La Lettre d’information juridique n° 226 – juillet 2023
Lettre de la direction des affaires juridiques du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Éditorial
Un diplôme national n’est pas nécessairement délivré au terme d’une formation unique et d’un examen national. Voilà, en résumé, ce que rappelle le Conseil d’État (C.E., 4 avril 2023, n° 458802) à propos de la capacité en droit. Le diplôme est national, au sens de l’article L. 613-1 du code de l’éducation (qui confère aux établissements accrédités par l’État le monopole de la délivrance des diplômes nationaux), non parce qu’il sanctionne des connaissances et des compétences identiquement transmises et contrôlées, mais parce qu’il confère à tous ses titulaires les mêmes droits : le caractère national est au moins autant tourné vers l’avenir (ce que permet la détention du diplôme) que vers le passé (ce qu’elle sanctionne). S’agissant justement de la formation que sanctionne le diplôme, le caractère national de ce dernier, qui suppose tout de même un cadre commun, doit s’articuler avec l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur. Cette autonomie, qui comporte une dimension pédagogique et scientifique, laisse aux établissements une liberté dans la définition des modalités de formation conduisant à la délivrance du diplôme ; ce qui, juge le Conseil d’État, ne remet en cause ni le caractère national du diplôme, ni le principe d’égalité, qui n’est pas rigide au point d’interdire toute adaptation locale.
Guillaume Odinet
Jurisprudence
Principes généraux
Égalité – Égal accès à l’enseignement
C.E., 31 mars 2023, Société Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), n° 470151
Enseignement scolaire
Élections des parents d’élèves
T.A. Nîmes, 30 mars 2023, n° 2103956
Scolarisation des élèves handicapés
C.A.A. Toulouse, 18 avril 2023, n° 21TL23358
T.A. Lyon, 23 février 2023, n° 2100737
T.A. Nîmes, 18 avril 2023, n° 2022237
Enseignement supérieur et recherche
Cycle master (Mon master…)
C.A.A. Toulouse, 4 avril 2023, n° 21TL01739
Autres formations
C.E., 4 avril 2023, Syndicat Force ouvrière de l'enseignement supérieur et de la recherche (F.O.-E.S.R.) et autres, n° 458802 et n° 458884
Examens, concours et diplômes
Organisation
T.A. Rennes, 9 mars 2023, n° 2005447
Délibérations du jury
T.A. Melun, 31 mars 2023, n° 2111921
Personnels
Accident de trajet
C.E., 8 mars 2023, n° 456390, aux tables du Recueil Lebon
Avancement
C.E., 3 mai 2023, n° 451350, aux tables du Recueil Lebon
Grade
T.A. Toulouse, 16 février 2023, nos 2005038 et 2106396
Protection fonctionnelle
T.A. Nîmes, 28 mars 2023, n° 2100562
Accès au dossier de carrière
C.E., 28 avril 2023, n° 443749, aux tables du Recueil Lebon
Droits des personnes handicapées
T.A. Marseille, 20 mars 2023, n° 2002350
Procédure
C.E., 5 avril 2023, Pôle emploi, n° 463028, aux tables du Recueil Lebon
Sanctions
T.A. Nice, 1er mars 2023, nos 2003815, 2005483 et 2105455
Cessation de fonctions
T.A. Nancy, 23 février 2023, n° 2002738
Recrutement
T.A. Nice, 11 avril 2023, n° 2003218
Personnels d’éducation et de surveillance
C.E., 4 avril 2023, Syndicat national de l'enseignement technique agricole public-Fédération syndicale unitaire (SNETAP-F.S.U.), n° 457825
C.E., 27 avril 2023, Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, n° 458709
Concours
C.E., 28 avril 2023, n° 458275, aux tables du Recueil Lebon
Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille
Contrôle
T.A. Pau, 23 février 2023, n° 2100457
Responsabilité
Accidents subis ou causés par des élèves ou étudiants
C.A.A. Nancy, 28 février 2023, n° 21NC00330
Procédure contentieuse et questions de droit civil et pénal appliquées au droit de l’enseignement
Recevabilité des requêtes
C.E., 8 mars 2023, n° 451970, aux tables du Recueil Lebon
C.A.A. Marseille, 13 février 2023, n° 21MA03584
Sports
Institutions sportives
C.E., 15 mars 2023, Ligue de billard d’Île-de-France et autres, n° 466632, aux tables du Recueil Lebon
Principes généraux
Égalité – Égal accès à l’enseignement
Égal accès à l’instruction des élèves en situation de handicap inscrits dans un institut médico-éducatif – Conformité à la Constitution
C.E., 31 mars 2023, Société Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), n° 470151
Le Conseil d’État était saisi par une société d’assurance de la question de la conformité aux principes d’égal accès à l'instruction consacré par le treizième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 des dispositions combinées de l'article L. 311-1 et du 2° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles aux termes desquelles les missions exercées par les organismes privés gestionnaires des établissements d’enseignement médico-sociaux accueillant des enfants et adolescents en situation de handicap, dont font partie les instituts médico-éducatifs (ci-après I.M.E.), n’ont pas le caractère de missions de service public.
Il a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel cette question prioritaire de constitutionnalité au motif que celle-ci, qui n’était pas nouvelle, ne présentait pas un caractère sérieux.
Reprenant son considérant de principe selon lequel "il incombe à l'État, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, et, le cas échéant, de ses responsabilités à l'égard des établissements sociaux et médico-sociaux, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que le droit à l'éducation et l'obligation scolaire aient, pour les enfants en situation de handicap, un caractère effectif" (C.E., 19 juillet 2022, n° 428311, au Recueil Lebon, LIJ n° 222, novembre 2022), le Conseil d’État a jugé que les enfants en situation de handicap inscrits dans ces établissements, et notamment en I.M.E., bénéficiaient d’un égal accès à l’instruction, peu importe le statut privé des gestionnaires de ces structures et la qualification juridique des missions qu’elles exerçaient.
Pour ce faire, il a tout d’abord rappelé l’interprétation qu’il convenait de faire des dispositions du code de l’action sociale et des familles, en ces termes : "Si les actions médico-éducatives en faveur des enfants et des jeunes en situation de handicap constituent une mission d'intérêt général (…) le législateur a entendu exclure que la mission assurée par les organismes privés gestionnaires des établissements et services aujourd'hui mentionnés au 2° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles (…) [dont notamment les I.M.E.] revête le caractère d'une mission de service public."
Il a ensuite affirmé que : "Lorsqu'elle s'effectue en tout ou en partie dans une unité d'enseignement créée au sein d'un institut médico-éducatif, cette scolarisation participe au service public de l'éducation." En atteste notamment le fait qu’au sein des établissements sociaux et médico-sociaux concernés, "les dépenses relatives à l'éducation relèvent de l'État et [que] l'enseignement est dispensé par des personnels qualifiés relevant du ministère chargé de l'éducation", tel que le prévoit l'article L. 351-1 du code de l'éducation.
Le Conseil d’État en a conclu que "la circonstance que les dispositions [contestées] ne confèrent pas à la mission de ces instituts le caractère d’un service public ne saurait en tout état de cause, par elle-même, avoir d’incidence sur l’égal accès à l’instruction des élèves en situation de handicap" (points 4 à 7).
Enfin, il a estimé qu’aucune différence de traitement portant atteinte au principe d’égalité devant la loi ne découlait des dispositions en cause du code de l’action sociale et des familles, dans la mesure où à supposer que puisse être regardée comme constitutive d'une différence de traitement l'orientation des élèves en situation de handicap vers des structures adaptées à leurs besoins, celle-ci "serait en rapport direct avec l'objet des dispositions contestées, qui visent précisément à assurer la scolarisation de l'ensemble des enfants au moyen, pour ceux d'entre eux présentant un handicap, d'un régime particulier de scolarisation, par l'éducation nationale elle-même, dans l'enceinte d'établissements adaptés" (points 8 et 9).
Enseignement scolaire
Élections des parents d’élèves
Élections des parents d’élèves – Sincérité du scrutin
T.A. Nîmes, 30 mars 2023, n° 2103956
À la suite de la contestation des opérations électorales par un parent d’élève, le directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) du Gard avait informé la directrice d’une école primaire de l’invalidation de l’élection des représentants des parents d’élèves au conseil de cette école, dont les résultats avaient été proclamés quelques jours plus tôt.
Le tribunal administratif de Nîmes a rejeté le recours tendant à l’annulation de cette décision du DASEN, tout en apportant des précisions utiles quant à la nature juridique d’une telle décision prise sur le fondement de l’article 5 de l’arrêté du 15 mai 1985 modifié relatif au conseil d’école, aux termes duquel : "Les contestations sur la validité des opérations électorales sont portées, dans un délai de cinq jours à compter de la proclamation des résultats, devant le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie, qui statue dans un délai de huit jours."
Le tribunal a tout d’abord jugé que dès lors que le parent d’élève était éligible aux élections en cause, il avait qualité pour les contester, "nonobstant les modalités d’exercice de cette contestation, et la circonstance que le vice de consultation électorale ne le concernait pas personnellement".
Il a également précisé qu’en l’absence de disposition législative ou réglementaire en ce sens, rien n’imposait au DASEN de mener une procédure contradictoire, notamment s’agissant des contestations qui affectent les opérations électorales, avant l’édiction de la mesure d’annulation de ces opérations, ou de notifier aux candidats la décision par laquelle il invalidait les élections des parents d’élèves.
Les juges ont, en outre, estimé que cette dernière décision ne constituait ni une mesure individuelle restreignant une liberté publique ni une mesure retirant une décision créatrice de droits, et n’avait donc pas à être motivée.
Le tribunal a enfin relevé qu’en l’espèce, certaines familles n’avaient pas été destinataires du matériel de vote du fait de la fermeture d’une des classes de l’établissement en raison d’un cas de Covid-19, et ce, malgré la remise de ces plis en mairie de leur lieu de résidence destinée à pallier l’absence de distribution du matériel de vote à leur enfant. Dans ces conditions, le tribunal a estimé que cette irrégularité dans la distribution du matériel de vote était substantielle et avait altéré la sincérité du scrutin et que le DASEN était, par conséquent, fondé, eu égard notamment au très faible écart d’une voix entre les deux listes concurrentes, à invalider les élections.
Scolarisation des élèves handicapés
Carence fautive de l’État dans la prise en charge éducative d’un élève souffrant d’un trouble du spectre autistique (non) – Prérogatives pédagogiques de l’enseignant – Décision de ne pas faire participer un élève à une activité
C.A.A. Toulouse, 18 avril 2023, n° 21TL23358
Les parents d’un enfant âgé de six ans atteint d’un syndrome autistique avaient engagé la responsabilité pour faute de l’État du fait de la carence dans la prise en charge éducative de leur fils.
Ils contestaient notamment l’éviction de l’enfant de certains enseignements dispensés au cours de l'année scolaire et estimaient entachée d’une illégalité fautive la décision par laquelle le directeur académique des services de l’éducation nationale de la Haute-Garonne avait prononcé son retrait provisoire et conservatoire de l’école ainsi que le signalement pour information préoccupante adressé au département de la Haute-Garonne.
La cour administrative d'appel de Toulouse a tout d’abord rappelé le cadre juridique en vigueur, issu de la combinaison des articles L. 111-1, L.111-2, L.112-1 et L. 112-2 du code de l’éducation et rappelé par la jurisprudence récente du Conseil d’État, selon lequel "(…) il incombe à l'État, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, et, le cas échéant, de ses responsabilités à l'égard des établissements sociaux et médico-sociaux, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que [le] droit [à l'éducation] et [l']obligation [scolaire] aient, pour les enfants en situation de handicap, un caractère effectif" (C.E., Section, 20 novembre 2020, Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, n° 422248, au Recueil Lebon, LIJ n° 213, janvier 2021), étant entendu que "la carence de l'État à assurer effectivement le droit à l'éducation des enfants handicapés soumis à l'obligation scolaire est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité" (C.E., 19 juillet 2022, n° 428311, au Recueil Lebon, LIJ n° 222, novembre 2022).
