaux, n° 82790, au Recueil Lebon, p. 188), le Conseil d’État juge toutefois qu’un tel moyen est inopérant dès lors que le rapport en cause ne constitue qu’"une pièce du dossier produite par les ministres et soumise au débat contradictoire au vu duquel la juridiction s’est prononcée et dont il appartenait à cette dernière, au vu de ce débat, d’apprécier la valeur probante" (point 7). La décision fait, sur ce point, l’objet d’un fichage dont il ressort plus généralement qu’"Il ne peut être utilement soutenu que la méconnaissance du principe d'impartialité par les auteurs d'un rapport d'une mission d'inspection diligentée par l'administration entache d'irrégularité la décision d'une juridiction disciplinaire, ce rapport constituant une pièce du dossier produite par l'administration et soumise au débat contradictoire au vu duquel la juridiction s'est prononcée et dont il appartenait à cette dernière, au vu de ce débat, d'apprécier la valeur probante."

Est également jugé inopérant, pour contester la procédure juridictionnelle devant la juridiction disciplinaire unique, le moyen tiré du défaut de communication de l’intégralité des témoignages et auditions réalisées dans le cadre de la mission d’inspection, en méconnaissance de l’article L. 311-3 du code des relations entre le public et l’administration et de l’article 65 de loi du 22 avril 1905.

En l’espèce, le Conseil d’État a jugé que "si [la requérante] soutient qu’elle n’a pas eu accès à certains procès-verbaux d’audition qui auraient, selon elle, été dressés par la mission d’inspection I.G.A.S.-I.G.A.E.N.R. pour l’élaboration de son rapport, la juridiction disciplinaire a statué au vu des seules pièces soumises au débat contradictoire" (point 8). Le droit à communication, qui peut être invoqué lorsque la décision de sanction qui doit être prise à l’encontre de l’agent relève de la compétence de l’administration (cf. C.E., 5 février 2020, n° 433130, au Recueil Lebon ; C.E., 28 janvier 2021, n° 435946, aux tables du Recueil Lebon), ne peut toutefois l’être lorsque le pouvoir disciplinaire est confié, comme en l’espèce, à un juge qui est le garant du respect du contradictoire (cf. conclusions du rapporteur public précitées).

S’agissant du bien-fondé de la décision attaquée, après avoir rappelé les dispositions législatives et réglementaires alors applicables, relatives aux règles de cumul d’activités, désormais prévues par le IV de l’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant statut général de la fonction publique et le décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique, le Conseil d’État a considéré que la juridiction disciplinaire unique n’avait pas commis d’erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant que l’intéressée devait solliciter annuellement une demande d’autorisation de cumul au titre de son activité d’expertise, quand bien même il existait une convention signée entre l’intéressée et le C.H.U. qui avait pour objet de fixer le montant de la redevance due à cet établissement en contrepartie de l’utilisation des locaux et moyens de l’établissement pour son activité d’expertise exercée à titre accessoire. Par suite, la juridiction disciplinaire a pu juger que le retard mis par la requérante à solliciter une autorisation de cumul d’activités revêtait un caractère fautif (point 10).

Enfin, la requérante reprochait à la juridiction disciplinaire unique d’avoir commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en retenant à son encontre un comportement constitutif de harcèlement moral au sens de l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.

Le Conseil d’État a tout d’abord jugé qu’"En estimant, au vu de l’ensemble des pièces du dossier qui lui était soumis et, notamment, du rapport de la mission d’inspection I.G.A.S.-I.G.A.E.N.R., que [l’intéressée] avait entretenu pendant de longues années, au sein du pôle médico-judiciaire du C.H.U. de Bordeaux dont elle avait la responsabilité, un climat d’intimidation et de tension, en particulier en faisant subir à trois praticiens hospitaliers ainsi qu’à quatre jeunes médecins des conditions de travail dégradantes, des mesures vexatoires et des mises en cause personnelles dénuées de justification, aux fins de les isoler de leur communauté de travail et de les inciter à demander leur mutation, la juridiction disciplinaire, qui a suffisamment motivé sa décision, a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation" (sur le contrôle du juge de cassation de l’appréciation des juges du fond sur le point de savoir si l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral soumet des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement, cf. C.E., 1er octobre 2014, n° 366002, aux tables du Recueil Lebon).

Le Conseil d’État a ensuite considéré qu’"En jugeant ensuite que ces faits excédaient l’exercice normal de son pouvoir hiérarchique et qu’elle s’était rendue coupable de harcèlement moral, manquant en outre à son obligation de confraternité fixée par l’article R. 4127-56 du code de la santé publique, la juridiction disciplinaire a exactement qualifié ces mêmes faits et n’a pas commis d’erreur de droit" (sur le contrôle de qualification juridique des faits exercé par le juge de cassation sur la notion de harcèlement moral au regard du cadre normal du pouvoir d'organisation du service, cf. C.E., 30 décembre 2011, Commune de Saint-Péray, n° 332366, aux tables du Recueil Lebon).

Enfin, le Conseil d’État, prenant en compte la durée au cours de laquelle avaient été réitérés les agissements litigieux, du nombre d’agents qui en avaient été victimes et de la position hiérarchique de l’intéressée, a jugé que la juridiction disciplinaire n’avait pas infligé à l’intéressée une sanction hors de proportion avec les manquements reprochés (sur le contrôle du juge de cassation de la proportionnalité de la sanction aux fautes commises, cf. C.E., Assemblée, 30 décembre 2014, n° 381245, au Recueil Lebon).

