La Lettre d’information juridique n° 225 – mai 2023
Lettre de la direction des affaires juridiques du ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse et du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche
Éditorial
La fin de l’année scolaire qui se profile est aussi la période des demandes d’autorisation d’instruction dans la famille. Alors que s’ouvre la deuxième saison administrative d’application du nouveau régime issu de la loi du 24 août 2021, la LIJ consacre un "point sur" à un récapitulatif des apports jurisprudentiels de la première saison.
Celle-ci aura été riche : par une série de décisions de principe, le Conseil d’État a notamment éclairé la portée du 4e motif d’autorisation (l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif) et la nature de l’appréciation que l’autorité administrative doit porter sur chaque demande. C’est dans ce cadre précisé que sont en train de statuer les autorités académiques, qui pourront par ailleurs s’inspirer de nombre de premières décisions d’espèce rendues en premier ressort ou en appel.
C’est ainsi que se construit la jurisprudence, par un savant mélange d’arrêts de principe et de décisions d’espèce. Bien qu’il ne faille certainement pas souhaiter voir grossir le contentieux relatif à l’application du nouveau régime d’autorisation, il faut probablement s’attendre à ce que la deuxième saison administrative donne lieu à une deuxième saison juridictionnelle, qui viendra donner aux premières branches de jurisprudence les ramifications qui lui donneront son corps et sa forme.
Guillaume Odinet
Jurisprudence
Principes généraux
Gratuité
T.A. Dijon, 17 janvier 2023, n° 2200723
Enseignement scolaire
Sanctions
C.A.A. Bordeaux, 23 février 2023, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, n° 21BX00896
T.A. Marseille, 24 janvier 2023, n° 2107041
Personnels
Concours
T.A. Châlons-en-Champagne, 7 février 2023, n° 2200156
Accident survenu sur les lieux et temps du service
C.A.A. Lyon, 19 janvier 2023, n° 21LY00169
Absence de lien
C.A.A. Lyon, 16 février 2023, n° 22LY01268
Droits et garanties
C.A.A. Marseille, 24 janvier 2023, n° 22MA01870
Protection fonctionnelle
T.A. Versailles, 10 février 2023, nos 2104399 et 2108166
T.A. Versailles, 10 février 2023, nos 2104420 et 2108170
Procédure
C.E., 8 mars 2023, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, n° 462848, aux tables du Recueil Lebon
C.E., 8 mars 2023, n° 463478, aux tables du Recueil Lebon
Fautes
T.A. Poitiers, 6 décembre 2022, n° 2101032
Sanctions
C.E., 30 décembre 2022, n° 465304
Suspension conservatoire
C.A.A. Paris, 23 février 2023, n° 21PA03995
Révocation
C.A.A. Paris, 4 novembre 2022, n° 21PA04761
Doctorants contractuels
T.A. Versailles, 1er décembre 2022, nos 2100238 et 2100239
Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille
Questions communes
T.A. Paris, 4 janvier 2023, n° 2127963
Responsabilité
Questions générales
T.A. Montreuil, 3 février 2023, Commune de Stains et autres, n° 2000173
Responsabilité pour faute
C.A.A. Paris, 14 février 2023, Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne, n° 21PA00277
C.A.A. Marseille, 27 février 2023, n° 21MA00604
Procédure contentieuse et questions de droit civil et pénal appliquées au droit de l’enseignement
Procédures d’urgence – Référés
J.R.T.A. Rouen, 17 février 2023, n° 2300460
Crise – Situation exceptionnelle
Questions générales
T.A. Bordeaux, 29 décembre 2022, n° 2100381
Enseignements et continuité pédagogique
T.A. Rennes, 12 janvier 2023, n° 2100388
Principes généraux
Gratuité
- Fournitures scolaires – Prise en charge par la commune – Utilisation en commun
T.A. Dijon, 17 janvier 2023, n° 2200723
Saisi par des parents d’élève, le tribunal administratif de Dijon a annulé le titre de perception par lequel la commune sur le territoire duquel était scolarisé leur enfant à l’école primaire avait mis à leur charge des "frais de fournitures scolaires" d’un montant de cinquante euros, en application d’une délibération du conseil municipal visant exclusivement les élèves des écoles de la commune non domiciliés sur son territoire, à défaut de participation financière de la commune de résidence.
Les juges ont d’abord déduit des articles L. 132-1, L. 212-4 et L. 212-5 du code de l’éducation, et notamment du décret du 29 janvier 1890 relatif aux fournitures scolaires, la distinction selon laquelle : "(…) sont notamment à la charge des communes (…) l’acquisition et le renouvellement du matériel d'enseignement destiné à une utilisation en commun par les élèves de la classe. Au contraire, constitue une dépense facultative des communes l’acquisition du petit matériel et des fournitures destinés à un usage individuel par les élèves et conservés par eux."
Le tribunal a considéré qu’en l’espèce, la commune n’établissant pas la nature exacte des fournitures constituant l’objet du titre de recette, alors même que certaines étaient susceptibles de constituer du matériel d'enseignement destiné à une utilisation en commun (à savoir "de l’encre, des cahiers, des feuilles photocopiées et des feuilles"), elle n’était pas fondée à réclamer aux parents d’élèves la participation aux frais de fournitures scolaires en litige.
N.B. : Dans une décision n° 56049 du 9 novembre 1990, le Conseil d’État avait annulé une délibération analogue d’un conseil municipal. Il avait déduit des dispositions législatives relatives à la gratuité de l’enseignement primaire, désormais codifiées, qu’"aucune participation aux frais ne peut être demandée aux parents d'élèves d'une école publique, maternelle, élémentaire ou d'une école ou classe assimilée, qu'ils soient ou non domiciliés dans la commune dans laquelle se situe l'école, dès lors qu'il s'agit des frais d'acquisition, d'entretien et de renouvellement du matériel d'enseignement". Dans ce cas d’espèce, "si (…) certaines des prestations que le droit de scolarité était destiné à couvrir présentaient un caractère facultatif et pouvaient faire l'objet d'une participation des parents d'élèves étrangers à la commune, le droit de scolarité mis à la charge de ces parents par la délibération attaquée était une somme globale sans que fût précisée la part du droit réclamée au titre de telle ou telle prestation".
.
Enseignement scolaire
Sanctions
- Sanction disciplinaire – Exclusion définitive – Motivation de la décision
C.A.A. Bordeaux, 23 février 2023, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, n° 21BX00896
Le recteur d’académie de Bordeaux avait prononcé l’exclusion définitive sans sursis d’un lycéen ayant diffusé sur le groupe privé d’un réseau social des photographies et des photomontages utilisant l’imagerie nazie (images d’Hitler, croix gammée et salut hitlérien) ainsi que ses camarades et professeurs.
Saisie en appel par le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé le jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux avait estimé que la décision du recteur attaquée par les parents de l’élève n’était pas suffisamment motivée.
La cour a, au contraire, relevé que la décision litigieuse visait les articles applicables du code de l’éducation ainsi que ceux du règlement intérieur du lycée.
Elle a, en outre, rappelé le motif de la sanction infligée par le conseil de discipline de l’établissement en faisant état de l’implication personnelle de l’intéressé dans les échanges sur le réseau social, dont elle a évoqué le contenu.
Elle a enfin précisé que ces faits, contraires au règlement intérieur de l’établissement, étaient outrageants à l’égard des membres de la communauté éducative. "[La décision] comporte ainsi, de manière suffisamment précise, l’énoncé des considérations de droit et de fait en constituant son fondement pour permettre à l’intéressé de comprendre et de contester utilement la sanction prononcée." La circonstance que les sanctions infligées aux autres élèves pour les mêmes faits auraient été motivées de manière identique était sans incidence.
Se prononçant sur l’affaire au fond par l’effet dévolutif de l’appel, la cour a retenu qu’eu égard à la gravité des faits commis par le lycéen, qui avait par ailleurs fait l’objet d’une mise en garde l’année précédente à la suite de propos antisémites, le recteur d’académie n’avait, en prononçant à son encontre la sanction d’exclusion définitive sans sursis, pas commis d’erreur d’appréciation ni méconnu les principes d’individualisation et de proportionnalité des sanctions.
- Sanction disciplinaire – Droits de la défense – Refus de chanter l’hymne national
T.A. Marseille, 24 janvier 2023, n° 2107041
Une collégienne avait refusé, à deux reprises, de réciter la Marseillaise qu’elle devait apprendre, en cours d’histoire-géographie, au motif que les paroles étaient incompatibles avec ses convictions religieuses. La seconde fois, qui faisait suite à un entretien avec le chef d’établissement, l’élève avait interrompu sa récitation pour expliquer à ses camarades la raison de son refus réitéré. L’élève s’était vu infliger la sanction d’exclusion temporaire pour une durée de deux jours après que ses parents avaient décliné une mesure de responsabilisation.
Le tribunal administratif de Marseille a d’abord écarté les vices de procédure soulevés contre la sanction d’exclusion, notamment celui tiré du fait que les parents de l’élève n’avaient pas été expressément invités à présenter leurs observations préalablement à la sanction, comme le prescrit l’article R. 421-10-1 du code de l’éducation. Le tribunal a jugé qu’en l’espèce, du fait des nombreux échanges ayant précédé la sanction et de leur teneur, cette circonstance n’avait exercé aucune influence sur le sens de la décision prise, ni n’avait privé les intéressés d’une garantie. Il en va de même de la circonstance selon laquelle ces derniers n’avaient pas été informés par l’établissement de la possibilité de se faire assister par une personne de leur choix, dès lors qu’ils s'étaient spontanément fait assister par un "service juridique" (points 5 et 6).
Le tribunal a également écarté le moyen tiré de ce que la sanction serait privée de base légale dès lors que le règlement intérieur de l’établissement prévoyait que "les convictions religieuses des élèves ne leur donnent pas le droit de s'opposer à un enseignement" et que des sanctions disciplinaires pouvaient être prononcées en cas de méconnaissance de ses dispositions (point 10).
Ensuite, le tribunal administratif, après avoir rappelé l'article 2 de la Constitution et l'article R. 511-11 du code de l'éducation (alinéa 2), lesquels disposent respectivement que : "L'hymne national est la Marseillaise" et que "Les élèves doivent accomplir les travaux écrits et oraux qui leur sont demandés par les enseignants, respecter le contenu des programmes et se soumettre aux modalités de contrôle des connaissances qui leur sont imposées", a jugé qu’"Eu égard à l'histoire de la Marseillaise, qui doit au demeurant être enseignée aux enfants des écoles primaires en application des dispositions de l'article L. 321-3 du code de l'éducation, et au fait que ce chant symbolise, en tant qu'hymne national, les valeurs de la République, il ne saurait être sérieusement soutenu que la sanction infligée (…) méconnaît [la liberté de conscience et de religion]."
En outre, le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-discrimination au motif que l’élève n’avait pas été traitée différemment de ses camarades.
Enfin, le tribunal a estimé que, dans les circonstances de l’espèce, la sanction n’était pas disproportionnée à la gravité des faits, compte tenu du comportement réitéré de l’élève et du fait que celle-ci s’était adressée à toute la classe pour justifier son refus (point 16).
N.B. : Le Conseil d’État avait déjà jugé qu’il ne saurait être sérieusement soutenu que l'apprentissage de l'hymne national à l'école primaire méconnaîtrait la Constitution au motif que ses paroles seraient contraires à l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui garantit la liberté d'opinion, et à l'article 1er de la Constitution, selon lequel la France "assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion [et] respecte toutes les croyances", refusant de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée à l'encontre de cette disposition législative (C.E., 23 décembre 2011, Association D.I.H.-Mouvement de protestation civique, n° 350541, aux tables du Recueil Lebon).
