La Lettre d’information juridique n° 224 – mars 2023

Direction des affaires juridiques - Lettre d'information juridique (LIJ)

Lettre de la direction des affaires juridiques du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche

Éditorial

Si la décision du Conseil constitutionnel du 15 décembre 2022 a été remarquée pour sa reconnaissance du fondement constitutionnel de l’existence d’un système d’assurance chômage, là n’était pas son seul apport au droit constitutionnel : en écartant l’existence d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République consistant dans le "monopole de l’État pour la collation des grades et des diplômes nationaux", le Conseil a levé une interrogation lancinante du droit de l’enseignement supérieur.

L’expression ramassée de "monopole de l’État pour la collation des grades et des diplômes nationaux", l’ancienneté de son ancrage législatif (remontant à la loi du 16 fructidor an V) et sa dimension symbolique pouvaient plaider en faveur de la reconnaissance d’un principe constitutionnel. À bien y regarder toutefois, le principe général invoqué cachait une réalité juridique plus nuancée et autrement complexe. Il couvrait, d’une part, deux monopoles bien distincts – le monopole de l’État pour la collation des grades et titres universitaires et le monopole, reconnu par la jurisprudence administrative, des établissements publics pour la délivrance des diplômes nationaux. Il souffrait, d’autre part, d’une portée limitée et d’exceptions notables, l’État déléguant souvent aux autorités universitaires le soin de conférer les grades et les titres et nombre d’établissements privés délivrant des diplômes qui confèrent par eux-mêmes un grade universitaire.

Il était donc bien difficile, dans cet entrelacs législatif issu de lois anciennes (notamment la loi du 12 juillet 1875, la loi Astier du 25 juillet 1919 et la loi du 10 juillet 1934) jamais vraiment mises en cohérence, de dégager une ligne claire et principielle pouvant être regardée comme une constante juridique si forte qu’elle ne pourrait plus désormais être remise en cause par le législateur. On comprend que le Conseil constitutionnel ait renoncé à découvrir un nouveau principe ancien.


Guillaume Odinet

Jurisprudence

Principes généraux
Cons. const., 15 décembre 2022, n° 2022-844 DC

Enseignement supérieur et recherche
Cycle licence
C.A.A. Versailles, 29 décembre 2022, n° 21VE03372
Formations de santé
C.E., 30 décembre 2022, Fédération française des psychomotriciens, n° 458303
Brevet de technicien supérieur
T.A. Toulouse, 30 novembre 2022, nos 2100806 et 2103649

Personnels
Classement
C.E.,12 octobre 2022, Syndicat national des chercheurs scientifiques et autres, n° 463556
C.E., 6 janvier 2023, n° 463556

Obligation de neutralité
C.E., 15 novembre 2022, n° 451523, aux tables du Recueil Lebon
Droits syndicaux
C.A.A. Toulouse, 8 novembre 2022, Syndicats SNUipp 34-F.S.U. et SUD Éducation Hérault, n° 21TL01553
Protection fonctionnelle
C.A.A. Bordeaux, 21 décembre 2022, n° 20BX04277
Primes et indemnités
C.E., 27 décembre 2022, n° 4617967
T.A. Montreuil, 17 novembre 2022, Syndicat C.G.T. Éduc'Action de Seine-Saint-Denis, n° 2117366
T.A. Dijon, 8 décembre 2022, n° 2101386

Sanctions
C.E., 18 novembre 2022, n° 457565, aux tables du Recueil Lebon
C.A.A. Douai, 15 décembre 2022, n° 21DA02763

Indemnité de départ volontaire
C.A.A. Bordeaux, 21 décembre 2022, n° 20BX03752
Nomination
C.A.A. Lyon, 10 novembre 2022, n° 21LY02967
Télétravail
C.E., 6 janvier 2023, M. X et ASAMEN, n° 461085 et n° 462534
Personnels d’éducation et de surveillance
C.E., 10 novembre 2022, n° 458629
Suspension de fonctions
C.E., 26 décembre 2022, n° 468102

Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille
Déclaration – Autorisation
C.E., 13 décembre 2022, M. X, n° 462274, et Association Liberté éducation, Association Les enfants d'abord, Fédération nationale de l'enseignement privé et autres, nos 463175, 463177, 463210, 463212, 463320, 466467 et 468228, aux tables du Recueil Lebon
C.E., 13 décembre 2022, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, n° 467550 et n° 466623, aux tables du Recueil Lebon

Mise en demeure
T.A. Pau, 2 décembre 2022, n° 2101341, n° 2101347, n° 2101348, n° 2101349, n° 2101350 et n° 2101351
Cned
T.A. Amiens, 24 novembre 2022, n° 2003403

Responsabilité
Défaillance dans l’organisation ou le fonctionnement du service
C.A.A. Nantes, 23 décembre 2022, n° 21NT01493
T.A. Orléans, 1er décembre 2022, n° 2004472

Procédure contentieuse et questions de droit civil et pénal appliquées au droit de l’enseignement
Exécution des jugements
C.E., Section, 9 décembre 2022, Département de la Seine-Saint-Denis, n° 451500, au Recueil Lebon

Jeunesse, éducation populaire et vie associative
Service national universel
T.A. Nîmes, 8 novembre 2022, n° 2102715

Principes généraux

  • Monopole de l’État pour la collation des grades et la délivrance des diplômes nationaux – Principe fondamental reconnu par les lois de la République (non)

Cons. const., 15 décembre 2022, n° 2022-844 DC

L’article 10 de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 crée un "service public de la validation des acquis de l’expérience" dont il confie la mise en œuvre, au niveau national, à un groupement d’intérêt public chargé de contribuer à l’information sur la validation des acquis de l’expérience (V.A.E.), de promouvoir ce dispositif, d’en assurer la cohérence sur l’ensemble du territoire et de permettre un suivi statistique des parcours. Il transfère par ailleurs dans le code du travail un certain nombre de dispositions en matière de V.A.E. qui figuraient jusque-là dans le code de l’éducation aux articles L. 613-3 à L. 613-6 et crée un nouvel article L. 6412-3 qui dispose que : "La validation des acquis de l'expérience est prononcée par un jury dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret." L’article 11 de la loi prévoit par ailleurs, à titre expérimental, que les contrats de professionnalisation conclus par les employeurs de droit privé peuvent comporter des actions en vue de la V.A.E.

Saisi de la conformité à la Constitution de ces dispositions, le Conseil constitutionnel était interrogé sur l’existence d’un P.F.R.L.R. relatif au monopole de l’État pour la collation des grades et diplômes nationaux et sur une éventuelle méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence en renvoyant à un décret le soin de préciser les modalités relatives au fonctionnement des jurys chargés de se prononcer sur les demandes de V.A.E.

La reconnaissance de l’existence d’un P.F.R.L.R. exige la réunion de trois conditions cumulatives (cf. Cons. const., 20 juillet 1988, n° 88-244 DC). Le principe doit, tout d’abord, être fondamental, c’est-à-dire énoncé avec un degré de généralité suffisant et intéresser des domaines essentiels pour la vie de la Nation. Il doit ensuite trouver un ancrage dans une ou plusieurs lois intervenues sous un régime républicain avant l’entrée en vigueur du Préambule de la Constitution de 1946. Enfin, il doit avoir été constamment affirmé par les différentes lois l’organisant, une seule exception suffisant à faire obstacle à sa reconnaissance en qualité de P.F.R.L.R.

La question de l’existence d’un P.F.R.L.R. relatif au monopole de l’État pour la collation des grades et diplômes nationaux avait jusqu’ici suscité des interprétations divergentes. Par un avis rendu en Assemblée générale les 7 et 8 juillet 1986 (n° 340480), au sujet d’un projet de loi sur l’enseignement supérieur, le Conseil d'État avait estimé que le monopole de la collation des grades universitaires constituait un principe assimilable à un P.F.R.L.R. et s'imposait au législateur. Postérieurement, à l’occasion de plusieurs contentieux, les rapporteurs publics au Conseil d’État avaient émis des réserves fortes sur l’existence d’un tel P.F.R.L.R. (cf. notamment conclusions du rapporteur public – accessibles sur ArianeWeb – sur C.E., Assemblée, 9 juillet 2010, Fédération nationale de la libre pensée, n° 327663, au Recueil Lebon ; également, conclusions sur C.E., 7 juin 2017, Association Conférence des grandes écoles, n° 389213, au Recueil Lebon).

Tranchant la question, le Conseil constitutionnel a jugé que le monopole de l’État pour la collation des grades et diplômes nationaux "ne [pouvait] être regard[é], en [lui]-même, comme figurant au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République mentionnés par le premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946" (point 42).

Dans ses écritures, le Gouvernement a souligné que la collation des grades et diplômes nationaux faisait en réalité l’objet de deux monopoles dont la portée était différente à savoir, d’une part, le monopole de l’État pour la collation des grades et des titres universitaires, d’autre part, le monopole des établissements d’enseignement supérieur publics pour la délivrance de diplômes nationaux. Ce second monopole ne fait pas obstacle à la délivrance, par des établissements d’enseignement supérieur publics ou privés, de diplômes propres (cf. article L. 613-2 du code de l’éducation).

S’agissant du renvoi par le législateur au pouvoir règlementaire pour préciser les modalités de fonctionnement des jurys chargés de se prononcer sur les demandes de V.A.E., le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur n’avait pas méconnu l’étendue de sa compétence puisqu’en faisant référence à un jury, il "a entendu assurer que la délivrance d’un diplôme ou d’un titre dans ce cadre soit soumise à l’appréciation d’une instance collégiale composée de personnes choisies en raison de leurs qualifications, de leurs aptitudes ou de leurs compétences dans les disciplines, matières ou professions concernées".

Enseignement supérieur et recherche

Cycle licence

  • Acquisition définitive des crédits E.C.T.S.

C.A.A. Versailles, 29 décembre 2022, n° 21VE03372

Une étudiante inscrite en troisième année de licence de psychologie à l’université Paris-VIII avait obtenu 177 crédits du système européen d’unités d’enseignement capitalisables et transférables (crédits E.C.T.S.) sur les 180 nécessaires à l’obtention du diplôme de licence. Elle avait alors été admise à redoubler sa dernière année de licence. À l’issue de son année de redoublement, l’étudiante avait validé cinq crédits E.C.T.S. supplémentaires. Toutefois, entre les deux années universitaires, les unités d’enseignement du sixième et dernier semestre de la licence de psychologie de l’université ainsi que leurs éléments constitutifs ainsi que le nombre de crédits E.C.T.S. correspondant à chaque élément constitutif avaient été modifiés. La commission pédagogique de cette université avait, de ce fait, converti les 177 crédits E.C.T.S. initialement obtenus par l’étudiante en 170 crédits E.C.T.S. calculés selon la nouvelle maquette de formation. Considérant que l’étudiante ne totalisait que 175 crédits E.C.T.S. à la fin de son année de redoublement, le jury de licence de psychologie de l’université avait prononcé son ajournement.

L’étudiante avait contesté sans succès cette délibération du jury devant le tribunal administratif et la cour administrative d’appel, avant la cassation de l’arrêt de la cour administrative d’appel par le Conseil d’État et le renvoi de l’affaire à cette même cour (C.E., 8 décembre 2021, n° 434541, aux tables du Recueil Lebon).

Suivant la décision du Conseil d’État, la cour administrative d’appel a rappelé les termes du septième alinéa de l’article L. 613-1 du code de l’éducation et des articles 2, 13 et 15 de l’arrêté du 1er août 2011 relatif à la licence, alors en vigueur (dispositions reprises, pour l’essentiel, aux articles 2, 14 et 15 de l’arrêté du 30 juillet 2018 relatif au diplôme national de licence).

Elle a ensuite estimé que : "Il résulte de l’ensemble de ces dispositions qu'en vertu du principe de capitalisation appliqué dans le cadre du système européen de crédits, lorsqu'un étudiant change d'établissement pour poursuivre son cursus dans une même formation, les crédits délivrés dans l'établissement d'origine lui sont définitivement acquis et il valide seulement le nombre de crédits qui lui manquent pour l'obtention de son diplôme. Il en va de même des crédits acquis au titre des semestres précédents par un étudiant ajourné qui poursuit son cursus dans une même formation et dans le même établissement, y compris dans le cas où ce dernier modifie entretemps le programme pédagogique de ce cursus ainsi que les crédits E.C.T.S. attribués à chaque composante des unités d'enseignement qui le composent."