N.B. : Préalablement au prononcé d’une sanction disciplinaire, l’intéressée avait fait l’objet de mesures de suspension de ses fonctions dont la contestation avait donné lieu à la décision n° 422922 du 5 février 2020, également aux tables du Recueil Lebon (décision commentée dans la LIJ n° 211 de juillet 2020). Cette décision du 5 février 2020, couplée à la présente décision commentée, offre un panorama complet du régime juridique de la suspension des sanctions disciplinaires applicable aux personnels hospitalo-universitaires.

Crise – Situation exceptionnelle

Questions générales

  • Covid-19 – Cadre sanitaire pour le fonctionnement des écoles et établissements scolaires – Année scolaire 2021-2022

J.R.C.E., 16 novembre 2021, n° 457687

Le juge des référés du Conseil d’État a rejeté la requête présentée par des parents d’élèves qui demandaient la suspension des articles 36 et 47-1 du décret n° 2021 699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ainsi que des dispositions du cadre sanitaire du 28 juillet 2021 pour le fonctionnement des écoles et établissements scolaires prévoyant une éviction des seuls élèves non vaccinés.

Comme dans les requêtes précédentes dirigées contre ces dispositions (cf. J.R.C.E., 1er juin 2021, n° 452487), le juge des référés du Conseil d’État a écarté l’ensemble des moyens dirigés contre l’obligation du port du masque dans les écoles élémentaires et dans les établissements d’enseignement du second degré, relevant que "depuis le décret du 29 septembre 2021, l'obligation du port du masque, déjà limitée aux espaces clos des établissements scolaires et non plus aux espaces de récréation, n'est imposée que dans les départements où la circulation du virus est élevée, la liste de ces départements étant régulièrement actualisée en fonction de l'évolution de la situation épidémiologique" (point 10).

Les requérants contestaient également l’obligation du passe sanitaire pour les activités scolaires et extrascolaires ainsi que dans le cadre de l’apprentissage et de la formation professionnelle. S’agissant des activités scolaires et extrascolaires, le juge des référés a écarté les moyens soulevés en relevant notamment qu’il résulte des termes même de l’article 47-1 du décret du 1er juin 2021 que le passe sanitaire n’est pas exigé pour l’accès des groupes scolaires et périscolaires aux lieux dans lesquels se déroulent leurs activités sportives habituelles, même lorsque ces lieux sont soumis à la présentation du passe sanitaire pour la population générale ; il a précisé à cet effet que cette exception s’applique aux associations sportives scolaires, "lesquelles constituent une composante de l’éducation physique et sportive en vertu de l’article L. 552-1 du code de l’éducation" (point 14).

S’agissant du cadre sanitaire mis en œuvre pour l’année scolaire 2021-2022, les requérants contestaient notamment la compétence du ministre pour prendre un tel acte. Comme dans l’ordonnance précitée du 1er juin 2021 (point 8), le juge des référés a écarté ce moyen après avoir relevé que ce cadre sanitaire "est destiné à rassembler des règles de bonne conduite et à fournir des recommandations, pour favoriser, notamment auprès des personnels, des élèves et de leurs parents, l'application, au niveau de chaque établissement accueillant un public scolaire, les mesures de protection prescrites par les autorités sanitaires" (point 22).

Les requérants contestaient enfin le fait que les élèves cas contact à risque disposant d’un schéma vaccinal complet pouvaient, à la différence des autres élèves astreints à suivre un enseignement à distance pendant sept jours, poursuivre leurs cours en présentiel. Le juge des référés a reconnu que les élèves ayant un schéma vaccinal complet étaient dans une situation différente de ceux qui n’avaient pas été totalement vaccinés dès lors qu’ils étaient considérés comme des contacts à risque de transmission négligeable et a admis, en conséquence, qu’ils pouvaient continuer d’être accueillis sans isolement, "nonobstant la circonstance que le traitement différencié des élèves révèle le statut vaccinal de ceux-ci tel qu’attesté par les titulaires de l’autorité parentale". Ce faisant, il a rappelé que "la mesure contestée permet de limiter le nombre d’élèves contraints, par mesure sanitaire, de rester à leur domicile et de suivre un enseignement à distance" (point 26).

Consultations

Personnels

Protection fonctionnelle

  • Fonctionnaires et agents publics – Détachement auprès d’un organisme de droit privé chargé d’une mission de service public – Protection fonctionnelle

Note DAJ A4 n° 2021-006001 du 29 septembre 2021

La direction des affaires juridiques a été interrogée sur la possibilité, pour un fonctionnaire placé en position de détachement pour exercer des fonctions de direction au sein d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association et exerçant une mission de service public, de bénéficier de la protection juridique prévue par l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

La protection fonctionnelle est, en principe, due aux fonctionnaires à raison des fonctions qu’ils exercent (cf. C.E., 20 mai 2016, Hôpitaux civils de Colmar, n° 387571, au tables du Recueil Lebon).

Dégagé comme un principe général du droit par le Conseil d’État, elle a été regardée comme "s’appliqu[ant] à tous les agents publics, quel que soit le mode d'accès à leurs fonctions" (C.E., Section, 8 juin 2011, n° 312700, au Recueil Lebon).

Ainsi, le Conseil d’État a étendu cette obligation de protection fonctionnelle, en dehors de tout texte, au président élu d’une chambre de commerce et d'industrie investi de fonctions administratives (C.E., n° 312700, susmentionnée), aux collaborateurs occasionnels du service public (C.E., 13 janvier 2017, n° 386799, au Recueil Lebon) ou encore aux agents non titulaires de l'État recrutés à l'étranger, alors même que leur contrat est soumis au droit local (C.E., 26 février 2020, n° 436176, au Recueil Lebon).