Personnels
Concours
- Autorisation de concourir – Admission au concours – Vérification des conditions requises pour concourir jusqu'à la date de nomination – Affectation et prise de poste
T.A. Châlons-en-Champagne, 7 février 2023, n° 2200156
Un enseignant contractuel ayant été admis aux épreuves d'un concours interne de recrutement de professeurs de lycée professionnel avait été informé par l'administration de son affectation dans l'académie de Rennes en qualité de professeur stagiaire. Il avait pris son poste à la rentrée scolaire de septembre, avait signé à cet effet un procès-verbal d'installation avec son chef d'établissement et avait commencé un service d'enseignement jusqu'à ce qu'il soit destinataire, au bout de neuf jours, d'une décision de l'administration annulant sa candidature au concours au motif qu’il ne justifiait pas à la date de publication de la liste d'admission au concours d'un titre ou diplôme requis pour concourir.
Le requérant a contesté, en vain, cette décision devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Aux termes des dispositions combinées des articles L. 325-36 et L. 325-37 du code général de la fonction publique, la vérification des conditions requises pour concourir peut intervenir au plus tard à la date de la nomination, cette compétence de nomination étant réservée au ministre dont relève l’agent concerné.
Ainsi, pour rejeter la demande d’annulation présentée par l’agent, le tribunal administratif a relevé que les circonstances que l’intéressé avait reçu une affectation et pris son poste étaient sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle l’administration l’avait radié de la liste des candidats admis et avait refusé de le nommer dans le corps de professeurs de lycée professionnel, dès lors qu’elle pouvait effectuer cette vérification jusqu’à la date de nomination et que l’agent ne justifiait pas du diplôme requis pour se présenter à un tel concours.
Accident survenu sur les lieux et temps du service
- Accident de service – Lien de causalité – Imputabilité au service
C.A.A. Lyon, 19 janvier 2023, n° 21LY00169
La requérante, ancienne directrice des écoles, avait demandé à l'administration de l'indemniser de divers préjudices résultant de sa maladie – une tendinite persistante – dont l'imputabilité au service avait été reconnue.
La requérante était effectivement en droit, sur le fondement de la responsabilité pour risque, d'obtenir la réparation des préjudices liés à sa maladie professionnelle non couverts par la réparation prévue par l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984, alors applicable, et cela même en l'absence de faute de son administration (cf. C.E., 16 décembre 2013, Centre hospitalier de Royan, n° 353798, aux tables du Recueil Lebon).
Pour autant, la réparation des préjudices allégués par la requérante supposait d'établir un lien de causalité entre les préjudices subis et la maladie professionnelle.
Or, l'administration considérait que si sa responsabilité pouvait être engagée, le cas échéant, pour la période postérieure à l'opération chirurgicale nécessitée par la maladie, le dommage – une algodystrophie – que la requérante avait subi à compter de cette opération était la conséquence directe et certaine de l'accident médical non fautif dont la requérante recherchait également la réparation auprès de l'hôpital, mais dans une procédure distincte. La prise en charge opératoire par l'hôpital et la réalisation d'un risque médical qui s'en était suivi portaient en eux un dommage qu'il ne revenait plus à l'administration de réparer, quand bien même elle avait reconnu l'imputabilité au service de la maladie et était disposée à indemniser la requérante des seuls préjudices subis jusqu'à la date de l'opération, consécutifs au fait générateur qu'était la maladie professionnelle, et non des préjudices liés au fait générateur de l'accident médical.
Le tribunal administratif avait estimé que les préjudices subis postérieurement à l'accident médical résultaient de la maladie professionnelle dont la réparation était imputable à la seule administration et non à l'hôpital qui, du reste, n'était pas partie à l'instance malgré une demande de mise en cause présentée par la défense.
La requérante ayant contesté devant le juge d'appel le montant de l'indemnité que l'administration rectorale avait été condamnée à lui payer en réparation de ces préjudices, le ministère avait formé un appel incident pour contester l'erreur d'appréciation du tribunal administratif sur le lien de causalité entre les faits générateurs du dommage et les préjudices subis.
Après avoir rappelé que "Le lien de causalité direct et certain entre le service et l'accident exigé en matière de responsabilité n'est pas identique au lien seulement direct caractérisant l'imputabilité au service d'un accident", la cour en a déduit que le motif de la reconnaissance de la maladie professionnelle ne pouvait suffire pour établir que les complications apparues à la suite de l'intervention chirurgicale devaient être regardées comme imputables au service.
La cour a donc vérifié si les complications dont souffrait la requérante depuis l'acte opératoire avaient pour cause directe et certaine l'exercice de ses fonctions, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
La cour administrative d’appel a ainsi estimé que "l'État (…) ne [pouvait] être tenu responsable que des préjudices résultant pour l’intéressée de la tendinite survenue durant l’exercice de ses fonctions, dont l’imputabilité au service a été reconnue, et non de ceux liés à l’algodystrophie apparue à la suite de l’intervention chirurgicale qu’elle a subie à l’hôpital" en raison de la persistance de la tendinite.
Absence de lien
- Fonctionnaires et agents publics – Imputabilité au service – Aggravation d’une maladie – Aménagement du poste de travail – Lien direct (absence)
C.A.A. Lyon, 16 février 2023, n° 22LY01268
Une professeure, atteinte de troubles psychiques et d'une maladie auto-immune entraînant notamment une sévère diminution des sécrétions lacrymales estimait que sa seconde pathologie s’était aggravée du fait de ses conditions de travail. Elle a demandé, en vain, à l’administration la reconnaissance de l’imputabilité au service de cette aggravation.
La cour administrative d’appel de Lyon a confirmé le jugement par lequel le juge de première instance avait refusé de faire droit à la demande de l’intéressée.
La cour a rappelé tout d'abord l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui fixe le régime du congé pour invalidité temporaire imputable au service, désormais codifié à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique en ce qui concerne les maladies professionnelles, puis la jurisprudence du Conseil d’État selon laquelle : "Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. En outre, une maladie contractée par un fonctionnaire peut être regardée comme imputable au service sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un incident survenu dans le cadre du service, ni celle d'un dysfonctionnement grave ou d'un comportement fautif de l'administration." (C.E., 13 mars 2019, n° 407795, au Recueil Lebon ; C.E., 3 juillet 2020, Commune de Bourg-en-Bresse, n° 419599)
Elle a ensuite relevé la mise en place par l'administration de plusieurs aménagements du poste de la professeure, suivant ainsi les préconisations médicales à l’égard de l’intéressée, afin de limiter son travail sur écran et d'alléger son service.
La cour en a conclu que : "Compte tenu de l’ensemble des aménagements mis en place pour faciliter l’exercice par Mme X de ses fonctions d’enseignement, et compte tenu notamment du rapport du médecin psychiatre (…), rien ne permet sérieusement de dire, dans ce contexte, que ses conditions de travail seraient directement à l’origine de l’aggravation des pathologies dont elle se plaint. Dans ces conditions, la demande de Mme X ne peut qu’être rejetée."
Droits et garanties
- Agents publics – Harcèlement moral – Sécurité et santé des agents – Obligation de l'employeur public de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents
C.A.A. Marseille, 24 janvier 2023, n° 22MA01870
Le requérant, agent technique territorial en poste dans un collège, avait engagé la responsabilité de l'administration du fait d'un harcèlement moral dont il s'estimait victime ainsi que pour son manquement à l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des agents.
Par une décision n° 444568 du 24 juin 2022 dont la LIJ n° 222 de novembre 2022 a rendu compte, le Conseil d'État avait annulé l'arrêt n° 19MA01309 du 22 juillet 2020 de la cour administrative d'appel de Marseille et jugé que cette dernière avait commis une erreur de droit en déduisant directement de l'absence de harcèlement moral l'absence de manquement à l'obligation de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents.
Saisie sur renvoi, la cour administrative d'appel de Marseille devait donc se pencher sur la question de savoir si l'administration avait réagi suffisamment aux nombreux signalements et alertes du requérant sur la dégradation de ses conditions de travail. Dans le cas contraire, elle était susceptible de voir engagée sa responsabilité pour manquement à l'obligation de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents.
La cour a relevé qu'au cours de la période où les tensions entre le requérant et ses supérieures hiérarchiques s'étaient aggravées, la collectivité de rattachement de son collège d'affectation, qui était l’autorité fonctionnelle de l’agent en question, avait proposé au requérant dès juillet 2015, soit peu après son placement en congé de maladie, de l’affecter dans un autre collège qui n’était pas éloigné de son domicile, sans que l'intéressé ne donne suite à cette proposition. Par conséquent, l’administration ne pouvait être regardée comme s'étant abstenue de prendre une mesure d’affectation de nature à assurer sa sécurité et à protéger sa santé physique et morale.
En outre, la cour a estimé que le requérant évoquait, de manière générale et sans assortir ses allégations de précision suffisante, l'absence de mise en œuvre des mesures de prévention, d’assistance ou de réparation concrètes que le département et l’État auraient dû prendre pour prévenir la dégradation de son état de santé, malgré les nombreux signalements et alertes portées à la connaissance de ses employeurs. Au demeurant, la cour a relevé également que les affirmations du département selon lesquelles, en octobre 2014, après la plainte déposée par le requérant contre la gestionnaire de son collège, l’intéressé avait été reçu par celle-ci et la principale de l’établissement, afin d’apaiser les tensions, de lui demander de conserver son professionnalisme et de continuer à travailler sous l’autorité fonctionnelle directe de la gestionnaire, n’étaient aucunement contestées par le requérant.
Enfin, la simple circonstance que l’imputabilité au service des arrêts de travail de l’intéressé ait été reconnue par l’administration et par le juge ne suffisait pas à révéler la commission d’un manquement par le département ou par l’État à l’une des obligations prescrites par l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 pour la fonction publique territoriale et l'article 2-1 du décret du 28 mai 1982 pour la fonction publique de l'État.
Protection fonctionnelle
- Attaques – Harcèlement – Violences – Collègue – Conjoint – Vie privée
T.A. Versailles, 10 février 2023, nos 2104399 et 2108166
T.A. Versailles, 10 février 2023, nos 2104420 et 2108170
Une enseignante et une conseillère principale d’éducation en poste dans le même collège avaient demandé, en vain, la protection fonctionnelle sur le fondement de l'article L. 134-5 du code général de la fonction publique pour des faits de violences physiques et psychologiques suivis d’incapacité de travail commis par leur ex-conjoint, le même homme, exerçant des fonctions d'enseignant dans le même établissement scolaire. À la suite de ces violences, l'administration avait suspendu de ses fonctions l'enseignant, condamné plus tard par le tribunal correctionnel à une peine d'emprisonnement délictuel de quinze mois avec sursis accompagnée d'une injonction de soins et d'une interdiction d'entrer en contact avec ses victimes. Ces dernières sollicitaient une protection fonctionnelle en vue de la prise en charge des frais d'avocat engagés devant le tribunal correctionnel en qualité de partie civile.
Les deux femmes soutenaient que leurs relations privées avaient eu un retentissement dans leur sphère professionnelle (menaces de la part de l’ex-conjoint portant sur leurs futures conditions de travail dans l'établissement et hostilité de certains collègues à la suite de leurs démarches).
Le tribunal a rejeté les requêtes en estimant que les violences subies n’avaient pas été commises à raison des fonctions des requérantes, mais à raison de leur qualité de compagne de l'agresseur, et que le retentissement dans leur milieu professionnel n'était pas non plus directement rattachable à leur activité professionnelle, en tant qu'agents publics. Le tribunal a relevé qu'au surplus, le tribunal correctionnel avait condamné l'agresseur à leur verser des frais d'avocat.
