La Lettre d’information juridique n° 223 – janvier 2023
Lettre de la direction des affaires juridiques du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche
Éditorial
C’est parfois à l’occasion de contentieux de faible portée pratique que sont rappelés les principes essentiels du droit de l’administration. Le Conseil d’État avait ainsi à connaître, à l’automne dernier, de la légalité d’une des multiples réponses de la FAQ ministérielle publiée et régulièrement mise à jour pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Cette réponse, qui tenait compte du pic de l’hiver précédent, où la maladie, moins sévère, était néanmoins susceptible d’éloigner massivement les professeurs de leurs classes, indiquait en substance que, face à une situation imprévisible empêchant le fonctionnement du service, une autorisation d’absence pour motif syndical pouvait être abrogée. En d’autres termes, si, postérieurement à la décision accordant l’autorisation, il s’avérait que la présence de l’agent au jour prévu de l’absence était indispensable au bon fonctionnement du service, l’administration pouvait revenir sur l’autorisation.
Il n’est pas certain que la situation envisagée, par nature exceptionnelle, se soit jamais rencontrée ; et, à la faveur de l’évolution de l’épidémie, la réponse a ensuite été retirée de la FAQ, dans laquelle elle n’apparaissait plus nécessaire.
Mais c’est à l’occasion d’un recours contre ces quelques lignes que le Conseil d’État a jugé, plus largement, que les autorisations d’absence, pour créatrices de droit qu’elles sont, demeurent subordonnées à la condition que les nécessités du fonctionnement du service permettent l’absence effective de l’agent. Il a ainsi rappelé que l’exercice du droit syndical doit être concilié avec les nécessités du fonctionnement du service, en particulier sa continuité. L’écho est net avec un grand arrêt rendu quelque soixante-douze ans plus tôt et qui affirmait la nécessité de concilier la défense des intérêts professionnels et la sauvegarde de l’intérêt général. Le service public, et par lui la fonction publique, ont leurs sujétions propres, qui font à la fois leur originalité et leur grandeur.
Guillaume Odinet
Jurisprudence
Enseignement scolaire
Exercice de l’autorité parentale
T.A. Toulouse, 18 mai 2022, n° 1905811
Inscription des élèves
J.R.C.E., 31 octobre 2022, n° 468335, n° 468341, n° 468344, n° 468351, n° 468356 et n° 468362
Procédure
T.A. Limoges, 20 octobre 2022, n° 2200973
Sanctions
T.A. Marseille, 20 septembre 2022, n° 2202075
Enseignement supérieur et recherche
Autres établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (E.P.S.C.P.)
C.E., 7 novembre 2022, n° 458963, n° 459235 et n° 467599
Cycle master
C.A.A. Marseille, 10 octobre 2022, n° 21MA00352
Autres aides financières
C.E., 27 octobre 2022, n° 461383
Examens, concours et diplômes
Baccalauréat
C.E., 10 octobre 2022, Association Créer son école et autres, n° 450721
Personnels
Recrutement et changement de corps
T.A. Paris, 23 septembre 2022, n° 2018450
Liste d’aptitude
T.A. Paris, 12 octobre 2022, n° 2007371
Autorisations d’absence (mandat électif, etc.)
C.E., 10 octobre 2022, Fédération Sud Éducation, n° 460776, aux tables du Recueil Lebon
Protection fonctionnelle
T.A. Paris, 21 octobre 2022, n° 2104700
Droit de retrait
C.A.A. Paris, 28 octobre 2022, n° 21PA04276
Primes et indemnités
C.E., 28 septembre 2022, n° 451488 et n° 461102, aux tables du Recueil Lebon
C.A.A. Versailles, 15 septembre 2022, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, n° 20VE03322
Procédure (discipline)
C.E., 21 octobre 2022, n° 456254, aux tables du Recueil Lebon
Personnels d’éducation et de surveillance
T.A. Clermont-Ferrand, 22 septembre 2022, n° 2000364
Concours
C.E., 28 octobre 2022, n° 450362, n° 450369 et n° 450370, aux tables du Recueil Lebon
C.E., 28 octobre 2022, n° 461633, aux tables du Recueil Lebon
Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille
Personnels
C.E., 14 octobre 2022, Fédération de la formation et de l'enseignement privés-C.F.D.T., n° 451581, aux tables du Recueil Lebon
Procédure contentieuse et questions de droit civil et pénal appliquées au droit de l’enseignement
Recevabilité des requêtes
C.E., 21 juillet 2022, Fédération des employés et cadres - Force ouvrière, n° 449388, aux tables du Recueil Lebon
Médiation
T.A. Marseille, 20 septembre 2022, n° 2202075
Accès aux documents administratifs
Secret protégé par la loi
C.E., Section, 7 octobre 2022, Association Anticor, n° 443826, au Recueil Lebon
Enseignement scolaire
Exercice de l’autorité parentale
- Exercice de l’autorité parentale – Droit de surveillance de l’éducation de l’enfant – Portée
T.A. Toulouse, 18 mai 2022, n° 1905811
Le père d’une élève, dont l’exercice de l’autorité parentale avait été retiré par le juge aux affaires familiales et confié exclusivement à la mère, demandait au tribunal administratif de Toulouse d’annuler la décision par laquelle le proviseur du lycée de sa fille avait refusé de lui donner l'accès à l'espace numérique de travail (E.N.T.).
Les juges ont d’abord rappelé les exigences et les limites du devoir d’information du chef d’établissement à l’égard des parents qui n’exercent pas l’autorité parentale sur leurs enfants, qui découlent des dispositions applicables du code civil et du code de l’éducation.
Le tribunal administratif en a déduit que : "Si l'exercice du droit de surveillance de l'éducation de son enfant par le parent auquel le droit de garde et d'exercice effectif de l'autorité parentale n'a pas été confié par le juge aux affaires familiales comporte la possibilité pour lui, s'il en fait la demande, d'être informé par l'établissement scolaire du déroulement général de la scolarité de cet enfant, les directeurs ou chefs des établissements dans lesquels sont scolarisés des enfants de parents séparés ou divorcés ne sont pas tenus de faire connaître aux parents non-gardiens et non-détenteurs de l'exercice de l'autorité parentale toutes les mesures prises au cours de la scolarité de ces enfants."
Considérant que le défaut d’accès à l’E.N.T., qui portait sur la gestion courante de la vie scolaire, ne privait pas le requérant de la possibilité d'être informé du déroulement général de la scolarité de sa fille et des choix importants relatifs à sa scolarité, dont il avait connaissance notamment via la transmission des bulletins trimestriels de son enfant et du relevé de ses absences, le tribunal administratif a rejeté la requête.
N.B. : Cette position rejoint celle retenue par le tribunal administratif d’Orléans concernant la décision par laquelle la rectrice avait refusé à un parent déchu de l’exercice de l’autorité parentale l’accès en totalité aux documents concernant la santé et le comportement de son enfant (T.A. Orléans, 1er février 2022, n° 1902557, LIJ n° 221, juillet 2022).
Inscription des élèves
- Affectation – Référé-liberté – Enseignement général et technologique – Enseignement professionnel – Zone de desserte académique applicable à la voie professionnelle
J.R.C.E., 31 octobre 2022, n° 468335, n° 468341, n° 468344, n° 468351, n° 468356 et n° 468362
La procédure d’affectation des élèves en lycée est fixée par les articles D. 211-10 et D. 211-11 du code de l’éducation.
En vertu de l’article D. 211-10, le territoire de chaque académie est divisé en districts scolaires qui correspondent aux zones de desserte des lycées. Aux termes du premier alinéa de l’article D. 211-11 : "Les collèges et les lycées accueillent les élèves résidant dans leur zone de desserte." Le deuxième alinéa de cet article rappelle toutefois que cette affectation est conditionnée par l'effectif maximum d'élèves pouvant être accueillis dans chaque établissement, qui est déterminé par le DASEN agissant sur délégation du recteur d’académie en fonction des installations et des moyens dont l’établissement dispose.
Enfin, conformément au dernier alinéa de l’article D. 211-10, certains enseignements et spécialités professionnelles peuvent faire l’objet d’implantations correspondant à une desserte plus étendue, soit académique, soit commune à plusieurs académies, soit même nationale. Pour la voie professionnelle, la zone de desserte est donc bien plus élargie que pour la voie générale et technologique. Il en résulte que la voie professionnelle est plus sélective que la voie générale et technologique et que le nombre de places en lycée professionnel est limité.
En l’espèce, dans l’académie en cause, il avait été décidé que l’ensemble des spécialités professionnelles, eu égard à leur spécificité et à leur répartition inégale sur le territoire de l’académie, faisaient l’objet d’une desserte académique.
La procédure d’affectation des élèves, définie par le recteur d’académie, fait l’objet d’une circulaire académique, qui précise notamment les critères à prendre en compte. Ainsi, les élèves sollicitant une affectation dans un lycée public doivent renseigner leurs vœux par l'intermédiaire d'une application informatique nationale dénommée "Affelnet". Cette application repose sur un algorithme d'appariement entre les vœux formulés par les familles et les places disponibles dans chaque formation. Chaque vœu saisi dans Affelnet correspond à une formation ou spécialité dans un établissement, les familles étant incitées à formuler jusqu'à dix vœux.
Plusieurs familles résidant dans le département de l’Essonne contestaient, par la voie du référé-liberté, les décisions d’affectation de leur enfant en classe de seconde ou de première dans des filières générale, technologiques ou professionnelles pour l'année scolaire 2022-2023. Certains faisaient grief aux décisions de ne pas avoir fait droit à leur premier vœu, correspondant au lycée de la zone de desserte duquel ils relevaient, quand d’autres contestaient le fait qu’ils aient été admis.
Statuant sur l’appel formé par ces familles, le juge des référés du Conseil d’État a rejeté l’ensemble des requêtes.
S’agissant des élèves ayant reçu une affectation conforme à l’un des vœux qu’ils avaient formulés dans le cadre de la procédure Affelnet, y compris à l’occasion du second tour de la procédure organisé pour les élèves demeurés sans affectation à l’issue de la première phase d’affectation, le juge des référés a écarté l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à l’égalité d’accès à l’instruction, nonobstant les circonstances particulières invoquées, propres à chaque contentieux, à l’instar de l’éloignement du domicile de l’élève, de la crainte d’une agression ou encore de l’existence alléguée de problèmes de santé (n° 468341, n° 468351 et n° 468356), voire le fait que l’élève ait abandonné la formation à laquelle elle avait été affectée, de sorte qu'elle n'était plus scolarisée (n° 468344).