Cette extension progressive par le Conseil d’État du champ des bénéficiaires de la protection fonctionnelle demeure toutefois soumise à l’exigence que l’intéressé ait été mis en cause pour ou dans le cadre d’activités exercées au profit d’une personne de droit public.

La circulaire du 5 mai 2008 relative à la protection fonctionnelle des agents publics de l’État édictée par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique précise que "Relèvent également du champ de la protection les agents placés en disponibilité, détachés ou mis à la disposition d’un organisme privé si la demande de protection résulte de faits qui ont été commis dans l’exercice de leurs fonctions au sein d’un organisme public ou que leur responsabilité a été mise en cause alors qu’ils agissaient en qualité de fonctionnaires. À contrario, les intéressés ne peuvent bénéficier de la protection si les faits ayant été à l’origine de leur demande se rattachent aux activités qu’ils exercent hors de l’administration, pour le compte d’un organisme privé, quelle que soit par ailleurs leur position statutaire."

Le Conseil d’État a d’ailleurs jugé, à propos d’un agent public détaché dans une société de droit privé, que la protection fonctionnelle ne pouvait lui être accordée (C.E., 26 septembre 2011, n° 329228, au Recueil Lebon).

En l’espèce, le ministre de l’éducation nationale avait détaché le requérant auprès d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 et chargée d’une mission de service public, pour y exercer les fonctions de directeur national. Étant placé hors de son corps d’origine, ce fonctionnaire détaché était en conséquence soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerçait par l'effet de son détachement (article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État).

Or une association régie par la loi du 1er juillet 1901 constitue une personne morale de droit privé, peu importe qu’elle soit investie d’une mission de service public et bénéficie de financements publics (cf. T.C., 24 juin 1996, Préfet du Lot-et-Garonne, n° 3031, au Recueil Lebon).

La direction des affaires juridiques a dès lors indiqué que les faits à l’origine de la demande de l’agent concerné se rattachaient à des activités exercées hors de l’administration au profit d’un organisme privé et ne relevaient donc pas du champ d’application de l’obligation de protection fonctionnelle incombant à l’État.

Procédure

  • Fonctionnaires et agents publics – Procédure disciplinaire – C.A.P. – Conseil de discipline – Formalité impossible

Note DAJ A2 n° 2021-005823 du 24 septembre 2021

La direction des affaires juridiques a été interrogée sur la possibilité de prononcer une sanction disciplinaire du troisième ou du quatrième groupe à l’encontre d’un fonctionnaire lorsqu’il est impossible de réunir régulièrement la commission administrative paritaire (C.A.P.) en conseil de discipline.

1. En application de l’article 67 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire ne peut prononcer une sanction à l’encontre d’un agent qu’après avoir recueilli l’avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline, à peine de nullité de la décision de sanction.

En vertu de l’article 4 de l’arrêté du 31 juillet 2017 portant création des commissions administratives paritaires compétentes à l’égard du corps des psychologues de l’éducation nationale, la composition des CAPA créées auprès de chaque recteur d’académie est fixée conformément aux dispositions du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires.

L’article 9 de ce décret prévoit la procédure de remplacement lorsqu’aucun représentant du personnel, titulaire ou suppléant, n’est en capacité de siéger à la CAPA : l’organisation syndicale ayant présenté la liste désigne son représentant parmi les fonctionnaires titulaires relevant de la commission, éligibles au moment où se fait la désignation, pour la durée du mandat restant à courir. La circulaire du 23 avril 1999 relative à l’application du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires précise à cet égard que : "Cette procédure doit être utilisée chaque fois qu'un fonctionnaire élu en C.A.P. n'est plus en mesure de siéger."

Le rectorat avait indiqué dans sa saisine que son académie était dépourvue de membres du corps éligibles et, qu’en conséquence, l’organisation syndicale concernée n’était pas en mesure de désigner des remplaçants aux membres désignés en application du dernier alinéa de l’article 9 susmentionné.

Or, aucun texte ne prévoit de procédure alternative de remplacement lorsqu’aucun fonctionnaire titulaire relevant de ladite commission ne peut être désigné.

Il n’est donc pas envisageable de réunir régulièrement la CAPA compétente en formation disciplinaire d’ici le renouvellement des représentants du personnel qui aura lieu un an et demi plus tard à la date de la saisine.

2. Pour autant, la jurisprudence administrative reconnaît de longue date que l’administration n’est pas tenue de respecter une formalité impossible à réaliser.

En effet, dans l’hypothèse où la saisine obligatoire d’un organe consultatif est matériellement impossible, son défaut serait alors sans incidence sur la régularité de la procédure. Laurent Domingo écrit à ce sujet dans ses conclusions (accessibles sur Arianeweb) sous la décision du Conseil d’État n° 434659 et n° 435829 du 5 février 2021 que "cette jurisprudence a précisément pour objet d’éviter des situations de blocage au niveau des commissions consultatives".

Cette solution est également applicable lorsqu’il est question de CAPA réunies en conseil de discipline (cf. C.E., 28 février 2020, M. X, n° 428441, aux tables du Recueil Lebon, s’agissant de l’absence de constitution de la commission ; C.E., 23 janvier 1925, Sieur Thiant, n° 76981, au Recueil Lebon, où le seul chef de service disponible pour siéger au conseil de discipline était celui faisant l’objet de la procédure disciplinaire).

Par une décision récente (C.E., 5 février 2021, n° 434659 et n° 435829, aux tables du Recueil Lebon) rendue en matière de discipline des détenus, le Conseil d’État a rappelé que l’administration devait respecter deux conditions : d’une part, établir que le report de la réunion du conseil de discipline compromet manifestement le bon exercice du pouvoir disciplinaire, d’autre part, également démontrer avoir mis en œuvre tous les moyens à sa disposition pour assurer le respect des règles procédurales.