La cour a ainsi jugé que l’université avait commis une erreur de droit en ajournant l’étudiante, alors qu’elle avait "définitivement acquis" 177 crédits E.C.T.S. et validé cinq crédits E.C.T.S. supplémentaires. Elle a, par conséquent, annulé le jugement de première instance et enjoint à l’université Paris-VIII de déclarer l’étudiante admise et de lui délivrer le diplôme de licence.

Formations de santé

  • Organisation des études de santé – Consultation du Haut Conseil des professions paramédicales – Expérimentation – Possibilité d’adapter la réglementation nationale

C.E., 30 décembre 2022, Fédération française des psychomotriciens, n° 458303

L'article 39 de la loi du 22 juillet 2013, dite loi "Fioraso", dans sa rédaction issue de l’article 1er de la loi du 24 juillet 2019, prévoit que l’État peut autoriser, pour une durée de six ans à compter de la rentrée universitaire 2020, l’organisation de cursus de santé "selon des modalités permettant de renforcer les échanges entre les formations, la mise en place d’enseignements communs et un accès à la formation par la recherche". Pris en application, le décret n° 2020-553 du 11 mai 2020 précise les conditions de mise en œuvre ainsi que les modalités d’évaluation de cette expérimentation, et renvoie notamment à un arrêté le soin de fixer la liste des projets d’expérimentation autorisés. C’est l’objet de l’arrêté du 9 septembre 2021 qui énumère les universités et établissements associés autorisés à mener l’expérimentation. Il prévoit également la possibilité d’apporter des adaptations à la réglementation en matière de référentiels de formation, de programmes, de conditions d’admission, de parcours de formation et de délivrance des diplômes universitaires.

Saisi d’un recours formé contre cet arrêté par la Fédération française des psychomotriciens, le Conseil d’État a écarté l’ensemble des moyens dont il était saisi.

En particulier, après avoir fait application de sa jurisprudence Danthony, il a écarté le moyen tiré du défaut de consultation préalable du Haut Conseil des professions paramédicales, consultation prévue aux articles D. 4381-1 et D. 4381-2 du code de la santé publique. Il a estimé qu’en l’espèce, l’absence de consultation de cette instance préalablement à l’arrêté en litige, qui se bornait à fixer la liste des projets d’expérimentation autorisés, n’avait pas exercé une influence sur son contenu, dès lors que le Haut Conseil des professions paramédicales avait déjà été consulté à propos des modalités de dépôt et d’examen des candidatures pour l’expérimentation mise en place par le décret du 11 mai 2020, matérialisées dans un arrêté publié en juin 2020. Par ailleurs, un comité d’expertise, comprenant des membres du Haut Conseil des professions paramédicales, avait examiné les projets autorisés par l’arrêté du 9 septembre 2021.

En outre, le Conseil d’État a estimé que l’arrêté en litige n’entrait pas dans le champ de la consultation du Conseil supérieur de l’éducation dès lors qu’aucune question d’intérêt national intéressant l’éducation nationale, au sens de l’article L. 231-1 du code de l’éducation, n’était en jeu.

Il a également précisé qu’en se bornant à fixer la liste des universités autorisées à mener l’expérimentation prévue par l’article 39 de la loi du 22 juillet 2013, cet arrêté ne portait pas atteinte à la liberté d’enseignement, au principe d’égalité, ni aux libertés d’entreprendre et de la concurrence.

Enfin, le Conseil d’État a jugé qu’en prévoyant des adaptations de la réglementation pouvant porter sur les programmes de formation ou encore les conditions d’admission, l’arrêté du 9 septembre 2021 n’avait pas été pris en méconnaissance de l’arrêté du 7 avril 1998 relatif aux études préparatoires au diplôme d'État de psychomotricien.

Brevet de technicien supérieur

  • Indexation dans la procédure nationale de préinscription Parcoursup (non) – Établissement d’enseignement supérieur privé – Reconnaissance par l’État (non) – Méconnaissance du principe d’égalité (non)

T.A. Toulouse, 30 novembre 2022, nos 2100806 et 2103649

Le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la requête d’un établissement privé d’enseignement supérieur qui contestait le refus de la ministre chargée de l’enseignement supérieur d’indexer sur la plateforme Parcoursup les formations qu’il dispense et préparant à l’obtention du brevet de technicien supérieur (B.T.S.).

Le premier alinéa de l’article L. 612-3-2 du code de l’éducation prévoit que : "L'inscription dans une formation initiale du premier cycle de l'enseignement supérieur dispensée par un établissement privé sous contrat d'association ou par un établissement d'enseignement supérieur privé d'intérêt général ou l'inscription dans toute formation initiale dont la liste est arrêtée par le ministre chargé de l'enseignement supérieur conduisant à un diplôme national de l'enseignement supérieur ou un titre ou diplôme de l'enseignement supérieur mentionné au I de l'article L. 6113-5 du code du travail est précédée de la procédure nationale de préinscription prévue au deuxième alinéa du I de l'article L. 612-3 du présent code. (….)."

Ainsi l’un des objectifs de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, "est de s’assurer que l’intégration, sur Parcoursup, des établissements privés qui proposent des formations conduisant à un diplôme national d’enseignement supérieur, tels que [l’établissement requérant], et qui ne sont ni des établissements privés sous contrat d’association, ni des établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général, soit soumise à une reconnaissance préalable par l’État, quelle qu’en soit la forme".

Le tribunal administratif a jugé en conséquence que l’établissement requérant ne pouvait soutenir que ses formations seraient reconnues par l’État dès lors qu’il n’avait satisfait qu’aux formalités de déclaration d’ouverture, prévues aux articles L. 731-1 et R. 731-1 et suivants du code de l’éducation, sans que l’État n’exerce un contrôle de la qualité des formations qu’il dispense.

Par ailleurs, le tribunal a écarté l’existence d’une rupture d’égalité entre, d’une part, les établissements d’enseignement privés sous contrat et les établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général – qui font l’objet d’une reconnaissance par l’État – et, d’autre part, les autres formations privées – qui doivent figurer dans la liste fixée par un arrêté ministériel pour prétendre à leur indexation sur Parcoursup. Il a en effet estimé que cette différence de traitement était en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établissait, au regard des travaux parlementaires précités.

Enfin, le tribunal a estimé qu’il résultait de l’article D. 612-1-2 du code de l’éducation que "la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche était compétente pour adopter une note de cadrage relative à la procédure nationale de préinscription sur la plateforme Parcoursup, comportant des échéances applicables aux établissements dispensant des formations initiales du premier cycle de l’enseignement supérieur".

En conséquence, le tribunal a écarté comme non fondé le moyen tiré de ce que le motif de refus opposé à la société requérante, selon lequel la phase de paramétrage des formations était close à la date de sa demande, était dépourvu de base légale.

Personnels

Classement

  • Enseignants-chercheurs – Reclassement rétroactif – Question prioritaire de constitutionnalité – Principe d’égalité

C.E.,12 octobre 2022, Syndicat national des chercheurs scientifiques et autres, n° 463556
C.E., 6 janvier 2023, n° 463556

L’article 47 de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 (dite "loi L.P.R.") a ouvert, au bénéfice des chargés de recherche et des maîtres de conférences classés dans le premier grade de leur corps, la possibilité de solliciter un reclassement rétroactif dans leur corps en application des nouvelles règles de classement normalement réservées aux nouveaux entrants. Le reclassement ainsi proposé limite toutefois à un an la prise en compte de leur ancienneté acquise depuis leur entrée dans leur corps. L’article 5 du décret n° 2022-262 du 25 février 2022, pris en application de la loi, précise que les bénéficiaires doivent également être en fonction au moment de sa publication, c’est-à-dire appartenir à leur corps à la date d’entrée en vigueur du décret, y compris en position de détachement ou de disponibilité, et que ce reclassement prend effet rétroactivement au 1er janvier 2021.

1. Saisi d’un recours dirigé contre l’article 5 du décret du 25 février 2022, le Conseil d’État a été amené à examiner une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le syndicat requérant. Celui-ci estimait notamment que le dispositif mis en place par l’article 47 de la L.P.R. portait atteinte au principe d’égalité en limitant à un an la durée de prise en compte des services accomplis antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions réglementaires par les chargés de recherche et les maîtres de conférences déjà titularisés, tandis que les nouveaux entrants pouvaient, eux, bénéficier de la prise en considération de toutes leurs années de carrière dans la recherche.

Après avoir rappelé sa jurisprudence bien établie selon laquelle "le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit" (cf. C.E., 16 décembre 2009, Confédération générale des cadres-Centrale, n° 325424, aux tables du Recueil Lebon ; C.E., 19 janvier 2011, n° 344011, aux tables du Recueil Lebon ; appliqué par le Conseil constitutionnel également : Cons. const., 17 juin 2011, Union générale des fédérations de fonctionnaires-C.G.T. et autres, n° 2011-134 QPC), le Conseil d’État a relevé que : "Le principe d’égalité de traitement des agents appartenant à un même corps n’impos[e] pas que les agents recrutés avant l’entrée en vigueur de dispositions modifiant les règles de classement des agents nouvellement recrutés dans le même corps bénéficient des mêmes dispositions (…)" et que le dispositif critiqué s’applique de manière égale à l’ensemble des chargés de recherche et maîtres de conférences déjà titularisés.

Le Conseil d’État a par conséquent décidé, par un arrêt du 12 octobre 2022, de ne pas transmettre la question au Conseil constitutionnel.

Cette position n’est pas inédite puisque le Conseil d’État a eu l’occasion de confirmer l’absence d’atteinte au principe d’égalité à l’occasion d’un précédent contentieux relatif à un dispositif en tout point similaire (cf. C.E., 6 octobre 2010, n° 341584 ; également, sur la différence de situation entre les agents recrutés dans un même corps avant la date à laquelle intervient une modification statutaire et ceux recrutés après cette date : C.E., 15 novembre 2010, Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, n° 332218, aux tables du Recueil Lebon).

2. Se prononçant ensuite dans un arrêt du 6 janvier 2023 sur la légalité de l’article 5 du décret du 25 février 2022, le Conseil d’État, après avoir rappelé qu"'en adoptant les dispositions de l'article 47 de la loi du 24 décembre 2020, le législateur a entendu éviter que les plus jeunes chercheurs, recrutés peu de temps avant la modification des règles de classement, ne soient placés dans une situation moins favorable que ceux recrutés postérieurement à cette modification", a jugé que la différence de traitement entre les personnes qui appartenaient au corps des chargés de recherche à la date d’entrée en vigueur du décret et celles qui n'appartenaient plus à ce corps était en rapport avec l'objectif poursuivi par le législateur et n'était pas manifestement disproportionnée.

Pour d’autres applications du principe d’égalité, notamment en matière indemnitaire, on se reportera à la LIJ n° 221 de juillet 2022 et à la LIJ n° 223 de janvier 2023.

Obligation de neutralité

  • Enseignant-chercheur n'ayant pas contribué à apaiser un climat de tension lors d'une manifestation étudiante

C.E., 15 novembre 2022, n° 451523, aux tables du Recueil Lebon

Un maître de conférences s’était vu infliger par la section disciplinaire d’une université, sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 952-8 du code de l'éducation, la sanction du retard à l’avancement d’échelon pour une durée de six mois. Il avait adopté, lors d’une manifestation étudiante, un comportement contraire à ses obligations statutaires en s’associant, par ses paroles et sa posture, à la démarche vindicative des manifestants.

Saisi d’un appel de l’enseignant-chercheur, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire, avait réduit la sanction à un retard à l’avancement d’échelon d’une durée de trois mois. Après avoir relevé que l’intéressé n’avait pas, par ses propos et son attitude, "contribué à apaiser le climat de tension" régnant sur le campus lors de cette journée, le CNESER disciplinaire avait jugé que l’intéressé avait, ce faisant, méconnu son obligation de neutralité.

Saisi par ce même enseignant-chercheur d’un pourvoi en cassation dirigé contre la décision du CNESER, le Conseil d’État a jugé qu’"un tel comportement n’est pas constitutif d’un manquement à l’obligation de neutralité telle que prévue par les dispositions de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 [désormais reprises à l’article L.121-2 du code général de la fonction publique] combinées avec celles de l’article L.952-2 du code de l'éducation". La décision du CNESER a donc été annulée pour erreur de qualification juridique des faits.