Il en va de même s’agissant de l’élève affecté dans un établissement ne correspondant à aucun des vœux qu’il avait initialement formulés, mais dont l’affectation répondait à son choix d’orientation et se trouvait dans la zone de desserte de la formation souhaitée (n° 468335). Le juge des référés du Conseil d’État a ainsi jugé que dès lors que l’élève est affecté dans une filière correspondant à l’un de ses vœux et dans un établissement dont il réside dans la zone de desserte, "alors même que l'établissement d'affectation ne correspond à aucun des vœux qu'il avait formulés et se trouve dans un environnement dans lequel [l’élève] ne souhaite pas se rendre, de sorte qu'il se trouve actuellement non scolarisé, l'affectation opérée n'a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'égal accès à l'instruction justifiant l'intervention du juge des référés sur le fondement de l'article L. 521 2 du code de justice administrative."
S’agissant d’un autre élève qui, orienté en classe de seconde professionnelle, avait accepté un redoublement en classe de troisième faute d’affectation conforme à ses vœux, le juge des référés du Conseil d’État, après avoir notamment relevé qu’il lui avait été proposé, postérieurement à l’introduction de sa requête, une affectation en classe de seconde professionnelle dans une filière qui répondait à son choix initial et que cette affectation avait été refusée par la famille, a jugé que l'administration ne pouvait être regardée comme ayant porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'égal accès à l'instruction justifiant l'intervention du juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative (n° 463862).
N.B. : En matière scolaire, le juge du référé-liberté retient l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsque l’enfant est privé de toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation ou d’une formation scolaire adaptée (cf. J.R.C.E., 15 décembre 2010, n° 344729, au Recueil Lebon). Ainsi, des décisions d’orientation contestées par la famille "qui ne privent pas l’élève (…) de toute possibilité de scolarisation ne sont pas susceptibles de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative" (J.R.C.E., 27 octobre 2016, n° 404657). Il en va de même lorsqu’une possibilité de scolarisation a été offerte à l’enfant mais que celle-ci a été refusée par les parents (J.R.C.E., 11 octobre 2021, n° 456727).
Procédure
- Commission académique d’appel – Irrégularité – Privation d’une garantie (non)
T.A. Limoges, 20 octobre 2022, n° 2200973
À la suite d’une agression sur l'un de ses camarades, un élève de cinquième avait fait l’objet d’une sanction d’exclusion définitive sans sursis prononcée tout d'abord par le conseil de discipline de l’établissement, puis confirmée par la rectrice après avis de la commission académique d’appel, conformément à la procédure prévue à l’article R. 511-49 du code de l’éducation.
Saisi par les parents de l’élève, le tribunal administratif de Limoges a, en premier lieu, rappelé que les moyens soulevés à l’encontre de la procédure suivie devant le conseil de discipline de l’établissement et de sa décision sont inopérants, la procédure suivie devant la commission académique d’appel saisie dans le cadre d’un recours administratif préalable obligatoire et la décision du recteur se substituant entièrement à elles.
Statuant sur un moyen tiré de l’irrégularité de la procédure menée devant la commission académique d’appel, en raison du fait que seul un professeur avait été entendu au lieu de deux, en méconnaissance des articles D. 511 39 et D. 511-52 du code de l'éducation, le tribunal administratif a considéré que cette circonstance ne pouvait être considérée comme ayant privé le requérant d’une garantie ou comme ayant exercé une influence sur le sens de la décision, "eu égard notamment aux propos particulièrement positifs tenus par le seul enseignant entendu, qui avait la qualité de professeur principal, et alors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que l’audition d’un autre professeur de la classe aurait permis d’apporter d’autres éclaircissements sur les circonstances qui ont fondé la sanction, la personnalité, le parcours ou les mérites scolaires [de l’élève]".
Il a également écarté le moyen tiré de la méconnaissance du délai d’un mois imparti au recteur pour se prononcer sur l’appel dont il était saisi à l’encontre d’une décision d’un conseil de discipline, le délai prévu à l’article D. 511 52 n’étant pas prescrit à peine de nullité (sur ce point, voir : CAA Marseille, 27 février 2017, n° 16MA01536).
Enfin, le tribunal a jugé qu’au regard de la gravité des faits commis (agression d’un autre élève à l’aide d’un ciseau dont la lame avait été aiguisée) et d’autres incidents violents survenus au cours de l’année (coups portés à un camarade, jeux brutaux dans la cour de récréation, etc.), la décision de la rectrice d’académie confirmant la sanction d’exclusion définitive sans sursis n’était ni entachée d’une erreur de fait ou d’appréciation, ni disproportionnée.
Sanctions
- Sanction disciplinaire prononcée par le chef d’établissement – Droits de la défense – Garantie
T.A. Marseille, 20 septembre 2022, n° 2202075
Si le chef d’établissement a la possibilité de prononcer seul une sanction d’exclusion temporaire, sans réunir le conseil de discipline, à l’encontre d’un collégien, en application de l’article R. 511-14 du code de l’éducation, cette procédure est entourée de garanties.
L’article R. 421-10-1 du même code prévit que dans le cas où le chef d’établissement se prononce seul, l’élève doit être préalablement informé des faits qui justifient l’engagement de la procédure disciplinaire et du délai dont il dispose pour présenter sa défense oralement ou par écrit ou en se faisant assister par une personne de son choix, qui ne peut être inférieur à deux jours ouvrables. Le deuxième alinéa de l’article R. 421-10-1 précise que : "Si l'élève est mineur, cette communication est également faite à son représentant légal afin que ce dernier produise ses observations éventuelles."
En l’espèce, le tribunal administratif de Marseille a relevé qu’"il est constant que [l’élève] n’a pas été informé des faits qui lui étaient reprochés, du délai dont il disposait pour présenter sa défense et de la possibilité qu’il avait de se faire assister par une personne de son choix. Son père n’ayant pas non plus été destinataire d’une telle communication, n’a pas été mis en mesure de produire des observations éventuelles. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que la sanction attaquée est entachée d’un vice de procédure, lequel a privé son fils et lui-même d’une garantie."
Par conséquent, le tribunal administratif de Marseille a annulé la sanction prononcée par le chef d’établissement.
N.B. : Selon une jurisprudence constante, lorsque le chef d’établissement prononce une sanction sur le fondement de l’article R. 421-10 -1 du code de l’éducation, c’est-à-dire sans l’intervention du conseil de discipline, cela ne l’exonère pas du respect des droits de la défense (cf. T.A. Nîmes, 6 mai 2010, n° 0803957, LIJ n° 150, décembre 2010 ; T.A. Paris, 30 novembre 2016, n° 1600785, LIJ n° 197, mars 2017). Ces éléments sont constitutifs d’une garantie et leur omission constitue un vice qui ne peut être "danthonysé".
Enseignement supérieur et recherche
Autres établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (E.P.S.C.P.)
- Directeur de l’Institut d’études politiques de Paris – Administrateur de la Fondation nationale des sciences politiques – Nomination – Principe d’impartialité – Recours à un cabinet de recrutement
C.E., 7 novembre 2022, n° 458963, n° 459235 et n° 467599
Deux candidats écartés des fonctions de directeur de l’Institut d’études politiques (I.E.P.) de Paris et d’administrateur de la Fondation nationale des sciences politiques (F.N.S.P.) demandaient l’annulation du décret du 19 novembre 2021 portant nomination du directeur de l’I.E.P. de Paris et de l’arrêté du même jour le désignant administrateur de la F.N.S.P., en soutenant que la procédure de désignation prévue par le décret n° 2015-1829 du 29 décembre 2015 approuvant les statuts de la F.N.S.P. et par le décret n° 2016-24 du 18 janvier 2016 relatif à l’I.E.P. de Paris n’avait pas été respectée.
La procédure de désignation prévoit que la nomination à chacune des deux fonctions intervient, selon le cas, sur proposition du conseil d’administration de la Fondation et du conseil de l’Institut. Cette proposition est elle-même préparée par une commission, commune aux deux institutions, qui organise un appel public à candidatures, examine les candidatures et sélectionne celles qui donnent lieu à audition devant elle, puis arrête une proposition, qui peut comporter plusieurs noms ou un seul, qu’elle transmet aux deux conseils.
Les deux requérants contestaient notamment le fait que la commission ait eu recours aux services d’un cabinet de recrutement, à qui les dossiers des candidats avaient été transmis pour qu’il procède à une première étude. Ils estimaient ce recours irrégulier dans son principe même dès lors qu’il n’avait pas été prévu par les textes régissant la procédure de désignation.
Le Conseil d’État a considéré que "si la commission de proposition a eu recours à un prestataire de services afin de l'assister dans l'examen des candidatures reçues à la suite de la publication de l'avis d'appel à candidatures, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mission ait eu pour effet de limiter son pouvoir d'appréciation et de modifier l'économie générale de la procédure de recrutement fixée par les dispositions citées (…), ni a fortiori que la commission se serait crue liée par les appréciations de ce prestataire sur les candidatures ou que ces appréciations l'auraient conduite à se prononcer sur ces candidatures au regard de motifs étrangers à l'évaluation de leurs mérites respectifs, révélant un manque d'impartialité, ou dans des conditions susceptibles de méconnaître le principe d'égalité de traitement des candidats. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la commission de proposition aurait ainsi violé ces dispositions et méconnu l'étendue de sa compétence ainsi que les principes d'impartialité et d'égalité de traitement des candidats."
Par ailleurs, le Conseil d’État a considéré que "si le principe d’impartialité s’impose à la commission de proposition comme à tous les organes administratifs, la seule circonstance que certains de ses membres aient auparavant entretenu des relations de nature professionnelle avec certains candidats n’est pas de nature à caractériser, par elle-même et pour ce seul motif, un défaut d’impartialité en faveur ou au détriment de ces candidats".
N.B. : Dans cet arrêt, le Conseil d’État fait application du principe d’impartialité, qui s’impose à tout organe administratif (cf. C.E., Assemblée, 13 juillet 2016, Sociétés Métropole Télévision et Paris Première, n° 396476, au Recueil Lebon), à la procédure de sélection mise en œuvre par un organe administratif pour la désignation du directeur de l’I.E.P. de Paris et de l’administrateur de la F.N.S.P. (également : conclusions du rapporteur public sur la présente décision du 7 novembre 2022, accessibles sur ArianeWeb ; C.E., 26 janvier 2018, n° 401796, aux tables du Recueil Lebon).
Par ailleurs, le Conseil d’État s’est déjà prononcé sur l’intervention d’un comité de sélection assisté par un cabinet de recrutement, contestée au motif qu’elle aurait dépossédé de sa compétence la véritable autorité de nomination, s’agissant de la nomination du président du conseil d’administration de l’École polytechnique, réalisée sur proposition de la ministre de la défense (C.E., 14 juin 2019, n° 424326, au Recueil Lebon).