3. En l’espèce, au regard des informations que le rectorat a porté à la connaissance de la direction des affaires juridiques, la tenue d’une CAPA régulièrement composée semblait bien pouvoir être qualifiée de "formalité impossible" dans la mesure où, faute de fonctionnaire titulaire éligible relevant de cette CAPA au sein de l’académie, les organisations syndicales représentatives avaient affirmé au rectorat ne pas être en mesure de désigner des représentants du personnel pour siéger à la CAPA des membres du corps concerné avant un an et demi, à la date de la saisine, soit après les prochaines élections professionnelles.

La direction des affaires juridiques a indiqué qu’un tel délai dans la mise en œuvre du pouvoir disciplinaire semblait de nature à compromettre manifestement son bon fonctionnement et, en outre, à porter atteinte à la bonne marche du service.

Ce n’est qu’après avoir épuisé toutes les solutions de remplacement prévues par l’article 9 du décret du 28 mai 1982 et établi l’impossibilité de tenir régulièrement la CAPA que le rectorat pourra la réunir en conseil de discipline, composée uniquement des membres en mesure d’y assister.

Par ailleurs, au cours de la procédure disciplinaire, il conviendra de veiller au respect des droits de la défense et d’accorder à l’agent des garanties aussi proches que possible de celles dont il bénéficierait devant un conseil de discipline régulièrement composé (cf. C.A.A. Bordeaux, 2 mars 2004, Commune de Villedieu-sur-Indre, n° 00BX00285, aux tables du Recueil Lebon).

Rémunération

  • Agents recrutés sur contrat à durée déterminée – Périodicité de la réévaluation de la rémunération – Possibilité pour un établissement public d’adopter une délibération prévoyant une périodicité (non)

Note DAJ B2 n° 2021-006554 du 19 octobre 2021

La direction des affaires juridiques a été interrogée sur le point de savoir si une délibération d’un établissement public peut prévoir une règle selon laquelle l’employeur réévalue la rémunération des agents recrutés en contrat à durée déterminée (C.D.D.) tous les trois ans et pas avant.

Aux termes du troisième l’alinéa de l’article 1-3 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État pris pour l'application des articles 7 et 7 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État : "La rémunération des agents recrutés sur contrat à durée déterminée auprès du même employeur, en application des articles 4 et 6 de la loi du 11 janvier 1984, fait l'objet d'une réévaluation au moins tous les trois ans, sous réserve que cette durée ait été effectuée de manière continue, notamment au vu des résultats des entretiens professionnels prévus à l'article 1-4 ou de l'évolution des fonctions".

Si "les grands principes de la rémunération des agents contractuels recrutés par l’État, les établissements hospitaliers et les collectivités territoriales sont déterminés par voie réglementaire" (cf. étude d’impact du projet de loi de transformation de la fonction publique), des dispositions législatives ou réglementaires ne font pas, par elles-mêmes, obstacle à toute marge d’appréciation de la part de l’administration.

Ainsi, à propos des établissements publics, le Conseil d’État a indiqué qu’"En l’absence d’un règlement émanant du Premier ministre et sauf texte législatif ou réglementaire en décidant autrement, l’autonomie qui découle de la personnalité juridique conférée aux établissements publics fait obstacle à ce que les ministres de tutelle réglementent la situation des personnels non titulaires de ces établissements. Dans ce cas, en effet, il appartient aux organes compétents des établissements de définir le régime de ces personnels et de préciser, en tant que de besoin, dans les contrats, leur situation. / Lorsqu’aucun texte ne confie cette compétence à l’organe délibérant, il incombe à l’organe exécutif de l’établissement public, en vertu de ses pouvoirs généraux d’organisation des services placés sous son autorité, de fixer les règles applicables aux personnels non titulaires de l’établissement public." (C.E., avis, 30 janvier 1997, n° 359964, 9e question, en ligne sur ConsiliaWeb, la base de données dédiée aux avis consultatifs du Conseil d’État.)

Par conséquent, un établissement public peut prévoir, par délibération ou décision suivant que la compétence en la matière relève de l’organe délibérant ou de l’exécutif de l’établissement, le régime juridique applicable aux agents contractuels qu’il emploie en l’absence de toute disposition législative ou réglementaire prise à cet effet. La fixation par délibération ou décision des règles applicables aux agents contractuels de l’établissement ne fait pas non plus obstacle à ce que certains éléments de la rémunération de ces agents soient précisés par des stipulations de leur contrat.

Toutefois, en l’espèce, dès lors que les dispositions de l’article 1-3 du décret du 17 janvier 1986 fixent une règle en matière de réévaluation de la rémunération des agents contractuels, une délibération ou décision d'un établissement public ne peut "imposer une règle contraire", c’est-à-dire porter atteinte à ces dispositions réglementaires en prévoyant une réévaluation de la rémunération des agents contractuels tous les quatre ans ou plus (cf. C.E., 5 octobre 1998, Commune de Longjumeau,  n° 172597, aux tables du Recueil Lebon). Une périodicité de réévaluation en-deçà du plafond de trois ans peut, en revanche, être précisée dans le contrat de l’agent.