Tout en renvoyant l’affaire au CNESER, le Conseil d’État a néanmoins précisé qu’il ne résultait pas pour autant de cette annulation que le comportement de l’enseignant-chercheur "ne puisse être examiné, si le CNESER en décidait ainsi, à l'aune d'autres obligations déontologiques, prévues, notamment par ces mêmes dispositions".

N.B. : La présente décision est l’occasion pour le Conseil d’État de rappeler que l’obligation de neutralité qui s’impose à tout fonctionnaire n’a pas la même portée pour les enseignants-chercheurs qui jouissent, aux termes de l’article L. 952-2 du code de l’éducation, "d’une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression dans l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et de leurs activités de recherche", et dont la situation est, de ce point de vue, singulière.

À cet égard, le Conseil constitutionnel juge que "par leur nature même, les fonctions d'enseignement et de recherche non seulement permettent mais demandent, dans l'intérêt même du service, que la libre expression et l'indépendance des personnels soient garanties par les dispositions qui leur sont applicables" (Cons. const., 20 janvier 1983, n° 83-165 DC, considérant 19 ; Cons. const., 28 juillet 1993, n° 93-322 DC, considérant 7).

La Cour européenne des droits de l’homme a également souligné l'importance "de la liberté académique, qui autorise notamment les universitaires à exprimer librement leurs opinions sur l'institution ou le système au sein duquel ils travaillent ainsi qu'à diffuser sans restriction le savoir et la vérité" (C.E.D.H., 23 juin 2009, X c/ Turquie, n° 17089/03, paragraphe 35) et de la liberté universitaire en jugeant que celle-ci comprend la liberté pour les enseignants-chercheurs d'exprimer librement leurs opinions, fussent-elles polémiques ou impopulaires, dans les domaines relevant de leurs recherches, de leur expertise professionnelle et de leur compétence (C.E.D.H., 27 mai 2014, X et al. c/ Turquie, nos 346/04 et 39779/04, paragraphe 40).

Toutefois, cette liberté s’exprime, selon l’article L. 952-2 du code de l’éducation et comme le rappelle le Conseil d’État dans la présente décision, "sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent code, les principes de tolérance et d'objectivité", dont la méconnaissance est de nature à justifier une sanction disciplinaire (cf. C.E., 28 septembre 1998, n° 159236, aux tables du Recueil Lebon, s’agissant d’un enseignant-chercheur ayant, par un article, contribué au négationnisme et soutenu avec véhémence des thèses racistes et antisémites ; également : C.E., 19 mars 2008, n° 296984, aux tables du Recueil Lebon, s’agissant de propos d'un professeur d'université, par ailleurs élu, qui, lors d'une rencontre avec la presse dans sa permanence politique, avait tenu des propos contestant la neutralité et l'objectivité d'une personnalité scientifique, notamment en raison de son appartenance religieuse, et de nature à semer le doute sur l'existence des chambres à gaz dans les camps d'extermination).

Droits syndicaux

  • Réunion d'information syndicale – Enseignement du premier degré – Organisation du service

C.A.A. Toulouse, 8 novembre 2022, Syndicats SNUipp 34-F.S.U. et SUD Éducation Hérault, n° 21TL01553

L’article 5 du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 autorise les organisations syndicales les plus représentatives à tenir, pendant les heures de service, une réunion mensuelle d’information d’une durée maximale d’une heure. L'article 7 du même décret prévoit que la tenue de ces réunions ne doit pas porter atteinte au bon fonctionnement du service.

Deux syndicats avaient demandé, sans succès, au tribunal administratif de Montpellier d'annuler une note du directeur des services départementaux de l'éducation nationale de l'Hérault relative aux autorisations d'absence des enseignants du premier degré titulaires, contractuels et stagiaires au titre de l'année scolaire 2018 2019, en tant qu’elle excluait la possibilité d'imputer le temps consacré par ces agents à la participation aux réunions d'information syndicale sur les dix-huit heures d'animation pédagogique et de formation continue relevant de leurs obligations de service.

La cour administrative d’appel de Toulouse a confirmé le jugement de première instance rejetant la demande des syndicats en estimant notamment que : "Les dispositions [réglementaires relatives à] la possibilité pour les personnels enseignants du premier degré titulaires, contractuels et stagiaires de participer, sur leur temps de service, à des réunions mensuelles d’information [syndicale] n’ont ni pour effet ni pour objet de préciser celles de leurs obligations de service (…) qui ne peuvent être consacrées à la participation à de telles réunions."

La cour a également précisé qu’aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 29 août 2014 relatif aux modalités d'application aux personnels relevant du ministère de l'éducation nationale de l'article 5 du décret du 28 mai 1982, les directeurs académiques des services de l'éducation nationale prennent les mesures nécessaires à la mise en œuvre du droit ouvert aux personnels enseignants qui exercent leurs fonctions dans les écoles maternelles et élémentaires de participer aux réunions d'information syndicale tenues par les organisations syndicales représentatives pendant les heures de service.

La cour a par ailleurs rappelé qu’"il appartient aux [DASEN], comme à tout chef de service, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement des services placés sous leur autorité".

Se référant à la circulaire ministérielle n° 2014-120 du 16 septembre 2014 qui précise que : "Dans le cadre de la réorganisation des obligations réglementaires de service des enseignants du premier degré, si les [réunions d'information syndicale] ont vocation à s'imputer sur l'enveloppe des 108 heures consacrées par les enseignants à des activités autres que d'enseignement, il convient de concilier le souci d'assurer la continuité de la prise en charge des élèves avec le droit à l'information syndicale en veillant à préserver le temps consacré aux activités pédagogiques complémentaires (…)", la cour a estimé que ces dispositions ne privaient pas le directeur académique, après concertation avec les organisations syndicales concernées, de définir, dans le cadre de son pouvoir d'organisation des services, et conformément à l'article 2 de l'arrêté du 29 août 2014, celles des obligations de service des enseignants du premier degré qui, au regard des nécessités de service et des contraintes propres au service public de l'enseignement, ne peuvent être dédiées à la participation aux réunions mensuelles d'information.

Elle a également estimé que si les enseignants du premier degré bénéficient de la faculté d'assister à des réunions mensuelles d'information sur leurs obligations de service, ils ne disposent d’aucune disposition législative ou règlementaire du droit de déterminer au sein de leurs obligations de service celles devant être consacrées ou non à la tenue de telles réunions.

Protection fonctionnelle

  • Refus d’octroi de la protection fonctionnelle – Harcèlement moral

C.A.A. Bordeaux, 21 décembre 2022, n° 20BX04277

Une inspectrice de l’éducation nationale, en charge d'une circonscription au sein de l'académie de Poitiers, contestait la décision par laquelle le recteur d'académie avait refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et avait rejeté sa demande d’indemnisation au titre de la réparation des préjudices qu’elle estimait avoir subis en raison du harcèlement moral exercé par son directeur des services académiques de l’éducation nationale.

La cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé que le comportement de l’administration, une fois avertie de certains manquements de la requérante à ses obligations professionnelles, n’était pas de nature à faire présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral ni d’un usage abusif de l’autorité hiérarchique dans le but de nuire à l’agent.

À ce titre, la cour a précisé que l’organisation d’un entretien avec le supérieur hiérarchique de l’intéressée pour revenir sur des évènements scolaires, la convocation à un nouvel entretien pour signifier une suspension de fonctions, la réattribution d'un dossier sensible à son adjointe ainsi que son remplacement quelques jours après son placement en congé de maladie ne constituaient pas un exercice inapproprié du pouvoir hiérarchique et n’était pas de nature à faire présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral.

N.B. : Cette décision s'inscrit dans la lignée de la jurisprudence du Conseil d'État, qui considère que pour être qualifiés de "harcèlement moral", les faits en cause doivent excéder les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique (C.E., 30 décembre 2011, Commune de Saint-Péray, n° 332366, aux tables du Recueil Lebon ; en matière de protection fonctionnelle, C.E., 29 juin 2020, n° 423996, au Recueil Lebon, et en matière d'accident de service, C.E., 27 septembre 2021, Ministre des armées, n° 440983, aux tables du Recueil Lebon).

Primes et indemnités

  • Égalité de traitement des agents publics – Régime indemnitaire des personnels enseignants-chercheurs (RIPEC) – Prime individuelle

C.E., 27 décembre 2022, n° 4617967

Le Conseil d’État a été amené à se prononcer à nouveau sur le régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (RIPEC), créé par le décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 et entré en vigueur à compter du 1er janvier 2022, au regard de l’égalité de traitement des agents publics (cf. LIJ n° 223, janvier 2023).

Dans ce nouveau régime, une prime individuelle liée à la qualité des activités et à l’engagement professionnel des agents a été instituée, avec des motifs d’attribution élargis, en remplacement de la prime d’encadrement doctoral et de recherche (P.E.D.R.), instituée par le décret n° 2009-851 du 8 juillet 2009, qui ne pourra plus être attribuée aux bénéficiaires du RIPEC sauf s’ils apportent une contribution exceptionnelle à la recherche ou s’ils sont lauréats d’une distinction scientifique de niveau international ou national. Le premier alinéa du II de l’article 7 du décret du 29 décembre 2021, dans sa rédaction applicable au litige, a prévu que les attributaires de la P.E.D.R. en restent bénéficiaires jusqu'à leur terme malgré l’entrée en vigueur du RIPEC et ne peuvent bénéficier d'une nouvelle prime individuelle avant un délai d'un an après ce terme.

Selon les requérants, ces dispositions portaient atteinte au principe d’égalité en tant qu’elles privaient pendant un an les enseignants-chercheurs bénéficiant de la P.E.D.R. dont la période d’attribution expire après le 1er janvier 2022 de la possibilité d’obtenir une nouvelle prime individuelle, y compris pour un motif différent de celui ayant conduit à l’attribution de la P.E.D.R., alors que les bénéficiaires de la prime individuelle qui ne bénéficiaient pas de la P.E.D.R. lors de l’entrée en vigueur du RIPEC pouvaient, après une première attribution, demander à bénéficier à nouveau de cette prime sans délai de carence s’ils fondaient leur demande sur un motif différent de celui ayant conduit à l’octroi de la première prime.

Le Conseil d’État a tout d’abord rappelé que le principe d'égalité "ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier" (cf. C.E., Assemblée, 11 avril 2012, Groupe d'information et de soutien des immigrés et autres, n° 322326, au Recueil Lebon ; C.E., 6 novembre 2019, Fédération nationale de l'équipement et de l'environnement-C.G.T. et autres, n° 424391, aux tables Recueil Lebon).

En l’espèce, le Conseil d’État a estimé que "les enseignants-chercheurs bénéficiant de la [P.E.D.R.] dont la période d'attribution expire après le 1er janvier 2022 ne sont (…) pas placés dans la même situation que ceux ayant obtenu la nouvelle prime individuelle, sans avoir bénéficié, postérieurement au 1er janvier 2022, du versement de la [P.E.D.R.] et sollicitant, pour les premiers d’entre eux en 2025, le renouvellement de cette prime individuelle", prenant notamment en compte le caractère transitoire du dispositif contesté qui n’avait pas vocation à s’étendre au-delà de 2025 (pour un exemple où le juge tient compte du caractère transitoire du dispositif pour apprécier les différences de traitement, cf. C.E., 2 avril 2021, Syndicat national des ingénieurs des travaux publics de l'État et des collectivités territoriales - Force ouvrière, n° 433017, aux tables du Recueil Lebon).

La différence de traitement ainsi créée "est en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit [et] ne présente pas de caractère manifestement disproportionné". En effet : "Elle répond à l'objectif de mieux prendre en compte l'ensemble des missions qui peuvent être aujourd'hui confiées aux enseignants-chercheurs et aux chercheurs, de diversifier les profils des bénéficiaires de la part indemnitaire individuelle et d'en élargir le nombre, en contribuant à un meilleur équilibre entre les hommes et les femmes et entre les professeurs d'universités et les maîtres de conférences". La mesure limite, en outre, le délai de carence à une année. Elle ne concerne, de surcroît, que les seuls enseignants-chercheurs bénéficiaires de la P.E.D.R. au titre d'une activité scientifique jugée d'un niveau élevé et ne fait pas obstacle à ce que ces derniers puissent bénéficier à nouveau de cette prime, sans délai de carence, s'ils apportent la preuve d’une contribution exceptionnelle à la recherche ou s’ils sont lauréats d’une distinction scientifique de niveau international ou national.