Cycle master
- Admission en master 1 – Compétences du conseil d’administration – Capacité d’accueil – Critères de sélection
C.A.A. Marseille, 10 octobre 2022, n° 21MA00352
Un étudiant contestait le refus du président de l’université de Nice Sophia-Antipolis opposé à son inscription en première année de master mention "métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation" au titre de l’année universitaire 2018-2019.
La cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa demande.
En vertu du deuxième alinéa de l’article L. 612-6 du code de l’éducation : "Les établissements peuvent fixer des capacités d’accueil pour l’accès à la première année du deuxième cycle. L’admission est alors subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat." L’article D. 612-36-2 du même code prévoit que : "(…) Les motifs pour lesquels l’admission est refusée sont communiqués aux candidats qui en font la demande dans le mois qui suit la notification de ce refus."
Sur le fondement de ces dispositions, la cour a jugé que lorsqu'une université décide de limiter les capacités d'accueil pour l'accès à la première année du deuxième cycle, le deuxième alinéa de l'article L. 612-6 du code de l'éducation lui fait obligation d'organiser une sélection des candidats, soit par l'organisation d'un concours, soit par l'examen des dossiers de candidature. En revanche, si les motifs pour lesquels l’admission en master est refusée sont communiqués aux candidats qui en font la demande, "aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n’imposent au conseil d’administration qui aurait opté pour le second mode de sélection de définir les critères de sélection au regard desquels seront examinés ces dossiers".
En l’espèce, le projet d’arrêté du président de l’université, approuvé par délibération du conseil d’administration de l’université de Nice Sophia-Antipolis définissait les dispositions relatives à la sélection en première année de master en indiquant que le dossier de chaque candidat devait permettre d’appréhender son profil, son cursus et ses compétences, le niveau des études et formations suivies ainsi que son projet professionnel.
La cour a donc estimé que : "En précisant, comme elle l’a fait dans son arrêté, les capacités d’accueil, la subordination de l’admission à l’examen des dossiers de candidature, lesquels doivent comporter diverses pièces dont la liste figure en annexe, ainsi que l’éventualité d’un entretien, l’université, qui n’avait pas l’obligation de définir spécifiquement des modalités de sélection autres que celles procédant nécessairement de l’examen des mérites de chaque dossier de candidature n’a pas méconnu les dispositions du code de l’éducation."
N.B. : Cet arrêt intervient, concernant les formations sélectives, à la suite d’un arrêt du Conseil d’État qui a jugé que "le conseil d’administration, auquel il appartient de déterminer la politique de l’établissement, est compétent pour fixer, s’il y a lieu, les capacités d’accueil et les modalités de sélection pour l’accès à la première année du deuxième cycle" (C.E., 27 avril 2022, Université de Paris, n° 450490, aux tables du Recueil Lebon, LIJ n° 221, juillet 2022).
Autres aides financières
- Aide exceptionnelle – Modalités de versement – Méconnaissance du principe d’égalité (non) – Bourses sur critères sociaux
C.E., 27 octobre 2022, n° 461383
Pour lutter contre les conséquences de la hausse du coût de la vie, l'article 13 de la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 a instauré le versement d’une aide exceptionnelle de 100 euros à toute personne âgée d’au moins seize ans dont les ressources, "appréciées au regard de sa situation", la rendent particulièrement vulnérable à la conjoncture économique.
Pris pour l’application de cette disposition législative, l'article 7 du décret n° 2021-1623 du 11 décembre 2021 a prévu une liste limitative des bénéficiaires.
Un requérant demandait au Conseil d’État d’annuler le décret du 11 décembre 2021 précité au motif qu’il méconnaissait le principe d’égalité en excluant du bénéfice de l’aide exceptionnelle de 100 euros les étudiants ne disposant d’aucun revenu ni d'aucune aide sociale, mais résidant toujours chez leurs parents.
Après avoir rappelé que : "Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différentes des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans un cas comme dans l’autre, en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier", le Conseil d’État a jugé en l’espèce que le législateur a conféré au pouvoir réglementaire un pouvoir d’appréciation lui permettant de distinguer entre les étudiants selon leur situation financière pour déterminer les catégories de personnes concernées par cette aide exceptionnelle. Il en a déduit qu’il était donc loisible au pouvoir réglementaire d’en réserver le versement aux étudiants les plus vulnérables, eu égard à l’objet de l’aide exceptionnelle.
Ainsi, en incluant dans le dispositif des étudiants bénéficiant d’aides déjà soumises à des conditions de ressources, et notamment les bourses sur critères sociaux visées à l’article L. 821-1 du code de l’éducation, le pouvoir réglementaire n’a pas méconnu sa compétence et a "tenu compte des situations particulières des uns et des autres, sans édicter de mesure manifestement disproportionnée au regard des différences qui existent entre étudiants, d’une part, et entre étudiants et autres catégories de personnes éligibles à l’aide, d’autre part".
Examens, concours et diplômes
Baccalauréat
- Baccalauréat général et technologique – Contrôle continu – Égalité de traitement entre les candidats
C.E., 10 octobre 2022, Association Créer son école et autres, n° 450721
Confirmant la solution retenue par le juge des référés dans son ordonnance du 19 mai 2021 n° 450751, le Conseil d’État a rejeté le recours pour excès de pouvoir dirigé contre les textes organisant l’examen du baccalauréat général et technologique de la session 2021 dans le contexte de l’épidémie de covid-19, plus particulièrement du décret n° 2021-209 du 25 février 2021, de l’arrêté du même jour et de la note de service du 23 février 2021, modifiée le 9 juin 2021, fixant les dates des épreuves écrites de spécialité pour les candidats scolarisés dans les établissements privés hors contrat pour la session 2021.
Les associations et particuliers requérants invoquaient une méconnaissance du principe d'égalité de traitement entre les candidats au baccalauréat, en tant que ces textes prévoyaient le maintien des épreuves terminales de spécialité de la session 2021 du baccalauréat pour les seuls candidats scolarisés dans les établissements d’enseignement privés hors contrat, au lieu de les remplacer par la prise en compte des notes de contrôle continu comme c’était le cas pour les élèves de l’enseignement public et privé sous contrat.
Le Conseil d’État a toutefois considéré que le principe d’égalité de traitement entre les candidats au baccalauréat n’avait pas été méconnu.
D’une part, après avoir rappelé les modalités de contrôle de l’État sur les établissements d’enseignement privés hors contrat issues du I de l’article L. 442-2 du code de l’éducation et la liberté reconnue à ces établissements en matière de programmes d’enseignement et de déroulement de la scolarité du second degré, le Conseil d’État a estimé que la différence de traitement consistant à maintenir les épreuves terminales de spécialité pour les seuls élèves de l’enseignement privé hors contrat était justifiée par une différence de situation entre ces candidats et ceux de l’enseignement public et privé sous contrat. En outre, cette différence de traitement était en rapport direct avec l’objet des textes attaqués et n’était pas manifestement disproportionnée au regard de l’objectif de contrôle des connaissances requises sanctionné par le diplôme (points 5 et 6).
Le Conseil d’État a notamment écarté comme inopérante l’argumentation tirée "de ce que les notes figurant sur les relevés de notes tenant lieu de livret scolaire des élèves des établissements privés hors contrat sont susceptibles d'être prises en compte dans le cadre de la procédure nationale de préinscription dans les établissements d'enseignement supérieur, dite "Parcoursup", prévue à l'article L. 612-3 du code de l'éducation, qui a un autre objet".
D’autre part, le Conseil d’État a estimé que si la situation sanitaire existant au printemps 2020 avait conduit à la suppression des épreuves terminales pour l’ensemble des candidats au baccalauréat, la circulation de l’épidémie au printemps 2021 ne faisait pas obstacle à l’organisation d’épreuves terminales de spécialité pour les élèves des établissements privés hors contrat, au regard de leur nombre limité, évalué à 4 000 (point 7).
N.B. : Le Conseil d’État avait déjà jugé que, dès lors que ni les programmes de l’enseignement public, ni les contrôles destinés à en assurer le respect ne s’imposent aux établissements d’enseignement privés hors contrat, ces derniers ne sauraient réclamer que leur soient appliquées les mêmes règles en matière de contrôle continu en vue de la délivrance du baccalauréat, la différence de traitement entre les candidats étant ainsi justifiée par une différence de situation, en rapport direct avec l’objet des dispositions régissant cet examen (C.E., 24 juillet 2019, Fondation pour l'école et al., n° 424260, aux tables du Recueil Lebon ; C.E., 29 décembre 2020, Fédération nationale de l'enseignement privé, nos 46980 et 440927, dont la LIJ n° 214 a rendu compte).
Personnels
Recrutement et changement de corps
- Fonctionnaires et agents publics – Refus de nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire – Faits incompatibles avec l’exercice des fonctions – Garanties requises – Présomption d’innocence
T.A. Paris, 23 septembre 2022, n° 2018450
Le requérant, admis au concours de recrutement des professeurs certifiés, contestait la décision de l’administration portant refus de nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire au motif qu’il ne présentait pas les garanties requises pour exercer les fonctions d’enseignant. À la date de cette décision, il faisait l'objet d'une mise en examen pour des faits d'association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes.
Appliquant la jurisprudence Barel du 28 mai 1954 (C.E., Assemblée, n° 28238-28493-28524-30237-30256, au Recueil Lebon), le tribunal a rappelé qu’"il appartient [à l’administration] (…) d’apprécier, dans l’intérêt du service, compte tenu de la nature des fonctions auxquelles ils postulent et sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les intéressés présentent les garanties requises" pour procéder à la nomination des candidats admis à un concours, en plus de vérifier les conditions fixées à l’article 5 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, alors en vigueur à la date de la décision attaquée (aujourd’hui codifié à l’article L. 321-1 du code général de la fonction publique).
En l’espèce, l’intéressé avait été mis en examen car il avait consulté régulièrement de la propagande terroriste, apporté son soutien à deux personnes dans leur départ en Syrie afin de rejoindre les rangs de l’organisation État islamique, avait maintenu son soutien aux intéressés après ce départ, et mis à la disposition d’un tiers – également mis en cause dans le passé pour son implication dans des groupes terroristes – un local pour y prêcher le djihad.
Au vu de ces éléments, le tribunal administratif a considéré que : "En estimant, au regard de ces faits, dont le requérant ne conteste pas sérieusement la matérialité, que M. X ne présentait pas les garanties requises pour exercer les fonctions d’enseignant, et en refusant pour ce motif de prononcer sa nomination en qualité de professeur certifié stagiaire, le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports n’a pas entaché sa décision d’erreur d’appréciation ni méconnu, alors même que l’information judiciaire ouverte contre l’intéressé était toujours en cours, le principe de présomption d’innocence."