La possibilité pour un établissement public de prévoir une telle périodicité, non par des stipulations propres à chaque contrat mais par délibération ou décision valable pour tous les agents contractuels de l’établissement, est moins évidente. En effet, cela pourrait être regardé comme traduisant un déroulement de carrière automatique, alors que le Conseil d’État a considéré que la réévaluation "n’implique aucun automatisme ni ne présume le sens de l’évolution de la rémunération, l’administration ne pouvant s’abstenir de procéder à un examen au cas par cas de la situation de chaque agent contractuel" (C.E., avis, 28 janvier 2014, n° 388309 et n° 389104, publié dans le rapport public 2015 du Conseil d’État, également en ligne sur ConsiliaWeb).

Une délibération qui fixerait de manière automatique la périodicité de la réévaluation de la rémunération des agents contractuels de l’établissement serait donc probablement censurée si elle ne garantissait pas un examen individuel des situations ou si elle ne prévoyait pas la possibilité de déroger à cette périodicité au regard de chaque situation, par exemple en cas d’évolution des tâches effectuées ou des fonctions exercées.

Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille

CNED

  • CNED réglementé – Instruction de la demande d’inscription – Exécution d’un jugement civil (non)

Note DAJ A1 n° 2021-006727 du 22 octobre 2021

La direction des affaires juridiques a été interrogée sur la question de savoir si une décision du juge aux affaires familiales peut contraindre le directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen) à donner un avis favorable à la demande d’inscription d’un élève au CNED en classe réglementée, accessible aux élèves ne fréquentant pas un établissement scolaire.

1. Une administration n’est pas liée par un jugement civil rendu à l’issue d’une instance à laquelle elle n’était pas partie, sauf si l’administration a été appelée à la cause, même à tort, et que le jugement a été déclaré commun à la personne publique concernée (cf. note DAJ A1 n° 2020-0016 du 25 février 2020, LIJ n° 211, juillet 2020).

En l’espèce, l’enfant avait été scolarisé au CNED en classe libre durant une année scolaire, en application du jugement du juge aux affaires familiales. Dans un second temps, le juge avait fait droit à la demande du père de l’enfant tendant à ce qu’il soit scolarisé dans le cadre du CNED réglementé au titre de l'année scolaire suivante.

Toutefois, dès lors que les services académiques n’étaient ni parties à l’instance, ni appelés à la cause et que le jugement n’a pas été déclaré commun au rectorat d’académie et aux parents de l’enfant, le jugement du juge aux affaires familiales ne s’impose qu’aux parents de l’enfant.

2. Dans une telle situation, il appartient aux services du rectorat d’académie d’instruire la demande d’inscription de l’enfant au CNED en classe réglementée, conformément aux dispositions applicables en la matière.

Il résulte des articles L. 131-2 et R. 426-2 du code de l’éducation que le CNED dispense un service public d’enseignement à distance à destination des élèves qui ne peuvent être scolarisés totalement ou partiellement dans une école ou un établissement scolaire.

Le premier alinéa de l’article R. 426-2-1 du même code précise que : "La décision d'inscription des élèves mentionnés au quatrième alinéa de l'article R. 426-2 [c’est-à-dire au CNED en classe à inscription réglementée] est prise par le directeur général du centre au vu d'un dossier défini par arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale et, en ce qui concerne les élèves relevant de l'instruction obligatoire, sur avis favorable du directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie du département de résidence de l'élève."

À cet égard, la circulaire n° 2017-056 du 14 avril 2017 relative à l’instruction dans la famille donne les motifs pouvant justifier l’impossibilité pour un enfant d’être scolarisé dans un établissement d’enseignement scolaire et précise que : "Dans toute la mesure du possible, il convient d'éviter d'accorder une inscription au Cned en classe complète réglementée pour des motifs qui ne relèvent pas de la liste ci-dessus. En tout état de cause, une telle inscription ne peut être accordée pour simple convenance personnelle. Tout avis de l'IA-Dasen doit être motivé."

Dans le cas d’espèce, le père de l’enfant avait sollicité l’avis du Dasen pour procéder à son inscription au CNED en classe réglementée, mais il n’était pas en mesure d’apporter les justificatifs permettant d’établir que l’enfant ne pouvait totalement ou partiellement être scolarisé dans un établissement d’enseignement scolaire. Une telle impossibilité ne ressortait pas non plus de la lecture du jugement du juge aux affaires familiales s’étant prononcé sur la demande du père.

Ainsi, en l’absence d’éléments susceptibles de démontrer l’impossibilité de scolarisation, qui conditionne le bénéfice d’une inscription en CNED réglementé en vertu des textes applicables, la demande ne peut, en principe, conduire à la délivrance d’un avis favorable du Dasen.

Actualités

Enseignement supérieur et recherche

Évaluation, accréditation

  • Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur – Organisation et fonctionnement – Réforme

Décret n° 2021-1536 du 29 novembre 2021 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur
Décret n° 2021-1537 du 29 novembre 2021 définissant les règles de confidentialité et de publicité applicables aux évaluations mentionnées à l'article L. 114-2 du code de la recherche
J.O.R.F. du 30 novembre 2021

L’article 16 de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur a modifié le statut, les missions et l’organisation du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) prévus aux articles L. 114-3-1 à L. 114-3-6 du code de la recherche.

Pris en application de cette loi, le décret n° 2021-1536 du 29 novembre 2021 abroge et remplace les dispositions du décret n° 2014-1365 du 14 novembre 2014 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, dont la loi a prévu qu’il devienne, à compter du 1er janvier 2022, une autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale.

Pour l’exercice des missions du HCERES, enrichies par la loi du 24 décembre 2020 qui met l’accent sur le respect de l’intégrité scientifique, l’article 1er du décret n° 2021-1536 précise notamment les éléments à prendre en compte dans le cadre des évaluations conduites tant par le Haut Conseil lui-même que par les instances dont il valide les procédures.