Enfin, le Conseil d’État a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens (…)", jugeant qu’eu égard à l'objet de la prime individuelle et aux conditions d'attribution de celle-ci, qui diffèrent au demeurant de celles de la P.E.D.R. et ne leur confèrent aucun droit particulier à se voir attribuer cette prime en tant que bénéficiaires de la P.E.D.R., les requérants ne sauraient se prévaloir en cette qualité d'une espérance légitime d'obtenir la prime individuelle.

En effet, si la prime individuelle doit être regardée comme un bien au sens des dispositions de l’article 1er du protocole additionnel (cf. C.E., Assemblée, 11 juillet 2001, Ministre de la défense, n° 219312, au Recueil Lebon, considérant 7), les intéressés ne peuvent en réalité se prévaloir ni d’un "acte juridique ayant une base juridique solide" (C.E.D.H., 28 septembre 2004, X c/ Slovaquie, n° 44912/98, paragraphe 47) ni d’une reconnaissance de facto par les autorités (C.E.D.H., 30 novembre 2004, X c/ Turquie, n° 48939/99, paragraphe 127) nécessaire à la reconnaissance d’une espérance légitime d’obtenir la nouvelle prime individuelle.

N.B. : Le décret n° 2022-1602 du 21 décembre 2022 a supprimé le délai de carence d’un an au terme duquel les personnels ne pouvaient bénéficier d’une nouvelle prime individuelle pour le même motif ainsi que le délai de carence en litige qui s’appliquait aux bénéficiaires de la P.E.D.R., respectivement prévus à l’article 4 du décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 et au premier alinéa du II de l’article 7 du même décret (cf. infra).

  • Action en reconnaissance de droits – Mission de lutte contre le décrochage scolaire – Professeurs coordonnateurs recrutés en contrat à durée déterminée – Indemnité de fonctions

T.A. Montreuil, 17 novembre 2022, Syndicat C.G.T. Éduc'Action de Seine-Saint-Denis, n° 2117366

Un syndicat demandait au tribunal administratif de Montreuil de reconnaître le droit, sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, pour les professeurs coordonnateurs de la mission de lutte contre le décrochage scolaire en contrat à durée déterminée et affectés dans le département de Seine-Saint-Denis, de bénéficier de l'indemnité de fonctions prévue par le décret n° 2019-1440 du 23 décembre 2019.

Cette indemnité est attribuée aux personnels enseignants et aux personnels d'éducation, titulaires ou en contrat à durée indéterminée, détenteurs du certificat de professionnalisation en matière de lutte contre le décrochage scolaire et qui assurent au moins un demi-service sur tout poste ou emploi requérant une telle qualification.

Le tribunal administratif a rejeté l'action après avoir considéré que le syndicat requérant ne se prévalait d'aucun droit individuel résultant de l'application de la loi ou du règlement.

En effet, il résulte du décret du 23 décembre 2019 qu'un personnel enseignant ou d'éducation recruté en contrat à durée déterminée ne dispose d'aucun droit à bénéficier de l'indemnité de fonctions.

En outre, la circonstance que cette exclusion méconnaîtrait le principe de non-discrimination issu du droit de l'Union européenne n'a pas pour conséquence de faire naître directement, au profit des personnels en contrat à durée déterminée, un droit à bénéficier d'une prime, qui ne peut résulter, en application de l'article 4 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, que de ce contrat ou d'un texte de portée générale.

  • Personnels enseignants du premier degré – Établissement régional d'enseignement adapté – Indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves

T.A. Dijon, 8 décembre 2022, n° 2101386

Une professeure des écoles exerçant des fonctions d'éducatrice en internat au sein d'un établissement régional d'enseignement adapté contestait le rejet de sa demande tendant au versement de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves allouée aux personnels enseignants du premier degré (ISAE), prévue par le décret n° 2013-790 du 30 août 2013.

Le tribunal a rappelé que : "Il résulte [des] dispositions [des articles 1er et 2 du décret du 30 août 2013] que l’ISAE a pour objet de rémunérer les enseignants de leur participation aux fonctions de suivi pédagogique des élèves et de liaison avec les familles, qui constituent le complément indissociable de leur mission d’enseignement. Pour y être éligibles, les professeurs des écoles qui exercent dans les établissements régionaux d'enseignement adapté doivent consacrer la part principale de leur temps de service aux activités d’enseignement en classe qui impliquent nécessairement suivi individuel et évaluation pédagogique des élèves, travail en équipe et dialogue avec les familles."

En l’espèce, les juges du fond ont estimé que l’enseignante n’établissait pas que l’encadrement éducatif des internes qu’elle assurait en dehors du temps scolaire pouvait être assimilé à un enseignement impliquant, de manière habituelle et régulière, suivi individuel et évaluation pédagogique des élèves, travail en équipe et dialogue avec les familles.

Par suite, son service n’entrait pas dans les conditions d'attribution de l'ISAE.

Sanctions

  • Sanction disciplinaire – Enquête administrative – Exigence d'impartialité

C.E., 18 novembre 2022, n° 457565, aux tables du Recueil Lebon

Un ancien directeur de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP) demandait au Conseil d’État d’annuler le décret du 5 août 2021 par lequel le président de la République avait prononcé à son encontre la sanction de mise à la retraite d’office, au titre de faits relevés dans un rapport de la Cour des comptes et qui avaient fait l'objet d’une enquête de l’Inspection générale de la jeunesse et des sports.

Le requérant soutenait notamment que la procédure disciplinaire avait méconnu le principe d’impartialité en ce que l’un des auteurs du rapport de l’Inspection générale avait eu à connaître indirectement, à l’occasion de ses précédentes fonctions, d’une partie des faits ayant conduit au prononcé de sa sanction.

Le Conseil d’État a jugé, dans la lignée de sa jurisprudence traditionnelle en la matière (cf. C.E., 27 avril 1967, n° 63367, au Recueil Lebon), que dès lors que l’établissement d’un rapport d’inspection ne constituait pas une phase de la procédure disciplinaire, un tel moyen était sans influence sur la régularité de la procédure disciplinaire et était donc inopérant. Il appartenait seulement à la juridiction d’apprécier la valeur probante d’un tel rapport (C.E., 29 septembre 2021, n° 432628, aux tables du Recueil Lebon).

Le Conseil d’État a précisé sur ce dernier point que "si la méconnaissance du principe d'impartialité par un organe d'inspection ou de contrôle, à un stade antérieur à la procédure disciplinaire, est susceptible d'avoir une incidence sur l'établissement des faits et sur leur qualification par l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, elle ne saurait suffire, par elle-même, à établir l'inexactitude matérielle des faits qui fondent la sanction ou à caractériser une erreur d'appréciation ou une erreur de droit entachant cette décision".

  • Exclusion temporaire de fonctions de deux ans – Comportement déplacé à l’égard des élèves de sexe féminin – Anonymisation des témoignages

C.A.A. Douai, 15 décembre 2022, n° 21DA02763

Un enseignant demandait l’annulation de la décision par laquelle le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse lui avait infligé une sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de deux ans assortie d’un sursis de six mois pour avoir eu des propos, des gestes ainsi que des comportements déplacés à l’endroit de ses élèves de sexe féminin en séance d’éducation physique et sportive.

Selon le requérant, ses droits de la défense avaient été méconnus dès lors que les témoignages établis à son encontre avaient été anonymisés.

Si l’article L. 532-4 du code général de la fonction publique consacre pour le fonctionnaire, dans le cadre d’une procédure disciplinaire, un droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes, ce droit trouve une limite lorsque la communication des procès-verbaux est de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné.

En l’espèce, la cour a écarté le moyen en estimant qu’eu égard au jeune âge des lycéennes qui avaient témoigné, l'administration avait pu légalement estimer que la communication de ces témoignages avec le nom de leurs auteures était de nature à porter gravement préjudice à celles-ci. En soulignant par ailleurs que l’ensemble des pièces communiquées au requérant était très circonstanciés, quand bien même les 37 témoignages écrits d'élèves mineures avaient été anonymisés, la cour a estimé que le requérant avait été mis en mesure de préparer utilement sa défense.

Cet arrêt s’inscrit dans la jurisprudence constante du Conseil d’État estimant que l’anonymisation des témoignages recueillis dans le cadre d’une procédure disciplinaire à l’encontre d’un agent n’est pas susceptible de méconnaître par elle-même les droits de la défense dès lors qu’ils ont été soumis au débat contradictoire et que leur teneur est confortée par des éléments non anonymisés versés au dossier (C.E., 9 octobre 2020, n° 425459, aux tables du Recueil Lebon).

Il en va de même si les documents anonymisés fondant la procédure disciplinaire présentent un caractère suffisamment précis et circonstancié pour permettre à l’agent poursuivi d’en discuter utilement la teneur (cf. C.A.A. Bordeaux, 8 mars 2010, n° 09BX01078 ; C.A.A. Douai, 17 août 2017, n° 15DA01807 ; C.A.A. Nantes, 3 décembre 2021, n° 20NT02591).

Indemnité de départ volontaire

  • Pièces justificatives de la réalité de l’activité de l’entreprise – Versement de la seconde moitié

C.A.A. Bordeaux, 21 décembre 2022, n° 20BX03752

Une ancienne fonctionnaire de l’éducation nationale contestait le rejet de sa demande tendant à la condamnation de l’État à lui verser la seconde fraction de l’indemnité de départ volontaire (I.D.V.) accordée par le recteur d’académie dans le cadre de sa démission de la fonction publique pour exercer la profession d’avocate au barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

Les modalités de versement de l’I.D.V. pour créer une entreprise étaient alors régies par l’article 3 du décret n° 2008-368 du 17 avril 2008, abrogé depuis le 1er janvier 2020, qui prévoyait le versement d’une première moitié du montant de l’I.D.V. après communication d’un Kbis attestant de l’existence juridique de l’entreprise, le versement de la seconde moitié étant quant à lui subordonné à la production de pièces justificatives permettant de vérifier la réalité de l'activité de l'entreprise à l’issue de la première année d’exercice.

La requérante, qui n’avait communiqué à l’administration aucun élément de nature à établir la réalité de son activité, avait versé aux débats une attestation du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy indiquant qu’elle était inscrite au tableau de l’ordre des avocats de ce barreau.

La cour administrative d’appel de Bordeaux a toutefois estimé que cette attestation ne permettait pas à elle seule de considérer que la requérante exerçait réellement cette activité depuis au moins une année, de sorte qu’elle ne pouvait être regardée comme remplissant les conditions prévues par l’article 3 du décret du 17 avril 2008 pour prétendre au versement de la seconde moitié de l’I.D.V.

Nomination

  • Entrée dans le service – Conditions de nomination – Garanties requises – Intérêt du service

C.A.A. Lyon, 10 novembre 2022, n° 21LY02967

Le requérant, admis à un concours de recrutement de professeurs de l’enseignement privé, contestait la décision du recteur de l’académie de Lyon lui retirant le bénéfice de son admission au concours et refusant de le nommer en qualité de maître stagiaire dans l'intérêt du service au motif qu’il ne présentait pas les garanties requises pour exercer les fonctions de professeur. Il lui était en effet reproché, alors qu'il occupait un poste de maître délégué, d’avoir échangé par le biais d'une messagerie électronique une correspondance nourrie avec une élève mineure dans le but d'avoir avec elle une liaison. Dans ses messages, adressés généralement durant la soirée et parfois à des heures tardives, sans contenu pédagogique ni rapport avec le suivi pédagogique de la scolarité de l'élève, le professeur lui avait fait part de ses sentiments amoureux et proposait des rencontres en dehors de l'établissement, malgré la prise de distance et les refus de l'élève.

La cour administrative d’appel de Lyon a confirmé la légalité de la décision attaquée et fourni une nouvelle illustration de motifs pouvant légalement fonder le refus de nomination d’un stagiaire.