La cour administrative d'appel a estimé que la mesure de retrait provisoire et conservatoire en litige était justifiée et proportionnée à la gravité de la situation. En effet, l’enfant avait un comportement agressif et impulsif, de nature à perturber gravement et de façon durable le fonctionnement de l’école, au sens du règlement intérieur, et à constituer un réel danger pour autrui, que ce soient les autres enfants ou les membres de la communauté éducative. En outre, une partie de la mesure de retrait a été exécutée au cours des vacances scolaires de printemps, ce qui limitait le temps effectif de déscolarisation.
La cour a également relevé que le signalement pour information préoccupante était "pleinement justifi[é] par les risques auxquels pouvait être exposé [l’] enfant et que ce signalement [avait] reçu des suites effectives à travers la mise en place d'une mesure d'assistance éducative" : le signalement ne pouvait donc être regardé comme abusif et de nature à engager la responsabilité de l’État (point 14).
Enfin, la cour a estimé que l’exclusion de l’enfant des activités physiques et sportives et de l’enseignement de musique n’était pas entachée d’une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l’État dans la mesure où, d’une part, il ne résultait pas de l’instruction que l’enfant s’était fait exclure des cours de musique et, d’autre part, concernant les autres activités, l’enseignant avait exercé régulièrement ses prérogatives pédagogiques.
La cour a ainsi précisé de manière inédite l’articulation entre le caractère contraignant du projet personnalisé de scolarisation et les prérogatives pédagogiques des enseignants. Après avoir examiné le contenu du projet personnalisé de scolarisation qui, d'après la formulation retenue, tenait compte du fait que l’enfant "pouvait ne pas être mesure d’accomplir certaines activités eu égard au trouble autistique qu’il présent[ait]", elle a estimé qu’en tout état de cause, l’enseignant disposait "dans le cadre de ses prérogatives pédagogiques, de la possibilité d'apprécier l'opportunité de faire participer un enfant à une activité pouvant représenter un danger pour lui ou pour le reste de la classe" (point 19), rappelant par conséquent la compétence des enseignants pour refuser de faire participer un élève à une activité lorsqu’il existe une situation de danger ou des risques pour la sécurité des élèves.
Décision d’attribution d’un A.E.S.H. – Retard d’exécution – Absence de responsabilité de l’État
T.A. Lyon, 23 février 2023, n° 2100737
La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (C.D.A.P.H.) avait, par une décision du 4 octobre 2019, octroyé à un élève souffrant de plusieurs troubles spécifiques de l’apprentissage une aide humaine individuelle à hauteur de douze heures par semaine, en complément d’aménagements pédagogiques. La famille ayant contesté cette décision, le tribunal judiciaire de Privas, par un jugement du 30 janvier 2020 notifié aux services du rectorat le 5 février 2020, avait quant à lui ordonné l’intervention d’une aide individuelle à hauteur de seize heures hebdomadaires.
Si l’élève bénéficiait depuis la rentrée 2019 d’une aide humaine mutualisée en application d’une décision antérieure de la C.D.A.P.H., un accompagnant des élèves en situation de handicap (A.E.S.H.) ne lui a toutefois été affecté par les services académiques qu’à compter du 9 mars 2020.
Saisi par les parents de l’élève qui demandaient l’indemnisation des préjudices subis du fait du retard de l’État dans l’exécution de ces décisions d’octroi d’une aide individuelle, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête.
Après avoir rappelé que : "Il incombe à l’État, au titre de sa mission d’organisation du service public de l’éducation, de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit [à l'éducation, garanti à chacun] et cette obligation [scolaire] aient, pour les enfant handicapés, un caractère effectif", et que : "L’éventuelle carence de l’État en la matière est constitutive d’une faute susceptible d’engager sa responsabilité, sans que l’administration puisse utilement se prévaloir de l’insuffisance des structures d’accueil existantes ou du fait que des allocations compensatoires sont allouées aux parents d’enfants handicapés (…)" (considérant de principe issu notamment de la décision C.E., 8 avril 2009, n° 311434, au Recueil Lebon), le tribunal administratif a relevé qu’en l’espèce, si l’administration n’avait pas immédiatement alloué à l’intéressé une aide humaine individuelle à la suite de la décision de la C.D.A.P.H., cette dernière précisait dans sa décision que "l’autorité académique était chargée de lui donner suite en fonction des effectifs d’agents disponibles".
Le tribunal a estimé que, dans la mesure où le recteur faisait valoir en défense, sans être contredit, qu’il ne disposait pas de vivier de personnels sans affectation en cours d’année : "Dès lors que la C.D.A.P.H. a elle-même conditionné l’exécution de sa décision par le services de l’État à la disponibilité du personnel et qu’il était loisible aux requérants de contester les décisions de la C.D.A.P.H. devant le juge judiciaire, comme ils l’ont d’ailleurs fait, la responsabilité de l’État ne peut être engagée au titre d’un retard dans l’exécution de la décision [de la C.D.A.P.H.]."
Le tribunal administratif a également estimé que le retard d’environ un mois dans l’exécution du jugement du tribunal judiciaire de Privas n’était pas non plus de nature à engager la responsabilité de l’État, "compte tenu du délai nécessaire pour recruter un accompagnant des élèves en situation de handicap et de ce que l’enfant n’était pas dépourvu de toute aide en classe pendant cette brève période".
Défaut de scolarisation – Démarches insuffisantes des parents – Exonération totale de la responsabilité de l’État
T.A. Nîmes, 18 avril 2023, n° 2022237
Un élève en situation de handicap scolarisé en classe de C.M.2 avait fait l’objet d’une décision de la maison départementale des personnes handicapées (M.D.P.H.) le 27 février 2019, réitérée le 8 mars 2019, qui préconisait l’orientation de l’élève vers une classe de section d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) et vers un établissement médico-social.
Considérant que la prise en charge de leur fils par l’État n’avait pas été suffisante en dépit de cette décision, les parents de l’enfant ont saisi le tribunal administratif de Nîmes afin d’obtenir une indemnisation à hauteur de 100 000 euros en réparation du préjudice moral qu’ils estimaient que leur fils et eux-mêmes avaient subi de ce fait.
Le tribunal a tout d’abord écarté la responsabilité de l’État s’agissant des périodes successives de déscolarisation de l’enfant en 2019.
Il a en effet retenu que si la scolarisation de l’élève en classe de C.M.2 avait effectivement été suspendue à deux reprises début 2019 par la directrice académique des services de l’éducation nationale, cette décision était justifiée par le comportement violent de l’élève et par l’urgence à assurer sa propre sécurité ainsi que celle des autres élèves et des enseignants, la décision d’orientation de la M.D.P.H. vers une classe de SEGPA et un établissement médico-social attestant de ce que la scolarisation de l’enfant en milieu ordinaire n’était adaptée ni à sa situation ni à son handicap.
Les juges ont, en outre, estimé que dans la mesure où la déscolarisation de l’enfant, en novembre 2019 jusqu’à la fin de l’année scolaire, faisait suite à son exclusion définitive décidée par le conseil de discipline du collège dans lequel il était inscrit, aucune faute ou manquement ne saurait être imputé à l’État.
Ensuite, après avoir rappelé le principe dégagé par une décision récente du Conseil d’État selon lequel : "(…) la carence de l'État à assurer effectivement le droit à l'éducation des enfants soumis à l'obligation scolaire est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité. La responsabilité de l'État doit toutefois être appréciée en tenant compte, s'il y a lieu, du comportement des responsables légaux de l'enfant, lequel est susceptible de l'exonérer, en tout ou partie, de sa responsabilité" (C.E., 19 juillet 2022, n° 428311, au Recueil Lebon), les premiers juges ont souligné qu’en l’espèce, si l’enfant n’avait pas été pris en charge dans un établissement médico-social contrairement à ce que préconisait la M.D.P.H., il résultait de l’instruction que les parents n’avaient procédé à des démarches qu’auprès d’un seul établissement, alors même que le département en comptait plusieurs, précisant à cet égard que l’éloignement du domicile des parents ne pouvait justifier cette absence de démarches dès lors qu’ils bénéficiaient de la prise en charge des frais de transport.
Le tribunal a par conséquent jugé que "l'existence d'une unique démarche des parents de X à l'encontre d'un seul établissement est de nature à exonérer totalement la responsabilité de l'État en raison de l'absence de prise en charge" de leur enfant.
Enseignement supérieur et recherche
Cycle master (Mon master…)
- Présentation de trois propositions d’admission en première année de master par le recteur – Responsabilité pour faute – Obligation de moyen – Absence de responsabilité sans faute
C.A.A. Toulouse, 4 avril 2023, n° 21TL01739
Une étudiante ayant obtenu sa licence au titre de l’année universitaire 2017-2018 avait formulé dix demandes d’inscription en master 1 pour l’année universitaire 2018-2019, toutes rejetées par les établissements concernés. Elle avait alors demandé, via la plateforme "trouvermonmaster.gouv.fr", à la rectrice de région académique de lui présenter trois propositions d’admission en première année de master sur la base des articles L. 612-6 et R. 612-36-3 du code de l’éducation.
La rectrice de région académique n’ayant pas répondu à cette demande, la requérante avait, le 26 mars 2019, formulé une demande indemnitaire préalable afin d’obtenir la réparation des préjudices qu’elle estimait avoir subis. Cette demande ayant été rejetée implicitement, l’étudiante avait alors recherché la responsabilité, pour faute et sans faute, de l’État devant le tribunal administratif de Montpellier qui avait rejeté sa requête par un jugement du 23 mars 2021.
Après avoir rappelé qu’il résulte des articles L. 612-6 et R. 612-36-3 du code de l’éducation que ces dispositions garantissent aux étudiants de poursuivre une formation conduisant au diplôme de master et que "la présentation par le recteur de la région académique de trois propositions d'admission dans une formation conduisant au diplôme de master est soumise à la condition préalable d'avoir obtenu l'accord des chefs d'établissement sollicités", la cour a retenu la responsabilité pour faute de l’État en relevant qu’en se bornant à produire un tableau répertoriant l’état des 32 demandes effectuées par la rectrice de région académique entre le 6 juillet et le 8 octobre 2018 pour l’admission de la requérante à des formations compatibles avec son parcours, non renseigné s’agissant des suites données à certaines demandes, et sans produire de copies de ces demandes, "l’administration (…) n’établi[ssait] pas avoir réalisé l'ensemble des diligences qui lui incombaient [et] a[vait] méconnu l'obligation de moyens résultant des dispositions (…) de l'article R. 612-36-3 du code de l'éducation".
La cour a ensuite estimé que la faute ainsi commise par l’administration avait causé un préjudice moral à la requérante, découlant de "l’angoisse provoquée par l’absence de formation proposée et par la rupture subie dans la poursuite de ses études", qu’il convenait d’évaluer à la somme de 1 500 euros. Elle a, en revanche, écarté les préjudices allégués par la requérante liés aux frais engagés pour s’inscrire dans une université et s’acquitter d’un loyer en septembre et octobre 2018, ces préjudices n’étant pas directement en lien avec la carence fautive de l’administration.
Enfin, la cour a rejeté les conclusions de la requérante fondées sur la responsabilité sans faute de l’État dès lors que l’article L. 612-6 du code de l’éducation, qui prévoit "une possibilité de sélection des étudiants pour l’accès à la première année du deuxième cycle universitaire", n’est pas à l’origine d'"une charge anormale et spéciale dont la réparation doit être assurée au titre de la responsabilité sans faute pour rupture de l'égalité devant les charges publiques".
Autres formations
Certificat de capacité en droit – Caractère national du diplôme – Autonomie pédagogique et scientifique – Modalités d’organisation d’une formation
C.E., 4 avril 2023, Syndicat Force ouvrière de l'enseignement supérieur et de la recherche(F.O.-E.S.R.) et autres, n° 458802 et n° 458884
Par une décision du 4 avril 2023, le Conseil d’État a rejeté la requête dirigée contre l'arrêté du 25 septembre 2021 qui a réformé les modalités et les conditions d’obtention du certificat de capacité en droit et abrogé le décret du 30 mars 1956 modifiant le régime des études et des examens en vue de l’obtention de ce diplôme.