S’agissant de sa gouvernance, les dispositions concernant le collège et le président du HCERES sont détaillées, respectivement, aux chapitres II et III de ce décret du 29 novembre 2021 (cf. II de l’article L. 114-3-3 du code la recherche).

Est précisé, outre les compétences (articles 2 et 3) et le fonctionnement du collège (article 6), le mode de désignation de ses membres (article 4), dont la composition a été ramenée à 24 membres au lieu de 30 par la loi du 24 décembre 2020.

Les compétences du président, dont la procédure de désignation a été modifiée par la loi du 24 décembre 2020 (cf. II de l’article L. 114-3-3 du code la recherche), sont détaillées aux articles 7 et 8 du décret.

L’organisation interne du HCERES en départements, placés sous la responsabilité du président et dont la liste est fixée par le règlement intérieur, est précisée à l’article 9 du décret. Un département dénommé "Office français de l’intégrité scientifique" est mis en place dans la continuité des dispositions consacrées aux exigences de l’intégrité scientifique introduites dans le code de la recherche par la loi du 24 décembre 2020 (cf. article L. 211-2 du code de la recherche).

S’agissant des missions d’évaluation du HCERES, qui reposent sur l’intervention d’experts, l’article 12 du décret n° 2021-1536 du 29 novembre 2021 définit leurs modalités de nomination, la composition des comités d’experts et leurs pouvoirs dans le cadre des évaluations menées. Il prévoit aussi les règles de déontologie auxquelles ils sont soumis.

Un second texte, le décret n° 2021-1537 du 29 novembre 2021, définit les règles de confidentialité et de publicité applicables aux évaluations des organismes publics de recherche et des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel menées par le HCERES.

Il précise les obligations en matière de respect des règles de secret et de discrétion professionnels qui incombent aux experts intervenant pour le HCERES ou dans le cadre de procédures d'évaluation validées par le Haut Conseil lorsqu’ils évaluent les organismes publics de recherche et les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.

S’agissant des rapports d’évaluation, l’article 13 du décret n° 2021-1536 précise qu’ils sont élaborés collégialement par chaque comité d'experts, signés par le président du comité et soumis aux responsables des entités évaluées en vue de recueillir leurs observations.

L’article 2 du décret n° 2021-1537 prévoit que les modalités de restitution de l'évaluation font, préalablement à l'évaluation, l’objet d’échanges entre l'instance d'évaluation et l'entité évaluée, afin d'identifier les éléments ne pouvant faire l'objet d'une publication. Ce même article précise que les rapports d'évaluation sont rendus publics dans une version occultant ou disjoignant les passages dont la publication porterait atteinte au respect des secrets légalement protégés. La version publiée du rapport ne doit pas porter atteinte aux informations énumérées au 2° de l'article L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration.

Les dispositions des décrets n° 2021-1536 et n° 2021-1537 du 29 novembre 2021 entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2022, à l’exception de celles du décret n° 2021-1536 se rapportant, d’une part, à la composition du collège, qui entrent en vigueur en vue du renouvellement du collège et, d’autre part, au budget de l'exercice 2022, à arrêter par le collège avant le 31 décembre 2021.

Personnels

Questions propres aux agents non titulaires

  • Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche – Article L. 431-6 du code de la recherche – Contrat de mission scientifique – Contrat de droit public

Décret n° 2021-1449 du 4 novembre 2021 relatif au contrat de mission scientifique prévu par l'article L. 431-6 du code de la recherche
J.O.R.F. du 6 novembre 2021

L’article 9 de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement a créé, à l’article L. 431-6 du code de la recherche, un contrat de droit public dénommé "contrat de mission scientifique". Ce nouveau contrat, équivalent au contrat de droit privé "de projet ou d’opération de recherche" prévu à l’article L. 431-4 du code de la recherche (cf. LIJ n° 217, novembre 2021), permet aux établissements publics de recherche et d’enseignement supérieur de recruter des agents spécifiquement pour l'accomplissement d'un projet de recherche dont la durée prévisionnelle est supérieure à six ans et de faire coïncider la durée du contrat avec celle du projet de recherche.

Le décret n° 2021-1449 du 4 novembre 2021 fixe les modalités d’application de l’article L. 431-6 du code de la recherche.

Ce décret détermine notamment la nature des projets ou opérations de recherche pouvant bénéficier d'un tel contrat (article 1), les clauses que doit obligatoirement comporter le contrat (article 4), les modalités de recrutement (article 3) et de rupture du contrat (articles 6, 7 et 8) ainsi que les modalités d'accompagnement des salariés dont le contrat s'est achevé (article 9).

Son article 5 prévoit également des possibilités de mobilité professionnelle pendant la durée du contrat de mission scientifique. L’agent recruté par ce type de contrat peut ainsi être accueilli en délégation, en France ou à l'étranger, auprès d’un autre établissement que celui qui l’emploie pour poursuivre ses activités dans le cadre du projet ou de l'opération de recherche pour lequel il a été recruté, et bénéficier, à ce titre, d’un complément de rémunération.

Le texte précise enfin que l'établissement qui envisage de recourir au contrat de mission scientifique doit en informer le comité social d'administration de l'établissement. L’établissement doit, en outre, présenter un bilan de la mise en œuvre des contrats de mission scientifique.