Cet arrêt s’insère dans la continuité de la jurisprudence du Conseil d’État qui prévoit que les conditions énumérées par l'article L. 321-1 du code général de la fonction publique pour accéder à la qualité d’agent public ne sont pas exhaustives et que l’autorité compétente pour nommer en qualité de fonctionnaire stagiaire les lauréats admis aux épreuves d’un concours conserve la possibilité d’apprécier, dans l’intérêt du service, si les intéressés présentent les garanties requises pour être nommés compte tenu de la nature des fonctions auxquelles ils postulent (cf. C.E., 10 juin 1991, Garde des Sceaux, ministre de la justice, n° 107853, au Recueil Lebon, pour un refus de nomination en qualité de stagiaire).

N.B. : Par un jugement du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Nancy avait rejeté la demande de nomination d'un lauréat à un concours de recrutement de professeur au motif que son passé de professeur, marqué par plusieurs licenciements pour inaptitude professionnelle en fin de stage et un abandon de poste, révélait qu'il ne présentait pas les garanties requises pour exercer le métier d'enseignant (T.A. Nancy, n° 1902955, LIJ n° 221, juillet 2022).

De même, le tribunal administratif de Paris a estimé, le 23 septembre 2022, que la mise en examen d'un lauréat d'un concours de recrutement de professeurs pour des faits d'association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes justifiait le refus de nomination qui lui avait été opposé (T.A. Paris, n° 2018450, LIJ n° 223, janvier 2023).

Télétravail

  • Organisation du service – Pouvoir réglementaire du chef de service

C.E., 6 janvier 2023, M. X et ASAMEN, n° 461085 et n° 462534

Un agent du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse et l'Association syndicale des attachés d'administration de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche, de la jeunesse et des sports (ASAMEN) demandaient l’annulation du refus d’abroger la circulaire n° 2018-065 du 6 juin 2018 relative aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail au sein de l’administration centrale du ministère et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche en tant qu’elle limitait à deux jours par semaine le nombre maximal de jours pouvant être télétravaillés et qu’elle excluait le télétravail en dehors du domicile de l’agent.

Les requérants soutenaient en premier lieu que le ministre était incompétent pour fixer à deux jours par semaine la quotité maximale de jours télétravaillés alors que l’article 3 du décret n° 2016-151 du 11 février 2016 prévoit que : "La quotité des fonctions pouvant être exercées sous la forme du télétravail ne peut être supérieure à trois jours par semaine. (…)."

Le Conseil d’État, après avoir précisé que ces dispositions se bornaient à fixer un plafond de trois jours correspondant à la quotité d'activité pouvant être exercée en télétravail, a jugé que le ministre de l'éducation nationale, "compétent au titre de ses prérogatives d'organisation des services placés sous son autorité", pouvait légalement prévoir un seuil de deux jours de télétravail inférieur au plafond fixé par les dispositions précitées.

Les intéressés estimaient ensuite que la circulaire du 6 juin 2018, en tant qu’elle restreignait l’exercice du télétravail au domicile de l’agent, méconnaissait l’article 2 du décret du 11 février 2016 dans sa version issue du décret n° 2020-524 du 5 mai 2020 et l’accord du 13 juillet 2021 relatif à la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique.

Le Conseil d’État a toutefois jugé que les requérants ne pouvaient utilement se prévaloir de l'accord du 13 juillet 2021, qui est dépourvu de caractère réglementaire.

En outre, l’article 2 du décret du 11 février 2016 modifié par l’article 1er du décret du 5 mai 2020, "se born[ant] à étendre les possibilités offertes pour l'organisation de l'activité exercée en télétravail", il n’était pas méconnu par le ministre qui a légalement pu limiter, à nouveau en vertu de ses pouvoirs d'organisation de ses services, "les lieux dans lesquels peut être exercée l'activité en télétravail dans les services du ministère de l'éducation nationale".

Personnels d’éducation et de surveillance

  • Indemnité forfaitaire d’éducation bénéficiant aux conseillers principaux d’éducation – Critère d’éligibilité au versement – Titularisation dans le corps (absence) – Exercice des fonctions

C.E., 10 novembre 2022, n° 458629

Une professeure déclarée définitivement inapte à l’exercice de ses fonctions avait, à la suite de son reclassement, été affectée dans un établissement scolaire pour y exercer les fonctions de conseiller principal d’éducation (C.P.E.), sans toutefois percevoir l’indemnité forfaitaire d’éducation instituée par le décret n° 91-468 du 14 mai 1991 en faveur des C.P.E. Elle avait intenté un contentieux afin que l’État soit condamné à lui verser la somme correspondant à l’indemnité forfaitaire d’éducation qu’elle aurait dû percevoir, en vain devant le tribunal administratif de Melun et devant la cour administrative d’appel de Paris.

Le Conseil d'État a annulé l'arrêt par lequel la cour administrative d’appel de Paris avait rejeté la demande de la professeure.

Censurant l’interprétation donnée par les juges du fond à l'article 1er du décret du 14 mai 1911 qui prévoit que l’indemnité forfaitaire d’éducation est allouée "aux conseillers principaux relevant du ministre chargé de l'éducation et exerçant les fonctions définies à l'article 4 du décret du 12 août 1970 modifié (…) ainsi qu'aux personnels non titulaires exerçant les mêmes fonctions", le Conseil d’État a jugé que l’unique critère d’éligibilité au versement de cette indemnité était l’exercice des fonctions, indépendamment de la titularisation dans le corps des conseillers principaux d'éducation. Par suite, ce versement ne pouvait pas, pour ce qui concerne les personnels titulaires, être réservé aux seuls membres du corps des conseillers principaux d’éducation.

Suspension de fonctions

  • Enseignants-chercheurs – Suspension conservatoire – Article L. 951-4 du code de l’éducation – Durée totale excédant un an – Illégalité

C.E., 26 décembre 2022, n° 468102

Un enseignant-chercheur avait fait l’objet d’une mesure de suspension conservatoire en application de l'article L. 951-4 du code de l’éducation à raison du cumul d’activités extérieures exercées à des fins lucratives et sans autorisation ainsi que des carences graves et répétées dans son encadrement pédagogique qui en résultait.

Après avoir été une première fois saisi de la légalité de cette suspension (cf. C.E., 1er juin 2022, n° 458362), le Conseil d’État a eu à se prononcer sur la régularité de la prolongation de cette mesure au-delà de la durée totale d’un an prévue par l’article L. 951-4.

Après avoir rappelé sa jurisprudence bien établie en la matière selon laquelle : "La suspension d’un professeur des universités, sur la base de ces dispositions, est une mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l’intérêt du service public universitaire. Elle peut être prononcée lorsque les faits imputés à l’intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l’intéressé au sein de l’établissement présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours" et : "(…) la durée totale de la suspension susceptible d’être infligée à un enseignant-chercheur ne peut excéder une année, quand bien même l’intéressé fait l’objet de poursuites disciplinaires" (cf. C.E., 24 novembre 2021, n° 438068 ; C.E., 30 décembre 2021, n° 435322, LIJ n° 219, mars 2022), il a annulé la décision prorogeant la suspension à titre conservatoire de l’intéressé jusqu’au prononcé de la décision de la section disciplinaire compétente.

Cette décision est l’occasion de rappeler la nécessité de mettre en œuvre les procédures disciplinaires avec célérité sous peine de voir l’enseignant-chercheur concerné reprendre ses fonctions à l’issue du délai de suspension conservatoire d’un an.

Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille

Déclaration – Autorisation

  • Régime d’autorisation – Modalités d’instruction des demandes – Appréciation des motifs – Prise en compte de l’intérêt de l’enfant

C.E., 13 décembre 2022, M. X, n° 462274, et Association Liberté éducation, Association Les enfants d'abord, Fédération nationale de l'enseignement privé et autres, nos 463175, 463177, 463210, 463212, 463320, 466467 et 468228, aux tables du Recueil Lebon
C.E., 13 décembre 2022, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse,
n° 467550 et n° 466623, aux tables du Recueil Lebon

Le Conseil d’État a statué sur huit requêtes tendant à l’annulation pour excès de pouvoir des trois décrets d’application de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 substituant au régime déclaratif jusqu’alors applicable en matière d’autorisation d’instruire dans la famille un régime d’autorisation préalable, à savoir le décret n° 2022-182 du 15 février 2022 relatif aux modalités de délivrance de l'autorisation d'instruction dans la famille, le décret n° 2022-183 du 15 février 2022 instituant le recours administratif préalable obligatoire exercé contre les décisions de refus d’autorisation d'instruction dans la famille, modifiant l'article L. 131-5 du code de l’éducation, et le décret n° 2022-849 du 2 juin 2022 modifiant l’article D. 131-11-10 du même code.

Par des décisions du même jour, le Conseil d’État a également statué sur deux pourvois en cassation formés par le ministre à l’encontre de deux ordonnances de référé qui, prises durant l’été 2022, avaient prononcé la suspension de décisions de refus d’autorisation d’instruction dans la famille prises, d’une part, sur le fondement du 1° (état de santé ou handicap de l’enfant) et, d’autre part, sur celui du 4° (situation propre à l’enfant motivant un projet éducatif) de l’article L. 131-5 du code de l’éducation.

1. En premier lieu, le Conseil d’État a écarté l’ensemble des moyens d’inconventionalité dirigés contre le principe même du régime d’autorisation de l’instruction dans la famille institué par la loi du 24 août 2021.

Le Conseil d’État a ainsi jugé que : "L'article L. 131-5 du code de l'éducation, en ce qu'il prévoit que l'instruction dans la famille constitue une modalité dérogatoire de mise en œuvre de l'instruction obligatoire et qu'elle est soumise à un régime d'autorisation préalable, ne méconnaît, par lui-même, ni le droit à l'instruction, ni le droit des parents à l'instruction de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques, tels qu'ils sont garantis par les stipulations (…) de l'article 2 du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales [C.E.S.D.H.]. En outre, (…) les stipulations de l'article 53 de la [C.E.S.D.H.] n'ont ni pour objet ni pour effet de contraindre les États signataires de cette convention à maintenir en la matière un niveau de protection des droits et libertés plus élevé, résultant d'une législation existante, que celui requis par les stipulations de la convention".

Dans une décision ultérieure du 26 décembre 2022 (n° 466760), le Conseil d’État a également écarté les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l’article 18.4 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui ne sont pas d’effet direct, et de l’article 8 de la C.E.S.D.H., qui ne font pas, par elles-mêmes, obstacle à ce que l’instruction dans la famille relève d’un régime d’autorisation préalable (point 6).

2. En deuxième lieu, le Conseil d’État a, dans un considérant de principe repris à l’identique dans chacune des autres décisions, précisé les contours du contrôle exercé par l’autorité administrative saisie d'une demande d’autorisation d’instruire un enfant dans la famille.

Il a ainsi jugé qu’il lui appartenait, quel que soit le motif au titre duquel l’autorisation est sollicitée, "de rechercher, au vu de la situation de cet enfant, quels sont les avantages et les inconvénients pour lui de son instruction, d’une part, dans un établissement d’enseignement, d’autre part, dans la famille selon les modalités exposées par la demande et, à l’issue de cet examen, de retenir la forme d’instruction la plus conforme à son intérêt" (décisions nos 462274 et autres, point 2 ; décisions n° 467550 et n° 466623, point 3).

Suivant ce raisonnement, le Conseil d’État a jugé qu’il résultait de l'article R. 131-11-2 du code de l’éducation que, lorsque l’autorité administrative était régulièrement saisie d’une demande d’autorisation fondée sur l’état de santé de l’enfant, il lui appartenait "d’autoriser l’instruction d’un enfant dans sa famille lorsqu’il est établi que son état de santé rend impossible sa scolarisation dans un établissement d’enseignement public ou privé ou lorsque l’instruction dans sa famille est, en raison de cet état de santé, la plus conforme à son intérêt" (décision n° 466623, point 5). Dans cette hypothèse, le critère n’est donc pas que la scolarisation de l’enfant est impossible, comme le soutenait le ministre, mais que l’instruction dans la famille est plus conforme à l’intérêt de l’enfant que sa scolarisation.

Le Conseil d’État a par ailleurs tranché la question de savoir s’il appartenait à l’administration, saisie d’une demande d’autorisation fondée sur "l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif", de vérifier l’existence d’une telle situation. Les juges de première instance avaient sur ce point, des positions différentes.