Procédure
- Attachés d’administration de l’État – Sanction – Commission administrative paritaire compétente
C.E., 8 mars 2023, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, n° 462848, aux tables du Recueil Lebon
Le juge des référés du tribunal administratif de Melun avait suspendu la révocation d’une attachée d'administration exerçant les fonctions d'adjointe gestionnaire au sein d'un établissement scolaire, au motif que le moyen tiré de ce que la sanction devait être précédée d'un avis de la commission administrative paritaire (C.A.P.) nationale et non pas de la C.A.P. académique était de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.
Statuant sur un pourvoi formé par le ministre, le juge des référés du Conseil d'État a censuré l'erreur de droit commise par le juge des référés.
Pour cela, il s'est fondé sur le statut du corps des attachés d'administration de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur (article 1er du décret du 23 décembre 2006), les textes relatifs à la compétence des commissions administratives paritaires (article 14 de la loi du 11 janvier 1984, codifié aux articles L. 261-1 et suivants du code général de la fonction publique, II de l’article 25 du décret du 28 mai 1982, article R. 911-87 du code de l’éducation et article 1er de l’arrêté du 7 avril 2014 instituant des commissions administratives paritaires compétentes à l'égard des attachés d'administration) et l'article 7 de l’arrêté du 5 octobre 2005 portant délégation de pouvoirs des ministres chargés de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports aux recteurs d'académie en matière de recrutement et de gestion de certains personnels stagiaires et titulaires relevant des ministères chargés de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Il a ainsi jugé que "ces dispositions (…) donnent compétence aux recteurs d'académie, d'une part, pour instruire les dossiers disciplinaires et saisir s'il y a lieu la commission administrative paritaire académique pour l'ensemble des sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux attachés d'administration de l'État et, d'autre part, pour prononcer des sanctions des premier et deuxième groupes à l'encontre de ces fonctionnaires, et compétence au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports pour prononcer à leur encontre une sanction des troisième et quatrième groupes (…)".
"Il en résulte également que la commission administrative paritaire académique, lorsqu'elle a été mise en place, est compétente pour rendre un avis préalablement au prononcé de l'une quelconque des sanctions des deuxième, troisième ou quatrième groupes, que la sanction soit prononcée par le recteur d'académie ou par le ministre."
N.B. : Dans un avis n° 358896 du 30 mai 1996, l'Assemblée générale du Conseil d'État avait estimé qu'aucune disposition en vigueur à l'époque ni aucun principe général du droit ne faisaient obstacle à ce que soit délégué le pouvoir de saisine d'une C.A.P. siégeant en conseil de discipline dans le cas où n'est pas délégué le pouvoir de prononcer les sanctions disciplinaires. À la suite de cet avis, le décret du 28 mai 1982 relatif aux C.A.P. et le décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'État avaient été modifiés pour permettre que les C.A.P. locales dotées de compétences propres puissent être créées auprès des chefs de service déconcentré pour connaître d'actes pour lesquels les pouvoirs de gestion restaient retenus par le ministre ainsi que la saisine du conseil de discipline par un rapport émanant non plus seulement de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, mais aussi d'un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cette effet.
Par la suite, le décret du 11 février 1999 relatif à la déconcentration de la procédure disciplinaire concernant certains personnels relevant du ministre de l'éducation nationale a prévu que le pouvoir du ministre de prononcer des sanctions des troisième et quatrième groupes à l'égard de ces personnels soit exercé après consultation d'une C.A.P. académique siégeant en conseil de discipline et a délégué aux recteurs le pouvoir de saisir cette C.A.P. Le Conseil d'État avait rejeté les recours formés contre ces mesures de déconcentration (C.E., Assemblée, 27 octobre 2000, Syndicat national des enseignements de second degré [SNES], n° 205811, au Recueil Lebon).
- Fonctionnaires et agents publics – Conseil de discipline – Droits de la défense – Caractère contradictoire de la procédure – Audition de témoins
C.E., 8 mars 2023, n° 463478, aux tables du Recueil Lebon
Aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun autre principe n'impose à l'administration d'informer le fonctionnaire poursuivi, préalablement à la séance du conseil de discipline, de son intention de faire entendre des témoins ou de l'identité de ceux-ci (cf. C.E., 17 décembre 1993, Centre hospitalier de Cholet, n° 126524).
En revanche, dès lors que le conseil de discipline décide d'entendre des témoins, la jurisprudence du Conseil d'État est stricte sur la nécessité de les entendre en présence de l'intéressé ou après que ce dernier a été invité à assister à leur audition.
Ainsi, dans des décisions anciennes, le Conseil d'État avait dégagé la règle procédurale selon laquelle s'il appartient au conseil de discipline de procéder à l'audition de témoins, l'agent poursuivi doit être mis en mesure d'assister aux audiences où sont entendus ceux-ci (C.E., 30 novembre 1949, n° 99979, au Recueil Lebon, et C.E., 2 juin 1954, n° 10730, au Recueil Lebon).
Dans une décision plus récente, le Conseil d'État avait réitéré ce principe en jugeant "qu'il appartient au conseil de discipline de décider s'il y a lieu de procéder à l'audition de témoins ; qu'il ne peut, toutefois, sans méconnaître les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure, entendre des témoins le jour même de sa séance sans avoir mis en mis en mesure l'agent intéressé d'assister à leur audition" (C.E., 7 mars 2005, n° 251137, au Recueil Lebon).
Dans sa décision du 8 mars 2023, le Conseil d'État a précisé que : "En l'absence du fonctionnaire, le conseil de discipline ne peut auditionner de témoin que si l'agent a été préalablement avisé de cette audition et a renoncé de lui-même à assister à la séance du conseil ou n'a justifié d'aucun motif légitime imposant le report de celle-ci."
Fautes
- Exemplarité des personnels de l’éducation nationale – Contestation d'une réforme – Circonstances dépassant l’exercice normal du droit de grève – Abaissement d’échelon
T.A. Poitiers, 6 décembre 2022, n° 2101032
Dans le cadre d’un mouvement de contestation de la réforme du baccalauréat, un professeur certifié avait empêché le bon déroulement d’une réunion pédagogique avec les personnels d'inspection pour fixer les sujets des épreuves en tapant sur la porte et la cloison, en se positionnant devant l'accès à la porte de manière agressive, empêchant le proviseur et les professeurs de réaliser leur mission dans de bonnes conditions, et en chantant dans les locaux administratifs. Cet enseignant avait, en outre, perturbé le bon déroulement des épreuves communes de contrôle continu (E3C) en participant au blocage de son établissement et en intimidant certains élèves qui tentaient d’y entrer pour passer les épreuves. Puis, pendant leur déroulé, il s’était introduit dans l’établissement à la tête d’un groupe d’élèves contestataires en les incitant à faire du vacarme, en hurlant et en tapant sur les portes.
Pour l’ensemble de ces faits, l’intéressé s’était vu infliger la sanction de l’abaissement d’échelon.
Outre les obligations communes à tous les agents publics, la jurisprudence a consacré une exigence d’exemplarité particulière incombant aux personnels enseignants afin de ne pas porter atteinte à la considération du corps professoral et à la réputation du service public de l’éducation nationale et de conserver le lien de confiance qui doit unir les élèves ainsi que leurs parents aux enseignants et au service (cf. C.E., 18 juillet 2018, Ministre de l'éducation nationale, n° 401527, aux tables du Recueil Lebon). Cette obligation a ensuite été inscrite à l’article L. 111-3-1 du code de l’éducation par la loi pour une école de la confiance du 26 juillet 2019.
En se fondant explicitement sur ces dispositions, le tribunal administratif de Poitiers a estimé que : "Ces faits (…) sont constitutifs d’une faute de nature à justifier une sanction en ce qu’au-delà de l’exercice normal du droit de grève, ils ont gravement porté atteinte au service public de l’éducation et nui fortement à la confiance nécessaire entre les élèves, leurs parents et l’institution exigée par les dispositions de l’article L. 111-3-1 du code de l’éducation (…)." Il a donc rejeté la requête de cet enseignant tendant à l'annulation de la sanction.
À noter que par un jugement n° 2002942 du même jour, le tribunal administratif de Poitiers a également rejeté une requête introduite contre une sanction de déplacement d’office prononcée à l’encontre d’une enseignante pour les mêmes faits.
Sanctions
- Sanction disciplinaire – CNESER – Proportionnalité de la sanction
C.E., 30 décembre 2022, n° 465304
Un professeur des universités s’était vu infliger par la section disciplinaire du conseil académique d’une université la sanction de la révocation et, à titre accessoire, celle de l'interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement public pour avoir participé à l’évacuation violente d’un amphithéâtre occupé par des étudiants dans le cadre d’un mouvement national.
L’intéressé avait interjeté appel devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) qui, statuant en matière disciplinaire, avait annulé cette décision et lui avait infligé la sanction de l'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur pour une durée de quatre ans avec privation de la totalité de son traitement.
Saisi de pourvois en cassation formés par la ministre chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche et l’université contre la décision du CNESER, le Conseil d’État a, après avoir rappelé que l’intéressé avait participé aux événements ayant conduit à l'expulsion violente des étudiants, avec l'aide notamment de personnes extérieures à l'université, cagoulées et munies de planches de bois et d'un pistolet à impulsion électrique, qu’il avait lui-même porté des coups et que, pour ces mêmes agissements, le tribunal correctionnel avait relevé le caractère prémédité des violences en réunion et la participation directe de l’intéressé à celles-ci et l’avait condamné à une peine d’emprisonnement assortie d'une peine complémentaire d'interdiction de toute fonction ou emploi public pour une durée d'un an, jugé qu'"en n'infligeant à raison de ces faits à M. X que la sanction, prévue au 5° de l'article L. 952-8 du code de l'éducation (…), d'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant quatre ans, avec privation de la totalité de son traitement, et non une sanction prévue par les alinéas suivants de cet article, le CNESER, statuant en matière disciplinaire, a retenu une sanction hors de proportion avec les fautes commises".
Suivant le rapporteur public qui, dans ses conclusions sur la décision commentée (en ligne sur ArianeWeb), considérait qu’il n’y avait aucun doute sur le fait qu’une éviction temporaire du service était clairement insuffisante au regard de la gravité des fautes commises, le Conseil d’État a ainsi jugé, dans le cadre de son contrôle de la proportionnalité de la sanction à la faute commise (cf. C.E., Assemblée, 30 décembre 2014, n° 381245, au Recueil Lebon), que la sanction retenue par le CNESER était hors de proportion avec la faute commise en tant qu’elle n’était pas suffisamment sévère, en ne mettant pas fin de manière définitive aux fonctions de l’intéressé.
Le Conseil d’État a ainsi jugé que les seules sanctions proportionnées étaient celles prévues aux 6° et 7° de l'article L. 952-8 du code de l’éducation, à savoir la mise à la retraite d'office et la révocation.
Suspension conservatoire
- Poursuites pénales – Non-rétablissement dans les fonctions – Intérêt du service – Motivation – Procédure contradictoire – Non-rétroactivité
C.A.A. Paris, 23 février 2023, n° 21PA03995
Le requérant, professeur agrégé de l'enseignement du second degré, avait fait l’objet de mesures de suspension de fonctions prononcées par plusieurs arrêtés. Cet enseignant n’avait pas été rétabli dans ses fonctions à l’issue du délai de quatre mois prévu par l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983, en vigueur à l’époque des faits (aujourd’hui codifié aux articles L. 531-1 et suivants du code général de la fonction publique).
À la suite d'une première annulation contentieuse d'arrêtés portant prolongation de la suspension initiale, le recteur d’académie avait pris de nouveaux arrêtés de suspension, les uns, pour le passé, pour les périodes pour lesquelles la prolongation de la suspension avait été annulée afin de "régulariser" la situation de ce professeur, et les autres, pour l'avenir, pour de nouvelles périodes prolongeant la suspension.