Il a d’abord écarté le moyen tiré de ce que la réforme du certificat de capacité en droit, en laissant une latitude aux établissements pour organiser la formation, portait atteinte au caractère national du diplôme et au principe d’égalité entre les étudiants. Pour ce faire, après avoir rappelé le deuxième alinéa de l’article L. 613-1 du code de l’éducation, qui prévoit que : "Les diplômes nationaux (…) [sont] délivrés au vu des résultats du contrôle des connaissances et des aptitudes appréciés par les établissements accrédités à cet effet (…) Un diplôme national confère les mêmes droits à tous ses titulaires quel que soit l’établissement qui l’a délivré", il a relevé que ces dispositions ne faisaient pas obligation aux établissements d’enseignement supérieur accrédités par l’État pour délivrer un diplôme national de définir des modalités de formation complètement identiques, et précisé que "les établissements, qui jouissent d’une autonomie pédagogique et scientifique en vertu de l’article L. 711-1 du code de l’éducation, peuvent, dans le cadre défini par la règlementation nationale (…) définir les modalités de la formation dispensée en leur sein".
En l’espèce, il a estimé qu’en fixant les durées de la formation, les disciplines fondamentales devant y être dispensées, le volume horaire minimal de l’ensemble des activités de formation ainsi que le nombre de sessions d’examens et en laissant aux établissements une latitude pour définir les modalités d’organisation de la formation conduisant à l’obtention du diplôme, l’arrêté du 25 septembre 2021 ne portait atteinte ni au caractère national du diplôme de la capacité en droit ni au principe d’égalité.
Le Conseil d’État a également écarté les moyens soulevés par les requérants tirés de ce que l’arrêté méconnaissait le principe de non-rétroactivité des actes administratifs et celui de sécurité juridique en ce qu’il n’édictait aucune mesure transitoire alors que l’application immédiate de la réforme aurait été impossible.
Le Conseil d’État a, à cet égard, rappelé que "(…) lorsque de nouvelles normes générales sont édictées par voie de décret ou d'arrêté, elles ont vocation à s'appliquer immédiatement, sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer le droit au maintien de la réglementation existante, sous réserve des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant l'entrée en vigueur de ces dispositions. En matière d'enseignement, ce principe ne fait pas obstacle à l'application immédiate, même aux élèves engagés dans un cycle de formation sanctionné par un diplôme, des dispositions réglementaires relatives à la formation qui leur est dispensée et, notamment, aux modalités d'évaluation des connaissances".
Il a ensuite constaté que l’arrêté en cause ne disposait que pour l’avenir et que, contrairement à ce que soutenaient les requérants, son application immédiate à l’année universitaire 2021-2022 n’était pas impossible, "d'autant que les dispositions de l'arrêté attaqué laissent une latitude aux établissements d'enseignement supérieur pour définir, dans le respect du cadre national, la durée des études en vue du certificat de capacité en droit qui peuvent se dérouler en un an ou deux ans, l'organisation des enseignements ainsi que les modalités d'examen".
Le Conseil d’État a ainsi réaffirmé sa jurisprudence antérieure sur ce point (C.E., 11 décembre 2013, n° 362987, aux tables du Recueil Lebon, LIJ n° 182, mars 2014 ; C.E., 18 février 1994, Association générale des étudiants de sciences politiques (AGE-UNEF), n° 149548, aux tables du Recueil Lebon).
Examens, concours et diplômes
Organisation
Doctorat – Autorisation de soutenance de thèse – Procédure – Composition du jury – Intérêt à agir d’un membre de jury
T.A. Rennes, 9 mars 2023, n° 2005447
Une directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (C.N.R.S.) demandait au tribunal administratif de Rennes d’annuler la décision d’un président d’université autorisant un doctorant à soutenir sa thèse ainsi que la délibération du jury de thèse prononçant l’admission de ce doctorant.
En défense, l’université soulevait une fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de la requérante, qui ne figurait pas au nombre des membres du jury désigné pour la soutenance de cette thèse.
Cette fin de non-recevoir a été écartée par le tribunal au motif que la requérante avait été désignée rapporteure de la thèse et avait remis un rapport sur ce travail.
Sur le fond, le tribunal a annulé les décisions en litige en retenant un vice de procédure susceptible d’avoir eu une influence sur le sens de ces décisions.
L'article 17 de l'arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que l'autorisation de soutenir une thèse est accordée, par le chef d'établissement, après avis du directeur de l'école doctorale, sur proposition du directeur de thèse et que les travaux du doctorant sont préalablement examinés par au moins deux rapporteurs désignés par le chef d'établissement, qui font connaître leur avis par des rapports écrits et sur la base desquels le chef d'établissement autorise ou non la soutenance.
Le règlement de soutenance des thèses adopté par l’université concernée précise que dans l’hypothèse où l'un des deux rapports est défavorable à la venue de la thèse en soutenance, il est possible de demander un troisième rapport, les deux rapporteurs initialement désignés et le directeur de thèse devant alors être consultés pour la désignation d’un troisième rapporteur.
En l’espèce, la requérante, avait remis un rapport défavorable le 6 juillet 2020 en vue de la soutenance qui était initialement fixée au 15 septembre 2020. Le directeur de thèse, après avoir constaté que l’avis émis par l’autre rapporteur était favorable, avait demandé un troisième rapport de soutenance auprès d’un autre professeur et une soutenance de la thèse avait par la suite été organisée sans que la requérante fasse partie du jury.
Or, rien ne permettait d’établir que la requérante avait été consultée sur la désignation du troisième rapporteur, comme l’exige le règlement de soutenance de thèse de l’université. Au contraire, une lettre adressée à la requérante, dans laquelle le directeur de thèse lui présentait ses excuses pour ne pas l’avoir tenue informée de la désignation d’un troisième rapporteur et de l’organisation d’une nouvelle soutenance, venait confirmer l’absence de consultation de l’intéressée.
Il n’était pas davantage établi que la désignation du troisième rapporteur résultait d'une proposition de la directrice adjointe de l'école doctorale au président de l'université ou au vice-président chargé de la recherche, ni que la proposition d'autoriser le doctorant à soutenir sa thèse aurait été faite au président de l'université, au regard des trois rapports rédigés, incluant celui de la requérante, et après consultation de la coordination doctorale de l’université, ainsi que le prévoit le règlement précité de l'université.
Après avoir relevé l’ensemble de ces irrégularités de procédure, le tribunal a estimé qu’elles avaient été "susceptibles d'avoir eu une influence sur le sens de la décision du président de l'université" d'autoriser l’intéressé à soutenir sa thèse, "puis sur le sens de la délibération rendue par le jury à l'issue de cette soutenance de thèse". Il a donc prononcé l’annulation de ces décisions.
Délibérations du jury
Délibération du jury d’examen – Ajournement – Défaut de transmission de la décision fixant les modalités de contrôle des connaissances au recteur de région académique
T.A. Melun, 31 mars 2023, n° 2111921
Un étudiant inscrit en deuxième année de master au titre de l’année 2020-2021 contestait la délibération du jury ayant prononcé son ajournement, en se prévalant notamment du caractère non opposable de la délibération établissant les modalités de contrôle des connaissances au titre de l’année en cause.
Aux termes de l’article L. 613-1 du code de l’éducation, les modalités de contrôle des connaissances doivent être arrêtées dans chaque établissement au plus tard à la fin du premier mois de l'année d'enseignement, et ne peuvent être modifiées en cours d'année. Elles sont arrêtées par la commission de la formation et de la vie universitaire (C.F.V.U.), comme le prévoient l’article L. 712-6-1 du code de l’éducation et l'article 14 de l'arrêté du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations conduisant à la délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master.
En outre, le premier alinéa de l’article L. 719-7 du code de l’éducation prévoit que : "Les décisions des présidents des universités et des présidents ou directeurs des autres établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ainsi que les délibérations des conseils entrent en vigueur sans approbation préalable, à l'exception des délibérations relatives aux emprunts, prises de participation et créations de filiales mentionnées à l'article L. 719-5 et sous réserve des dispositions du décret prévu à l'article L. 719-9. Toutefois, les décisions et délibérations qui présentent un caractère réglementaire n'entrent en vigueur qu'après leur transmission au recteur de région académique, chancelier des universités."
En l’espèce, en vertu des modalités de contrôle des connaissances adoptées par la C.F.V.U. s’agissant du master 2 dans lequel le requérant était inscrit, les étudiants devaient non seulement obtenir une moyenne générale d’au moins 10/20 à l’année, mais également obtenir une note supérieure ou égale à 10/20 à l’unité d’enseignement (U.E.) 1 des semestres 3 et 4 et à l’U.E. 2 du semestre 4. Le requérant, qui avait obtenu une moyenne générale supérieure à 10/20 à l’année, n’avait pas atteint la note plancher s’agissant de l’U.E. 1, d'où son ajournement.
Toutefois, l’université n’avait pas été en mesure de démontrer devant le tribunal que ces règles avaient fait l’objet d’une publicité adéquate et, ainsi, de justifier qu’elles avaient préalablement été portées à la connaissance des étudiants. Elle n’avait pas davantage justifié que cette délibération AVAIT été transmise au recteur de région académique.
Aussi, le tribunal a estimé que la délibération ajournant le requérant était dépourvue de base légale et a annulé cette délibération après avoir rappelé qu’était sans incidence la circonstance alléguée par l’université selon laquelle le défaut de transmission au recteur de région académique n’aurait pas privé le requérant d’une garantie ou eu une influence sur le sens de la décision d’ajournement prise à son encontre.
Personnels
Accident de trajet
Accident de la circulation – Séquelles – Accident cardiovasculaire – Accident de service – Lien direct
C.E., 8 mars 2023, n° 456390, aux tables du Recueil Lebon
Une employée communale avait été victime d'un accident de la circulation imputable au service. Cinq mois plus tard, alors qu'elle était placée en congé de longue maladie imputable au service, elle a été victime d'un accident vasculaire cérébral dont l'administration a refusé de reconnaître l'imputabilité au service.
La cour administrative d'appel avait rejeté l’appel formé par l’intéressée après avoir estimé que "l'existence d'un lien direct et certain entre l'accident de la circulation et l'accident vasculaire cérébral" n'était pas établie.
Or, la jurisprudence relative aux accidents de service et aux maladies professionnelles se contente désormais d'un lien direct avec le service mais non nécessairement exclusif (pour les accidents de trajet, cf. C.E., Section, 17 janvier 2014, Ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, n° 352710, au Recueil Lebon, LIJ n° 186, janvier 2015 ; pour les accidents de service, C.E., Section 16 juillet 2014, n° 361820, au Recueil Lebon, LIJ n° 186, janvier 2015 ; et pour les maladies professionnelles, C.E., 23 septembre 2013, n° 353093, aux tables du Recueil Lebon, et C.E., 13 mars 2019, n° 407795, au Recueil Lebon, LIJ n° 207, juillet 2019).
Le Conseil d'État a donc jugé que la cour avait donné aux faits de l’espèce une qualification juridique erronée en écartant la certitude d'un lien entre le service et l'accident, les pièces du dossier permettant de l’établir avec un degré de probabilité suffisamment élevé.
Le Conseil d'État a ainsi jugé que : "Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment du rapport de l'expert désigné par la cour administrative d'appel et des autres avis médicaux, que Mme X, qui n'avait pas d'antécédents neurologiques ou vasculaires, a développé, après l'accident de la circulation dont elle a été victime (…) et dont l'imputabilité au service a été reconnue, une hypertension artérielle, un syndrome de stress post-traumatique et des céphalées importantes et que le traumatisme crânien subi à l'occasion de cet accident, associé à l'élévation anormale de la tension artérielle, exposait l'intéressée à un risque de rupture d'anévrisme dans les mois suivants", et que : "En rejetant la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident vasculaire cérébral survenu [cinq mois après] au motif que les conclusions du rapport de l'expert ne reposaient que sur des probabilités et que ni ce rapport ni les autres pièces médicales versées au dossier ne permettaient d'établir avec certitude un lien direct entre la rupture d'anévrisme et l'accident de service dont la requérante a été victime, la cour a donné aux faits de l'espèce une qualification juridique erronée."
Avancement
Tableau d’avancement – Principe de non-rétroactivité d’un acte – Absence d’intérêt à agir
C.E., 3 mai 2023, n° 451350, aux tables du Recueil Lebon
Le décret du 18 juillet 1990 tel que modifié par le décret du 30 décembre 2015 a créé au sein de la hors-classe du corps des inspecteurs de l'éducation nationale un échelon supplémentaire dit "échelon spécial". Le décret du 30 décembre 2015 a prévu qu'un tableau d'avancement à l'échelon spécial est établi au titre de l'année 2015 écoulée.