Plus précisément, faisant droit au pourvoi formé par le ministre, le Conseil d’État a jugé que l’article L. 131-5 du code de l’éducation précité, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021, "implique que l’autorité administrative, saisie d’une telle demande, contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif" (décisions nos 462274 et autres, point 16 ; décision n° 467550, point 4). Il résulte de cette interprétation qu’il incombe aux parents de démontrer que le projet éducatif présenté à l’appui de leur demande répond à la situation propre de leur enfant, si bien qu’un projet abstraitement adapté à un enfant de la classe d’âge correspondante ou standardisé ne peut valablement fonder une demande d’autorisation présentée au titre de ce motif.

3. Confirmant la solution retenue par le juge des référés du Conseil d’État (J.R.C.E., 16 mai 2022, n° 463123, n° 463224 et n° 463324, LIJ n° 221, juillet 2022), le Conseil d’État, statuant au fond, a ensuite écarté la quasi-totalité des moyens dirigés contre les dispositions régissant le nouveau régime d’autorisation.

S’agissant du décret n° 2022-182 du 15 février 2022, était particulièrement contestée l’institution d’une période de dépôt des demandes d’autorisation, allant du 1er mars au 31 mai inclus de l’année précédant l’année scolaire.

Le Conseil d’État a écarté l’ensemble des moyens tenant notamment à la méconnaissance de la liberté d’aller et venir des personnes responsables de l’enfant et au caractère arbitraire et inadapté de ce délai. Il a en effet jugé que "(…) la fixation de [cette] période (…) est cohérente avec le calendrier d'inscription des enfants dans ces établissements et permet que les parents souhaitant instruire leur enfant dans la famille aient, en principe, reçu une réponse définitive à leurs demandes d'autorisation avant la rentrée scolaire. En outre, ce calendrier n'est pas manifestement inapproprié aux cas de demandes présentées pour des motifs liés à la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives ou pour une situation propre à l'enfant dès lors que ces deux motifs de demande correspondent à des situations prévisibles. Au demeurant, il est toujours loisible à l'autorité administrative d'examiner, à titre gracieux, une demande formulée hors délai." (Décisions nos 462274 et autres, point 9.)

Il a par ailleurs écarté le moyen dirigé contre la nécessité de produire une copie du diplôme du baccalauréat ou de son équivalent à l’appui d’une demande d’autorisation fondée sur le 4° de l’article L. 131-5 du code de l’éducation, en application de l'article R. 131-11-5 du code de l’éducation (point 20).

4. Statuant enfin sur les requêtes présentées contre les deux autres décrets, le Conseil d’État a annulé partiellement l’article D. 131-11-10 du code de l’éducation dans sa rédaction issue du décret n° 2022-183 du 15 février 2022, en tant qu’il fixait à huit jours le délai pour exercer le recours contre la décision de refus d’instruction dans la famille pour saisir la commission chargée d’examiner les recours administratifs préalables obligatoires (point 33). Cette annulation contentieuse est cependant dépourvue de conséquences, dès lors que ce délai de huit jours avait, depuis lors, été porté à quinze jours par le décret n° 2022-849 du 2 juin 2022.

Mise en demeure

  • Instruction dans la famille – Instruction donnée à des enfants de plusieurs familles – École de fait

T.A. Pau, 2 décembre 2022, n° 2101341, n° 2101347, n° 2101348, n° 2101349, n° 2101350 et n° 2101351

Plusieurs familles vivant au sein d’une même communauté avaient déclaré aux services de l’éducation nationale donner l’instruction en famille à leurs enfants respectifs.

Un contrôle de l’instruction dispensée au sein de ces différentes familles, qui avait notamment pour objet de "faire vérifier, d'une part, que l'instruction dispensée au même domicile l'[était] pour les enfants d'une seule famille" en vertu de l’article L. 131-10 du code de l’éducation, avait mis en évidence le fait que les enfants étaient réunis pour recevoir en commun l’instruction au sein des locaux de la communauté.

Le directeur académique des services de l’éducation nationale avait estimé que ces faits présentaient les caractéristiques d’une école ouverte sans déclaration préalable, en méconnaissance de l’article L. 441-1 du code de l’éducation, ce qui caractérisait le délit prévu au premier alinéa de l’article L. 441-4 du même code dans sa rédaction en vigueur au moment des faits. Il en avait informé le procureur de la République et avait mis en demeure les familles de scolariser leurs enfants, sur le fondement du deuxième alinéa de l’article L. 441-4, lesdites décisions ayant ensuite été contestées devant le tribunal administratif de Pau.

Après avoir écarté le moyen tiré de ce que les mises en demeure envoyées aux parents auraient été prises en méconnaissance du principe du contradictoire, le tribunal a, en outre, jugé que c’était sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que l’autorité académique avait regardé l’enseignement dispensé au sein de la communauté comme présentant les caractéristiques d’une véritable organisation scolaire.

Les inspecteurs avaient notamment mis en évidence que les enfants des familles de la communauté "[recevaient] une instruction commune dans un grand nombre de matières, notamment l'histoire, la géographie, ou encore les sciences", que "les enseignements [étaient] dispensés par différents adultes de la communauté, selon un emploi du temps commun à plusieurs enfants, dans un lieu présentant les caractéristiques d'une salle de classe, et que les cahiers présentés lors de l'inspection [avaient] fait apparaître la réalisation des mêmes exercices et activités par les enfants du groupe, aux mêmes dates".

Le juge a précisé qu’eu égard au caractère précis et concordant de ces constats, la circonstance que les parents avaient déclaré instruire en famille leurs enfants ou que certains enseignements étaient réalisés par les seuls parents des enfants était sans incidence sur la réalité de la scolarisation de leurs enfants au sein de leur communauté.

Cned

  • Inscription au CNED en classe réglementée – Avis défavorable du directeur académique des services de l’éducation nationale – Variété suffisante d’enseignements

T.A. Amiens, 24 novembre 2022, n° 2003403

Les parents d’une collégienne ont demandé l’annulation de la décision par laquelle le directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) a émis un avis défavorable à son inscription à un "cours à la carte réglementé" d’espagnol en deuxième langue vivante au Centre national d’enseignement à distance (CNED).

Il résulte du quatrième alinéa de l’article R. 426-2-1 du code de l’éducation que l’inscription au CNED en classe dite "réglementée" est subordonnée à la condition que l’élève ne puisse pas être scolarisé totalement ou partiellement dans un établissement d’enseignement.

Le tribunal administratif en a déduit que la circonstance que l’espagnol n’était pas enseigné en deuxième langue vivante dans le collège de l’élève, situé en zone rurale, n’imposait pas au DASEN de délivrer un avis favorable à l’inscription demandée. À cet égard, les premiers juges ont précisé que les articles L. 331-7 et D. 211-10 du code de l’éducation, qui prévoient notamment que "les élèves des secteurs scolaires qu’ils regroupent doivent y trouver une variété d’enseignements suffisante pour permettre un bon fonctionnement de l’orientation", ne créaient aucun droit opposable pour les usagers du service public.

Les juges ont enfin relevé que si les requérants arguaient que la décision attaquée limitait pour leur fille les possibilités d’orientation dans l’enseignement supérieur, ils n’établissaient pas avoir été dans l’impossibilité de demander une dérogation à la carte scolaire afin de l’inscrire dans un autre établissement scolaire qui délivrerait un enseignement d’espagnol en deuxième langue vivante ou qu’il existerait un obstacle à ce que leur enfant suive des cours d’espagnol dans le cadre de l’enseignement non réglementé délivré par le CNED.

N.B : Comme l’a précisé le Conseil d’État dans un avis n° 366791 du 16 décembre 2013 (au Recueil Lebon), "l'avis défavorable de l'inspecteur d'académie, désormais dénommé directeur académique des services de l'éducation nationale, doit être regardé comme faisant grief et comme étant, par suite, susceptible d'être déféré au juge de l'excès de pouvoir".

Responsabilité

Défaillance dans l’organisation ou le fonctionnement du service

  • Accident scolaire – Responsabilité de l’État – Absence de faute dans l’organisation du service

C.A.A. Nantes, 23 décembre 2022, n° 21NT01493

Les parents d’une élève scolarisée en classe de primaire ont demandé la réparation par l’État des préjudices subis par leur fille à la suite d’un malaise dû à la chaleur lors du spectacle de fin d’année de son école.

La cour administrative de Nantes a s estimé qu’aucune faute n’avait été commise dans l’organisation du service public de l’enseignement.

La cour a en effet relevé que, bien que la climatisation ne fonctionnait pas dans la salle de théâtre dans laquelle se déroulait le spectacle, la température prévisionnelle de 28 °C n’imposait pas l’annulation du spectacle.

Après avoir examiné les conditions dans lesquelles les élèves, dont la fille des requérants, avaient participé à cet événement (bouteilles d’eau mises à disposition, durée de station debout limitée à trente minutes consécutives, fin du spectacle à un horaire raisonnable pour un élève de primaire) et souligné que l’enfant n’avait manifesté aucun signe de faiblesse durant la représentation, les juges d’appel ont également relevé que plusieurs personnes, dont une enseignante, étaient rapidement intervenues à la suite de l’accident pour prendre en charge celui-ci.

La cour a enfin estimé que "la circonstance que le spectacle ayant eu lieu l’année suivante dans les mêmes locaux a été plus court et a été donné portes ouvertes ne saurait constituer la reconnaissance par l’État de sa responsabilité dans l’incident survenu l’année antérieure".

  • Accident scolaire – Perte d’acuité visuelle – Absence de faute de l’administration

T.A. Orléans, 1er décembre 2022, n° 2004472

Alors qu’elle jouait dans la cour de récréation du collège, une élève de sixième avait été victime d’un coup de coude au niveau de l’œil droit du fait d’un autre élève dont il avait été constaté huit jours plus tard qu’il lui avait causé une perte d’acuité visuelle.

Saisi par les parents de l’élève d’une requête indemnitaire sur le seul terrain du préjudice moral pour leur fille et pour eux-mêmes, le tribunal administratif d’Orléans a d’abord estimé que cet incident n’aurait pas pu être évité par la communauté éducative qui était, au demeurant, intervenue immédiatement après les faits et qu’aucune faute de surveillance ne pouvait être retenue à l’encontre de l’État.

Les premiers juges ont, en outre, estimé qu’il n’existait pas de lien de causalité entre la perte d’acuité visuelle et la prise en charge de l’enfant par l’établissement après l’accident. Après avoir rappelé que l’élève ne présentait qu’une blessure apparente à laquelle l’infirmière de l’établissement avait apporté des soins, les juges ont relevé que le délai de plus d’un quart d’heure écoulé entre l’accident et les soins prodigués par l’infirmière et le fait que les services de secours n’aient pas été contactés par l’équipe éducative et que les parents n’aient pas immédiatement été prévenus n’établissaient pas un tel lien.

Constatant enfin qu’il n’était pas non plus démontré que la prise en charge de l’élève ait été ralentie du fait de la transmission tardive du rapport d’incident ou que cette circonstance serait susceptible d’avoir des conséquences sur l’issue de la procédure judiciaire engagée en raison de l’accident, le tribunal administratif a rejeté la responsabilité de l’État.

Procédure contentieuse et questions de droit civil et pénal appliquées au droit de l’enseignement

Exécution des jugements

  • Exécution de décision de justice – Annulation d’un jugement en appel – Retrait d’une décision de réintégration – Conditions du retrait

C.E., Section, 9 décembre 2022, Département de la Seine-Saint-Denis, n° 451500, au Recueil Lebon

Le Conseil d’État a précisé les conditions dans lesquelles peut être retirée la décision de réintégration d’un agent public prise en exécution d’un jugement ayant annulé une mesure d’éviction du service.

Un adjoint administratif s’était vu infliger la sanction disciplinaire de la révocation. L’exécution de cette décision avait d’abord été suspendue par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, qui avait ordonné la réintégration provisoire de l’intéressé, avant l'annulation de cette décision par un jugement de ce même tribunal ordonnant la réintégration, cette fois définitive, de l’agent public.

L'administration avait fait appel de ce jugement et la cour administrative d’appel de Paris avait fait droit à sa demande. Cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation, toujours pendant devant le Conseil d’État.

Entre-temps, en exécution de l’ordonnance du juge des référés, l'administration avait réintégré provisoirement l’intéressé, avant de se rétracter quatre années plus tard – deux années après l’arrêt de la cour administrative d’appel – et de retirer la décision de réintégration.

L’agent avait saisi une nouvelle fois le juge des référés, demandant la suspension de l’exécution de la décision retirant la décision le réintégrant provisoirement. Le juge avait fait droit à sa demande.