  •  Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche – Article L. 412-4 du code de la recherche – Contrat postdoctoral – Contrat de droit public – Activité de recherche dans le cadre d’un projet retenu au titre d’un appel à projets

Décret n° 2021-1450 du 4 novembre 2021 relatif au contrat postdoctoral de droit public prévu par l'article L. 412-4 du code de la recherche
Arrêté du 4 novembre 2021 relatif à la rémunération des agents bénéficiaires du contrat postdoctoral de droit public prévu à l'article L. 412-4 du code de la recherche
J.O.R.F. du 6 novembre 2021

L’article 7 de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur a créé, à l’article L. 412-4 du code de la recherche, un contrat de droit public dénommé "contrat postdoctoral" qui permet de recruter un jeune chercheur, ayant obtenu son doctorat depuis trois ans au plus, pour exercer une activité de recherche dans le cadre d'un projet retenu au titre d'un appel à projets. Ce contrat doit permettre au chercheur d’approfondir sa pratique de la recherche, de faciliter sa transition professionnelle vers des postes permanents en recherche publique ou privée ou de prendre, le cas échéant, des responsabilités scientifiques au sein de l’établissement.

Le décret n° 2021-1450 du 4 novembre 2021 fixe les modalités de recrutement, les conditions de l'exercice des fonctions et les mesures d'accompagnement des bénéficiaires de ces contrats postdoctoraux. Il détaille les modalités de recrutement du chercheur (article 2) et prévoit également les clauses que doit obligatoirement comporter le contrat postdoctoral établi par écrit (article 3). Il précise les modalités de l’accueil en délégation, en France ou à l’étranger, du postdoctorant (article 4) ainsi que les entretiens, accompagnements spécifiques et actions de formation dont il doit bénéficier (article 5).

L’arrêté du 4 novembre 2021 relatif à la rémunération des agents bénéficiaires du contrat postdoctoral de droit public prévu à l'article L. 412-4 du code de la recherche prévoit que le contrat postdoctoral sera au minimum rémunéré mensuellement 2 146 euros brut, puis 2 271 euros brut à partir du 1er septembre 2022.

Questions propres aux agents de droit privé

  • Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche – Articles L. 3142-125 et suivants du code du travail – Personnels salariés de droit privé – Congé d’enseignement ou de recherche

Décret n° 2021-1332 du 12 octobre 2021 relatif au congé d’enseignement ou de recherche
J.O.R.F. du 14 octobre 2021

L’article 26 de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement a créé un nouveau congé d’enseignement ou de recherche pour le salarié de droit privé qui souhaite exercer des fonctions d'enseignement ou de recherche en dehors de son entreprise. Ce congé, prévu aux articles L. 3142-125 et suivants du code du travail, remplace l’autorisation d’absence plus restrictive prévue par les articles L. 6322-53 et suivants du même code, abrogés par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Les articles D. 3142-77 à D. 3142-81 du code du travail, créés par le décret d’application n° 2021-1332 du 12 octobre 2021, précisent ainsi certaines modalités de mise en œuvre du congé d’enseignement ou de recherche, applicables à défaut d’accord collectif, afin de permettre aux personnels salariés de droit privé d'obtenir soit un congé, soit une période de travail à temps partiel, pour exercer des fonctions d'enseignement ou de recherche dans un service de recherche des administrations, dans les établissements publics de recherche et dans les établissements d'enseignement supérieur.

Questions propres aux personnels de l'Enseignement supérieur et de la Recherche

  • Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche – Article L. 422-2 du code de la recherche – Article L. 952-11 du code de l’éducation – Éméritat – Directeurs de recherche, professeurs des universités et maîtres de conférences admis à la retraite

Décret n° 2021-1422 du 29 octobre 2021 modifiant les règles relatives à l'éméritat des directeurs de recherche
Décret n° 2021-1423 du 29 octobre 2021 relatif à l'éméritat des professeurs des universités et des maîtres de conférences
J.O.R.F. du 31 octobre 2021

L’article 14 de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur a harmonisé le cadre juridique de l'éméritat.

Les articles L. 422-2 du code de la recherche, pour les directeurs de recherche, et L. 952-11 du code de l’éducation, pour les professeurs des universités, précisent désormais que ces personnels émérites ne peuvent être électeurs et éligibles aux élections des conseils et instances des établissements et ne peuvent être soumis à aucun lien de subordination, ni assumer aucune fonction de direction, ni disposer d'aucune autorité ni délégation de gestion sur les moyens humains, matériels et financiers de l'établissement. Les conditions de présence de l’agent émérite sont fixées par une convention de collaborateur bénévole qui prévoit les modalités de sa résiliation et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements de l’intéressé, dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur applicable aux personnels civils de l'État.

Pris en application, respectivement, de ces articles L. 422-2 du code de la recherche et L. 952-11 du code de l’éducation, les décrets n° 2021-1422 et n° 2021-1423 du 29 octobre 2021 précisent, pour les directeurs de recherche et les enseignants-chercheurs, la durée de l'éméritat, limitée à cinq ans et renouvelable deux fois dans la limite maximale de quinze ans, et les droits attachés à ce titre.

S’agissant des directeurs de recherche des établissements public à caractère scientifique et technologique, les articles 57-1 à 57-3 du décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983 modifié fixant les dispositions statutaires communes aux corps de fonctionnaires des établissements publics scientifiques et technologiques prévoient désormais que le titre de directeur de recherche émérite est attribué de plein droit, dès leur admission à la retraite, aux directeurs de recherche titulaires d'une des distinctions scientifiques dont la liste sera fixée par un arrêté du ministre chargé de la recherche. L'éméritat autorise les directeurs de recherche admis à la retraite à apporter un concours, à titre accessoire et gracieux, aux missions de la recherche, à participer à la formation initiale et continue, aux jurys de thèse ou d'habilitation et à diriger des séminaires.