Le tribunal administratif a donc rejeté sa requête.
Liste d’aptitude
- Fonctionnaires et agents publics – Changement de corps – Éléments d'appréciation – Manière de servir – Difficultés relationnelles
T.A. Paris, 12 octobre 2022, n° 2007371
Le requérant, professeur certifié, demandait au tribunal administratif de Paris d’annuler l’arrêté du ministre de l’éducation nationale du 23 mai 2019 portant inscription sur la liste d’aptitude pour l’accès au corps des professeurs agrégés de l’enseignement du second degré établie au titre de l’année 2019, en application du 2° de l'article 5 du décret n° 72-580 du 4 juillet 1972, ainsi que l’arrêté en date du 24 mai 2019 nommant 356 professeurs inscrits sur cette liste d’aptitude dans le corps des professeurs agrégés à compter du 1er septembre 2019.
Le tribunal administratif a rejeté sa requête, estimant que le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ne retenant pas sa candidature.
Le tribunal a d’abord rappelé le considérant de principe selon lequel "il n’appartient pas au juge de l’excès de contrôler l’appréciation faite par l’administration quant au choix des agents qui sont inscrits ou qui ne sont pas inscrits sur cette liste dès lors que cette appréciation n’est pas fondée sur des faits matériellement inexacts et n’est pas entachée d’une erreur de droit ou d’une erreur manifeste [mais] il [lui] appartient [en revanche] (…) d’analyser les mérites comparés [du] candidat [écarté] et de ceux dont il conteste la nomination" (cf. C.E., 9 avril 1999, n° 196802, aux tables du Recueil Lebon).
Ainsi que la note de service ministérielle n° 2018-151 du 24 décembre 2018 relative à l’accès au corps des professeurs agrégés par voie de liste d’aptitude au titre de l'année 2019 l'indiquait, l'appréciation de la valeur professionnelle des candidats ne devait pas se limiter au seul cadre de la classe, afin de mettre en valeur les dossiers des candidats dont le service traduisait un engagement et un rayonnement au bénéfice de toute l'institution scolaire.
Le tribunal administratif a également rappelé qu’il ressortait expressément de la note de service que la candidature pouvait être examinée en tenant compte du parcours de carrière et du parcours professionnel du candidat. Il en a déduit que les difficultés relationnelles rencontrées par le candidat dans son établissement pouvaient être prises en considération à ce titre.
Or, en l'espèce, si le requérant avait bénéficié par le passé de très bonnes appréciations sur la valeur de son enseignement, il rencontrait depuis 2014 de graves difficultés relationnelles, attestées par son chef d'établissement et l'inspecteur d’académie-inspecteur pédagogique régional : il ne travaillait pas en équipe, contestait les préconisations de l’inspection, se trouvait en situation conflictuelle au sein de l'équipe éducative de sa discipline, adoptait un positionnement inadapté avec tous les acteurs de l’établissement et face à sa hiérarchie, au point même de perturber le fonctionnement de l'établissement.
Par suite, le tribunal a considéré que le refus de faire bénéficier le requérant d'une promotion dans le corps des professeurs agrégés n'était pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Autorisations d’absence (mandat électif,etc.)
- Droit syndical – Autorisations spéciales d'absence pour motif syndical – Autorisation de congé pour formation syndicale – Acte créateur de droits – Possibilité d'abrogation pour nécessités de service
C.E., 10 octobre 2022, Fédération Sud Éducation, n° 460776, aux tables du Recueil Lebon
La rubrique "foire aux questions" relative au coronavirus Covid-19 diffusée sur le site internet du ministère de l’éducation nationale indiquait, en réponse à la question : "Quelles sont les recommandations concernant la tenue des réunions syndicales et les absences pour motif syndical ?", que : "Face à une situation imprévisible qui empêche le fonctionnement du service, et sous les mêmes conditions de motivation, une autorisation de participation pourrait être retirée. Ainsi pourrait-il en être pour une autorisation de participation à un stage de formation syndical délivrée, conformément aux textes, au moins quinze jours à l'avance."
Le Conseil d’État a jugé qu’en application des dispositions des décrets n° 82-447 du 28 mai 1982 et n° 84-474 du 15 juin 1984, les autorisations spéciales d’absence pour motif syndical ainsi que les autorisations de congé pour formation syndicale constituent des décisions créatrices de droits dont le maintien est subordonné à la condition que les nécessités du fonctionnement du service permettent l’absence effective de l’agent à la date considérée.
Par conséquent, elles peuvent être abrogées par l’administration, dans les conditions prévues à l’article L. 242-2 du code des relations entre le public et l’administration, lorsque les nécessités du service, survenues postérieurement à la décision d’octroi, s’opposent à l’absence de l’agent.
Dans un second temps, le Conseil d’État a précisé qu'"une décision d'autorisation d'absence accordée sur le fondement des dispositions [des décrets des 28 mai 1982 et 15 juin 1984] ne peut être abrogée que pour un motif tiré des nécessités du fonctionnement du service, avec lesquelles doit être concilié l'exercice du droit syndical dans la fonction publique. Dès lors, en prévoyant que ces autorisations peuvent être abrogées en cas de situation imprévisible qui empêche le bon fonctionnement du service, les énonciations attaquées n'ont pas porté une atteinte illégale à la liberté syndicale."
Protection fonctionnelle
- Refus du bénéfice de la protection fonctionnelle – Lien de causalité entre les fonctions exercées par l’agent et les attaques (absence) – Vie privée
T.A. Paris, 21 octobre 2022, n° 2104700
Un agent avait sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison des messages électroniques injurieux et menaçants adressés par son ancienne compagne sur son adresse professionnelle et de ses appels téléphoniques répétés sur sa ligne professionnelle, celles de ses collègues et de ses supérieurs hiérarchiques.
Par un jugement du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision de refus qui lui avait été opposée.
Le tribunal administratif a considéré que, quand bien même la personne l'ayant harcelé avait mentionné de façon dépréciative les compétences et le comportement de l'agent en faisant référence à sa qualité de fonctionnaire, ses agissements avaient été inspirés par "un mobile personnel uniquement lié à leur vie privée, sans lien avec l’exercice de ses fonctions".
Le tribunal en a déduit que les faits litigieux n’étaient pas susceptibles d’ouvrir droit au bénéfice de la protection fonctionnelle.
Au surplus, il a retenu que l’administration n’était pas restée sans réaction puisqu’elle avait tenté de bloquer les appels téléphoniques et avait porté plainte contre l’ancienne compagne de l’agent.
N.B. : Cette décision apporte une précision utile à l’appréhension de la jurisprudence constante du Conseil d’État selon laquelle, pour que l'agent bénéficie d'une protection fonctionnelle, il faut que l’atteinte dont il fait l’objet ait pour but de lui nuire à raison de ses fonctions ou de sa qualité d’agent public (cf. C.E., Assemblée, 6 novembre 1968, n° 70283, au Recueil Lebon ; C.E., Section, 10 décembre 1971, n° 77764, au Recueil Lebon ; C.E., 26 septembre 2011, n° 329228, au Recueil Lebon). Le fait que l’ancienne compagne d’un agent lui profère des injures et menaces en mentionnant sa qualité d’agent public et appelle à de nombreuses reprises ses collègues et sa hiérarchie ne suffit pas à rattacher ces attaques aux fonctions de l’agent public car elles restent motivées par un mobile d’ordre privé.
Droit de retrait
- Maître contractuel de l’enseignement privé sous contrat – Inaptitude physique – Aménagement de poste et conditions de travail
C.A.A. Paris, 28 octobre 2022, n° 21PA04276
Un maître contractuel de l'enseignement privé sous contrat avait exercé son droit de retrait en faisant valoir que le poste qui lui avait été confié ne répondait pas aux exigences d'aménagement prescrites par le médecin de prévention.
Faisant suite à la mise en demeure du recteur d'académie de rejoindre son poste, le maître contractuel avait repris ses fonctions, présenté sa démission et adressé à l’administration une demande préalable indemnitaire tendant au versement de la somme de 55 743,68 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis en raison des refus répétés de l'administration d'adapter son poste de travail à son handicap visuel, de prendre en charge les frais correspondants, et de l'obligation dans laquelle il s'était trouvé, pour préserver sa santé, d'exercer son droit de retrait et, enfin, de démissionner de ses fonctions.
La cour administrative d'appel de Paris, statuant sur l'appel formé par l'intéressé, a rejeté sa requête.
Après avoir rappelé les termes des articles 5-6, 15 et 26 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982, la cour a précisé qu'"il relève de la seule responsabilité individuelle de l'agent de prendre toutes les dispositions nécessaires pour s'informer de l'évolution de la situation puisque son droit de retrait repose sur son appréciation subjective du danger et que pendant l'exercice de ce droit, il n'est en rien suspendu de ses fonctions, seule l'exécution des tâches regardées comme représentant un danger grave et imminent étant suspendue. Le droit de retrait est un acte de responsabilité individuelle qui ne saurait être subordonné à une décision de l'administration portant sur l'état des risques tant au moment de sa mise en œuvre que de son terme."
La cour a considéré qu'en l'espèce, l’agent n’avait pas apporté d'élément caractérisant un danger grave et imminent pour sa santé de nature à justifier l'exercice de son droit de retrait.
Elle a notamment retenu que dans l'une des affectations de l'agent, ce dernier avait fait obstacle à la conduite effective d'une prestation de conseil et d’identification de mesures compensatoires diligentée par une société mandatée à cet effet par l'administration.
La cour a considéré également que le requérant ne démontrait pas qu’il était dans l’impossibilité d’obtenir un appui technique de l'administration, comme par exemple un dispositif d'agrandissement des copies à corriger qui lui avait déjà été proposé dans un précédent poste.
La cour a relevé enfin que l’administration avait mis en place, certes tardivement, des aménagements de poste compatibles avec les prescriptions médicales, tels que la concentration des heures de travail de l’agent sur deux jours, la présence d’une aide pendant ses heures de service au sein de l’établissement scolaire et la mise à disposition de matériels supplémentaires adaptés dont l'intéressé n'avait vérifié la conformité avec les préconisations du médecin de prévention que plus d’un mois après leur livraison dans l’établissement.
Primes et indemnités
- Égalité de traitement des agents publics – Régime indemnitaire des enseignants-chercheurs
C.E., 28 septembre 2022, n° 451488 et n° 461102, aux tables du Recueil Lebon
Par deux décisions du 28 septembre 2022, le Conseil d’État a été amené à se prononcer sur le régime indemnitaire applicable aux enseignants-chercheurs au regard de l’égalité de traitement des agents publics.