La cour a annulé les arrêtés pris pour le passé après avoir estimé que : "Le fonctionnaire qui fait l’objet d’une mesure de suspension étant maintenu en position d’activité, l’annulation d’une telle mesure ne suppose l’intervention d’aucun acte pour assurer la continuité de la carrière de l’agent ou régulariser sa situation. Par suite, si l’administration est en droit, après l’annulation contentieuse d’une première mesure de suspension, d’en prendre une nouvelle, sous réserve que les conditions prévues à l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 demeurent remplies, elle ne peut légalement lui donner un effet rétroactif."
S’agissant des arrêtés pris pour l'avenir, la prolongation de la suspension était fondée sur la circonstance que l’intéressé était mis en examen pour association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes d’atteintes aux personnes et que la gravité de ces faits, dès lors qu’elle était susceptible de troubler la sérénité nécessaire au bon fonctionnement du service public, s'opposait à toute affectation dans un autre emploi, y compris dans un autre corps par la voie du détachement.
La cour a estimé que de tels motifs remplissaient les conditions prévues par les dispositions de l’article 30 de loi du 13 juillet 1983 permettant que l’agent ne soit pas rétabli dans ses fonctions à l’issue d’une durée de quatre mois.
Elle a, en outre, précisé que "les arrêtés en litige relatifs à la suspension de fonctions de M. X ont été pris dans le but exclusif de préserver le bon fonctionnement du service public. Si les décisions de ne pas rétablir un agent dans ses fonctions doivent être motivées, les arrêtés litigieux ne revêtent en revanche ni le caractère d’une sanction, ni le caractère d’une mesure prise en considération de la personne soumise au respect d’une procédure contradictoire préalable au sens de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration".
N.B. : La première annulation contentieuse des arrêtés portant prolongation de suspension de fonctions n'impliquait pas pour l'administration d'obligation de prendre de nouveaux arrêtés pour assurer le déroulement continu de la carrière de cet agent et régulariser sa situation (cf. C.E., 17 mars 2004, n° 225426, aux tables du Recueil Lebon). En prenant, après cette annulation, de nouvelles mesures de suspension de fonctions, l'administration ne pouvait pas légalement leur donner un effet rétroactif (cf. C.E., Section, 27 mai 1977, n° 93920, au Recueil Lebon ; C.E., 22 mai 2012, Service départemental d'incendie et de secours de la Nièvre, n° 329025, aux tables du Recueil Lebon).
Révocation
- Fonctionnaire en position de disponibilité – Pouvoir disciplinaire
C.A.A. Paris, 4 novembre 2022, n° 21PA04761
La requérante, agent social de la fonction publique territoriale, relevait appel devant la cour administrative d’appel de Paris d'un jugement du 24 juin 2021 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande d'annulation d'un arrêté la révoquant disciplinairement. Elle soutenait en particulier que l’arrêté prononçant la sanction à son encontre à raison de certains agissements commis alors qu’elle était placée en disponibilité pour convenances personnelles était entaché d’erreur de droit en ce qu’il n'était pas possible d'engager une procédure disciplinaire contre un agent placé dans cette position.
La cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa demande.
La cour, adoptant une position d’espèce similaire à celle dégagée par la cour administrative d’appel de Marseille (C.A.A. Marseille, 15 octobre 2020, Commune de Saint-Bauzille-de-Putois, n° 19MA04416), a estimé qu’il résultait de la combinaison des articles 56 et 89 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, repris aux articles L. 511-1 et L. 532-1 du code général de la fonction publique, que le pouvoir disciplinaire pouvait être exercé à l’encontre d’un fonctionnaire placé en position de disponibilité, à raison de manquements à des obligations découlant de son statut commis dans cette position. La position de disponibilité n’avait donc pas pour effet de placer l’agent hors de portée du pouvoir disciplinaire.
En l’espèce, rappelant que la requérante placée en disponibilité, en acceptant l’héritage de la personne vulnérable dont elle avait eu la charge auparavant au cours de son service, avait méconnu des obligations qui découlaient de son statut, dont l’obligation de probité s'imposant à tout fonctionnaire, la cour a jugé que l’autorité disciplinaire "était en droit d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre de [l’intéressée]". Par ailleurs, compte tenu notamment de la chronologie et de la gravité des faits, la cour a estimé que la sanction de révocation prise n’était pas disproportionnée.
Cet arrêt s’inscrit dans la jurisprudence constante selon laquelle le fonctionnaire peut être sanctionné pour avoir méconnu des obligations qui s'imposent à lui-même en dehors du service. À cet égard, bien que la disponibilité soit une position statutaire qui place le fonctionnaire hors de son administration d’origine, il n’en demeure pas moins que cette position ne rompt pas le lien qui unit le fonctionnaire à son corps (cf. C.E., Assemblée, 11 juillet 1975, Ministre de l'éducation nationale, n° 95293, au Recueil Lebon) et qu’elle s’accompagne d’un contrôle de compatibilité sur le plan déontologique si l’agent public projette d’exercer une activité lucrative privée ou une activité libérale (article L. 124-4 du code général de la fonction publique).
Doctorants contractuels
- Égalité de traitement des agents publics – Régime particulier de rémunération des personnels civils de l’État en service temporaire dans les TAAF – Application aux agents contractuels
T.A. Versailles, 1er décembre 2022, nos 2100238 et 2100239
Un doctorant contractuel ayant participé à une mission de recherche dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sollicitait, au titre de cette période, le bénéfice du régime particulier de rémunération institué par le décret du 21 juin 1968, ce qui lui avait été refusé au motif que ce décret n’est applicable qu’aux fonctionnaires.
S’appuyant sur une jurisprudence constante selon laquelle : "[Les] modalités de mise en œuvre du principe d’égalité sont applicables à l’édiction de normes régissant la situation d’agents publics qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même corps ou à un même cadre d’emplois de fonctionnaires" (cf. C.E., 9 février 2005, Syndicat national unitaire et indépendant des officiers de police, n° 229547, au Recueil Lebon ; C.E., 12 avril 2022, Fédération Sud Éducation, n° 452547, au Recueil Lebon), le tribunal administratif de Versailles a rappelé que "le décret du 21 juin 1968 a institué un régime particulier de rémunération qui vise à prendre en compte les sujétions particulières attachées aux conditions d’exercice de leurs fonctions par les personnels civils de l’État et des établissements publics à caractère administratif appelés à servir de façon temporaire dans le territoire des Terres australes et antarctiques françaises".
Par suite, il a jugé que : "Si les fonctionnaires et les agents contractuels sont placés dans des situations différentes, notamment pour ce qui concerne la détermination des éléments de leur rémunération, il ressort des pièces du dossier qu’au regard de la nature de leurs missions et des conditions d’exercice de leurs fonctions, les doctorants contractuels servant de façon temporaire dans le territoire des Terres australes et antarctiques françaises sont exposés à des sujétions comparables, liées à l’éloignement géographique de ces territoires, à celles des autres personnels civils de l’État et des établissements publics à caractère administratif bénéficiant du régime particulier de rémunération prévu par le décret du 21 juin 1968."
Ainsi, ni la particularité du statut des doctorants contractuels, ni le caractère forfaitaire et l’encadrement de leur rémunération par le décret du 23 avril 2009 et l'arrêté du 29 août 2016 ne font obstacle, sous peine de méconnaître le principe d’égalité, à l’application du régime particulier de rémunération institué par le décret du 21 juin 1968.
Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille
Questions communes
- Établissements d’enseignement scolaire privés sous contrat – Établissements français d’enseignement à l’étranger homologués – Distinction
T.A. Paris, 4 janvier 2023, n° 2127963
La requérante, exerçant en qualité d'enseignante au sein d'une institution à Monaco, a demandé, en vain, l’annulation de l’arrêté du 23 juillet 2021 par lequel le ministre de l’éducation, de la jeunesse et des sports et le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche avaient annulé sa candidature au concours interne d’accès à l’échelle de rémunération de professeur certifié au motif qu’elle ne justifiait pas de la qualité de maître d’établissement privé sous contrat.
En effet, aux termes du premier alinéa de l’article R. 914-24 du code de l’éducation : "Des concours d’accès aux échelles de rémunération d’enseignants correspondant aux différents concours internes de recrutement de l’enseignement public sont organisés pour les maîtres d’établissements privés sous contrat."
L’intéressée soutenait à l'appui de son recours que l’arrêté était entaché d’une erreur de droit dès lors que sa qualité d’enseignant au sein d’un établissement scolaire participant à l'enseignement français à l’étranger lui permettait, selon elle, de se présenter à ce concours.
Le tribunal a toutefois jugé que les établissements d'enseignement privés sous contrat (régis par les dispositions du titre IV du livre IV du code de l'éducation) sont distincts des établissements français d'enseignement à l’étranger (régis par celles du titre V du même livre).
Les premiers recouvrent principalement les établissements liés à l’État par un contrat d’association à l’enseignement public en application de l’article L. 442-5 du code de l'éducation et ceux qui lui sont liés par un contrat simple en vertu de l’article L. 442-12 du même code.
Les seconds incluent les établissements homologués figurant sur la liste établie par le ministre chargé de l’éducation, en accord avec le ministre des affaires étrangères et avec le ministre chargé de la coopération en vertu de l’article R. 451-2 du code de l’éducation. Cette procédure d'homologation atteste de la conformité des enseignements dispensés aux programmes, objectifs pédagogiques et règles d'organisation applicables en France aux établissements de l'enseignement public. Ces établissements homologués peuvent être directement gérés par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (A.E.F.E.), établissement public national à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre chargé des affaires étrangères et du ministre chargé de la coopération. Ils peuvent également être associés par une convention conclue avec l’agence à l'exercice de ses missions de service public ou simplement être partenaires de l’agence.
En l’espèce, l’institution concernée constituait un établissement scolaire participant à l'enseignement français à l’étranger figurant sur la liste établie par le ministre chargé de l’éducation et avec lequel l'A.E.F.E. avait instauré un partenariat. Cet établissement n’était donc pas un établissement d’enseignement privé sous contrat dès lors qu’il n’était lié à l’État ni par un contrat d’association à l’enseignement public, ni par un contrat simple.
Le tribunal a ainsi estimé que la requérante ne pouvait se prévaloir de la qualité de maître de l’enseignement privé sous contrat et ne disposait pas de la qualité requise pour se présenter au concours.
Responsabilité
Questions générales
- Dépenses à la charge des communes – Transfert indirect de compétences de l’État (non)
T.A. Montreuil, 3 février 2023, Commune de Stains et autres, n° 2000173
Quatre communes du département de la Seine-Saint-Denis demandaient au tribunal administratif de Montreuil que l’État soit condamné à leur verser à chacune un euro symbolique en réparation des préjudices subis du fait de sa carence dans le calcul de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et en raison des dépenses supplémentaires qu’elles avaient dû prendre en charge en matière de sécurité, d’éducation et de justice, en alléguant un transfert illégal de compétences incombant normalement à l’État.
S’agissant des dépenses en matière d’éducation, les communes requérantes soutenaient que, pour pallier la carence de l’État dans la répartition des effectifs d’enseignants et le nombre insuffisant de professeurs dans le département en découlant, certaines d’entre elles avaient dû recruter des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM).
Les juges ont d’abord rappelé que "les ATSEM sont à la charge des communes, ainsi que le prévoit l’article R*. 412-127 du code des communes, de telle sorte qu’il ne peut y avoir eu de transfert direct de charges", avant de souligner l’augmentation significative du nombre de postes d’enseignants dans le département depuis 2012 : "(…) le nombre de poste pour cent élèves a connu une amélioration significative entre la rentrée 2012 (5,22 pour une moyenne nationale de 5,25) et la rentrée 2018 (5,99 pour une moyenne nationale de 5,56), le taux devant passer à 6,09 avec 282 emplois supplémentaires attribués en 2019."