Saisi d’un pourvoi contre cette dernière ordonnance, le Conseil d’État a jugé qu’en cas d'annulation, par une décision du juge d'appel, du jugement ayant prononcé l'annulation de la décision portant révocation d'un agent public, et sous réserve que les motifs de cette décision juridictionnelle ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à une nouvelle décision de révocation, l'autorité compétente ne pouvait retirer la décision de réintégration prise en exécution du premier jugement que dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la notification à l'administration de la décision rendue en appel.

Cette décision applique, aux décisions prises en exécution d'un jugement au fond, la solution dégagée par le Conseil d'État s'agissant des décisions prises par l'administration en exécution d'une ordonnance de référé qui, à la différence de l'ordonnance, ne disparaissent pas automatiquement avec le jugement au fond (cf. C.E., Section, 7 octobre 2016, Commune de Bordeaux, n° 395211, au Recueil Lebon ; s'agissant d'une mesure d'exclusion d'un agent : C.E., 23 mai 2018, Ministre d'État, ministre de l'intérieur, n° 416313, aux tables du Recueil Lebon).

Le Conseil d'État a également précisé que : "Passé ce délai et dans le cas où un pourvoi en cassation a été introduit contre l'arrêt ayant confirmé la révocation de l'agent, l'autorité compétente dispose à nouveau de la faculté de retirer la décision de réintégration, dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la réception de la décision qui rejette le pourvoi ou de la notification de la décision juridictionnelle qui, après cassation, confirme en appel l'annulation du premier jugement."

Enfin, il a rappelé que, dans tous les cas, l’administration doit, avant de procéder au retrait, inviter l’agent à présenter ses observations.

Jeunesse, éducation populaire et vie associative

Service national universel

  • Service national universel – Encadrement des séjours de cohésion – Promesse d’embauche non tenue – Responsabilité de l’État

T.A. Nîmes, 8 novembre 2022, n° 2102715

Un candidat pour un poste d’adjoint de chef de centre d’un séjour de cohésion demandait la condamnation de l’État au titre des préjudices qu’il estimait avoir subis en raison du rejet de sa candidature.

En vertu d’une convention de partenariat, l’association Léo Lagrange accompagnait la direction des services départementaux de l'éducation nationale (D.S.D.E.N.) du Gard dans le recrutement des encadrants des séjours de cohésion, notamment par l’analyse des besoins, la diffusion des annonces et la présélection des candidats. Toutefois, aucune des stipulations de la convention ne déléguait à l’association le recrutement des candidats sélectionnés, qui relevait de l’État. Le rejet de la candidature du requérant par la D.S.D.E.N. était intervenu après sa participation à deux réunions organisées par l’association.

Le tribunal administratif de Nîmes a estimé que "ni l’échange de plusieurs courriels [entre le requérant et l’association] (…), ni sa participation à une réunion de cadrage (…) [et] à une réunion par visioconférence (…) au sein de l'association ne sauraient constituer un recrutement avalisé ou conclu par les services de l’État" dès lors que sa demande de candidature, adressée directement aux services déconcentrés, avait été rejetée expressément par ces derniers. Aussi, la responsabilité de l’État n’était pas susceptible d’être engagée pour "rupture fautive d’un contrat qui n’a pas été conclu".

Ces mêmes échanges "ou sa participation aux réunions précitées" ne constituant pas "une promesse de recrutement claire, ferme et sans ambiguïté" de la part de l’État, la responsabilité de l’État n’était donc pas plus susceptible d’être engagée à ce titre à défaut de l’existence d’une faute.

Consultations

Examens, concours et diplômes

Composition du jury

  • Brevet de technicien supérieur – Jury – Présidence – Professeur faisant fonction d'inspecteur

Note DAJ A4 n° 2022-011880 du 22 novembre 2022

La direction des affaires juridiques a été interrogée sur la possibilité pour un fonctionnaire du corps des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré faisant fonction d’inspecteur d’académie-inspecteur pédagogique régional (I.A.-I.P.R.) de présider un jury de brevet de technicien supérieur (B.T.S.).

Dans certains cas, les textes encadrant la composition du jury d’un examen ou d’un concours exigent des membres du jury, non pas qu’ils appartiennent à un corps de fonctionnaires donné, mais qu’ils exercent de manière effective certaines fonctions ou une activité professionnelle en lien avec le titre ou le diplôme délivré.

Ainsi, alors même que le deuxième alinéa de l'article L. 331-1 du code de l’éducation prévoit que "(…) les jurys [du baccalauréat] sont composés de membres des personnels enseignants de l'État (…)", le pouvoir réglementaire peut légalement ajouter les I.A.-I.P.R. à la liste des personnes pouvant siéger au sein de ces jurys dès lors qu’eu égard à leur statut, ils doivent être regardés comme "membres des personnels enseignants de l'État" au sens dudit article L. 331-1 (cf. C.E., 30 décembre 2003, Syndicat national des enseignements de second degré, n° 251820, aux tables du Recueil Lebon).

De même, un professeur ordinaire belge, dont le rang est équivalent, dans l'enseignement supérieur belge, à celui de professeur des universités français, peut siéger parmi les membres du jury du concours de l’agrégation dès lors qu’il peut être regardé comme un "professeur de la discipline concernée" au sens du quatrième alinéa de l’article 49-2 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 (cf. C.E., 28 avril 2004, n° 254012, au Recueil Lebon).

En l’espèce, le deuxième alinéa de l’article D. 643-31 du code de l’éducation prévoit que le jury du B.T.S. "est présidé par un enseignant-chercheur ou par un inspecteur d'académie-inspecteur pédagogique régional de la spécialité du diplôme".

Il semble que ces dispositions doivent être lues, à l’inverse, comme subordonnant la présidence d’un jury de B.T.S., non pas à l’exercice effectif de fonctions spécifiques, mais à l’appartenance à un corps spécifique de fonctionnaires.

Or, un professeur agrégé "faisant fonction" d’I.A.-I.P.R. continue d’appartenir au corps des professeurs agrégés.

À titre d’illustration, le Conseil d’État a jugé qu’était illégale une délibération d’un jury des épreuves pratiques du CAPES au motif que ce jury avait été présidé par un I.P.R. alors que les textes applicables prévoyaient que "pour les épreuves de la partie pratique, la présidence du jury est assurée, sauf dérogation, par un inspecteur général de la spécialité" (C.E., Section, 20 mars 1981, n° 19336, au Recueil Lebon).

Une lecture stricte de l’article D. 643-31 du code de l’éducation paraît donc être la plus prudente au regard du risque d’annulation des résultats de l’examen en cas de contentieux.

Procédure contentieuse et questions de droit civil et pénal appliquées au droit de l’enseignement

Droit civil et droit pénal

  • Aumôniers des établissements publics d'enseignement – Agrément – Contrôle des antécédents judiciaires

Note DAJ A1 n° 2022-012115 du 30 novembre 2022

La direction des affaires juridiques a été interrogée sur la possibilité, pour le recteur d’académie, de contrôler le bulletin n° 2 du casier judiciaire ainsi que le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (F.I.J.A.I.S.V.) des candidats à l’agrément d'aumônier des établissements publics d'enseignement.

Les conditions dans lesquelles une aumônerie scolaire peut être instituée à l’intérieur ou à proximité des établissements publics du second degré sont prévues aux articles R. 141-1 et suivants du code de l’éducation.

En vertu de l’article R. 141-6 de ce code, les aumôniers, qui délivrent l’instruction religieuse aux élèves, sont proposés par les autorités religieuses et doivent faire l’objet d’un agrément du recteur d’académie.

Aucune disposition spécifique ne régit toutefois les conditions ni les modalités d’agrément des aumôniers par le recteur d’académie.

1. L'article 776 du code de procédure pénale énumère limitativement les autorités pouvant consulter le bulletin n° 2 du casier judiciaire d’une personne et les hypothèses le permettant.
 
Conformément aux dispositions du 3° de cet article et du 14° de l’article R. 79 du même code, ce bulletin peut être délivré aux administrations de l’État soit pour le contrôle de l’exercice d’une activité professionnelle ou sociale faisant l’objet de restrictions expressément fondées sur l’existence de condamnations pénales ou de sanctions, soit pour le contrôle de l’exercice d’emplois dans leurs services impliquant un contact habituel avec des mineurs.

Tel est le cas, s’agissant de la première proposition, de toute personne employée, à quelque titre que ce soit, dans les établissements d’enseignement publics ou privés, conformément à l’article L. 911-5 du code de l’éducation.

Si les aumôniers font l’objet d’un agrément par le recteur d’académie, et quand bien même ils peuvent être amenés à dispenser l’instruction religieuse dans l’enceinte d’un établissement public, ils ne peuvent être considérés comme y étant employés au sens de ces dispositions.

Ces ministres du culte ne peuvent pas non plus être regardés comme exerçant un emploi dans les services de l’État au sens du 14° de l’article R. 79 du code de procédure pénale, ces derniers devant plutôt être considérés comme intervenant dans les établissements scolaires, à l’instar de ce qui est prévu au 22° de cet article qui concerne exclusivement l’administration pénitentiaire.

Par conséquent, le recteur d’académie n’est pas habilité à consulter le bulletin n° 2 du casier judiciaire des candidats à l’agrément d’aumônier.

2. S’agissant de la consultation du F.I.J.A.I.S.V., le 3° de l’article 706-53-7 du code de procédure pénale prévoit que les informations contenues dans ce fichier sont accessibles : "aux administrations de l'État dont la liste est fixée par le décret prévu à l'article 706-53-12, pour les décisions administratives de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs ainsi que pour le contrôle de l'exercice de ces activités ou professions".

En outre, l’article R. 53-8-24 du même code pris pour son application inclut, au b) de son 2°, les rectorats et les inspections d’académiques à la liste des administrations de l’État habilitées à consulter le F.I.J.A.I.S.V. à ce titre.
 
Il en résulte que les recteurs d’académie sont habilités à consulter le F.I.J.A.I.S.V. des candidats à l’agrément d’aumônier, diligence qu’il est d’ailleurs conseillé, pour des considérations tirées de la protection des mineurs, de mettre systématiquement en œuvre avant la délivrance d’un tel agrément.

Le point sur

Le régime de la publication et de l’opposabilité des circulaires et instructions ministérielles issu de la loi ESSOC du 10 août 2018

Dans un souci d’information des citoyens et de transparence de l’action publique, l’article L. 312-1 du code des relations entre le public et l’administration (C.R.P.A.), introduit par la loi du 17 juillet 1978, autorise la publication des documents administratifs que l’administration produit.

Néanmoins, pour certains documents, la publication n’est pas une simple faculté laissée à la discrétion de l’administration mais constitue une obligation prévue à l’article L. 312-2 dudit code, introduit par l’ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 créant le C.R.P.A. Pour une précédente chronique sur les circulaires, on se reportera à la LIJ n° 202 de mai 2018.

Cet article L. 312-2 a été complété par la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite "loi ESSOC", et prévoit désormais que les instructions et circulaires concernées sont réputées abrogées si elles n’ont pas été publiées dans les conditions prévues par le C.R.P.A.

A. Le champ d’application de l’obligation de publication des circulaires et instructions ministérielles

Le champ d’application de l’obligation de publication est large. Ainsi, selon le premier alinéa de l’article L. 312-2 du C.R.P.A. : "Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives (…)".

Il en résulte que doivent obligatoirement être publiées les circulaires d’interprétation du droit positif, prises généralement peu de temps après l’adoption d’une loi ou d’un texte réglementaire, ainsi que les circulaires décrivant de manière assez fine une procédure administrative.

À l’inverse, ne doivent pas être obligatoirement publiées dans les mêmes conditions les circulaires "comportant des dispositions à caractère réglementaire" prises par un ministre en sa qualité de chef de service (cf. C.E., Section, 7 février 1936, n° 43321, au Recueil Lebon, dite "jurisprudence Jamart") : si celles-ci doivent être publiées pour être applicables, comme tous les actes réglementaires, elles ne sont cependant pas soumises aux règles de publication particulières du C.R.P.A. (C.E., 25 novembre 2021, n° 450258, aux tables du Recueil Lebon).

Ne sont pas davantage soumises à obligation de publication les circulaires non impératives ayant un caractère général d’orientation globale de l’action administrative, sans interprétation du droit ni description des procédures, telles que les circulaires présentant chaque année les priorités et grands axes ministériels.