Le requérant, inspecteur de l'éducation nationale hors classe ayant fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er octobre 2015 et ayant constaté qu'il ne figurait pas au tableau d'avancement à l'échelon spécial du grade d'inspecteur de l'éducation nationale hors classe établi par un arrêté le 19 février 2016 au titre de l'année 2015, avait porté en vain son différend tant devant le tribunal administratif de Versailles que devant la cour administrative d'appel de Versailles.
Devant le Conseil d’État, l'intéressé avait soulevé un moyen unique de cassation tiré de la dénaturation des termes de ses recours gracieux par la cour administrative d’appel de Versailles, qui avait estimé qu’il n’avait pas demandé, à l’occasion de ces recours gracieux, l’annulation de l’arrêté du 19 février 2016 dans son ensemble, mais seulement en tant qu’il n’y figurait pas.
Si le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la Cour, jugeant que cette dernière avait méconnu la portée des écritures du requérant qui demandait l’annulation de l’arrêté dans son ensemble, il a toutefois rejeté les conclusions du requérant, jugeant qu’elles étaient irrecevables pour défaut d’intérêt à agir.
Le Conseil d'État a relevé d'office que le requérant ne pouvait prétendre à être inscrit sur le tableau établi le 19 février 2016, entaché d'une rétroactivité illégale, au motif que : "En l'absence de disposition législative autorisant à donner au décret du 30 décembre 2015 un effet rétroactif, l'article 7 de ce décret n'a pu donner une base légale à l'établissement, au titre de l'année 2015, d'un tableau d'avancement pour la promotion à l'échelon spécial du grade d'inspecteur de l'éducation nationale hors classe."
Puis, le Conseil d'État a jugé que le requérant, admis à la retraite en octobre 2015, ne pouvait davantage prétendre à une telle inscription au titre des années ultérieures et a conclu que : "Dans ces conditions, le tableau d'avancement qu'il attaque n'est pas susceptible de lui porter préjudice en retardant irrégulièrement son avancement ou en favorisant des fonctionnaires susceptibles de se trouver en concurrence avec lui dans le déroulement de sa carrière. Par suite, M. X est sans intérêt pour demander l'annulation de l'arrêté portant promotion à l'échelon spécial hors classe des inspecteurs de l'éducation nationale retenus au titre de l'année 2015."
Le Conseil d’État a réaffirmé sa jurisprudence aux termes de laquelle un décret ne peut, sans base légale l'y habilitant, créer à titre rétroactif un nouveau tableau d'avancement. Saisi d'un contentieux relatif à l'inscription au tableau d'avancement au nouveau grade, le juge administratif relève d'office cette illégalité (cf. C.E., Section, 8 novembre 1968, n° 72371, au Recueil Lebon).
Grade
Professeur agrégé – Classe exceptionnelle – Refus de proposition du recteur – Acte de portée décisoire
T.A. Toulouse, 16 février 2023, nos 2005038 et 2106396
La requérante, professeure agrégée de l'enseignement du second degré hors classe, n’avait pas été promue à la classe exceptionnelle. Sans contester le tableau d’avancement arrêté par le ministre, elle demandait l'annulation de la décision par laquelle le recteur de l’académie de Toulouse s’était opposé à sa promotion.
Il résulte de l’article 13 quinquies du décret du 4 juillet 1972 que dans chaque académie, le recteur est chargé d’établir une liste des professeurs agrégés qu’il propose au ministre pour être inscrits au tableau d'avancement à la classe exceptionnelle. C’est sur la base de ces propositions qu’est ensuite arrêté le tableau d’avancement par le ministre.
S’il est de jurisprudence constante que les actes préparatoires sont insusceptibles de recours, le tribunal administratif de Toulouse a néanmoins estimé que "la décision par laquelle un recteur (…) refuse d’inscrire un professeur sur la liste qu’il transmet au ministre à titre de proposition fait obstacle à ce que la situation de ce professeur soit examinée", et qu’ainsi, "la décision du recteur constitue un élément de la procédure d’élaboration du tableau national d’avancement au grade de professeur agrégé hors classe et est susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir".
Il en résulte que si un professeur peut exciper de l'illégalité du refus de proposition du recteur à l'appui d'un recours en annulation dirigé contre le tableau d'avancement arrêté par le ministre, ce refus de promotion peut également faire l’objet d’un recours direct en annulation, permettant ainsi l'engagement d'un contentieux le plus précoce possible. La légalité du refus de proposition peut être contestée aussi bien par voie d'exception que par voie d'action (cf. C.A.A. Bordeaux, 28 octobre 2021, n° 21BX01716).
Protection fonctionnelle
Fonctionnaires et agents publics – Protection fonctionnelle – Poursuites pénales – Faute personnelle détachable de l’exercice des fonctions – Jugement de relaxe postérieur à la date du refus – Circonstance inopérante
T.A. Nîmes, 28 mars 2023, n° 2100562
Un enseignant avait été, à la suite de la plainte déposée à son encontre par un élève du lycée dans lequel il exerçait, mis en examen et placé sous contrôle judiciaire pour des faits qualifiés d’agression sexuelle sur un mineur de plus de quinze ans par une personne ayant autorité, de détention de l’image d’un mineur présentant un caractère pornographique et de consultation habituelle d’un service de communication au public en ligne mettant à disposition l’image ou la représentation pornographique de mineurs.
Cet enseignant a saisi en vain le tribunal administration d’une demande d’annulation du refus opposé par l’administration à sa demande de protection fonctionnelle, en faisant notamment valoir qu’il avait bénéficié d’un jugement de relaxe du tribunal correctionnel postérieurement à ce refus.
Aux termes du III de l’ancien article 11 de la loi du 13 juillet 1983, désormais codifié à l'article L. 134-4 du code général de la fonction publique : "Lorsque le fonctionnaire fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection. (…)."
D’une part, ainsi que l’a rappelé le tribunal administratif de Nîmes, il ressort de la jurisprudence que : "Pour rejeter la demande d’un fonctionnaire qui sollicite le bénéfice des dispositions de l’article 11 précité, l’autorité administrative peut, sous le contrôle du juge, exciper du caractère personnel de la ou des fautes qui ont conduit à l’engagement de la procédure pénale, sans attendre l’issue de cette dernière ou de la procédure disciplinaire. Elle se prononce au vu des éléments dont elle dispose à la date de sa décision en se fondant, le cas échéant, sur ceux recueillis dans le cadre de la procédure pénale." (S’agissant de militaires, cf. J.R.C.E., 18 septembre 2003, n° 259772, aux tables du Recueil Lebon, et C.E., 28 novembre 2003, n° 233466, aux tables du Recueil Lebon ; s’agissant d’un fonctionnaire civil : C.E., 12 février 2003, n° 238969).
D’autre part, en principe, le juge de l’excès de pouvoir apprécie la légalité d’un acte administratif à la date à laquelle celui-ci a été pris, de sorte que les circonstances de fait postérieures sont sans incidence sur sa légalité (C.E., Section, 22 juillet 1949, Société des automobiles Berliet, nos 85735 et 86680, au Recueil Lebon).
Le tribunal administratif a pu en déduire que la circonstance qu’un jugement de relaxe était intervenu postérieurement à la date de la décision attaquée était inopérante, et qu’au regard des faits qui lui étaient reprochés à cette date, l’administration "a[vait] valablement pu décider de rejeter la demande de protection fonctionnelle présentée par M. X, en se fondant sur le caractère personnel de la faute imputable à cet enseignant dans le cadre de la procédure pénale en cours", tout en prenant le soin de préciser que l’intéressé "n’en conserv[ait] pas moins la possibilité de saisir l’administration rectorale d’une nouvelle demande de protection fonctionnelle, s’il s’y cro[yait] recevable et fondé".
Accès au dossier de carrière
Directeur académique des services de l'éducation nationale – Retrait d'emploi – Mesure prise en considération de la personne – Enquête administrative – Procès-verbaux des auditions – Communication
C.E., 28 avril 2023, n° 443749, aux tables du Recueil Lebon
Un inspecteur d'académie-inspecteur pédagogique régional contestait le décret du président de la République mettant fin à ses fonctions et à son détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) au motif, notamment, qu'il avait été prononcé au terme d'une procédure irrégulière méconnaissant le droit de l'intéressé d'obtenir communication de son dossier. En effet, en dépit d’une demande en ce sens, il n'avait pas été destinataire de l’ensemble des pièces jointes au rapport de l'enquête administrative diligentée sur son comportement, à savoir les procès-verbaux des auditions des personnes entendues.
Le Conseil d’État a rappelé sa jurisprudence bien établie en la matière selon laquelle "les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l’agent faisant l’objet de l’enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 [codifié à l'article L. 532-4 du code général de la fonction publique], sauf si la communication de parties de ce rapport ou de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné" (C.E., 5 février 2020, n° 433130, au Recueil Lebon, LIJ n° 211, juillet 2020 ; C.E., 18 novembre 2022, n° 457565, aux tables du Recueil Lebon, LIJ n° 224, mars 2023).
Dans la présente décision du 28 avril 2023, le Conseil d'État a assorti cette règle de la réserve déjà dégagée pour les salariés protégés (cf. C.E., Section, 24 novembre 2006, n° 284208, au Recueil Lebon ; et C.E., 9 juillet 2007, n° 288295, aux tables du Recueil Lebon), en jugeant que lorsque le refus de communication de parties du rapport ou de procès-verbaux des auditions était justifié par un souci de protection des personnes, "l’administration d[evait] informer l’agent public de façon suffisamment circonstanciée de leur teneur, de telle sorte qu’il puisse se défendre utilement".
En l'espèce, si le requérant avait été effectivement destinataire, préalablement à la décision contestée, du rapport établi à la suite de l'enquête administrative, ce document lui avait été transmis dans une version dans laquelle, d'une part, plusieurs parties avaient été intégralement occultées, y compris s’agissant de leur intitulé, et remplacées par les mentions "partie non communicable (art[icle] L. 311-6 C.R.P.A.)", et, d’autre part, les parties non occultées comportaient certaines mentions dissimulées selon le même procédé. En outre, et malgré une demande en ce sens, il n'avait eu communication que d'une partie des 44 comptes rendus d'audition annexés au rapport.
Or, comme le rapporteur public l'a relevé, les pièces du dossier ne permettaient pas de tenir pour établie l'affirmation de l'administration selon laquelle les éléments non communiqués au requérant ne le concernaient pas.
Le Conseil d'État a donc jugé que : "Dans ces conditions, et alors qu'il n'[était] pas allégué que cette communication parcellaire avait pour objet de protéger les personnes qui avaient témoigné sur la situation en cause, M. X [était] fondé à soutenir qu'il n'a[vait] pas reçu communication de l'ensemble des pièces qu'il était en droit d'obtenir en vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 afin de préparer utilement sa défense, et que, par suite, la procédure préalable à l'édiction du décret attaqué a[vait] été entachée d'illégalité."
Droits des personnes handicapées
Prise en charge financière de séances de psychothérapie au titre d'un handicap – Mesure non obligatoire
T.A. Marseille, 20 mars 2023, n° 2002350
L'employeur peut faire intervenir les financements du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (F.I.P.H.F.P.) pour l’accompagnement d'un agent adapté à la compensation de son handicap, dans la limite d'un plafond annuel. Cette intervention peut consister dans le financement d'une aide telle que des séances de psychothérapie au titre d'un handicap (cf. catalogue des interventions du F.I.P.H.F.P.). La majorité des interventions du F.I.P.H.F.P. sont mobilisées sur prescription de la médecine du travail.
Une professeure qui s’était vu reconnaître la qualité de travailleuse handicapée demandait au tribunal administratif de Marseille d’annuler la décision par laquelle le recteur de l’académie d’Aix-Marseille avait rejeté sa demande de prise en charge de 20 séances de psychothérapie au titre de son handicap.