Par ailleurs, les quatre communes contestaient l’augmentation de leurs dépenses d’investissement liées tout d’abord à l’abaissement de l’âge de l’obligation d’instruction à trois ans. Toutefois, la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 a prévu une compensation financière versée par l'État aux communes qui justifient, pour cette raison, d'une augmentation de leurs dépenses obligatoires par rapport à l’année scolaire 2018-2019. L’augmentation de ces dépenses étaient également due, selon les requérantes, au dédoublement des classes de C.P. et de C.E.1 en réseau d’éducation prioritaire (REP) et renforcé (REP+) à partir de l’année scolaire 2017.
Le tribunal administratif de Montreuil a écarté l’argumentation sur ce point en estimant qu’aucun transfert indirect de compétences de l’État aux communes qui résulterait d’une carence de l’État dans la répartition des effectifs de l’enseignement au détriment de la Seine-Saint-Denis ou encore de dépenses induites par la politique éducative n’était, en l’espèce, caractérisé (point 13).
N.B. : Un appel de ce jugement a été interjeté devant la cour administrative d’appel de Paris.
Responsabilité pour faute
- Partenariat – Inexécution des obligations contractuelles
C.A.A. Paris, 14 février 2023, Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne, n° 21PA00277
En 2014, une région, une université et un institut (établissement d’enseignement supérieur privé) s'étaient rapprochés dans l’objectif de conclure un partenariat afin d’associer l’université aux actions de formation de l’institut.
Pour l’application de la convention signée à cet effet, un contrat de mise en œuvre avait été conclu entre l’université et l’institut, explicitant les obligations réciproques des parties ainsi que les conditions financières de l’accord. L’université s’était engagée à effectuer diverses missions de coordination pédagogique (coordination des enseignements sous responsabilité universitaire, organisation des enseignements en concertation avec le directeur de l’institut, constitution et coordination de l’équipe pédagogique…) et de coordination administrative et financière (enregistrement administratif des étudiants de l’institut, mise en ligne de supports d’enseignement…), moyennant une rémunération versée par l’établissement privé. Le prix de ces prestations comportait une part fixe, correspondant aux coûts de coordination pédagogique, administrative et financière, et une part variable, correspondant aux heures d’enseignement effectuées au sein de l’institut par les personnels de l’université.
Constatant l’absence d’exécution par l’université de certaines de ses obligations contractuelles, malgré ses demandes répétées de précisions quant à leur réalisation, l’institut n’avait pas versé l’intégralité de la rémunération prévue. L’université avait alors émis un titre exécutoire, pour un montant de 68 325 euros, afin d’obtenir le paiement du solde, que l’institut avait contesté devant le tribunal administratif de Melun.
Par un jugement du 19 novembre 2020, le tribunal avait annulé le titre exécutoire et avait déchargé l’institut de l’obligation de payer la somme correspondante. Saisi de conclusions indemnitaires, le juge avait aussi condamné l’université à verser à l’institut une indemnisation s’élevant à 128 000 euros au titre des sommes qui avaient été versées par l’institut en contrepartie de prestations non réalisées par l’université et en réparation de son préjudice.
La cour administrative d’appel de Paris a confirmé le jugement attaqué en toutes ses dispositions et la juste appréciation du préjudice de l’institut. Elle a relevé, tant en ce qui concerne les missions de coordination pédagogique que les missions de coordination administrative et financière, que l’université n'avait que très partiellement rempli ses obligations contractuelles.
La juridiction administrative fait ici application aux personnes publiques de la règle selon laquelle les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être exécutés de bonne foi.
- Carence et organisation défaillante de la soutenance de mémoire – Préjudices patrimoniaux (absence de lien de causalité) – Préjudice moral
C.A.A. Marseille, 27 février 2023, n° 21MA00604
Un établissement d’enseignement supérieur français avait conclu un partenariat avec une université étrangère offrant à ses étudiants, du niveau master, de suivre les cours dispensés à l’étranger. Pour l’obtention du diplôme, les enseignements étaient sanctionnés par des examens pour une moitié des points, et la soutenance d’un mémoire auprès de l’établissement français pour l’autre moitié. Alors qu’une étudiante était inscrite en première année de master à l’étranger dans le cadre de ce partenariat, l’établissement d’enseignement supérieur français avait rompu unilatéralement la convention le liant à l’université étrangère en cours d’année universitaire.
La rupture de ce partenariat avait exposé l’étudiante à de nombreuses difficultés dans l’organisation de sa soutenance de mémoire. S’estimant lésée par ces dysfonctionnements, cette dernière avait recherché la responsabilité de l’établissement pour de multiples fautes : carence à adopter un règlement des formations, organisation défaillante du dépôt de son mémoire et de sa soutenance, composition irrégulière du jury, rupture d’égalité avec les autres étudiants de master et information tardive de son ajournement et de sa note.
Si le tribunal administratif de Marseille avait rejeté ses demandes par un jugement du 15 décembre 2020, la cour administrative d’appel de Marseille y a fait partiellement droit.
Tout d’abord, la cour a estimé que l’établissement était tenu d’adopter un règlement des formations, conformément à la convention de partenariat, destiné à fixer les modalités d’admission, le programme, les modalités d’examen et la durée de la formation, ce qu’il n’avait pas fait. Cette carence était donc constitutive d’une faute dans l’organisation des études de nature à engager la responsabilité de l’établissement : "Contrairement à ce que [soutenait] l’établissement, ni les agissements de son directeur à l'époque, ni le fait que la résiliation de la convention de partenariat n'ait pas prévu de période transitoire [n’étaient] de nature à caractériser l'existence de circonstances exceptionnelles justifiant qu'un tel règlement des formations n'ait pas été antérieurement adopté."
La cour a également retenu une faute dans l’organisation de la soutenance de mémoire de l'intéressée, au motif que la date de sa soutenance avait été reportée sine die, avant qu’elle soit avertie de la date définitive moins de 48 heures avant l’épreuve, sans qu’il puisse lui être sérieusement reproché d’avoir transmis son mémoire au-delà de la date limite prévue pour expliquer ce dysfonctionnement, alors qu’en tout état de cause, elle l’avait remis avant cette date, par courriel, plutôt que sur une plateforme dédiée.
Enfin, la cour a conclu à l’existence d’une faute tirée de l’information tardive de l’étudiante de son ajournement et de sa note de soutenance. En effet, malgré les nombreuses relances de la requérante, c’est seulement plus de trois ans après la date de la soutenance que sa note et la notice de soutenance lui avaient été communiquées. Ce délai, "anormalement long", était de nature à caractériser une faute engageant la responsabilité de l’établissement.
Relevant l’absence de lien de causalité et, en particulier, "qu'elle [avait] obtenu une note éliminatoire de six sur vingt à l'issue de son épreuve orale de soutenance de mémoire et que les membres du jury [avaient] relevé que "l'écrit manque de précision, semble avoir été fait dans la précipitation"", la cour a écarté les préjudices patrimoniaux, tirés d’une perte de chance d’obtenir un diplôme dans cet établissement ou de poursuivre une thèse de doctorat, de la perte de deux années universitaires, de l’acquittement de frais de scolarité élevés et de l’amoindrissement de ses prétentions salariales, pour ne retenir que le préjudice moral subi par la requérante à laquelle la cour a accordé une somme au montant peu élevé en réparation.
Procédure contentieuse et questions de droit civil et pénal appliquées au droit de l’enseignement
Procédures d’urgence – Référés
- Modification des mesures prises par le juge des référés – Élément nouveau – Notion
J.R.T.A. Rouen, 17 février 2023, École nationale supérieure maritime, n° 2300460
Un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel avait infligé la sanction disciplinaire d’exclusion pour une durée d’un an à l'un de ses étudiants. Ce dernier avait obtenu devant le juge des référés du tribunal administratif (J.R.T.A.) de Rouen la suspension de l’exécution de cette mesure, en raison de l’absence de mention, dans sa convocation devant le conseil de discipline, de la possibilité qu’il avait de se faire assister d’un conseil de son choix.
Après notification de l’ordonnance du J.R.T.A., l’établissement s’était aperçu que le requérant n’avait pas produit devant la juridiction l’entièreté de la convocation, mais seulement le recto de ce document, alors que son verso mentionnait bien la possibilité pour l’intéressé de se faire assister du conseil de son choix.
Sur le fondement de l’article L. 521-4 du code de justice administrative qui dispose que : "Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin", l’établissement avait porté cette information à la connaissance du J.R.T.A. pour qu’il révise la mesure adoptée.
Faisant droit à cette demande, le J.R.T.A. de Rouen a estimé que : "En l’espèce, la production de cette deuxième page justifie qu’il soit mis fin aux effets de l’ordonnance du 31 janvier 2023, dès lors qu’aucun autre moyen n’est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige."
N.B. : Cette décision est une illustration de la notion d’"élément nouveau" au sens de l’article L. 521-4 du code de justice administrative.
Par une décision n° 241039 du 10 avril 2002 (au Recueil Lebon), le Conseil d’État avait déjà jugé que "la seule circonstance que les éléments produits (…) devant le juge des référés auraient déjà été à [la] disposition [de la personne intéressée] lors de l'instruction de la demande de suspension (…) et qu'ils n'auraient pas été invoqués en temps utile (…) ne [fait] pas obstacle à ce qu'ils [soient] invoqués ultérieurement (…) au soutien d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative tendant à ce que le juge des référés mette fin à la suspension ordonnée antérieurement".
Crise – Situation exceptionnelle
Questions générales
- Protocole sanitaire – Port du masque chirurgical de protection – Refus d’accès à l’établissement scolaire
T.A. Bordeaux, 29 décembre 2022, n° 2100381
L’article 36 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 a instauré une obligation de porter un masque de protection pour les élèves des écoles élémentaires. Le refus de certains parents que leurs enfants se conforment à cette obligation s’est traduit par des recours introduits contre les refus des directeurs d’école ou des chefs d’établissement d’accueillir dans leur établissement ces enfants sans masque (cf. LIJ n° 215, mai 2021).
En application des articles R. 421-10 et R. 421-12 du code de l’éducation, le chef d’établissement peut interdire, sous certaines conditions, l’accès à son établissement scolaire à un élève. Le tribunal administratif de Bordeaux a eu l’occasion de se prononcer sur les obligations pesant sur l’administration lorsqu’est en cause une interdiction d’accès opposée à un élève, au motif qu’il ne porte pas le masque imposé par les mesures sanitaires de nature à prévenir la propagation du virus de la covid-19.
Le tribunal a tout d’abord jugé que si une décision d’interdiction d’accès constituait par principe une mesure restreignant les libertés et, notamment, le droit à l’éducation, le principe du contradictoire n’était pas applicable dès lors que la période d’état d’urgence sanitaire caractérise une situation d’urgence au sens de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration. L’administration était donc dispensée de mettre à même les parents de présenter leurs observations avant de prendre sa décision.
Après avoir rappelé la règle selon laquelle le port du masque est obligatoire pour les élèves des écoles élémentaires, à l’exception de ceux en situation de handicap munis d’un certificat médical, le tribunal a jugé qu’en l’espèce, l’absence de port du masque n’était pas justifiée par l’état de santé de l’élève, souffrant d’asthme. En effet, les certificats médicaux produits, établis par un médecin généraliste et un pédiatre, étaient peu circonstanciés et ne faisaient pas état d’une forme sévère d’asthme. Ainsi, il n’apparaissait pas que l’asthme de l’intéressé était assimilable à un handicap.