1. Dans la décision n° 451488, était en cause l’arrêté du 26 février 2021 fixant le montant annuel des attributions individuelles de la prime de recherche et d'enseignement supérieur instituée par le décret n° 89-775 du 23 octobre 1989. Les requérants contestaient le montant de la prime allouée aux professeurs des universités, différent de celui alloué aux maîtres de conférences.
Après avoir rappelé que : "Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans un cas comme dans l'autre, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier" (cf. C.E., Assemblée, 11 avril 2012, Groupe d'information et de soutien des immigrés et Fédération des associations pour la promotion et l'insertion par le logement, n° 322326, au Recueil Lebon), le Conseil d’État a précisé que : "S’agissant des règles régissant les fonctionnaires, le principe d’égalité n’est, en principe, susceptible de s'appliquer qu'entre les agents appartenant à un même corps [C.E., 21 mai 2008, n° 293567, aux tables du Recueil Lebon], sauf à ce que la norme en cause ne soit, en raison de son contenu, pas limitée à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires" (C.E., 12 avril 2022, Fédération Sud Éducation, n° 452547, au Recueil Lebon, point 6, LIJ n° 221, juillet 2022).
En l’espèce, le Conseil d’État a considéré que : "Si [la] prime [de recherche et d’enseignement supérieur, allouée à différentes catégories d'enseignants-chercheurs et personnels assimilés] est versée à raison de la participation des agents concernés à l'élaboration et à la transmission des connaissances ainsi qu'au développement de la recherche, les dispositions qui la régissent n'impliquent nullement qu'elle soit attribuée dans les mêmes conditions à des fonctionnaires appartenant à des corps différents", refusant ainsi de faire une application transversale du principe d’égalité, réservée uniquement aux mesures indemnitaires détachables de l’appartenance à un corps de fonctionnaires ou à une catégorie d’agents publics.
Les professeurs des universités et les maîtres de conférences appartenant à des corps différents, le Conseil d’État a donc écarté le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité et rejeté le recours des requérants.
2. S’agissant de la décision n° 461102, les requérants demandaient l’annulation du troisième alinéa de l'article 3 du décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 qui prévoyait que les enseignants-chercheurs qui perçoivent des rémunérations complémentaires au titre de l’exercice d’une profession libérale ne peuvent bénéficier ni de l’indemnité liée au grade détenu ni de celle attachée à l’exercice de certaines fonctions ou responsabilités particulières.
Après avoir rappelé le principe dégagé dans sa décision "GISTI" précitée (C.E. Assemblée, n° 322326), le Conseil d’État a jugé que : "La disposition contestée, qui a pour effet de priver totalement les enseignants-chercheurs exerçant une activité libérale en complément de leur activité principale du bénéfice de ces deux indemnités au seul motif qu'ils perçoivent des rémunérations complémentaires au titre de l'exercice d'une activité libérale, introduit une différence de traitement sans rapport avec l'objet du texte qui institue ces indemnités."
S’agissant du motif d’intérêt général permettant de justifier une différence de traitement, la Haute Juridiction a précisé que "s'il était loisible au pouvoir réglementaire, en définissant le régime indemnitaire des enseignants-chercheurs, de valoriser l'engagement exclusif des enseignants-chercheurs dans leurs fonctions d'enseignement et de recherche, un tel motif n'est, en l'espèce, pas de nature à justifier la différence de traitement (…) entre, d'une part, les enseignants-chercheurs ayant une activité libérale, d'autre part, les enseignants-chercheurs percevant des rémunérations complémentaires à raison d'une autre activité accessoire".
En effet, il n’est pas impossible pour le pouvoir réglementaire de prévoir des règles valorisant l’engagement des agents envers le service public. Est ainsi admis l’intérêt général qui s’attache à la "valorisation d’une activité à temps plein au sein des établissements publics de santé" justifiant une différence de traitement entre praticiens à temps plein ou à temps partiel, avec des rémunérations proportionnellement inférieures pour les praticiens à temps partiel (cf. C.E., 26 juin 2009, Union nationale des syndicats de médecins des hôpitaux publics et Syndicat national des médecins, chirurgiens et spécialistes à temps plein des hôpitaux publics, n° 307369, au Recueil Lebon).
Sont également admises des règles indemnitaires différentes s’appliquant suivant que des praticiens exercent ou non une activité de clientèle privée (cf. C.E., 8 juillet 1988, Union nationale des syndicats de médecins des hôpitaux publics et Syndicat national des médecins, chirurgiens et spécialistes à temps plein des hôpitaux publics, n° 48679, au Recueil Lebon).
C’est aussi le cas de l’indemnité d'engagement de service public exclusif prévue au 6° de l'article D. 6152-23-1 du code de la santé publique (anciennement prévue à l’article 26-6 du décret n° 84-135 du 24 février 1984) versée aux praticiens des hôpitaux "qui s'engagent, pour une période de trois ans renouvelable, à ne pas exercer une activité libérale". Cette dernière a été jugée comme n’étant pas contraire au principe d’égalité, "les praticiens hospitaliers en position de détachement pour exercer leurs fonctions dans un établissement autre que public ne se trouv[ant] pas placés, au regard des dispositions statutaires invoquées, dans la même situation que ceux exerçant leurs fonctions dans un établissement public" (C.E., 25 juin 2003, n° 244264).
En l’espèce, l’exclusion des enseignants-chercheurs du bénéfice des indemnités en litige n’avait pas pour effet de valoriser tous les enseignants-chercheurs se consacrant exclusivement à leurs fonctions d’enseignement et de recherche, mais d’exclure seulement ceux qui, outre leur activité de service public, exerçaient une activité libérale.
Le Conseil d’État a ainsi considéré que l’alinéa attaqué était sans rapport avec l’objet de la norme, à savoir la revalorisation des carrières – pour l’indemnité liée au grade – et la valorisation de certaines activités – pour l’indemnité liée à l’exercice de certaines fonctions ou responsabilités et, par suite, l’a annulé.
- Section d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) – Directeurs adjoints – Indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves – Décret n° 2013-790 du 30 août 2013
C.A.A. Versailles, 15 septembre 2022, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, n° 20VE03322
Le décret n° 2013-790 du 30 août 2013 a institué une indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE) au bénéfice des personnels enseignants du premier degré exerçant dans les écoles maternelles et élémentaires et dans certaines structures, dont les sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA). Des professeurs des écoles nommés dans un emploi de directeur adjoint de section d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) de collège contestaient devant les juridictions administratives la légalité de refus de l'administration de les en faire bénéficier.
Pour l'application de l'article 2 du décret du 30 août 2013, qui prévoit que : "L'attribution de cette indemnité est liée à l'exercice effectif des fonctions enseignantes et de direction y ouvrant droit, en particulier au suivi individuel et à l'évaluation pédagogique des élèves, au travail en équipe et au dialogue avec les familles", la cour administrative d'appel de Lyon et des tribunaux administratifs avaient déjà jugé que pour être éligible à cette indemnité, un directeur adjoint de SEGPA devait au moins partiellement exercer des missions d'enseignement se caractérisant par la charge de dispenser directement un enseignement à des élèves réunis dans une classe (cf. C.A.A. Lyon, 18 mars 2021, n° 19LY02940).
De nombreux tribunaux administratifs avaient également estimé que le bénéfice de l'indemnité était subordonné à l'exercice cumulatif de fonctions de direction et d'enseignement.
Dans quinze arrêts rendus sur des appels du ministre, la cour administrative d'appel de Versailles, se ralliant à l'interprétation du décret du 30 août 2013 faite par l'administration, a considéré que les directeurs adjoints de SEGPA ne pouvaient pas être regardés comme exerçant effectivement des fonctions de direction, n'étant "pas chargé[s] de fonctions de représentation de la section, de fonctions liées à la répartition des moyens ou encore de fonctions d'encadrement de [leur] personnel".
Or, les quinze directeurs adjoints de SEGPA concernés n'exerçaient pas plus, de manière effective, de fonctions enseignantes ouvrant droit à l'indemnité.
Cette série de contentieux devrait se tarir avec la modification de l'article 2 du décret du 30 août 2013 par le décret n° 2019-1002 du 27 septembre 2019, qui prévoit désormais que la perception de l'ISAE est exclusive du bénéfice de l'indemnité de sujétions spéciales, régie par l'article 3 du décret n° 2002-47 du 9 janvier 2002, que perçoivent les directeurs adjoints de SEGPA.
Procédure (discipline)
- Décisions prises en considération de la personne – Droits de la défense – Communication du dossier – Enquête administrative – Procès-verbaux d’audition
C.E., 21 octobre 2022, n° 456254, aux tables du Recueil Lebon
Un sous-préfet contestait devant le Conseil d’État le décret du président de la République mettant fin à ses fonctions.
Le requérant soutenait notamment que la mesure avait été prise au terme d’une procédure irrégulière dès lors qu’il avait été privé de la possibilité de consulter les procès-verbaux des auditions réalisées dans le cadre de l’enquête administrative diligentée sur sa manière de servir.
Le Conseil d’État a rappelé que lorsqu'une enquête administrative était diligentée sur le comportement d'un agent public ou portait sur des faits susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire ou de justifier que soit prise une mesure en considération de sa personne, cet agent devait, en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, être mis à même d'obtenir communication du rapport établi à l'issue de cette enquête ainsi que, lorsqu'ils existaient, des procès-verbaux des auditions des personnes entendues dans le cadre de cette dernière, sauf si la communication desdits procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné (cf. C.E., 5 février 2020, n° 433130, au Recueil Lebon).
Le Conseil d’État a précisé que la circonstance que les procès-verbaux de ces auditions ne figuraient pas dans le dossier consulté par l'agent ne rendait toutefois pas la procédure irrégulière dès lors que ce dossier comprenait le rapport d'enquête et la liste des auditions et que l'agent n'avait pas demandé leur communication.
Comme le souligne le rapporteur public dans ses conclusions sur cette décision (accessibles sur ArianeWeb), à la différence du dossier individuel de l'agent mentionné à l'article L. 137-1 du C.G.F.P., "les contours du dossier de procédure sur lequel porte le droit à communication garanti par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ne sont pas fixés par avance, et dépendent au moins en partie de l'appréciation de l'intéressé quant à l'intérêt qu'il y a pour lui à demander communication de certaines pièces".