En vertu des articles 3 et 3-1 du décret du 3 mai 2006, le financement des "aides versées par les employeurs publics afin d'améliorer les conditions de vie, au sens du décret du 6 janvier 2006 (…), des travailleurs handicapés qu'ils emploient et destinées à faciliter leur insertion professionnelle" par le F.I.P.H.F.P. reste une faculté et ne constitue pas un droit pour le demandeur. L’octroi de ce financement, ouvert en fonction des crédits disponibles, est, en outre, soumis à des conditions relatives à la situation de l’intéressé qui doit justifier d’une préconisation médicale antérieure à la date de l’action.
En l’espèce, le tribunal administratif a ainsi estimé que le rectorat justifiait d’une insuffisance de crédits pour prendre en charge cette dépense. Il a, de plus, estimé que l’avis médical préconisant les séances de psychothérapie n’était pas de nature à rendre obligatoire cette dépense dans la mesure où un tel avis ne saurait être regardé comme une décision de prise en charge financière.
Procédure
Témoignages anonymisés – Authenticité et véracité des témoignages – Contestation devant le juge
C.E., 5 avril 2023, Pôle emploi, n° 463028, aux tables du Recueil Lebon
Un agent de Pôle emploi s’était vu infliger une sanction d’exclusion temporaire de fonctions au motif qu’il avait, durant une session de formation interne, dénigré Pôle emploi ainsi que certains de ses collègues et tenu des propos sexistes et homophobes. Pôle emploi, pour regarder ces faits comme établis, s’était fondé exclusivement sur des témoignages anonymisés avant de les verser dans le dossier disciplinaire.
Marquant un pas supplémentaire par rapport à sa jurisprudence antérieure, qui admettait déjà la prise en compte en matière disciplinaire de témoignages anonymisés pour protéger les témoins des risques de représailles, mais sous réserve de leur soumission au débat contradictoire et à la condition que leur teneur soit confortée par d’autres éléments non anonymisés versés au dossier (cf. C.E., 9 octobre 2020, n° 425459, aux tables du Recueil Lebon, LIJ n° 213, janvier 2021), le Conseil d’État a admis ici qu’une autorité disciplinaire pouvait légalement infliger à un agent une sanction sur le seul fondement de témoignages anonymisés, en l’absence même d’éléments complémentaires non anonymisés.
Toutefois, le caractère contradictoire de la procédure implique que l’agent sanctionné soit en mesure de pouvoir contester l’authenticité des témoignages et la véracité de leur contenu. Face à une telle contestation devant le juge, le Conseil d’État a alors jugé qu'il appartenait à l’administration de "produire tous éléments permettant de démontrer que la qualité des témoins correspond à celle qu'elle allègue et tous éléments de nature à corroborer les faits relatés dans les témoignages. La conviction du juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile."
Sanctions
Suspension à titre conservatoire – Nécessité d’une faute grave – Déplacement d’office – Preuve – Témoignages anonymisés – Enregistrements sonores à l'insu de l'agent
T.A. Nice, 1er mars 2023, nos 2003815, 2005483 et 2105455
À la suite du rapport d’une enquête administrative menée par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche à l’encontre d’un professeur agrégé de l'enseignement du second degré qui faisait état de manquements graves aux devoirs de dignité, d’impartialité, d’intégrité et de réserve, ce dernier avait été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée de quatre mois, suspension prolongée par une autre décision. Au terme de la procédure disciplinaire menée à raison des faits contenus dans ce rapport d’enquête, le recteur lui avait infligé la sanction du déplacement d’office.
Par trois requêtes, ce professeur demandait au tribunal administratif de Nice d'annuler ces trois décisions.
S'il a annulé les décisions relatives à la suspension de l'intéressé, le tribunal administratif a écarté tous les moyens soulevés par le requérant à l'encontre de la sanction de déplacement d’office.
L'un des motifs du jugement rendu présente un intérêt particulier concernant l’obligation de loyauté de l’administration dans ses relations avec ses agents, à laquelle est tenue l’autorité disciplinaire en matière d'administration de preuve (cf. C.E., Section, 16 juillet 2014, n° 355201, au Recueil Lebon, LIJ n° 186, janvier 2015).
Le requérant soutenait que la décision attaquée, en se fondant sur des courriers et témoignages dont l’identité des auteurs n’était pas précisée et sur des enregistrements obtenus à son insu, méconnaissait cette obligation.
Sur le premier point, le tribunal administratif a estimé classiquement (cf. C.E., 9 octobre 2020, n° 425459, aux tables du Recueil Lebon, LIJ n° 213, janvier 2021 ; C.A.A. Bordeaux, 8 mars 2010, n° 09BX01078, LIJ n° 145, mai 2010) que si ces courriers et témoignages étaient anonymisés, il ressortait des pièces du dossier que ceux-ci relataient des faits précis et circonstanciés, que ces pièces avaient été soumises au débat contradictoire et, enfin, que les faits qui y étaient relatés avaient été confirmés par le rapport de l'enquête administrative dont la liste des personnes auditionnées figurait, de manière non anonyme, dans l'une des annexes du rapport.
Sur le second point, le tribunal a estimé que "s'il ressort en effet des pièces du dossier que, pour prononcer la sanction infligée au requérant, le recteur de l'académie de Nice s'est fondé sur la transcription d'enregistrements réalisés à l'insu de l'intéressé, les conditions de ces enregistrements, qui ne sont, en tout état de cause, pas imputables au rectorat, ne pouvaient faire obstacle à ce que leurs contenus soient soumis au débat contradictoire".
Cessation de fonctions
Accompagnant d'élèves en situation de handicap – Congé parental – Indemnité spécifique de rupture conventionnelle
T.A. Nancy, 23 février 2023, n° 2002738
Une accompagnante d’élèves en situation de handicap recrutée en contrat à durée indéterminée et placée en position de congé parental contestait le refus opposé à sa demande d’octroi d’une indemnité spécifique dans le cadre de la procédure de rupture conventionnelle menant à sa cessation définitive des fonctions.
Le tribunal administratif de Nancy a rappelé, d'une part, qu’aux termes de l'article 1er du décret n° 2019-1596 du 31 décembre 2019, peuvent bénéficier de l’octroi d’une indemnité spécifique de rupture conventionnelle les agents contractuels à durée indéterminée de droit public et que son montant "est déterminé dans le respect des dispositions prévues par le décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019 (…)" et, d'autre part, qu'aux termes de l'article 4 du même décret, la rémunération brute de référence servant pour la détermination de l'indemnité spécifique "est la rémunération brute annuelle perçue par l'agent au cours de l'année civile précédant celle de la date d'effet de la rupture conventionnelle".
En l’espèce, la requérante ayant été placée en position de congé parental, elle n’avait dès lors perçu aucune rémunération de la part de son administration au cours de l’année civile précédant celle de la date d’effet de sa rupture conventionnelle, rendant par conséquent impossible la liquidation de cette indemnité en l’absence d’élément de rémunération durant la période de référence.
Par suite, la requérante ne pouvait bénéficier d’une indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
Recrutement
Recrutement – Accompagnant d’élèves en situation de handicap – Valeur de l’accord préalable à l’embauche par les rectorats
T.A. Nice, 11 avril 2023, n° 2003218
L'article L. 917-1 du code de l'éducation prévoit que les accompagnants d'élèves en situation de handicap (A.E.S.H.) sont recrutés par l'État et par les établissements scolaires. Lorsqu'ils sont recrutés par les établissements, l’accord préalable du directeur académique des services de l'éducation nationale est nécessaire.
Dans ce jugement, le tribunal administratif de Nice a précisé la portée de l’accord au recrutement donné par les établissements scolaires.
En l’occurrence, la requérante, préalablement engagée en qualité d'auxiliaire de vie scolaire jusqu’au 26 août 2019, avait été informée par un courrier électronique du rectorat du 20 août que celui-ci donnait son accord en vue de son recrutement à compter de la rentrée scolaire 2019 par un autre lycée de l’académie en qualité d’A.E.S.H. sur le fondement de l’article L. 917-1 du code de l’éducation. Ce courriel l’informait également que le lycée qui souhaitait l’engager prendrait de nouveau son attache avant la rentrée scolaire pour la signature du contrat.
Cependant, la requérante avait été informée ultérieurement par le lycée que son contrat de recrutement ne serait finalement pas conclu.
Considérant qu’il s’agissait là d’une rupture abusive de son engagement par l'État, alors qu'elle était en congés de maladie, la requérante sollicitait le versement de la somme globale de 22 140 euros en réparation des préjudices financiers qu’elle estimait avoir subis.
Dans un premier temps, le tribunal administratif de Nice a relevé qu’"(…) il résulte de l’instruction que l’accord donné par le rectorat par courriel du 20 août 2019, dont se prévaut l’intéressée, constitue un préalable à l’embauche de Mme X en qualité d’A.E.S.H. par un E.P.L.E. (…), lequel accord préalable ne peut donc être regardé comme un contrat de recrutement (…). De même, il ne résulte pas de l'instruction que l'État et cette dernière se seraient mis d'accord sur une rémunération et les conditions d'exercice de la mission d'A.E.S.H., de sorte que, contrairement à ce que la requérante soutient, aucun accord verbal en vue de son engagement n'a été souscrit par l'État. Par suite, (…) aucun contrat de travail n'a été juridiquement formé entre l'État et la requérante (…)."
Par conséquent, le tribunal administratif de Nice a jugé qu’il n’y avait pas lieu de retenir la responsabilité de l’État en raison d’une rupture abusive d’une relation contractuelle par le recteur de l’académie de Nice, aucune relation contractuelle n’ayant existé entre l'État et l'intéressée en qualité d'A.E.S.H.
Dans un second temps, le tribunal administratif a considéré que "[l’intéressée] n’a pas pu signer le contrat de recrutement préparé par le lycée Y, ni son procès-verbal d’installation. Il résulte ainsi de l’instruction qu’aucun contrat de travail n’a davantage été juridiquement formé entre le lycée Y et la requérante." L'établissement scolaire pouvait donc abandonner le processus de son recrutement sans que sa responsabilité soit engagée.
Personnels d’éducation et de surveillance
Accompagnant d'élèves en situation de handicap – Modalités de rémunération et d’avancement
C.E., 4 avril 2023, Syndicat national de l'enseignement technique agricole public – Fédération syndicale unitaire (SNETAP-F.S.U.), n° 457825
Saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre le deuxième alinéa du décret n° 2021-1106 du 23 août 2021 et une note de service du ministère de l'agriculture et de l'alimentation relative aux accompagnants des élèves en situation de handicap (A.E.S.H.), le Conseil d’État a été amené à se prononcer sur les nouvelles modalités de rémunération et d’avancement des A.E.S.H. instaurées, à compter du 1er septembre 2021, par ce décret du 23 août 2021 qui a modifié certaines dispositions du décret du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement et d’emploi des A.E.S.H.
Avant le dispositif issu du décret du 23 août 2021, les A.E.S.H. étaient rémunérés sur la base d’un espace indiciaire réduit – ne pouvant être supérieur à l’indice brut 400 – et l’évolution de leur rémunération était conditionnée par l’appréciation du supérieur hiérarchique et n’était pas automatique. Le décret du 23 août 2021 a institué un nouveau régime de rémunération avec une grille indiciaire comportant onze échelons – s’achevant désormais à l’indice brut 505 – et un avancement automatique à l’ancienneté.
Le syndicat contestait les nouvelles dispositions de l’article 11 du décret du 27 juin 2014 qui prévoient que les accompagnants des élèves en situation de handicap sont classés lors de leur recrutement au premier échelon de la grille indiciaire, sans qu'il soit tenu compte de la qualification détenue par ces agents et de leur expérience professionnelle.
Tout d'abord, le Conseil d’État a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du cadre général définissant la rémunération des agents contractuels de l’État prévu par l’article 1-3 du décret du 17 janvier 1986 – selon lequel la rémunération doit tenir compte, notamment, de la qualification et l’expérience –, en estimant que le pouvoir réglementaire avait pu, compte tenu de l’article L. 917-1 du code de l’éducation, déroger à ce cadre général applicable aux agents contractuels de l'État sans méconnaître l’article 1-3 du décret du 17 janvier 1986 ni aucun principe.