S’agissant des enseignants-chercheurs, l’éméritat est désormais ouvert à tous les maîtres de conférences, qu’ils soient ou non titulaires d’une habilitation à diriger les recherches (H.D.R.). Ce titre leur permet de continuer à apporter un concours, à titre accessoire et gracieux, aux activités de recherche, notamment diriger des séminaires. Les professeurs d’université et maîtres de conférences titulaires d’une H.D.R. peuvent, en outre, participer aux jurys de thèse ou d'habilitation à diriger des recherches. Ils peuvent aussi poursuivre, jusqu'à leur terme, les directions de thèse acceptées avant leur admission à la retraite.

Ils sont soumis aux règles applicables aux agents publics s’agissant des dispositions du code de la propriété intellectuelle.

Une disposition transitoire prévoit enfin que les professeurs d'université émérites qui ont accepté les directions de thèse entre leur admission à la retraite et l'entrée en vigueur du décret n° 2021-1423 du 29 octobre 2021 continuent d'en assurer le suivi.

  • Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche – Article L.411-5 du code de la recherche – Personnels de la recherche publique – Déclaration d’intérêts préalable à l’exercice d’une mission d’expertise

Décret n° 2021-1448 du 4 novembre 2021 relatif à la déclaration d'intérêts préalable à l'exercice d'une mission d'expertise prévue par l'article L. 411-5 du code de la recherche
J.O.R.F. du 6 novembre 2021

L’article 23 de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement introduit à l’article L. 411-5 du code de la recherche l’obligation pour toute personne qui participe directement au service public de la recherche d'établir une déclaration d'intérêts préalablement à l'exercice d'une mission d'expertise auprès des pouvoirs publics et du Parlement. Cette mesure doit renforcer l’intégrité scientifique en prévenant d’éventuels conflits d’intérêts.

Le décret n° 2021-1448 du 4 novembre 2021 détermine les modalités d’application de cette déclaration d’intérêts.

Il précise ainsi les informations que doit comporter la déclaration d’intérêts (article 2). Cette déclaration d’intérêts doit être remise à l'autorité compétente au plus tard un mois avant le commencement de la mission d’expertise et répondre à un document type établi par arrêté du ministre chargé de la recherche (article 3). L’article 4 prévoit enfin la conservation de la déclaration d’intérêts pendant une durée de cinq ans.

Ces dispositions s’appliquent aux missions d’expertise sollicitées à compter du 1er janvier 2022.

Enseignants-chercheurs et enseigants

  • Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche – Articles L. 951-5 du code de l’éducation et L. 411-3-1 du code de la recherche – Personnels de l’enseignement supérieur – Personnels de la recherche – Cumul d’activités – Régime dérogatoire de déclaration préalable des activités accessoires

Décret n° 2021-1424 du 29 octobre 2021 relatif à la déclaration de certaines activités accessoires par les personnels de l’enseignement supérieur et les personnels de la recherche en application de l’article L. 951-5 du code de l’éducation et de l’article L. 411-3-1 du code de la recherche
J.O.R.F. du 31 octobre 2021

L’article 36 de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement a simplifié, par la création de deux nouveaux articles L. 951-5 du code de l’éducation et L.411-3-1 du code de la recherche, les règles de cumul d’activités pour les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Un simple régime de déclaration préalable vient ainsi remplacer l’autorisation préalable de cumul d’activités accessoires prévue par les dispositions du IV de l’article 25 septies de la loi n° 83-643 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pour les enseignants-chercheurs ou chercheurs qui souhaitent exercer une activité accessoire qui relève de leurs missions statutaires mentionnées aux articles L. 123-3 du code de l’éducation, pour les premiers, et L. 411-1 du code de la recherche, pour les seconds.

L'activité accessoire déclarée pourra s'exercer auprès d'un établissement d'enseignement supérieur, d'un établissement public de recherche relevant du livre III du code de la recherche, d'un établissement public relevant du décret mentionné à l'article L. 112-6 du même code, d'une fondation reconnue d'utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique, du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, d'une administration de l'État, d'une collectivité territoriale, d'une organisation internationale intergouvernementale, d'une institution ou d'un organe de l'Union européenne.

Le décret n° 2021-1424 du 29 octobre 2021 précise les modalités de mise en œuvre de ce nouveau régime déclaratif.

La déclaration écrite doit être présentée par l’agent au plus tard quinze jours avant l'exercice de l’activité accessoire à l'autorité hiérarchique dont il relève pour l'exercice de ses fonctions et comporter un certain nombre d’informations précisées à l’article 3 du décret. L’article 4 prévoit les cas d’opposition de l’autorité hiérarchique à l’exercice d’une activité accessoire et précise que l’autorité compétente peut faire part à l’agent de recommandations visant à assurer le respect de ses obligations déontologiques et le fonctionnement normal du service.

Ces dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2022.

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Ont participé à ce numéro : Olivia Allart, Bertille Avot, Simon Barthelemy, Cédric Benoit, Florian Benoit, Sonia Blanchet, Alexis Bouguier, Benjamin Charrier, Sophie Decker-Nomicisio, Philippe Dhennin, Stéphanie Frain, Alexandra Gaudé, Anne Gautrais, Audrey Ghazi Fakhr, Sophie Goyer-Jennepin, Alexandre Jamet, Mathilde Janicot, Jean Laloux, Auréane Landon, Alexandra Lecomte, Chloé Lirzin, Clémence Paillet-Augey, Marie-Véronique Patte-Samama, Amandine Renault, Frédéric Rochambeau, Louis Rouquette, Virginie Simon, Marlène Spinhirny, Juliette Uzabiaga, Dana Zeitoun

N° ISSN : 1265-6739