Personnels d’éducation et de surveillance
- Accompagnants des élèves en situation de handicap – Quotité de travail – Rémunération
T.A. Clermont-Ferrand, 22 septembre 2022, n° 2000364
La requérante, accompagnante d’élèves en situation de handicap (A.E.S.H.), demandait au tribunal administratif d’annuler la décision par laquelle le recteur de l’académie de Clermont-Ferrand avait rejeté sa demande de modification de la clause de son contrat portant sur la quotité de travail effectué. L’intéressée soutenait que cette clause – qui stipulait qu’elle était recrutée à temps incomplet pour accomplir 964 heures de travail sur 41 semaines (soit une quotité de service de 60 %) –, d’une part, méconnaissait la circulaire ministérielle n° 2019-090 du 5 juin 2019, qui, selon elle, impose de fixer le service hebdomadaire des A.E.S.H. à 24 heures et non à 23 heures 30, et, d’autre part, l’astreignait à un service hebdomadaire de 24 heures en étant rémunérée pour une durée inférieure.
Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, qui a statué par une série de jugements du 22 septembre 2022 sur des litiges similaires, a rejeté cette demande.
Le tribunal administratif a d’abord écarté le moyen tiré de l’illégalité de la clause prévoyant une durée d’accompagnement hebdomadaire de 23 heures 30 et non de 24 heures, en considérant que les dispositions du point 2.6.1. de la circulaire du 5 juin 2019, qui décrivent les modalités de calcul de la rémunération par un exemple tiré de la situation d’un agent dont le contrat de travail prévoit qu'il réalise une durée hebdomadaire d'accompagnement d'élèves de 24 heures et que sa durée de service est répartie sur 41 semaines, ne sauraient être regardées comme imposant de fixer à 24 heures hebdomadaires la quotité de travail d’un agent exerçant des missions d’A.E.S.H.
Le tribunal a ensuite constaté qu’en l’espèce, le produit de la durée de service d’accompagnement hebdomadaire de 23 heures et 30 minutes multipliée par 41 semaines étant la durée annuelle de service de son contrat fixée à 964 heures de travail sur 41 semaines, l’intéressée n’était pas fondée à soutenir qu’elle serait rémunérée pour une durée de service hebdomadaire inférieure à sa durée de travail, et elle n’établissait pas qu’elle serait astreinte à une durée de travail supérieure à celle prévue dans son contrat.
Concours
- Recrutement des enseignants-chercheurs – Avis du conseil académique sur les candidats retenus par le comité de sélection (art. 9-2 du décret n° 84-431 du 6 juin 1982) – Obligation de prendre une délibération propre pour chaque poste à pourvoir – Obligation de transmission préalable des avis des comités de sélection
C.E., 28 octobre 2022, n° 450362, n° 450369 et n° 450370, aux tables du Recueil Lebon
Trois requérants, parmi lesquels deux membres du conseil académique d’une université, demandaient l’annulation du décret portant nomination et affectation de deux professeurs d’université.
S’appuyant sur une jurisprudence classique par laquelle il admet la recevabilité des membres d’un organe consultatif à contester la légalité des décisions prises sur son avis (C.E., Section, 25 janvier 1963, Sieur X, n° 54030, au Recueil Lebon, p. 48 ; C.E., Section, 22 mars 1996, n° 151719, au Recueil Lebon), le Conseil d’État a admis l’intérêt à agir des deux membres du conseil académique contre le décret de nomination en cause pris après avis de ce conseil.
Il a ensuite jugé que : "Il résulte [de l'article 9-2 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984] qu'il incombe au conseil académique, siégeant dans une formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés de rang au moins égal à celui de l'emploi à pourvoir, au vu de la délibération du comité de sélection, de prendre, pour chaque poste à pourvoir, une délibération propre par laquelle il apprécie l'adéquation des candidatures au profil du poste et à la stratégie de l'établissement, sous le contrôle du juge et sans remettre en cause l'appréciation des mérites scientifiques des candidats retenus par le comité de sélection, lequel a la qualité de jury."
Reprenant sa jurisprudence sur les prérogatives du conseil académique en matière de recrutement des enseignants-chercheurs (C.E., 19 octobre 2012, n° 354220, aux tables du Recueil Lebon, point 1 ; C.E., 6 avril 2022, n° 441899, point 2), le Conseil d’État a aussi précisé que le conseil académique ne pouvait pas se prononcer par une seule délibération et un seul vote sur le recrutement de plusieurs enseignants-chercheurs, ce qu’avait fait, en l’espèce, le conseil académique de l’université qui avait émis par un seul vote et une seule délibération un avis global sur les candidats proposés en vue de pourvoir quatre postes de professeurs, les privant ainsi de la garantie d’un examen individuel de leur candidature. À cet égard, le Conseil d’État avait déjà jugé que l’établissement, pour un candidat à un poste d’enseignant-chercheur, d’un rapport unique cosigné par les deux rapporteurs privait l’intéressé d’une garantie au sens de la jurisprudence Danthony (C.E., 11 juillet 2012, n° 330366, aux tables du Recueil Lebon).
Relevant, en outre, que les membres du conseil académique n’avaient pas reçu communication au préalable des avis motivés du comité de sélection pour chacun des postes ouverts, le Conseil d’État a également rappelé qu’une simple lecture de ces avis en séance, lecture qui, en l’espèce, était alléguée en défense sans pouvoir être tenue pour établie par les pièces du dossier, ne suffisait pas, en tout état de cause, à garantir le respect des dispositions de l’article 9-2 du décret du 6 juin 1984.
Le Conseil d’État a donc jugé que "le décret attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière, compte tenu de l'absence, d'une part, de transmission de l'avis motivé du comité de sélection au conseil académique et, d'autre part, de délibération de sa part, procédure de recrutement par procédure de recrutement, alors qu'il s'agit dans les deux cas de formalités procédurales constitutives de garanties". Il a, par suite, annulé le décret de nomination attaqué.
- Concours de recrutement des professeurs du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) – Rôle de l’assemblée des chaires
C.E., 28 octobre 2022, n° 461633, aux tables du Recueil Lebon
Saisi par un candidat malheureux à une chaire de professeur du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), dont la candidature avait été retenue par le comité de sélection mais écartée par l’assemblée des chaires, le Conseil d’État s’est prononcé sur le rôle de cette dernière dans la procédure de recrutement des professeurs du CNAM prévue à l'article 9 du décret n° 2019-1122 du 31 octobre 2019.
Le Conseil d’État a précisé que : "Il résulte de [cet article 9 du décret du 31 octobre 2019] qu'il incombe à l’assemblée des chaires, siégeant dans une formation restreinte aux professeurs du Conservatoire national des arts et métiers, aux professeurs des universités et personnels assimilés et aux personnalités extérieures, au vu de la délibération du comité de sélection, de prendre une délibération propre par laquelle elle apprécie l’adéquation des candidatures au profil du poste et à la stratégie de l’établissement, sous le contrôle du juge et sans remettre en cause l’appréciation des mérites scientifiques des candidats retenus par le comité de sélection, lequel a la qualité de jury."
Le Conseil d’État a ainsi confirmé le caractère de concours de la procédure de recrutement des professeurs du CNAM telle qu’elle est désormais prévue par les nouvelles dispositions instituées par le décret du 31 octobre 2019, caractère qui avait été dénié sous l’empire des dispositions antérieures (cf. C.E., Section, 4 octobre 2012, n° 347312, au Recueil Lebon).
Il a également souligné le rapprochement de cette procédure spécifique de recrutement de celle des enseignants-chercheurs. En effet, le rôle de l’assemblée des chaires n’est pas sans rappeler le rôle du conseil académique des universités intervenant dans le recrutement des enseignants-chercheurs prévu à l’article 9-2 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 (cf. C.E., 19 octobre 2012, n° 354220, aux tables du Recueil Lebon, point 1 ; C.E., 29 mai 2020, n° 424367, aux tables du Recueil Lebon, point 2 ; C.E., 2 décembre 2020, n° 430058, point 2 ; C.E., 6 avril 2022, n° 441899, point 2).
Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille
Personnels
- Possibilité de bénéficier d’une rupture conventionnelle – Maîtres agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat simple – Maîtres délégués des établissements d'enseignement privés sous contrat d'association
C.E., 14 octobre 2022, Fédération de la formation et de l'enseignement privés-C.F.D.T., n° 451581, aux tables du Recueil Lebon
Par cette décision du 14 octobre 2022, le Conseil d’État a validé l’interprétation du champ d’application de l’article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, contenue dans une note de service du 26 novembre 2020 relative à la mise en œuvre de la rupture conventionnelle. Cette dernière indiquait que les maîtres agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat simple et les maîtres délégués des établissements d'enseignement privés sous contrat d'association ne bénéficiaient pas du dispositif de rupture conventionnelle prévu par l’article 72 de la loi du 6 août 2019.
En ce qui concerne les maîtres agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat simple, le Conseil d’État a d’abord rappelé sa jurisprudence bien établie s'agissant de la portée du principe de parité entre les maîtres du public et du privé posé par l’article L. 914-1 du code de l'éducation, à savoir que les dispositions de cet article n’avait "ni pour objet, ni pour effet de supprimer toute différence de traitement dans la gestion de la situation respective de ces deux catégories d'enseignants, ni de rendre inapplicables les dispositions spécifiques propres aux seuls maîtres de l'enseignement privé sous contrat" (cf. C.E., 9 mai 2012, Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, n° 354473, aux tables du Recueil Lebon).
Il en a ensuite déduit que, dès lors que les maîtres agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat simple bénéficiaient, en leur qualité de salarié ayant conclu un contrat de travail à durée indéterminée avec des organismes de gestion des établissements d'enseignement privés, du dispositif de rupture conventionnelle prévu par les dispositions de l'article L. 1237-11 du code du travail, le principe de parité n’imposait pas une stricte égalité de traitement entre les maîtres agréés de l’enseignement privé et les professeurs de l'enseignement public , impliquant que les premiers bénéficient du dispositif de rupture conventionnelle issu de l'article 72 de la loi du 6 août 2019.
Concernant les maîtres délégués des établissements d'enseignement privés sous contrat d'association, le Conseil d’État a jugé que, dans la mesure où ces personnels ne pouvaient être recrutés que pour une durée déterminée en application des dispositions de l’article R. 914-57 du code de l’éducation, ils étaient exclus du dispositif de rupture conventionnelle prévu par l’article 72 de la loi du 6 août 2019 qui vise les agents publics contractuels recrutés pour une durée indéterminée.