Puis, le Conseil d’État a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité, d'une part, entre les A.E.S.H. et l'ensemble des autres agents contractuels de l'État relevant du décret du 17 janvier 1986, pour lesquels il est tenu compte, dans la fixation de leur rémunération, de la qualification détenue et de leur expérience professionnelle, et, d'autre part, entre les A.E.S.H. et les agents contractuels d'enseignement ou d'éducation des lycées agricoles (ACEN), recrutés en application des dispositions spécifiques du décret du 22 octobre 1968. Le Conseil d'État a estimé que la première branche du moyen était inopérante et que la seconde était, en tout état de cause, non fondée, "[les ACEN] étant placés, eu égard à leurs missions et aux conditions d'exercice de celles-ci, dans une situation différente de celle des [A.E.S.H.], et la différence de traitement entre ces deux catégories d'agents contractuels étant en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et n'étant pas manifestement disproportionnée eu égard aux motifs qui la justifient".
Le syndicat critiquait également, comme ayant pour effet de bloquer la carrière des A.E.S.H., l'article 4 du décret du 23 août 2021 prévoyant que les A.E.S.H. qui sont reclassés à un échelon doté d’un indice brut inférieur à celui sur la base duquel ils étaient rémunérés avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions issues du décret de 2021 conservent le bénéfice de leur indice brut antérieur jusqu’à ce qu’ils bénéficient d’un indice brut au moins égal dans la nouvelle grille.
En l’espèce, après avoir relevé que les dispositions en cause, qui avaient un caractère transitoire, ne visaient qu’à préserver, à l’avantage des A.E.S.H. concernés, leur niveau de rémunération, le Conseil d’État a écarté les moyens tirés de l’erreur manifeste d’appréciation et d’une méconnaissance du principe d’égalité.
Accompagnant d'élèves en situation de handicap – Allocation aux parents d’enfants handicapés de moins de vingt ans – Principe d’égalité de traitement des agents publics
C.E., 27 avril 2023, Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, n° 458709
Une accompagnante d'élèves en situation de handicap (A.E.S.H.), recrutée sur le fondement de l'article L. 917-1 du code de l'éducation par un établissement scolaire et non par l'État, avait demandé en vain à bénéficier de l’allocation aux parents d’enfants handicapés (APEH) de moins de vingt ans prévue par la circulaire du 15 juin 1998 relative aux dispositions applicables aux agents des administrations centrales et des services déconcentrés de l'État en matière de prestations interministérielles d'action sociale.
L'APEH constitue une prestation attribuée au titre de l'action sociale et non un élément de rémunération des agents. L'action sociale bénéficiant aux agents publics est organisée par chaque employeur et diffère dès lors que l'agent est un agent de l'État, d'un établissement public ou d'une collectivité territoriale.
S'agissant de la fonction publique de l'État, "l'action sociale peut bénéficier à l'ensemble des agents, actifs et retraités, rémunérés sur le budget de l'État" (article 2 du décret du 6 janvier 2006) ainsi que, par dérogation, "aux agents publics de l'État rémunérés sur le budget des établissements publics locaux d'enseignement", sous réserve que ces établissements contribuent "au programme du budget général comprenant les crédits de l'action sociale interministérielle, à due concurrence des effectifs bénéficiaires. La liste des établissements ou des groupes d'établissements et des prestations concernées est fixée par arrêté des ministres chargés du budget et de la fonction publique." (Article 4-1 du décret du 6 janvier 2006.)
Or, il résulte des arrêtés successifs pris pour l'application de ces dispositions, notamment de l'arrêté du 26 décembre 2018, applicable à la date de la décision attaquée, que l'APEH de moins de vingt ans n'est pas au nombre des prestations d'action sociale interministérielle bénéficiant aux agents publics de l'État rémunérés par des établissements publics locaux d'enseignement.
Le ministre s'était pourvu en cassation contre le jugement d’un tribunal administratif qui avait annulé la décision refusant de faire bénéficier la requérante de cette prestation d'action sociale au motif qu'en excluant par principe du bénéfice de cette allocation tous les agents contractuels rémunérés par un établissement public d'enseignement, cette décision méconnaissait le principe d'égalité de traitement des agents publics en matière de rémunération.
Le Conseil d'État a jugé que : "En statuant ainsi, alors qu'aucune méconnaissance du principe d'égalité ne saurait, en elle-même, résulter de la décision refusant d'accorder le bénéfice d'une prestation sociale au demandeur qui ne répond pas aux conditions présidant à son octroi, le tribunal administratif (…) a commis une erreur de droit."
Par suite, il a annulé le jugement et rejeté la demande de l'A.E.S.H., "la circonstance qu'elle n'ait pas choisi d'être recrutée par cet établissement plutôt que par l'État ou qu'elle n'ait pas été informée des différences de statut pouvant en résulter étant sans incidence à cet égard".
Concours
Professeurs des universités-praticiens hospitaliers – Admission au concours – Intérêt du service – Refus de nomination
C.E., 28 avril 2023, n° 458275, aux tables du Recueil Lebon
Un médecin recruté en qualité de praticien hospitalier par contrat par un centre hospitalier et universitaire (C.H.U.) sur le fondement du 3° de l’article L. 6152-1 du code de la santé publique alors applicable avait, par la suite, été déclaré admis à un concours ouvert pour le recrutement d’un professeur d’université-praticien-hospitalier (P.U.-P.H.) en gynécologie. Le conseil de l'unité de formation et de recherche (U.F.R.) de santé de l’université ainsi que la commission médicale d’établissement du C.H.U. avaient chacun rendu un avis favorable sur sa candidature, ultérieurement transmis, pour nomination, aux ministres chargés de l’enseignement et de la santé.
Postérieurement à ces avis, une enquête interne diligentée à la suite de la plainte d’une élève sage-femme signalant le comportement déplacé de l’intéressé à son égard, menée aussi bien au sein de l’université que du C.H.U., avait révélé, notamment grâce à des témoignages concordants, un comportement inapproprié de celui-ci à l’égard des étudiantes sages-femmes et des internes de sexe féminin. Alertés sur ces agissements par le directeur de l’U.F.R. et la directrice générale du C.H.U., les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé avaient décidé de ne pas proposer au président de la République la nomination du médecin pourtant admis au concours.
Saisi par l’intéressé d’un recours contre le décret fixant la liste des candidats nommés et titularisés en qualité de P.U.-P.H. en tant que son nom n’y figurait pas, le Conseil d’État a rejeté ce recours dans une décision qui illustre les hypothèses dans lesquelles un refus de nomination peut être opposé à un candidat reçu au concours.
Le Conseil d’État a tout d’abord estimé qu’au regard des circonstances portées à la connaissance des ministres, "le refus de retenir sa candidature a[vait] été pris dans le seul intérêt du service, au motif que l'intéressé ne présentait pas les garanties requises pour l'exercice des fonctions auxquelles il postulait". Il a donc écarté les moyens tirés du défaut de motivation et de ce que la décision de ne pas nommer le requérant constituerait une sanction déguisée et serait entachée d'un vice de procédure faute d'avoir été précédée de la procédure applicable en matière disciplinaire.
Rappelant ensuite que : "Un candidat admis au concours ouvert pour le recrutement de professeurs des universités-praticiens hospitaliers et, par ailleurs, recruté en qualité de praticien contractuel au sein d'un centre hospitalier universitaire (C.H.U.) n'a aucun droit à sa nomination, à sa titularisation et son affectation au sein de ce C.H.U. en qualité de professeur des universités-praticien hospitalier", le Conseil d’État a jugé qu’"alors même que la décision de ne pas nommer M. X [était] fondée sur l'appréciation portée par l'autorité de nomination sur le comportement adopté par l'intéressé dans l'exercice de fonctions antérieures et se trouv[ait] ainsi prise en considération de la personne, elle n'[était] pas, dès lors qu'(…) elle ne revêt[ait] pas le caractère d'une sanction disciplinaire, au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de prendre connaissance de son dossier". En effet, le refus de nommer un candidat à un concours d’entrée dans la fonction publique d’État, même s’il a été admis à l’issue des épreuves du concours, n’affecte aucun droit ni aucune situation acquise (cf. C.E., Section, 3 décembre 2003, n° 236485, au Recueil Lebon ; C.E., 23 février 2009, n° 304995, aux tables du Recueil Lebon).
Enfin, sur le fond de l’affaire, le Conseil d’État a rappelé qu’"il était loisible aux ministres compétents, qui n'étaient pas liés par [les] avis [favorables des autorités universitaire et hospitalière], de prendre en compte des circonstances révélées postérieurement à ces avis de nature à justifier, dans l'intérêt du service, que la candidature de la nomination de M. X ne soit pas proposée".
Puis il a jugé qu’"en estimant, au vu de l'ensemble de ces circonstances de fait portées à leur connaissance, que M. X, à raison de ses agissements et de son comportement, ne présentait pas les aptitudes requises pour être nommé professeur des universités-praticien hospitalier dans la spécialité de gynécologie-obstétrique et qu’ils ne pouvaient, dans l’intérêt du service, le proposer à la nomination du président de la République, et alors même que le requérant [avait] produit plusieurs témoignages en sa faveur, les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé n’[avaient] commis aucune erreur d’appréciation".
N.B. : Cette décision est l’occasion de rappeler que l’administration n’est jamais tenue de nommer les candidats admis à un concours et qu’elle doit exercer à tous les stades d’une procédure de nomination un contrôle de légalité (cf. C.E., 24 octobre 2014, n° 372133).
Elle peut ainsi toujours refuser, sous le contrôle du juge qui opère un contrôle normal de l’erreur d’appréciation (cf. C.E., 10 juin 1991, Garde des Sceaux, ministre de la justice, n° 107853, au Recueil Lebon), de procéder à la nomination d’un candidat, soit parce qu’il ne remplirait pas les conditions légales pour être recruté (C.E., Section, 27 avril 1988, n° 24039, au Recueil Lebon ; C.E., 22 décembre 2017, n° 407300), soit dans l’intérêt du service parce qu’il ne présenterait pas les garanties nécessaires pour exercer les fonctions auxquelles il postule (C.E., 14 mai 1997, n° 176806 et n° 180269, aux tables du Recueil Lebon).
Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille
Contrôle
Instruction dans la famille – Lieu du contrôle – Modalités du contrôle
T.A. Pau, 23 février 2023, n° 2100457
Les parents de deux enfants instruits à domicile au cours de l’année scolaire 2021-2022 demandaient l’annulation de la décision par laquelle le directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) des Hautes-Pyrénées leur avait enjoint, à la suite de deux refus sans motif légitime opposés à la tenue du contrôle de l’instruction prévu par l’article L. 131-10 du code de l’éducation, de scolariser leurs enfants dans un établissement d’enseignement.
Par un jugement du 23 février 2023, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur recours, en apportant des précisions utiles sur les modalités d’organisation des contrôles pédagogiques de l’instruction dans la famille.
Les requérants soutenant que le contrôle pédagogique aurait dû avoir lieu au domicile familial et non dans les locaux d’une école publique, le tribunal administratif a relevé que si l’article L. 131-10 du code de l’éducation prévoit que ce contrôle a lieu, en principe, au domicile où l'enfant est instruit, "ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation et sous le contrôle du juge, décide que ce contrôle se déroule dans les locaux de l'administration" (cf. T.A. Limoges, 6 février 2014, n° 1201087, LIJ n° 183, mai 2014). Il a ainsi jugé que la décision du DASEN d’organiser le contrôle pédagogique dans les locaux d’une école publique en raison des circonstances sanitaires résultant de l'épidémie de Covid-19 ne méconnaissait pas les dispositions du code de l’éducation.
En outre, les requérants contestaient le fait que le contrôle se déroule en présence d’une psychologue scolaire.
Le tribunal administratif a jugé qu’"en prévoyant que le contrôle des enseignements dispensés se tiendrait en présence d'un psychologue scolaire, le directeur des services de l'éducation nationale n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation", alors même que les parents s’y étaient opposés.
Enfin, le tribunal a estimé que les requérants ne pouvaient valablement soutenir que les modalités du contrôle pédagogique ne leur avaient pas été précisées dès lors que le courrier par lequel ils avaient été informés de ce contrôle indiquait expressément qu'en application de l'article R. 131-14 du code de l'éducation, leurs enfants effectueraient des exercices écrits ou oraux destinés à apprécier l'acquisition de connaissances et de compétences par ces derniers.