Enfin, le tribunal a écarté le moyen tiré de ce que le refus d’accueillir l’enfant à l’école entraînerait une rupture dans la continuité pédagogique et porterait atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant protégé par la Convention relative aux droits de l’enfant (Convention de New York, 1990). En effet, la mesure prise ne portait pas une atteinte disproportionnée à l’intérêt supérieur de l’enfant dès lors qu’il avait été proposé aux parents, s’ils persistaient dans leur conviction de ne pas faire porter de masque à leur enfant, d’inscrire celui-ci au Centre national d’enseignement à distance et que l’éventuelle discontinuité pédagogique était limitée dans le temps.
Enseignements et continuité pédagogique
- Protocole sanitaire – Refus opposé à une demande de scolarité à distance – Absence de rupture d’égalité
T.A. Rennes, 12 janvier 2023, n° 2100388
Un élève scolarisé à l’école primaire avait fait l’objet d’un refus d’accueil dans son établissement au cours de l’année scolaire 2020-2021 en raison de l’absence de port du masque, obligatoire au moment des faits en application de l'article 36 du décret du 29 octobre 2020. Sa mère contestait devant le tribunal administratif de Rennes la décision par laquelle le recteur de l’académie de Rennes avait refusé que son fils suive une scolarité à distance en lien avec son école.
Le tribunal a rappelé, d’une part, que l’élève n’étant pas instruit en famille dans les conditions prévues par le code de l’éducation, son instruction devait, en vertu de l’article L. 131-2 du code de l’éducation, être assurée au sein d’un établissement scolaire et, d’autre part, qu’il résultait du principe de l’assiduité scolaire l’obligation pour l’élève de suivre, dans son établissement, l’intégralité des enseignements inscrits à son emploi du temps selon les modalités fixées par ce dernier. Il a ainsi jugé que dès lors qu’aucun enseignement à distance n’était prévu au sein de l’école à la date de la décision, c’était à bon droit que le recteur avait refusé l’autorisation sollicitée par la requérante.
Les juges ont par ailleurs précisé que le protocole sanitaire diffusé aux chefs d’établissements dans sa version du 2 novembre 2020, "à le supposer opposable à l'administration, ne prévoit en tout état de cause d'enseignement à distance que dans les cas, différents du cas de l'espèce, de fermeture de classe ou d'école, de situation sanitaire locale le justifiant ou d'impossibilité de respecter les règles sanitaires dans l'établissement en raison de ses caractéristiques propres".
Le tribunal a enfin écarté le moyen tiré de la rupture d’égalité en considérant que si les élèves des lycées avaient, seuls, à la date de la décision attaquée, la possibilité de suivre leurs enseignements à distance, ces élèves, dont l’organisation des enseignements et les méthodes d’apprentissage différaient, étaient bien dans une situation différente de ceux du premier degré et que cette différence de traitement, en rapport direct avec l’objet des mesures instituées en vue de limiter la propagation du virus, n’était pas manifestement disproportionnée.
Consultations
Enseignement supérieur et recherche
Cycle master (Mon master…)
- École d’ingénieur – Formation en langue anglaise
Note DAJ B1 n° 2023-002055 du 23 février 2023
La direction des affaires juridiques a été interrogée sur la possibilité pour un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (E.P.S.C.P.) de dispenser des formations d’ingénieurs accréditées en basculant une partie des cours en anglais. L’établissement souhaitait également savoir si ces formations pouvaient être ouvertes sans attendre la prochaine accréditation.
Après avoir rappelé que le II de l’article L. 121-3 du code de l’éducation dispose que : "La langue de l'enseignement, des examens et concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d'enseignement est le français (…)", la DAJ a souligné que cette disposition s’applique aux diplômes nationaux conférant un grade ou un titre universitaire, mais aussi aux diplômes d’ingénieur. Seuls les diplômes d’établissements échappent à l’obligation posée par la loi (cf. T.A. Lille, 2 mai 2018, n° 1500278).
En effet, un diplôme d’ingénieur ne peut être regardé comme un diplôme d’établissement. Bien que le diplôme d’ingénieur ne figure pas dans la liste des diplômes nationaux fixée par l’article D. 613-6 du code de l’éducation, il ne s’agit pas pour autant d’un diplôme d’établissement car l’article L. 642-1 (alinéa 2) du même code dispose que : "L'accréditation pour délivrer le titre d'ingénieur diplômé est accordée par l'autorité administrative compétente après avis de la Commission des titres d'ingénieur instituée par l'article L. 642-3." En outre, l’article D. 642-1 précise que : "L’habilitation à délivrer le titre d’ingénieur diplômé est accordée pour une durée maximale de six ans, par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur (…), après évaluation des formations assortie d'un avis de la Commission des titres d’ingénieur [C.T.I.]."
Aussi, les enseignements conduisant au titre d’ingénieur diplômé, dès lors que leur organisation n’est pas laissée à la pleine autonomie des établissements, sont soumis aux dispositions précitées de l’article L. 121-3 du code de l’éducation.
Toutefois, le même article L. 121-3 ménage deux exceptions autorisant l’instauration de formations dans une autre langue que le français, qu’elle soit justifiée : "II. (…) 1° Par les nécessités de l’enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères (…) [ou] 3° Par des nécessités pédagogiques, lorsque les enseignements sont dispensés dans le cadre d'un accord avec une institution étrangère ou internationale tel que prévu à l'article L. 123-7 ou dans le cadre d'un programme européen", et une dérogation, plus générale, pour "les écoles étrangères ou spécialement ouvertes pour accueillir des élèves de nationalité étrangère, ainsi que les établissements dispensant un enseignement à caractère international".
À ce jour, la qualification d’"enseignement à caractère international" semble n’être admise que pour des formations qui visent à accueillir majoritairement ou exclusivement des étudiants étrangers, ainsi que l’a jugé la cour administrative d’appel de Paris au sujet d’un master en physique de l’École normale supérieure (C.A.A. Paris,21 mars 2017, Association Avenir de la langue française, n° 16PA02801).
En l’espèce, les formations d’ingénieur pour lesquelles l’établissement sollicitait la position du ministère ne présentaient pas ce caractère international, mais pouvaient s’appuyer sur l’exception justifiée, au point 1°, par les "nécessités de l’enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères", sous réserve de respecter les limites fixées par le juge administratif.
À cet égard, le Conseil d’État a jugé qu’un enseignement immersif dans un établissement scolaire faisant du breton la langue principale d’enseignement et de communication méconnaissait l’article L. 121-3 du code de l’éducation, et a considéré que les dispositions organisant un enseignement bilingue en langue régionale devaient définir précisément la répartition des enseignements entre le français et la langue régionale et garantir qu’aucune discipline (autre que l’enseignement de la langue régionale) ne pouvait être exclusivement enseignée en langue régionale ; à défaut, les dispositions en cause excédaient les possibilités de dérogation à l'obligation d'utiliser le français comme langue d'enseignement prévue par l’article précité (C.E., 29 novembre 2002, Syndicat national des enseignements de second degré et autres, n° 238653, au Recueil Lebon).
Sur ce même fondement, le Conseil d’État a également autorisé, s’agissant de "l’accès à des professions où l’usage de langues étrangères est devenu indispensable", que des épreuves permettent de vérifier la maîtrise par les candidats de ces langues dans les champs scientifique, professionnel ou pratique concernés (C.E., 13 janvier 2010, Association Défense de la langue française et association Avenir de la langue française, n° 313744, au Recueil Lebon).
S’agissant de l’exception, au point 3°, tenant aux "nécessités pédagogiques, lorsque les enseignements sont dispensés dans le cadre d'un accord avec une institution étrangère ou internationale tel que prévu à l'article L. 123 7 ou dans le cadre d'un programme européen", la fiche thématique sur l’ouverture internationale complémentaire au document référentiel de la C.T.I. indique que, pour favoriser la mobilité internationale des élèves, un établissement peut mettre en place des partenariats avec des entreprises ou établissements d’enseignement supérieur étrangers, tels des doubles diplômes ou des cursus co-construits. Cette fiche encourage l’usage de langues étrangères dans les disciplines scientifiques.
Ainsi, rien ne s’oppose à ce qu’un E.P.S.C.P. accrédité pour délivrer le titre d’ingénieur diplômé ouvre des formations en langue anglaise afin d’approfondir son ouverture internationale, à condition que cet idiome ne constitue pas la langue principale d'enseignement et de communication au sein de la formation et qu’aucune discipline ne soit exclusivement enseignée en anglais.
Enfin, en ce qui concerne la demande d’une nouvelle accréditation, la fiche thématique sur l’ouverture internationale complémentaire au document référentiel de la C.T.I. indique que : "Les écoles n’ont pas besoin d’informer la C.T.I. de la mise en place d’un cursus de double diplôme dont l’évaluation sera intégrée dans le cadre du renouvellement de l’accréditation", alors même que : "Un cursus de double diplôme entraîne souvent une prolongation d’un ou de deux semestres de la durée des études." À l’inverse : "Les cursus conjoints donnent lieu à une accréditation spécifique et sont listés à part dans l’arrêté interministériel listant les écoles accréditées. Les nouvelles demandes suivent la procédure de lettres d’intention."
Au cas présent, même si les formations en anglais étaient délivrées dans le cadre d’un double diplôme, dans la mesure où les modifications envisagées feront évoluer la proportion des enseignements dispensés en français et que cette proportion doit être expressément indiquée dans l’accréditation desdites formations, en application du sixième alinéa du II de l’article L. 121-3 du code de l’éducation, il apparaît nécessaire que cet établissement se rapproche de la C.T.I. pour demander une nouvelle accréditation.
Personnels
Mise à disposition
- Droits à rémunération – Maintien des primes (oui)
Note DAJ A2 n° 2023-001889 du 20 février 2023
La direction des affaires juridiques a été interrogée sur le point de savoir si une professeure des écoles mise à disposition d’une préfecture pouvait conserver les primes dont elle bénéficiait à raison de l’exercice effectif des fonctions dans son emploi d’origine.
En l’espèce, l’intéressée percevait, en vertu de son emploi d’origine, l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves allouée aux personnels enseignants du premier degré exerçant dans les écoles maternelles et élémentaires ainsi que l’indemnité de sujétions attribuée aux personnels exerçant au sein d’écoles ou établissements relevant du programme "REP", respectivement instituées par les décrets n° 2013-790 du 30 août 2013 et n° 2015 1087 du 28 août 2015.
Aux termes des dispositions combinées des articles L. 512-6 et L. 712-1 du code général de la fonction publique, le fonctionnaire de l’État placé en situation de mise à disposition est réputé occuper son emploi et continue à percevoir le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire correspondant à ses fonctions d’origine.
Appliquant littéralement ces dispositions (auparavant issues de la lecture combinée des articles 20 de la loi n° 83 634 du 13 juillet 1983 et 41 de la loi n° 84 18 du 11 janvier 1984), le Conseil d’État juge ainsi que la rémunération de l’agent mis à disposition comprend les indemnités instituées par des textes législatifs ou réglementaires que lui conféraient les fonctions qu’il occupait lors de sa mise à disposition (cf. C.E., 28 octobre 1998, n° 188172, aux tables du Recueil Lebon ; C.E., 18 décembre 2008, n° 296122, aux tables du Recueil Lebon). Dans ses conclusions – accessibles sur ArianeWeb – sur la décision n° 344801 du 27 juillet 2012 (au Recueil Lebon), le rapporteur public relève que cette solution est justifiée par "l’exigence de ne pas vider la mise à disposition de tout attrait ou intérêt".
L’intéressée peut donc continuer de bénéficier les primes qu’elle percevait en tant que professeure des écoles.
Le point sur
Le contentieux des autorisations d’instruction dans la famille, premier bilan
L’article 49 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021, complété par ses décrets d’application (cf. LIJ n° 220, mai 2022), vise à garantir une plus grande protection des enfants et des jeunes âgés de trois à seize ans soumis à l’obligation d’instruction. Il pose à ce titre le principe de la scolarisation obligatoire dans un établissement scolaire public ou privé et substitue au régime de déclaration d’instruction dans la famille un régime d’autorisation. Ainsi, depuis la rentrée scolaire 2022, il ne peut être dérogé à cette obligation de scolarisation que sur autorisation délivrée par les services académiques, pour des motifs tirés de la situation de l’enfant et limitativement définis par la loi.