Procédure contentieuse et questions de droit civil et pénal appliquées au droit de l’enseignement
Recevabilité des requêtes
- Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours – Recevabilité d’un recours contre un courriel – Prise de position révélant une prise de décision
C.E., 21 juillet 2022, Fédération des employés et cadres - Force ouvrière, n° 449388, aux tables du Recueil Lebon
La Fédération des employés et cadres de Force Ouvrière avait sollicité d'un chef de bureau du ministère de l’intérieur l’interprétation d'une réglementation sur les jeux dans les casinos et demandait au juge de l'excès de pouvoir d'annuler la décision – ou "prise de position" – qu'elle estimait contenue dans le courriel de réponse.
Dans cette décision, le Conseil d’État a d'abord rappelé le critère de "justiciabilité" dégagé par sa décision "GISTI" selon lequel les documents de portée générale émanant d’une autorité publique peuvent faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre (C.E., Section, 12 juin 2020, Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s [GISTI], n° 418142, au Recueil Lebon).
Le Conseil d'État a jugé qu'en l'espèce, le courriel litigieux ne révélait par lui-même aucune décision et que, dès lors qu'il se bornait à répondre à une demande d'information, il ne constituait pas un document de portée générale susceptible d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation des établissements de jeux ou de leurs salariés. Par suite, la requête était irrecevable.
Médiation
- Médiation – Frais exposés et non compris dans les dépens (non)
T.A. Marseille, 20 septembre 2022, n° 2202075
Le tribunal administratif de Marseille était saisi de conclusions tendant à mettre à la charge de l’État, sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, les frais de déplacement exposés par une partie pour se rendre à une réunion de médiation, procédure initiée par le tribunal et acceptée par les parties et qui s’était soldée par un échec.
Pour rejeter ces conclusions, le tribunal administratif a d’abord considéré que : "Lorsqu'une proposition de médiation faite par le juge est acceptée par les parties, quelle que soit la date à laquelle elle intervient, la médiation suit son cours de manière indépendante de la procédure juridictionnelle et son déroulement est étranger à l'instruction du litige qui est soumis au juge", reprenant la jurisprudence du Conseil d’État selon laquelle la proposition d'une médiation par le juge, quelle que soit la date à laquelle elle intervient, est étrangère à l'instruction du litige qui lui est soumis (C.E., 7 novembre 2019, n° 431146, aux tables du Recueil Lebon).
Par suite, le tribunal administratif en a déduit que les frais de médiation prévus par l’article L. 213-8 du code de justice administrative ne peuvent être intégrés dans les frais engagés pour l’instance et non compris dans les dépens sur le fondement de l’article L. 761-1 du même code.
Accès aux documents administratifs
Secret protégé par la loi
- Communication de documents administratifs – Vie privée – Personnes morales
C.E., Section, 7 octobre 2022, Association Anticor, n° 443826, au Recueil Lebon
L’association Anticor avait demandé communication au préfet de la région Île-de-France des comptes 2016 et 2017 de la Fondation d’entreprise Louis-Vuitton, sur le fondement du code des relations entre le public et l’administration (C.R.P.A.), qui lui avait opposé un refus explicite.
Statuant sur le pourvoi formé par l’association, le Conseil d’État a jugé en premier lieu que : "Il résulte [des articles L. 300-2, L. 311-1, L. 311-6 et L. 311-7 du C.R.P.A.] que les documents produits par une personne privée qui n’est pas investie d’une mission de service public acquièrent le caractère de documents administratifs, pour l’application du [C.R.P.A.], dès lors qu’ils ont été reçus par une autorité administrative dans le cadre de sa mission de service public."
Cette décision consacre l’abandon de la distinction entre les documents produits et ceux reçus par une administration qui existait antérieurement à l’ordonnance n° 2009-483 du 29 avril 2009 ayant élargi la définition du document administratif aux "documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission" (pour la jurisprudence rendue sous l’empire des dispositions antérieures, cf. C.E., Section, 8 octobre 1993, n° 110829, au Recueil Lebon).
En second lieu, le Conseil d’État a confirmé sa jurisprudence selon laquelle la protection de la vie privée, au sens et pour l’application du 1° de l’article L. 311-6 du C.R.P.A., vaut tant pour les personnes physiques que morales (C.E., 17 avril 2013, Ministre du travail, de l'emploi et de la santé, n° 344924, aux tables du Recueil Lebon).
Le Conseil d’État a ainsi jugé que : "Ces dispositions doivent être entendues, s'agissant de leur application aux personnes morales de droit privé, comme excluant en principe, sous réserve qu'elle ne soit pas imposée ou impliquée par d'autres dispositions, la communication à des tiers, par l'autorité administrative qui les détient, des documents relatifs notamment à leur fonctionnement interne et à leur situation financière. La circonstance que de tels documents aient été transmis à l’administration afin de permettre à celle-ci d’exercer un contrôle sur l’activité de l’organisme concerné est sans incidence, par elle-même, sur les conditions dans lesquelles des tiers peuvent se les voir communiquer."
Sur le cas d’espèce, à savoir les comptes d’une fondation d’entreprise sans but lucratif, aucune disposition ne prévoyant la divulgation des comptes de ces fondations lorsqu’elles ne perçoivent pas de subventions publiques, le Conseil d’État a jugé que l’exception de l’article L. 311-6 du C.R.P.A. trouvait à s’appliquer et faisait bien obstacle à la communication des documents demandés.
Consultations
Personnels
Protection fonctionnelle
Sanctions
Jeunesse, éducation populaire et vie associative
Service civique
Personnels
Protection fonctionnelle
- Prise en charge des honoraires d’avocat – Existence d’une convention
Note DAJ A2 n° 2022-009231 du 21 septembre 2022
La direction des affaires juridiques a été saisie, dans le cadre d’une protection fonctionnelle, d’une question portant sur la prise en charge des honoraires d’avocat en raison du caractère excessif des honoraires et des faibles chances de succès de l’action envisagée.
La conclusion d’une convention avec l’avocat de l’agent public est toujours recommandée car elle permet de prévenir les contestations (cf. art. 5 du décret n° 2017-97 du 26 janvier 2017).
Toutefois, dans le cas où l’administration et le conseil de l’agent ne parviennent pas à un accord préalable sur le montant des honoraires, la prise en charge se fait au regard des pièces et des justificatifs produits et de l’utilité des actes ainsi tarifés dans le cadre de la procédure judiciaire (cf. C.E., 19 octobre 2016, n° 401102 ; C.A.A. Paris, 19 juin 2012, n° 10PA05964).
S'agissant du montant des honoraires à prendre en charge, l’arrêté ministériel prévu par l’article 6 du décret du 26 janvier 2017, chargé de fixer les plafonds horaires dans la limite desquels s’inscrit la prise en charge par l’administration des frais d’avocat exposés par le bénéficiaire de la protection fonctionnelle n’a pas été publié à ce jour (cf. réponse du ministère de la transformation et de la fonction publiques, publiée dans le J.O. Sénat du 28 avril 2022).
Il résulte d’une jurisprudence constante que l’octroi de la protection fonctionnelle ne peut avoir pour effet de contraindre l'administration à prendre à sa charge l'intégralité des frais engagés (C.E., 2 avril 2003, n° 249805, aux tables du Recueil Lebon).
L’administration peut ainsi décider, sous le contrôle du juge, de ne rembourser à son agent qu'une partie seulement des frais engagés lorsque ces frais n'étaient pas nécessaires pour assurer sa défense ou que leur montant apparaît manifestement excessif au regard, notamment, des pratiques tarifaires généralement observées dans la profession, des prestations effectivement accomplies par le conseil pour le compte de son client, de l'absence de complexité particulière du dossier ou encore lorsqu’une action serait manifestement dépourvue de toute chance de succès (cf. C.E., n° 401102, et C.A.A. Paris, n° 10PA05964, susmentionnés ; C.E., 22 décembre 2021, n° 438918 ; C.A.A. Nancy, 28 décembre 2017, n° 17NC00702 ; C.A.A. Paris, 20 décembre 2019, n° 17PA22908 ; et, pour une absence de caractère excessif : C.A.A. Versailles, 2 juillet 2020, n° 18VE01125 ; C.A.A. Douai, 10 novembre 2021, n° 20DA01298).
En cas de contentieux, il appartiendra à l’administration d’apporter des éléments laissant supposer que les frais demandés pour la défense du requérant présentaient un caractère excessif (cf. C.E., n° 401102, précité).
À cet égard, la convention peut comporter, comme le permet l'article 7 du décret du 26 janvier 2017, une clause prévoyant la prise en charge d'une partie des honoraires lorsque le nombre d'heures facturées ou déjà réglées apparaît manifestement excessif, le caractère manifestement excessif s'appréciant au regard des prestations effectivement accomplies par le conseil pour le compte de son client, des pièces et des justificatifs produits ou de la nature des difficultés présentées par le dossier.
Saisi d'un litige portant sur le refus de l'administration de prendre en charge des honoraires au titre d'une protection fonctionnelle, le juge administratif examine d’abord le caractère utile à la défense des diligences détaillées dans la note d’honoraires, puis le caractère excessif ou non de la dépense (C.E., n° 438918, susmentionné, et les conclusions du rapporteur public sur cette décision, accessibles sur ArianeWeb).
S’agissant des chances de succès d’une procédure d’appel et du dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité, l'autorité administrative peut refuser de prendre en charge les frais de justice exposés si elle estime que l'engagement d'une procédure juridictionnelle est manifestement dépourvue de toute chance de succès (cf. C.E., 31 mars 2010, Ville de Paris, n° 318710, au Recueil Lebon). Ce refus ne l’exonère cependant pas de son obligation de protection.
Il résulte de tout ce qui précède qu’il est possible, d’une part, de limiter la prise en charge des honoraires d’avocat par l’insertion d’une clause stipulant que tout dépassement du forfait convenu dans le cadre de la convention serait à la charge du requérant et, d’autre part, de limiter la prise en charge desdits honoraires eu égard à leur défaut d’utilité ou à l’absence de chance de succès de la procédure envisagée.
Sanctions
- Sanction disciplinaire – Congé de maladie ordinaire – Articulation
Note DAJ A2 n° 2022-009550 du 29 septembre 2022
La direction des affaires juridiques a été interrogée sur les modalités d’exécution d’un jugement rendu par un tribunal administratif, et plus particulièrement sur la question de l’articulation entre le placement en congé de maladie ordinaire d’un agent et l’infliction, concomitamment, d’une sanction disciplinaire.
Par un arrêté du 4 novembre 2019, un professeur certifié s’était vu infliger la sanction de l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre mois à compter du 9 novembre suivant.
Or, le 8 novembre 2019, ce professeur avait été placé en congé de maladie ordinaire du 4 novembre 2019 au 10 janvier 2020. Par un arrêté du 9 novembre 2019, le recteur avait retiré cette décision, qui a été annulée par le tribunal administratif.