Responsabilité
Accidents subis ou causés par des élèves ou étudiants
Membre de l’enseignement public – Action en garantie contre les condamnations civiles prononcées à raison d’une faute de service – Responsabilité de l’État – Faute personnelle détachable de l’exercice des fonctions
C.A.A. Nancy, 28 février 2023, n° 21NC00330
Un professeur agrégé d’éducation physique et sportive reconnu coupable d’homicide involontaire du fait de la noyade d’une de ses étudiantes lors d’un cours de natation qu’il dispensait demandait l’annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait rejeté sa demande tendant à ce que l’université auprès de laquelle il était affecté et l’État le garantissent des condamnations civiles prononcées à son encontre par le tribunal de grande instance de Reims.
Pour confirmer le jugement attaqué, la cour administrative d’appel de Nancy a tout d’abord estimé que si c’était bien la responsabilité de l’État qui aurait dû être recherchée, et non celle de l’enseignant, devant le juge judiciaire en vertu des dispositions de l'article L. 911-4 du code de l’éducation (cf. T.C., 2 juillet 1979, Caisse primaire d'assurance-maladie de Béziers-Saint-Pons, n° 02116, au Recueil Lebon ; C.E., 20 décembre 1985, n° 38949, au Recueil Lebon) – à charge ensuite pour l’État d’engager contre son agent, en cas de faute personnelle, une action récursoire devant le juge administratif (C.E., 13 juillet 2007, Ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, n° 297390, au Recueil Lebon) –, il n’en restait pas moins qu’il incombait à l’État, en application de l’article L. 134-3 du code général de la fonction publique (anciennement II de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983), de couvrir les condamnations civiles de cet agent, sauf si une faute personnelle détachable du service était imputable à ce dernier (C.E., 8 juillet 2020, n° 427002, aux tables du Recueil Lebon ; C.E., 26 avril 1963, Centre hospitalier de Besançon, n° 42783, au Recueil Lebon).
La cour a ensuite rappelé les critères dégagés par la jurisprudence de la faute personnelle détachable des fonctions qui se caractérise par "des faits qui révèlent des préoccupations d’ordre privé, qui procèdent d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité", tout en précisant que "ni la qualification retenue par le juge pénal ni le caractère intentionnel des faits retenus contre l’intéressé ne suffisent, par eux-mêmes, à regarder une faute comme étant détachable des fonctions" (cf. C.E., 30 décembre 2015, Commune de Roquebrune-sur-Argens, n° 391800 et n° 391798, aux tables du Recueil Lebon, cons. 2, LIJ n° 193, mai 2016 ; C.E., 11 février 2015, Garde des Sceaux, ministre de la justice, n° 372359, au Recueil Lebon, cons. 3, LIJ n° 189, juillet 2015 ; et T.C., 19 mai 2014, n° C3939, au Recueil Lebon).
Procédant à une analyse approfondie des faits reprochés à l’intéressé (défaut de maîtrise de certaines techniques indispensables à l’enseignement de l’apnée, mise en œuvre d’une technique d’apnée dont les étudiants n’avaient pas été informés de la dangerosité et pour laquelle ils ne s'étaient pas vu délivrer d’instructions particulières, défaut de surveillance des étudiants à l’issue de l’exercice, marqué par l’absence d’appel, et de tour des bassins au profit de l’envoi de plusieurs messages par téléphone portable), la cour a jugé que ces agissements, "bien qu’ils soient intervenus dans le service, (…) [étaient] d’une gravité suffisante pour caractériser une faute personnelle détachable de l’exercice par l’enseignant de ses fonctions, sans que M. X puisse utilement faire valoir à cet égard que l’université Y lui avait initialement accordé la protection fonctionnelle et l’a[vait] maintenue" jusqu’à ce qu’elle constate des éléments permettant de révéler l’existence d’une faute personnelle.
Il est intéressant de rappeler que l’administration peut mettre fin pour l’avenir à la protection qu’elle a accordée à un agent public si elle constate postérieurement, sous le contrôle du juge, l'existence d'une faute personnelle (cf. C.E., Section, 14 mars 2008, n° 283943, au Recueil Lebon, cons. 3 ; C.E., 1er octobre 2018, n° 412897, aux tables du Recueil Lebon, cons. 3, LIJ n° 204, novembre 2018).
N.B. : L’arrêt commenté fait l’objet d’un pourvoi en cassation dont l’admission est en cours d’examen.
Procédure contentieuse et questions de droit civil et pénal appliquées au droit de l’enseignement
Recevabilité des requêtes
Changement d’affectation ou de tâches d’un agent public – Mesure d’ordre intérieur – Harcèlement moral
C.E., 8 mars 2023, n° 451970, aux tables du Recueil Lebon
La requérante, attachée principale d’administration de l’État, contestait la décision par laquelle le préfet l’avait affectée d’office au secrétariat général de la préfecture en qualité de cheffe de la mission de pilotage des politiques partenariales et de l'appui territorial.
Elle s’était pourvue en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel qui avait rejeté sa requête pour irrecevabilité en regardant la décision attaquée comme une mesure d’ordre intérieur ne faisant pas grief et, par suite, insusceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
L’intéressée soutenait notamment que le juge d’appel avait commis une erreur de droit en retenant cette solution, sans prendre en compte la circonstance que la décision attaquée était intervenue dans un contexte de harcèlement moral dont le tribunal administratif de Bastia avait reconnu le caractère avéré en condamnant l’État à l’indemniser des préjudices en résultant par un jugement du 25 juin 2020.
Le Conseil d’État a jugé qu’en principe, une mesure prise à l'égard d'un agent public – notamment un changement d'affectation ou de tâches à accomplir– qui, compte tenu de ses effets, ne pouvait être regardée comme lui faisant grief constituait une simple mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours, sauf à ce que cette mesure traduise une discrimination ou constitue une sanction (cf. C.E., 7 décembre 2018, n° 401812, aux tables du Recueil Lebon, précisant C.E., Section, 25 septembre 2015, n° 372624, au Recueil Lebon, LIJ n° 190, novembre 2015).
Ainsi, la qualification de mesure d'ordre intérieur tient à l'importance des effets de la mesure sur la situation de la personne concernée. Il en va ainsi de la mesure qui ne porte pas atteinte aux droits et prérogatives que l'agent tient de son statut ou de son contrat ou à l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux, ou n’emporte pas une perte de responsabilités ou de rémunération.
Par exception, la question de l'importance des effets de la mesure sur la situation de l'agent n'entre plus en considération lorsque la mesure traduit une discrimination ou constitue une sanction. Dans ce cas, et quand bien même ses effets sont faibles, la mesure ne peut pas être qualifiée de mesure d'ordre intérieur et peut être contestée devant le juge administratif.
De manière inédite, le Conseil d’État devait ainsi déterminer si des agissements constitutifs de harcèlement moral relevaient de l’appréciation des effets de la mesure sur la situation de l’agent public ou de ses motifs (discrimination ou sanction déguisée).
Il a jugé que la cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit : "En ne recherchant pas, au vu de [l’]argumentation [de la requérante], si la décision contestée portait atteinte au droit du fonctionnaire de ne pas être soumis à un harcèlement moral, que l'intéressée tenait de son statut, ce qui exclurait de la regarder comme une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours (…)."
Ce faisant, le Conseil d’État rattache le harcèlement moral à la question des effets de la mesure : la protection contre le harcèlement moral constituant un droit statutaire des agents publics prévu à l’article L. 133-2 du code général de la fonction publique, une décision entraînant pour eux un changement d’affectation ou de tâches peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir lorsqu’elle affecte le droit à ne pas subir de harcèlement moral.
Personnels enseignants du premier degré – Formation continue – Animation pédagogique – Mesure d'ordre intérieur
C.A.A. Marseille, 13 février 2023, n° 21MA03584
La requérante, professeure des écoles, contestait la décision de son inspecteur de l'éducation nationale de circonscription lui imposant de suivre une animation pédagogique dans le domaine des mathématiques à la place du domaine du français comme elle l'avait souhaité.
La cour a toutefois estimé que cette décision constituait une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours.
Elle a tout d'abord rappelé la définition des mesures ordres intérieur qui sont : "Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief (…). Il en va ainsi des mesures qui ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre une telle mesure, à moins qu'elle ne traduise une discrimination, est irrecevable." (Cf. C.E., Section, 25 septembre 2015, n° 372624, au Recueil Lebon, LIJ n° 190, novembre 2015.)
Elle a ensuite estimé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que les actes par lesquels la requérante s'était vu imposer le contenu d'une partie des heures pédagogiques auxquelles elle était tenue de participer, en application du 2° de l'article 1er et du 3° de l'article 2 du décret du 30 juillet 2008, porteraient atteinte aux droits et obligations qu'elle tenait de son statut ou à l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux, ni qu'ils traduiraient une discrimination.
La cour a ajouté qu'en particulier, ces actes ne portaient pas, par eux-mêmes, atteinte au droit à la formation reconnu à tous les fonctionnaires par l'article L 115-4 du code général de la fonction publique.
Sports
Institutions sportives
Décisions des fédérations sportives – Juridiction compétente
C.E., 15 mars 2023, Ligue de billard d’Île-de-France et autres, n° 466632, aux tables du Recueil Lebon
La Ligue de billard d’Île-de-France, la Ligue de billard du Centre-Val de Loire et la Ligue de billard du Grand-Est demandaient au Conseil d’État d’annuler la décision par laquelle l’assemblée générale de la Fédération française de billard avait approuvé la modification de ses statuts.
Tout en réaffirmant sa jurisprudence selon laquelle : "Les décisions prises par les fédérations sportives, personnes morales de droit privé, sont, en principe, des actes de droit privé", le Conseil d’État a rappelé, dans la continuité de la jurisprudence "FIFAS" (C.E., Section, 22 novembre 1974, Fédération des industries françaises d’articles de sport, n° 89828, au Recueil Lebon), que dès lors qu’une fédération a reçu une délégation sur le fondement de l’article L. 131-14 du code du sport, elle se voit confier à titre exclusif les missions prévues aux articles L. 131-15 et L. 131-16 du même code et doit être ainsi regardée comme étant chargée de l’exécution d’une mission de service public à caractère administratif. De ce fait, les décisions prises par cette fédération, qui traduisent l’usage des prérogatives de puissance publique qui lui avaient été conférées pour l’accomplissement de cette mission, présentent le caractère d’actes administratifs relevant de la compétence de la juridiction administrative (cf. C.E., Section, 13 janvier 1961, Sieur Magnier, n° 43548, au Recueil Lebon). Il en allait ainsi alors même que ces décisions figureraient dans son statut.
En l’espèce, les modifications du statut de la Fédération française de billard portaient sur les règles relatives aux associations et autres personnes composant la fédération, sur la possibilité pour la fédération de créer des organes déconcentrés au niveau régional et territorial, sur les devoirs de ces organes déconcentrés et le contrôle exercé par la fédération sur leur gestion et leur fonctionnement, sur les incompatibilités avec le mandat de président de la fédération, sur les conditions d'élection du bureau fédéral de la fédération, sur les commissions obligatoires de la fédération et sur les rétributions perçues par la fédération pour services rendus.
Le Conseil d’État a jugé que ces modifications avaient trait à l’organisation et au fonctionnement interne de la fédération et ne manifestaient pas l’usage de prérogatives de puissance publique dans l’exercice de sa mission de service public. Par suite, le litige ne relevait pas de la juridiction administrative.
Consultations
Enseignement scolaire
Exercice de l’autorité parentale
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Exercice de l’autorité parentale
Droit à l’utilisation du nom d’usage à raison de la filiation – Nécessité de tenir compte de l’opposition de l’autre parent (non)
Note DAJ A1 n° 2023-003927 du 17 avril 2023
La direction des affaires juridiques a été interrogée à propos de la demande de la mère d’un élève tendant à ce que dans la base "SIECLE" de l’établissement scolaire, le nom de famille de l’enfant, qui était celui du père, soit complété, à titre d’usage, par le nom de famille de la mère. En l’espèce, le juge aux affaires familiales (JAF) avait attribué aux deux parents l’exercice en commun de l’autorité parentale et la carte nationale d’identité (C.N.I.) de l’enfant, délivrée antérieurement, mentionnait le nom de famille transmis par le père ainsi qu’un nom d’usage de l’enfant.