Les quatre motifs susceptibles de justifier la délivrance d’une autorisation d’instruction dans la famille sont énumérés à l’article L. 131-5 du code de l’éducation : "1° L'état de santé de l'enfant ou son handicap ; 2° La pratique d'activités sportives ou artistiques intensives ; 3° L'itinérance de la famille en France ou l'éloignement géographique de tout établissement scolaire public ; 4° L'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif".
Alors que la deuxième campagne annuelle d’autorisation en vue de l’année scolaire 2023-2024 s’achève le 31 mai 2023, il peut être fait un premier bilan de la campagne 2022-2023.
La mise en œuvre de ce nouveau régime d’autorisation a fait naître un contentieux administratif nouveau et qui a révélé de premières divergences d’interprétation auxquelles le Conseil d’État a mis fin (I). Les premiers jugements des tribunaux administratifs ont permis de préciser plus finement les contours des conditions et des modalités d’octroi des autorisations d’instruction dans la famille (II).
I. Un contentieux nouveau devant les juridictions administratives, qui a vu le règlement de premières divergences d’interprétation
1. Un contentieux caractérisé par un nombre de recours contentieux encore relativement limité et inégal selon les académies ainsi que par un recours systématique au référé-suspension
Au total, 59 019 demandes d'autorisation d'instruction dans la famille ont été instruites par les services académiques en 2022 sur l’ensemble du territoire national. Parmi ces demandes, 53 014 ont donné lieu à une autorisation, soit près de neuf demandes sur dix. Les autorisations accordées au titre du régime transitoire mis en place pour les enfants régulièrement instruits dans la famille pendant l’année scolaire 2021-2022 (article 49 de la loi du 24 août 2021 précitée) ont représenté 80 % des autorisations délivrées par les autorités académiques.
Après avoir formé le recours administratif préalable obligatoire (RAPO) prévu à l’article D. 131-11-10 du code de l’éducation, des familles dont les demandes d’autorisation ont été rejetées ont introduit des recours contentieux devant les juridictions administratives, le plus souvent assortis d’une requête en référé-suspension.
Le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse a ainsi eu connaissance de plus de 280 ordonnances rendues par les juges des référés au cours de l’été 2022 et de l’année scolaire 2022-2023.
L’issue de ces procédures d’urgence a été très majoritairement favorable à l'administration puisque 75 % d’entre elles (214 sur 283) ont donné lieu au rejet de la requête en référé. Dans 15 % des cas, la requête a donné lieu à la suspension de l'exécution du refus d’autorisation et à l’injonction à l’administration, selon le cas, de réexaminer la demande ou de délivrer une autorisation à titre provisoire jusqu’à ce que le jugement au fond intervienne. Dans 7 % des cas, le litige a perdu son objet en raison de l'octroi de l'autorisation en cours d'instance, soit au stade du RAPO, soit d’un réexamen postérieur. Enfin, dans 3 % des cas, les requérants se sont désistés en cours d’instance.
Il convient de préciser que les rares référés-libertés – au nombre de trois – ont tous été rejetés dès lors qu’aucune liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative n’était en cause, le choix de recourir à l’instruction en famille n’étant pas une composante du principe fondamental reconnu par les lois de la République de la liberté de l'enseignement (Cons. const., 13 août 2021, n° 2021-823 DC).
Plusieurs faits marquants méritent d’être soulignés.
En premier lieu, on peut noter de fortes disparités dans la répartition géographique de ces contentieux, le nombre de recours introduits variant fortement selon les académies. En particulier, la seule académie de Toulouse a concentré plus du tiers de l’ensemble des recours ayant donné lieu à une ordonnance de référé.
En deuxième lieu, le motif tiré de l’existence d’une "situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif" (4° de l’article L. 131-5 du code de l’éducation) est celui qui a le plus donné lieu à la saisine du juge, en représentant plus de 70 % du total des affaires. C’est autour de ce motif que se sont cristallisées les divergences d’interprétation des juges des référés puis des tribunaux administratifs, qui n’ont été réglées que par l’intervention des décisions du Conseil d’État du 13 décembre 2022 (cf. 2).
En dernier lieu, il convient de relever qu’alors que, du fait du caractère en principe annuel de l’autorisation prévu par l’article L. 131-5 du code de l’éducation et du fait que les décisions interviennent peu avant la rentrée scolaire, le recours au référé-suspension semble présenter un caractère quasi systématique, une part importante (36 %) des ordonnances de rejet l’ont été au motif du défaut d’une situation d’urgence au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.
Les juges des référés ont ainsi été nombreux à considérer que la scolarisation d’un enfant, qui constitue la traduction normale de l’obligation scolaire en vertu des articles L. 131-2 et L. 131-5 du code de l’éducation, ne saurait être regardée comme étant, par elle-même et en l’absence de circonstance particulière, comme de nature à préjudicier gravement à sa situation et, partant, de nature à caractériser une situation d’urgence justifiant l’intervention du juge des référés. Cela révèle que l’urgence ne saurait ainsi être présumée.
S’agissant des décisions au fond, sur plus de 130 décisions intervenues sur les recours en annulation des familles recensées au 31 mai 2023 (jugements et ordonnances de désistement), seuls dix jugements ont abouti à l’annulation de la décision de refus d’autorisation ; la plupart de ces derniers ne sont pas définitifs en raison d’un appel du ministre.
2. Des divergences d’interprétation centrées sur le motif tenant à l’existence d’une "situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif", désormais tranchées par le Conseil d’État
Des divergences d’interprétation se sont fait jour entre juges des référés sur la question de l’appréciation du motif tenant à l’existence d’une "situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif" (4° de l’article L. 131-5 du code de l’éducation), et notamment sur la question de savoir si, outre la vérification des conditions de capacité de la personne chargée d’instruire l’enfant et de l’existence d’un projet pédagogique conforme aux prescriptions réglementaires, l’autorité administrative devait s’assurer de l’existence d’une telle situation propre à l’enfant justifiant le recours à l’instruction dans la famille.
Cette divergence a persisté dans les premiers jugements rendus par les tribunaux administratifs en la matière : contrairement aux tribunaux administratifs de Melun (25 août 2022, n° 2206787) et de Besançon (29 novembre 2022, n° 2201406), le tribunal administratif de Rennes a jugé, dans plusieurs jugements du 10 octobre 2022 (voir notamment le n° 2203669, frappé d’appel), qu’il ne revenait pas aux autorités académiques saisies d’une demande d’autorisation fondée sur ce motif de contrôler l’existence d’une situation propre à l’enfant ni la cohérence du projet pédagogique avec les spécificités du profil de l’enfant (jugements annulés par la cour administrative d’appel de Nantes par quatre arrêts, n° 22NT03860, n° 22NT03864, n° 22NT03868 et n° 22NT03871 du 9 juin 2023).
Statuant sur des recours intentés contre les dispositions réglementaires précisant le régime d’autorisation et sur des pourvois en cassation du ministre contre des ordonnances de référé, le Conseil d’État, dans trois décisions du 13 décembre 2022 dont la LIJ n° 224 de mars 2023 a fait état, a précisé les grandes lignes devant guider tant l’administration dans l’instruction des demandes que les juridictions administratives dans le contrôle des décisions de refus opposées aux familles.
S’agissant de la délivrance de l’autorisation au motif de l’existence d’une "situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif", le Conseil d’État a jugé que les dispositions législatives "impliquent que l'autorité administrative, saisie d'une telle demande, contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à cet enfant motivant, dans son intérêt, le projet d'instruction dans la famille et qu'il est justifié, d'une part, que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de cet enfant, d'autre part, de la capacité des personnes chargées de l'instruction de l'enfant (…)" (C.E., 13 décembre 2022, n° 467550, aux tables du Recueil Lebon).
Plus généralement, le Conseil d’État a précisé qu’il revient à l’administration, dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation, d’effectuer une mise en balance des avantages et inconvénients de chaque forme d’instruction pour retenir celle qui est la plus conforme à l’intérêt de l’enfant. À cet égard, le Conseil d’État a estimé, s’agissant du motif tenant à l'état de santé de l'enfant (1° de l’article L. 131-5 du code de l’éducation), qu’il "appartient à l'autorité administrative, régulièrement saisie d'une demande en ce sens, d'autoriser l'instruction d'un enfant dans sa famille lorsqu'il est établi que son état de santé rend impossible sa scolarisation dans un établissement d'enseignement public ou privé ou lorsque l'instruction dans sa famille est, en raison de cet état de santé, la plus conforme à son intérêt" (C.E., 13 décembre 2022, n° 466623, aux tables du Recueil Lebon).
II. Les premières décisions des tribunaux administratifs ont permis de préciser les contours de certaines conditions
1. La vérification par le juge administratif du respect des règles procédurales entourant l’instruction des demandes
Les tribunaux administratifs ont rappelé à plusieurs reprises l’importance du respect du calendrier fixé à l’article R. 131-11 du code de l’éducation qui vise à s’assurer que les demandes d’autorisation soient instruites et donnent lieu à une décision de l’administration en amont de la rentrée scolaire.
Aussi, sauf si le motif de la demande est apparu postérieurement dans les conditions prévues par cet article R. 131-11 et en dehors du cas où l’autorité administrative déciderait d’examiner à titre gracieux une demande formulée hors délai (faculté rappelée par le Conseil d’État dans sa décision n° 462274 du 13 décembre 2022), les demandes formulées en dehors de ce calendrier doivent être rejetées par l’administration comme irrecevables.
Lorsqu’une décision expresse de rejet fait suite à la naissance d’une décision implicite d’acceptation en raison du silence gardé pendant deux mois à compter de la réception du dossier complet de demande, cette dernière décision peut être retirée par l’administration dans un délai de quatre mois si elle est illégale (article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration), notamment parce que les conditions auxquelles est soumise la délivrance d’une autorisation d’instruction ne sont pas réunies.
Toutefois, le retrait d’une telle décision créatrice de droits, qui induit une disparition rétroactive de l’acte, n’est possible qu’après avoir invité les familles à présenter des observations (article L. 121-1 du même code). Ce retrait peut avoir lieu alors même qu’un contentieux a été introduit.
Les tribunaux administratifs ont également précisé, s’agissant de la régularité de la composition de la commission académique statuant sur les RAPO, que le recteur d’académie peut choisir de se faire représenter notamment par son directeur de cabinet (T.A. Melun, 20 janvier 2023, nos 2207876 et 2208521) ou par le secrétaire général adjoint de l’académie (T.A. Rennes, 27 octobre 2022, n° 2204636). En toute hypothèse, la décision appartient à la commission académique et non à son seul président (T.A. Melun, 25 novembre 2022, n° 2207535).
Par ailleurs, le tribunal administratif de Rennes a jugé que la commission est valablement réunie en l’absence du médecin de l’éducation nationale désigné composant cette commission, dès lors que le quorum exigé par l’article D. 131-11-12 du code de l’éducation est atteint (T.A. Rennes, 27 octobre 2022, n° 2204325).
2. L’appréciation des demandes d’autorisation sur le fondement de l’état de santé de l'enfant ou de son handicap
Maniant la mise en balance qui procède de la jurisprudence du Conseil d’État, le tribunal administratif de Dijon a jugé que l’intérêt supérieur de l’enfant commandait qu’il soit autorisé, à titre dérogatoire, à être instruit dans la famille dès lors que "les troubles dont il souffre [, attestés par des certificats médicaux] ne permettent pas des apprentissages optimums dans le circuit scolaire classique malgré les aménagements mis en place à l'école" (T.A. Dijon, 16 février 2023, nos 2201726 et 2201910).