En exécution de ce jugement, le professeur a demandé le versement des indemnités liées à son placement en congé de maladie ordinaire du 4 novembre 2019 au 10 janvier 2020.
L’administration s’est alors interrogée sur la question de savoir si l’intéressé, concomitamment exclu temporairement de ses fonctions et placé en congé de maladie, avait droit au versement des indemnités liées à ce congé de maladie.
En droit, dans la mesure où la procédure disciplinaire et celle de placement en congé de maladie sont distinctes, la circonstance qu’un agent soit placé en congé de maladie ne fait pas obstacle à l’entrée en vigueur d’une sanction disciplinaire.
Si le Conseil d’État ne l’a à ce jour jugé que pour les sanctions du quatrième groupe (cf. C.E., 6 juillet 2016, n° 392728 et n° 394484, aux tables du Recueil Lebon), de nombreuses cours administratives d’appel l’ont jugé pour d’autres sanctions (C.A.A. Versailles, 5 juin 2020, n° 18VE03613, s’agissant d’une décision d’exclusion temporaire de fonctions).
Cela se déduit du fait que les dispositions relatives au congé de maladie, qui ont pour objet de compenser la perte de rémunération en raison de l’absence de service fait, ne peuvent avoir pour effet d’accorder au fonctionnaire des droits à rémunération supérieurs à ceux qu’il aurait eus s’il n’avait pas été placé en position de congé de maladie (cf. C.E., 8 octobre 2012, n° 346979, aux tables du Recueil Lebon ; pour une application récente : C.A.A. Nantes, 17 décembre 2021, n° 20NT03106 ; C.A.A. Douai, 25 novembre 2021, n° 20DA01958).
En l’espèce, s’agissant de la période courant du 4 novembre 2019 au 8 novembre 2019, l’intéressé était placé en congé de maladie ordinaire et la sanction disciplinaire n'était pas entrée en vigueur : le traitement qu’il a perçu lui était donc dû.
S’agissant de la période courant du 9 novembre 2019 au 10 janvier 2020, si le professeur certifié n’avait pas été placé en congé de maladie, il n’aurait perçu aucune rémunération puisqu’il était exclu temporairement de ses fonctions pour une durée de quatre mois.
La direction des affaires juridiques en a conclu, suivant un raisonnement qui devra être confirmé par le Conseil d’État, que dans ces conditions, son placement en congé de maladie ne saurait lui ouvrir un quelconque droit à rémunération pendant la durée de l'exclusion temporaire de fonctions dont il a fait l'objet.
À compter du 9 mars 2020, soit à l'expiration de l'exclusion temporaire de fonctions, le professeur certifié devait être réintégré dans ses fonctions, et donc percevoir son traitement.
Jeunesse, éducation populaire et vie associative
Service civique
- Association – Retrait préfectoral de l’agrément – Annulation contentieuse – Compétence pour interjeter appel
Note DAJ A4 n° 2022-009121 du 19 septembre 2022
La direction des affaires juridiques a été interrogée sur la compétence d’un préfet pour interjeter appel d’un jugement du tribunal administratif de Strasbourg ayant annulé une mesure préfectorale de retrait d’agrément d’une association pour recevoir un jeune en service civique.
1. En premier lieu, l’article L. 120-2 du code du service national dispose que : "Il est créé une Agence du service civique qui a pour missions : / (…) / 2° D’assurer la gestion des agréments (…)." Cet article précise ensuite, dans son avant-dernier alinéa, que : "Pour l’exercice de son activité, le groupement s’appuie sur les représentants de l’État dans la région et le département ainsi que sur le réseau de correspondants à l’étranger de l’association France Volontaires."
Le préfet de région est ainsi le délégué territorial de ce groupement d’intérêt public pour la région (cf. article R. 120 9 du code du service national).
Par conséquent et en vertu des articles R. 121-35 et R. 121-45 du code de service national, le préfet de région est compétent pour accorder ou retirer l’agrément de service civique à une association qui aurait "une activité à l’échelon régional ou interdépartemental".
Si les travaux parlementaires ayant abouti au vote de la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 sont muets sur ce point, il peut être déduit des dispositions du code du service national précitées que le préfet doit être regardé comme agissant au nom de l’Agence du service civique, groupement d’intérêt public doté d’une personnalité juridique propre et d’une autonomie financière, et non pour le compte de l’État.
2. En second lieu, l’article 6-2 de la convention constitutive de l’Agence du service civique prévoit dans son avant-dernier alinéa que : "Le conseil d’administration dispose du pouvoir d’ester en justice et de transiger. Il peut donner délégation au directeur ou à la directrice général(e) pour représenter le groupement en justice, tant en demande qu’en défense, ou dans le cadre de tout mode non juridictionnel de règlement des conflits."
Aussi, il a été déduit que seul le directeur général de l’Agence du service civique, sur délégation de son conseil d’administration, est compétent, et ce dès la première instance, pour représenter le groupement devant le juge administratif. Le pouvoir que le préfet tient des dispositions précitées du code du service national pour accorder ou retirer un agrément pour recevoir un jeune en service civique ne saurait être regardé, à lui seul, comme lui conférant la qualité pour représenter l’Agence du service civique dans le cadre d’un contentieux administratif.
Par conséquent, l’Agence du service civique, bien qu’elle n’était ni partie ni observatrice en première instance, est, malgré tout, seule compétente pour interjeter appel du jugement rendu par le tribunal administratif de Strasbourg.
Actualités
Enseignement scolaire
Bourses d'études et autres aides
- Bourses du second degré – Modalités de traitement des demandes – Évolutions pour la rentrée scolaire 2022-2023
Circulaire du 21 septembre 2022 relative aux bourses nationales d'études du second degré de collège et de lycée
B.O.E.N. n° 36 du 30 septembre 2022
La circulaire du 21 septembre 2022 relative aux bourses nationales d’études du second degré de collège et de lycée a remplacé la précédente circulaire du 12 août 2021 en apportant de nouvelles précisions utiles quant aux règles régissant l’instruction, l’octroi et le versement de ces bourses.
Elle précise tout d’abord que peuvent déposer une demande de bourse à tout moment, c’est-à-dire même en dehors de la campagne annuelle, les élèves bénéficiant de la protection temporaire au sens du droit communautaire ainsi que, en cas de changement de responsable de l’enfant en cours d’année, le parent assumant dorénavant la charge effective et permanente de l’élève.
Elle apporte en outre des compléments sur le traitement des demandes des élèves boursiers relevant de l'aide sociale à l'enfance, en distinguant la situation dans laquelle l'enfant est pris en charge par le département de celle où l'enfant est pris en charge à la fois par le département et par sa famille.
Elle rappelle également qu’en application des articles D. 531-4 et D. 531-21 du code de l’éducation, les ressources à prendre en compte pour l’octroi et le calcul de la bourse sont celles du revenu fiscal de référence tel qu'il figure sur l'avis d'imposition ou de non-imposition du demandeur.
Elle précise enfin les modalités de notification des décisions d’attribution, de refus ou encore de retenue sur le montant annuel de la bourse en cas d'absences injustifiées et répétées de l’élève.
N.B. : En application de l’article 9 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022, le décret n° 2022-1302 du 10 octobre 2022 a procédé à une réévaluation de 4 % du montant des bourses nationales d'enseignement du second degré afin d’atténuer les effets de l'inflation constatée au cours du premier semestre 2022.
Enseignement supérieur
Autres aides financières
- Aide financière exceptionnelle – Étudiants bénéficiaires d’une bourse sur critères sociaux ou d’une aide annuelle
Décret n° 2022-1232 du 14 septembre 2022 portant attribution d’une aide financière exceptionnelle pour les étudiants boursiers
J.O.R.F. du 15 septembre 2022
Ce décret du 14 septembre 2022 ouvre une aide financière exceptionnelle au bénéfice d’étudiants boursiers afin de leur permettre de faire face aux difficultés liées à l’inflation.
L’aide est attribuée, d’une part, aux étudiants bénéficiaires d’une bourse d’enseignement supérieur sous conditions de ressources attribuée ou financée par l’État ou d’une aide annuelle accordée par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires et, d’autre part, aux élèves et étudiants bénéficiaires d’une aide annuelle sous conditions de ressources attribuée par la région dans le cadre des formations sanitaires et sociales (art. 1).
Son montant est fixé à 100 euros, auxquels s’ajoutent 50 euros par enfant du bénéficiaire de l’aide (art. 2).
Cette aide ne peut pas se cumuler avec l’aide financière exceptionnelle de 100 euros pour les ménages les plus modestes, prévue par le décret n° 2022-1234 du 14 septembre 2022, versée aux étudiants et aux élèves bénéficiaires de l’une des aides personnelles au logement mentionnées à l'article L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation (art. 3).
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Rédaction de la LIJ :
Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse - Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche - Ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques – Secrétariat général – Direction des affaires juridiques
99, rue de Grenelle – 75357 PARIS 07 S.P. – Mél. : daj.cidj@education.gouv.fr
Directeur de la publication : Guillaume Odinet
Rédacteurs en chef et adjoints : Catherine Joly, Victor Lespinard, Samira Tahiri, Lisa Dano, Gaëlle Papin
Responsable de la coordination éditoriale : Frédérique Vergnes
Maquette : Gwénaëlle Le Moal
Secrétariat de rédaction et mise en page : Anne Vanaret
Ont participé à ce numéro : Olivia Allart, Bertille Avot, Gabriel Ballif, Simon Barthelemy, Eva Beauvois, Cédric Benoit, Louise Benoit, Valérie Blaise, Alexis Bouguier, Florence Brown, Jérémie Caffin, Benjamin Charrier, Camille Dasset, Clara Delattre, Lucile Desbordes, Philippe Dhennin, Isaure Ferran, Stéphanie Frain, Agathe Frenay, Alexandra Gaudé, Anne Gautrais, Dimitri Gazeyeff, Audrey Ghazi Fakhr, Simon Grairia, Julien Hée, Chloé Hombourger, Méhar Iqbal, Alexandre Jamet, Jean Laloux, Alexandra Lecomte, Céline Lespiaucq-Cohuau, Chloé Lirzin, Alexis Maquart, Hélène Marchal, Sylvain N’Diaye, Justine Niay, Clémence Paillet-Augey, Alexandre Pancracio, Inès Paris, Sarah Périé-Frey, Amandine Renault, Frédéric Rochambeau, Sarah Second, Virginie Simon, Alexiane Slovencik, Baptiste Soubrier, Wanda Soyer, Marlène Spinhirny, Juliette Uzabiaga, Henrick Yerbe, Dana Zeitoun
N° ISSN : 1265-6739
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