Il en va de même, enfin, pour les documents administratifs non communicables au public par nature, notamment ceux couverts par le secret ou portant atteinte à des intérêts publics ou privés, visés par les articles L. 311-5 et L. 311-6 du C.R.P.A.

B. Les modalités de publication des circulaires et instructions ministérielles

La circulaire doit être publiée dans un délai de quatre mois à compter de sa signature (article R. 312-7 du C.R.P.A.).

En outre, en application du C.R.P.A., les circulaires et instructions doivent respecter les modalités de publication suivantes :

– Les circulaires et instructions émanant des administrations centrales de l’État doivent être publiées sur support papier ou internet dans un bulletin publié tous les trois mois et comportant dans son titre la mention "Bulletin officiel" (B.O.) en application de l’article R. 312-3-1 du C.R.P.A.

– Par dérogation, dans le cas où celles-ci sont adressées par les ministres aux services et établissements de l’État, elles doivent être publiées sur Légifrance (circulaires.legifrance.gouv.fr), regardé comme étant un site internet "relevant du Premier ministre" au sens de l’article R. 312-8 du C.R.P.A.

– Enfin, dans des domaines marqués par un besoin régulier de mise à jour, l’article R. 312-9 du C.R.P.A. envisage la possibilité, peu utilisée dans la pratique, de prévoir par arrêté du Premier ministre d’autres supports produisant les mêmes effets qu’une publication sur le site Légifrance. C'est notamment le cas, depuis le 1er avril 2021, des circulaires et instructions publiées sur le site du Bulletin officiel de la sécurité sociale (boss.gouv.fr).

C. Les conséquences d’une absence de publication

1. L’inapplicabilité de la circulaire ou de l’instruction

Tant que la circulaire n’a pas été publiée, l’administration ne pourra pas l'invoquer, en particulier au contentieux : on consultera en ce sens l’article R. 312-7 du C.R.P.A. qui prend soin de préciser que les auteurs de la circulaire ne peuvent pas s’en prévaloir à l’égard des administrés.

Il ne sera donc pas possible de faire état d’une circulaire non publiée dans les décisions de l’administration, qui devront uniquement renvoyer à la loi et au règlement.

2. L’abrogation automatique de la circulaire ou de l’instruction

Afin de généraliser l’obligation de publication des textes susceptibles de faire grief aux administrés, le mécanisme de l’abrogation des circulaires et instructions non publiées ou mal publiées a été renforcé par la loi ESSOC du 10 août 2018.

Le premier alinéa de l’article L. 312-2 du CRPA prévoit ainsi que : "(…) Les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret".

L’article R. 312-7 du même code précise que : "Les instructions ou circulaires qui n'ont pas été publiées sur l'un des supports prévus par les dispositions de la présente section ne sont pas applicables et leurs auteurs ne peuvent s'en prévaloir à l'égard des administrés. / À défaut de publication sur l'un de ces supports dans un délai de quatre mois à compter de leur signature, elles sont réputées abrogées."

Les circulaires et instructions signées à partir du 1er janvier 2019 doivent être publiées dans un délai de quatre mois à compter de leur signature pour être applicables.

En cas d’absence de publication dans les délais, réputées abrogées (premier alinéa de l’article L. 312-2 du C.R.P.A. et article R. 312-7 du même code), elles devront faire l’objet d’une nouvelle signature pour être régulièrement publiées et applicables.

Il convient de préciser que tout délai expirant entre le 12 mars et le 23 juin 2020 a été prorogé par l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire (cf. C.E., 12 mars 2021, Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, n° 42284, aux tables du Recueil Lebon).

Précisons que les circulaires et instructions signées avant le 1er janvier 2019 sont réputées abrogées depuis le 1er mai 2019 si elles n'ont pas, à cette date, été publiées sur les supports prévus par le C.R.P.A. en vertu de l’article 7 du décret n° 2018-1047 du 28 novembre 2018.

D. Le caractère opposable conféré à certaines circulaires publiées

La jurisprudence administrative a récemment précisé les contours du caractère opposable conféré à certaines circulaires publiées.

Il convient de ne pas confondre le régime de la publication avec celui de l’opposabilité, issu de l’article L. 312-3 du C.R.P.A. et inspiré de la législation fiscale (article L. 80 A du livre des procédures fiscales).

En vertu de cet article, un usager peut se prévaloir d’une circulaire ou d’une instruction, quand bien même il en ferait une interprétation erronée. C’est toutefois à la condition que ces documents soient publiés dans la rubrique dédiée aux "Documents opposables" d’un site internet ministériel, mentionnant explicitement qu’ils sont invocables (cf. articles R. 312-10 et D. 312-11 du C.R.P.A. où figure le site education.gouv.fr), et sous réserve de ne pas affecter la situation de tiers ni de faire obstacle à des normes supérieures préservant la santé, la sécurité ou l’environnement.

C’est donc à l’administration de choisir, parmi les instructions et circulaires en vigueur, celles qu’elle entend rendre opposables au sens de l’article L. 312-3, en les publiant dans la rubrique dédiée (cf. C.E., avis, 14 octobre 2022, n° 462784 et n° 462786, au Recueil Lebon).

Camille Dasset

Actualités

Personnels

Primes et indemnités

  • Régime indemnitaire des enseignants-chercheurs (RIPEC)

Décret n° 2022-1602 du 21 décembre 2022 modifiant divers décrets indemnitaires applicables à certains personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche
Arrêté du 21 décembre 2022 modifiant l'arrêté du 7 février 2022 fixant certaines modalités de la procédure d'attribution de la prime individuelle prévue par le décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs
J.O.R.F. du 22 décembre 2022

1. Le décret n° 2022-1602 du 21 décembre 2022 simplifie les conditions de mise en œuvre du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (RIPEC) prévu par le décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 (cf. LIJ n° 219, mars 2022).

Ce décret prévoit notamment d'ajuster la procédure d'attribution de la prime individuelle de telle sorte que les instances de consultation chargées de se prononcer sur les candidatures respectivement des enseignants-chercheurs et des chercheurs rendent un avis unique sur l'ensemble du dossier du candidat, qui précise au titre de quelles missions, au sens de l'article L. 123-3 du code de l'éducation ou de l'article L. 411-1 du code de la recherche, le bénéfice de la prime est proposé.

Pour les enseignants-chercheurs, le décret prévoit également que l'avis du Conseil national des universités (C.N.U.) est rendu préalablement à celui du conseil académique (CAC) afin d'améliorer l'efficacité de la procédure d'attribution.

En outre, il supprime le délai de carence au titre duquel le bénéfice de la nouvelle prime individuelle ne pouvait pas être octroyé avant un délai d'un an suivant le terme de la première période d'attribution.

Par ailleurs, il ouvre aux agents percevant le bénéfice de la part fonctionnelle la possibilité de convertir, pour tout ou partie, cette part en décharge de service d'enseignement et précise que la composante fonctionnelle ne peut pas être attribuée au titre d'une activité faisant déjà l'objet d'une équivalence horaire telle que prévue par le II de l'article 7 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984.

Enfin, le décret modifie certains dispositifs indemnitaires dont peuvent bénéficier les personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche afin de mettre en conformité leurs modalités d'attribution avec les règles fixées pour la mise en œuvre du RIPEC. Il s’agit de la prime d’administration et de la prime de charges administratives prévues par le décret n° 90-50 du 12 janvier 1990, de la prime de responsabilités pédagogiques instituée par le décret n ° 99-855 du 4 octobre 1999 et de la prime d’encadrement doctoral et de recherche prévue par le décret n° 2009-851 du 8 juillet 2009.

2. L’arrêté du 21 décembre 2022 tire les conséquences des modifications résultant du décret n° 2022-1602 du 21 décembre 2022 apportées à la procédure d’attribution de la prime individuelle mentionnée au 3° de l'article 2 du décret n° 2021-1895 du 21 décembre 2021.

Personnels d’éducation et de surveillance

  • Accompagnants d’élèves en situation de handicap (A.E.S.H.) – Assistants d’éducation – Recrutement – Emploi

Loi n° 2022-1574 du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation
J.O.R.F. du 17 décembre 2022

La loi n° 2022-1574 du 16 décembre 2022 a pour objet d’améliorer les conditions de travail des accompagnants d'élèves en situation de handicap (A.E.S.H.) et des assistants d'éducation (A.E.D.) afin de lutter contre la précarisation de ces personnels du service public de l'éducation nationale.

À cette fin, son article 1er modifie l'article L. 917-1 du code de l'éducation pour ouvrir la possibilité de recruter en contrat à durée indéterminée les A.E.S.H. ayant exercé pendant trois à six ans, soit potentiellement à l'issue d'un seul contrat à durée déterminée de trois ans.

L'article L. 916-1 du code de l'éducation est également modifié par l'article 2 de la loi pour permettre aux A.E.D. ayant exercé pendant six ans en contrat à durée déterminée d'être recruté en contrat à durée indéterminée, en vue de poursuivre leurs missions.

Si cette possibilité de conclure un contrat à durée indéterminée avait déjà été ouverte aux A.E.D. par l’article 10 de la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire, l’article 2 de la loi n° 2022-1574 du 16 décembre 2022 permet de réaffirmer ce principe au sein d’un texte consacré uniquement à l’amélioration de la situation des A.E.S.H. et des A.E.D.

Le législateur a renvoyé à un décret le soin de préciser les conditions de mise en œuvre de ces dispositions.

Questions propres à chaque corps et catégorie

  • Ingénieurs de recherche – Restructuration de corps

Décret n° 2022-1750 du 30 décembre 2022 modifiant les règles statutaires applicables aux ingénieurs et aux personnels techniques et administratifs de recherche et de formation du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche
Décret n° 2022-1751 du 30 décembre 2022 modifiant l'échelonnement indiciaire des ingénieurs de recherche relevant du décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983 et du décret n° 85-1534 du 31 décembre 1985
J.O.R.F. du 31 décembre 2022

1. Le décret n° 2022-1750 du 30 décembre 2022 modifie les règles statutaires applicables aux ingénieurs de recherche et aux personnels techniques et administratifs de recherche et de formation du ministère chargé de l'enseignement supérieur prévues par le décret n° 85-1534 du 31 décembre 1985 et le décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983.

Ce décret du 30 décembre 2022 procède tout d’abord à la modification et à la clarification des missions des ingénieurs de recherche.

Il prévoit aussi l’élargissement des conditions de recrutement des ingénieurs de recherche en permettant à tout titulaire d’un diplôme de niveau 7 au sens du répertoire national des certifications professionnelles, ou d’un titre universitaire étranger reconnu équivalent, de se présenter aux concours externes (articles 5 et 20 du décret).

Le décret opère également la restructuration de leur corps en deux grades, le grade d’ingénieur de recherche qui comporte 10 échelons et le grade d’ingénieur de recherche hors classe qui comporte 5 échelons et un échelon spécial (articles 2 et 17).

Il intègre enfin la prise en compte, lors du classement des ingénieurs de recherche après leur recrutement, de la préparation du doctorat (articles 8 et 23) ainsi que, pour les ingénieurs de recherche, ingénieurs d'études et assistants ingénieurs, de certains services effectués en dehors de l'Union européenne.

2. Le décret n° 2022-1751 du 30 décembre 2022 modifie en conséquence l’échelonnement indiciaire des corps d’ingénieurs de recherche.

 

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Ont participé à ce numéro : Olivia Allart, Bertille Avot, Gabriel Ballif, Simon Barthelemy, Cédric Benoit, Alexis Bouguier, Florence Brown, Benjamin Charrier, Camille Dasset, Clara Delattre, Philippe Dhennin, Isaure Ferran, Stéphanie Frain, Agathe Frenay, Alexandra Gaudé, Anne Gautrais, Dimitri Gazeyeff, Audrey Ghazi Fakhr, Simon Grairia, Julien Hée, Chloé Hombourger, Alexandre Jamet, Jean Laloux, Alexandra Lecomte, Chloé Lirzin, Alexis Maquart, Hélène Marchal, Justine Niay, Clémence Paillet-Augey, Sarah Périé-Frey, Frédéric Rochambeau, Virginie Simon, Baptiste Soubrier, Marlène Spinhirny, Juliette Uzabiaga, Dana Zeitoun

N° ISSN : 1265-6739