Tout certificat médical attestant d’une pathologie de l’enfant n’est pas constitutif d’un état de santé qui justifierait qu’il soit autorisé, à titre dérogatoire, à recevoir l’instruction dans la famille. Le tribunal administratif de Rennes a ainsi jugé que : "Le seul certificat médical produit [par la famille], par lequel un pédiatre atteste que le jeune X fait l’objet d’un suivi médical compte tenu d’une naissance prématurée et d’un diagnostic d’asthme est insuffisant pour établir que l’état de santé de l’enfant justifie qu’il puisse bénéficier d’une instruction à domicile." (T.A. Rennes, 27 octobre 2022, n° 2204636.)
3. L’appréciation des demandes d’autorisation sur le fondement de l’existence d’une "situation propre motivant le projet éducatif"
a. Les juges du fond ont eu l’occasion d’écarter certaines circonstances comme ne permettant pas de caractériser une "situation propre à l’enfant".
Plusieurs tribunaux administratifs ont jugé que la nécessité de respecter le rythme biologique de l’enfant, notamment pour ne pas perturber son sommeil, ne justifie pas l’existence d’une situation propre (T.A. Melun, 10 février 2023, n° 2209197 ; T.A. Dijon, 23 mars 2023, n° 2201842), tout comme que le fait qu’il n’ait pas encore acquis la propreté avant l’entrée en petite section (T.A. Besançon, 25 janvier 2023, n° 2201224). À cet égard, le tribunal administratif de Besançon a rappelé le fait que "l’adaptation des apprentissages aux rythmes biologiques de l’enfant est au cœur des préoccupations de l’école maternelle" et que "des aménagements de temps scolaire sont possibles au regard des besoins propres de l’enfant en première année de maternelle" (T.A. Besançon, 29 novembre 2022, n° 2201414).
Ont été jugés comme ne suffisant pas à constituer une "situation propre à l’enfant" justifiant son instruction dans la famille la timidité de l'enfant et sa proximité affective avec ses frères et sœurs (T.A. Melun, 9 décembre 2022, n° 2208369), les liens tissés avec ses grands-parents (T.A. Dijon, 23 mars 2023, n° 2201842) ou encore qu’une "culture de l’enseignement" soit développée dans une famille dont plusieurs membres exercent la profession d’enseignants (T.A. Besançon, 14 mars 2023, n° 2201755).
S’agissant de la circonstance que d’autres enfants de la même famille aient reçu et reçoivent l’instruction dans la famille, les tribunaux administratifs considèrent unanimement, à l’exception d’un jugement du tribunal administratif de Strasbourg (22 mars 2023, n° 2204468) dont le ministre a fait appel, qu’elle n’est pas propre à caractériser l’existence d’une telle "situation propre à l’enfant".
Le tribunal administratif de Melun a ainsi jugé que "la circonstance que les deux sœurs aînées de l’enfant bénéficient de l’instruction dans la famille en raison du régime dérogatoire mis en place pendant la période transitoire ne caractérise nullement des considérations propres à la jeune X" (T.A. Melun, 14 avril 2023, n° 2209535). Le même tribunal a jugé, dans une autre affaire, que "la présence des éléments essentiels de la pédagogie et de l'enseignement, d'un projet éducatif, du diplôme du parent instructeur, des autorisations de plein droit des grandes sœurs de l'enfant et les choix éducatifs es parents ne caractérisent pas une situation propre à l'enfant justifiant la mise en place d'un projet éducatif adapté alors que les requérants ne font état d'aucun élément propre à la jeune Y" (T.A. Melun, 9 décembre 2022, n° 2209004). Le tribunal administratif de Dijon a jugé, dans le même sens, qu’"il n’est fait état d’aucune justification propre à la situation de l’enfant, la seule circonstance que son frère aîné ait fait l’objet d’une autorisation d’instruction en famille jusqu’en 2019-2020 en raison d’une phobie scolaire, avant de reprendre une scolarité dans une école privée, ne pouvant tenir lieu d’une telle justification à l’égard du jeune Z" (T.A. Dijon, 16 février 2023, n° 2201734).
Le tribunal administratif de Montreuil a également considéré que "le souhait de mettre en place une méthode pédagogique particulière n'est pas, en lui-même, de nature à établir l'existence d'une situation propre à l'enfant" ; il a également écarté les autres circonstances invoquées par la famille : " (…) si les requérants soutiennent que la scolarisation de X dans un établissement d'enseignement public diminuera le nombre de sorties culturelles dont il bénéficie et l'éloignera de son père qui travaillerait régulièrement le soir et le week-end, ce qui n'est d'ailleurs pas établi, en tout état de cause, ces circonstances ne caractérisent pas une situation propre à l'enfant." (T.A. Montreuil, 2 février 2023, n° 2212795).
Enfin, le tribunal administratif de Dijon a considéré que la seule attestation établie par l'enseignante de l’enfant l'année scolaire précédente, qui indique que celui-ci a des difficultés d’apprentissage, "en l'absence notamment d'indications plus précises permettant de démontrer (ces) difficultés (…), n'est pas suffisante pour établir l'existence d'une situation propre à l'enfant permettant de considérer qu'une scolarité au sein d'un établissement scolaire serait de nature à nuire à la continuité de ses apprentissages et serait contraire à son intérêt supérieur" (T.A. Dijon, 23 mars 2023, n° 2201903 et n° 2202043).
b. Les tribunaux administratifs ont également eu l’occasion de se prononcer sur la teneur du projet éducatif prévu aux articles L. 131-5 et R. 131-11-5 du code de l’éducation.
À ce titre, ont été regardés comme insuffisants les projets éducatifs qui ne comportent aucune spécificité conçue pour répondre aux besoins particuliers de l’enfant. Par exemple, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a confirmé un refus d’autorisation d’instruction en famille au motif que le projet éducatif se borne "à reprendre les cinq cycles d'apprentissage mentionnés par les programmes de l'éducation nationale et à mentionner sans autre précision la mise en œuvre d'une "méthode active"" (T.A. Châlons-en-Champagne, 25 octobre 2022, n° 2201806), tandis que le tribunal administratif de Dijon a retenu la même solution pour un projet éducatif se bornant à reprendre la plaquette de présentation des cours d’un organisme privé d'enseignement à distance (T.A. Dijon, 23 mars 2023, n° 2201842).
Ont également été jugés insuffisnts des projets qui omettaient de prévoir un emploi du temps ou une liste d’activités éducatives détaillées à mettre en place au long de l’année (T.A. Melun, 10 février 2023, n° 2209197 ; T.A. Melun, 9 décembre 2022, n° 2208466).
Enfin, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a aussi relevé qu’un temps d'apprentissage quotidien limité à deux plages horaires de quarante-cinq minutes était insuffisant pour un enfant de trois ans, en soulignant que : "(…) les temps informels de jeux et d'activités d'éveil ne peuvent pas être considérés comme des temps d'instruction dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un adulte serait présent et disponible en vue d'accompagner l'enfant dans ses apprentissages." (T.A. Châlons-en-Champagne, 25 octobre 2022, n° 2201806.)
Olivia Allart
Camille Dasset
Alexandra Lecomte
Actualités
Enseignement supérieur et recherche
Cycle master (Mon master…)
- Diplôme national de master – inscription en première année – Plateforme nationale dématérialisée
Décret n° 2023-113 du 20 février 2023 relatif à la procédure dématérialisée de candidature et de recrutement en première année des formations conduisant au diplôme national de master
J.O.R.F. du 21 février 2023
Décret n° 2023-179 du 15 mars 2023 relatif à la procédure d'admission en première année des formations conduisant au diplôme national de master
J.O.R.F. du 16 mars 2023
Arrêté du 20 février 2023 pris pour l'application des articles D. 612-36-2 et D. 612-36-2-1 du code de l'éducation établissant les dérogations à la procédure dématérialisée de candidature et de recrutement en première année des formations conduisant au diplôme national de master et fixant le nombre maximal de candidatures sur la plateforme dématérialisée
J.O.R.F. du 21 février 2023
Arrêté du 9 mars 2023 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "Mon Master"
J.O.R.F. du 17 mars 2023
Cinq textes réglementaires sont intervenus pour organiser la nouvelle procédure dématérialisée de candidature et de recrutement en première année des formations conduisant au diplôme national de master.
1. Le décret n° 2023-113 du 20 février 2023 décrit les modalités de fonctionnement de la nouvelle procédure dématérialisée de candidature et de recrutement des candidats souhaitant être admis en première année des formations conduisant au diplôme national de master, gérée par une plateforme nationale. Sauf exception, toute candidature doit désormais passer par cette plateforme, qui est soumise à un calendrier unique. Les établissements restent seuls à décider des étudiants recrutés.
2. Le décret en Conseil d’État et en Conseil des ministres n° 2023-179 du 15 mars 2023 instaure le principe du silence vaut rejet dans le cadre de la procédure d'admission en première année des formations conduisant au diplôme national de master. Dans le cadre de la procédure dématérialisée, la décision implicite de rejet naît à l'issue de la phase d'admission. Dans le cadre des procédures de recrutement organisées en dehors de la procédure dématérialisée de la plateforme nationale, cette décision implicite de rejet naît après un délai de quatre mois à compter de la notification aux candidats de la réception de leur demande par les établissements.
En outre, ce texte modifie les modalités de la saisine du recteur de région académique en vue de l'entrée en première année de master pour tenir compte de la nouvelle plateforme nationale de candidature et de recrutement.
Enfin, il prend acte de la nouvelle dénomination des services universitaires de santé étudiante.
Les articles de ce numéro ne peuvent être reproduits, même partiellement, sans autorisation préalable. En cas de reproduction autorisée, ladite reproduction devra comporter mention de la source et de l'auteur. Les chroniques publiées dans la revue n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs.
Rédaction de la LIJ :
Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse - Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche - Ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques – Secrétariat général – Direction des affaires juridiques
99, rue de Grenelle – 75357 PARIS 07 S.P. – Mél. : daj.cidj@education.gouv.fr
Directeur de la publication : Guillaume Odinet
Rédacteurs en chef et adjoints : Catherine Joly, Victor Lespinard, Samira Tahiri, Lisa Dano, Gaëlle Papin
Responsable de la coordination éditoriale : Frédérique Vergnes
Maquette : Gwénaëlle Le Moal
Secrétariat de rédaction et mise en page : Anne Vanaret
Ont participé à ce numéro : Olivia Allart, Bertille Avot, Gabriel Ballif, Simon Barthelemy, Eva Beauvois, Cédric Benoit, Louise Benoit, Valérie Blaise, Alexis Bouguier, Florence Brown, Jérémie Caffin, Benjamin Charrier, Camille Dasset, Clara Delattre, Lucile Desbordes, Philippe Dhennin, Isaure Ferran, Stéphanie Frain, Agathe Frenay, Alexandra Gaudé, Anne Gautrais, Dimitri Gazeyeff, Audrey Ghazi Fakhr, Simon Grairia, Julien Hée, Chloé Hombourger, Méhar Iqbal, Alexandre Jamet, Jean Laloux, Alexandra Lecomte, Céline Lespiaucq-Cohuau, Chloé Lirzin, Alexis Maquart, Hélène Marchal, Sylvain N’Diaye, Justine Niay, Clémence Paillet-Augey, Alexandre Pancracio, Inès Paris, Sarah Périé-Frey, Amandine Renault, Frédéric Rochambeau, Sarah Second, Virginie Simon, Alexiane Slovencik, Baptiste Soubrier, Wanda Soyer, Marlène Spinhirny, Juliette Uzabiaga, Henrick Yerbe, Dana Zeitoun
N° ISSN : 1265-6739