Eu égard au nouveau régime juridique, issu de la loi du 2 mars 2022 applicable aux demandes de modification des noms d’usage des élèves mineurs, il convenait de faire droit à la demande de la mère tendant à l’utilisation du nom d’usage de l’enfant.
En effet, le "nom d’usage", qui est le nom dont toute personne a le droit de faire usage dans sa vie sociale, au travail et dans ses relations avec les administrations, est de droit et n’est pas subordonné à l’autorisation de l’administration.
1. Les règles de dévolution du nom d’usage ont été modifiées par la loi du 2 mars 2022, entrée en vigueur le 1er juillet 2022.
Antérieurement, l’article 43 de la loi du 23 décembre 1985 disposait que : "Toute personne majeure peut ajouter à son nom, à titre d’usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien. / À l’égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en œuvre par les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale."
Dans son arrêt n° 05-17.163 du 3 mars 2009 (au Bulletin), la Cour de cassation en avait tiré les conséquences en jugeant que "lorsque les parents sont investis conjointement de l'autorité parentale sur leur enfant mineur, l'un d'eux ne peut adjoindre, seul, à titre d'usage, son nom à celui de l'autre sans recueillir au préalable l'accord de ce dernier", faisant de cet acte un acte non usuel de l’autorité parentale pour lequel un accord des deux parents est requis.
Il en résultait que l’administration, confrontée à l’opposition d’un des parents dont elle avait eu connaissance, ne pouvait faire droit à la demande d’utilisation de nom d’usage de l’enfant par l’autre parent (cf. C.E., 13 avril 2018, Ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, n° 392949, au Recueil Lebon, à propos de la notion d’"acte usuel").
La loi précitée a toutefois modifié les règles encadrant le nom d’usage à raison de la filiation.
Le nouvel article 311-24-2 du code civil prévoit en effet que les parents qui exercent conjointement l’autorité parentale ou le parent qui exerce seul l’autorité parentale déterminent le nom d’usage de leur enfant mineur. Conformément à la circulaire du 3 juin 2022 présentant les dispositions issues de la loi du 2 mars 2022, les deux parents doivent s’entendre sur le nom d’usage choisi (alinéa 2 de l’article 311-24-2).
Le législateur a toutefois souhaité ouvrir la possibilité au parent qui n’a pas transmis son nom (le plus souvent la mère) d’adjoindre son nom, à titre d’usage, en seconde position uniquement, à celui de l’enfant mineur sans l’accord de l’autre parent (alinéa 3 de l’article 311-24-2).
Concrètement, le parent qui n'a pas transmis son nom de famille peut adjoindre seul, à titre d'usage, son nom à celui de l'autre parent, sans recueillir l'accord de ce dernier. Le parent à l’origine de cette demande d’adjonction doit cependant en informer préalablement et en temps utile l'autre parent exerçant l'autorité parentale. Cette information préalable n’est encadrée par aucun formalisme particulier.
La saisine du juge aux affaires familiales, qui statue selon ce qu'exige l'intérêt de l'enfant, est possible en cas de désaccord des parents. Dans ce cas, le JAF, par exemple saisi par le père, peut se prononcer sur le nom d’usage à utiliser. Toutefois, l’opposition de l’autre parent et la saisine du juge n’empêchent pas le parent d’adjoindre son nom, à titre d’usage, à celui de son enfant, et donc l’établissement scolaire d’y faire droit. Dans tous les cas, si l'enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis.
2. Il doit être fait droit dans les meilleurs délais à la demande d’un parent d’élève d’utiliser pour l’enfant le nom d’usage à raison de la filiation, l’établissement scolaire ne devant pas tenir compte de l’opposition de l’autre parent, et ce, même dans l’éventualité où celle-ci aurait été formalisée par écrit.
Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de saisir le juge aux affaires familiales et d’attendre l’issue du litige pour faire droit à la demande de la mère.
Il est toutefois recommandé de demander à la mère de se munir d’une preuve de ce qu’une information préalable de l’autre parent a été effectuée. Dans le cas où l’enfant n’a pas encore treize ans, son consentement n’est pas nécessaire.
Ce nom d’usage devra être utilisé par l’ensemble des membres de la communauté éducative et figurer dans tous les documents qui relèvent de l’organisation interne (listes d’appel, carte de cantine, etc.) ainsi que dans les espaces numériques (espace numérique de travail, etc.), c’est-à-dire plus largement que dans la seule base SIECLE, qui n’est utilisée que dans certains établissements scolaires.
Enfin, la circonstance tenant à ce qu’une C.N.I. en cours de validité mentionne déjà un autre nom d’usage est, à cet égard, sans incidence, celle-ci ne valant pas modification d’état civil et la loi de 2022 ayant, comme dit précédemment, changé les règles relatives au nom d’usage.
- Différence entre le retrait de l’exercice de l’autorité parentale et le retrait de l’autorité parentale – Droits demeurant ouverts à un parent d’élève – Participation aux instances de l’établissement
Note DAJ A1 n° 2023-004102 du 20 avril 2023
La situation du parent d’élève dont l’exercice de l’autorité parentale a été retiré par une décision du juge des affaires familiales (JAF) pose d’importantes questions pratiques concernant ses relations avec les établissements scolaires. Ainsi, l’étendue des droits demeurant ouverts à ce parent d’élève, dans le cadre de sa participation aux instances de l’établissement (conseil de classe, conseil d’administration et association de parents d’élèves), est variable.
Précisons que si le septième alinéa de l'article R. 421-26 du code de l'éducation dispose que : "Chaque parent est électeur et éligible sous réserve, pour les parents d'enfant mineur, de ne pas s'être vu retirer l'autorité parentale (…)", cet article ne règle que la question du parent d’élève dont l’autorité parentale en tant que telle a été retirée, cas différent de celui où seul l’exercice de l’autorité parentale a été retiré.
1. Le code civil distingue le fait d'être titulaire de l'autorité parentale et d’exercer ou non cette autorité.
D’une part, l’autorité parentale au sens de l’article 371-1 du code civil donne le droit d'être informé des choix importants relatifs à la vie de l'enfant et de maintenir des relations personnelles avec lui.
Le retrait de cette autorité, en vertu des articles 378 et 378-1 du code civil, peut être décidé par le JAF, notamment dans les cas de mises en danger ou de désintérêt de l’enfant ou de condamnation pénale. Ce retrait n’a pas vocation à être définitif et peut être révoqué en cas de changement de circonstances. Le parent demandeur devra faire la preuve que la situation dans laquelle il se trouve désormais lui permet d’assumer à nouveau ses fonctions.
D’autre part, si l’intérêt de l’enfant le commande ou si l'un des deux parents est hors d'état de manifester sa volonté en raison de son incapacité ou de son absence (article 373 du code civil), le JAF peut confier l’exercice exclusif de l'autorité parentale à un seul ou déléguer celle-ci à un tiers, qui prendra alors toutes les décisions relatives à l'éducation de l'enfant. Il convient de noter qu’il s’agit là aussi d’une décision temporaire dès lors que le parent concerné pourra se voir restituer l’exercice de l’autorité parentale par le juge si les circonstances ont changé (article 377-2 du code civil).
Dans cette hypothèse, quelles que soient les modalités d'exercice de l'autorité parentale, tout parent reste titulaire de cette autorité tant que celle-ci n'est pas retirée. Ses prérogatives sont restreintes, mais non totalement inexistantes.
Aux termes de l’alinéa 5 de l’article 373-2-1 du code civil, le parent n’exerçant pas l’autorité parentale conserve le droit et le devoir de surveiller l'entretien et l'éducation de l'enfant. À ce titre, il doit être informé du suivi de la scolarité et du comportement scolaire de son enfant. La jurisprudence n’a toutefois pas défini de manière exhaustive les droits qui lui demeurent ouverts.
S’agissant du droit à l’information par exemple, il a été jugé que les directeurs des écoles ou les chefs des établissements dans lesquels sont scolarisés des enfants de parents séparés ou divorcés ne sont pas tenus de faire connaître aux parents non détenteurs de l’exercice de l’autorité parentale toutes les mesures prises au cours de la scolarité de ces enfants.
Il en résulte qu’un parent qui n’exerce pas l’autorité parentale a la possibilité, s'il en fait la demande, d'être informé par l'établissement scolaire du déroulement général de la scolarité de son enfant, et des choix importants relatifs à celle-ci, notamment via la transmission des bulletins trimestriels et du relevé des absences. Le défaut d’accès à l’espace numérique de travail (E.N.T.), qui porte sur la gestion courante de la vie scolaire, ne le prive pas de cette possibilité (cf. T.A. Toulouse,18 mai 2022, n° 1905811, LIJ n° 223, janvier 2023).
Un tel parent n’a toutefois pas le droit d'avoir accès à la totalité des documents concernant la santé et le comportement de l'enfant. Ainsi, les informations préoccupantes ne sont, par exemple, transmises qu’au seul parent exerçant l’autorité parentale selon l’article L. 226-2-1 du code de l’action sociale et des familles (cf. T.A. Orléans, 1er février 2022, n° 1902557, LIJ n° 221, juillet 2022).
2. La participation à l’association de parents d’élèves d’un parent d’élève privé de l’exercice de l’autorité parentale peut être autorisée.
Conformément à l’article L. 111-4 du code de l’éducation : "Les parents d’élèves sont membres de la communauté éducative. (…) / Leur participation à la vie scolaire et le dialogue avec les enseignants et les autres personnels sont assurés dans chaque école et dans chaque établissement. / Les parents d’élèves participent, par [le biais de] leurs représentants, aux conseils d’école, aux conseils d’administration des établissements scolaires et aux conseils de classe." Les associations de parents d’élèves (sous statut d’association loi de 1901) sont régies par les articles D. 111-6 à D. 111-9 du code de l’éducation.
Une association de parents d’élèves ayant pour objet la défense des intérêts moraux et matériels communs à tous les parents d'élèves, il semble logique que le simple fait d’être parent d’élève suffise pour y participer, quelles que soient les modalités d’exercice de l’autorité parentale. L’article D. 111-6 du code de l’éducation indique ainsi : "Les articles D. 111-7 à D. 111-10 et D. 111-14 sont applicables aux associations de parents d'élèves, regroupant exclusivement des parents d'élèves (…)", sans plus de précision.
3. Dans le silence des textes et de la jurisprudence, les titulaires de l’autorité parentale peuvent avoir la qualité de représentants des parents d’élèves et siéger au sein des instances de l’établissement (conseils de classe et conseils d’administration), même dans le cas où ils n’exercent pas l’autorité parentale.
Ainsi qu’il a été dit, l’alinéa 3 de l’article L. 111-4 du code de l’éducation précité prévoit que les parents d'élèves participent, par le biais de leurs représentants aux conseils d'école, aux conseils d'administration des établissements scolaires et aux conseils de classe. L’article R. 421-50 du code de l’éducation prévoit que les délégués des parents d'élèves siégeant aux conseils de classe sont proposés par les responsables des listes de candidats qui ont obtenu des voix lors des élections au conseil d'administration, et qu'ils sont désignés par le chef d'établissement compte tenu des résultats de ces élections.
Il en résulte que concernant les conseils de classe, la seule qualité de parent d’élève suffit pour qu’un parent puisse être désigné comme "parent délégué", quelles que soient les modalités d’exercice de son autorité parentale.
Concernant le conseil d’administration de l’établissement, la lettre de l’article R. 421-26 du code de l’éducation interdit expressément l’exercice des fonctions de représentant de parents d’élèves au conseil d’administration en cas de retrait de l’autorité parentale. À titre d’exemple, il est jugé qu’un parent élu qui ne remplit pas les conditions pour être électeur et éligible en qualité de représentant des parents d’élèves faute de détenir l’autorité parentale sur l’enfant étranger qu’il accueille doit être remplacé par le suivant sur la liste électorale (cf. T.A. Strasbourg, 12 juillet 2016, n° 1305437).
Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le fait de pouvoir être élu pour siéger et voter dans les instances des établissements scolaires nous semble rentrer dans les attributs exclusifs de l’autorité parentale. Seul peut en être privé, dans certains cas, le parent déchu de l’autorité parentale, et non celui ayant été seulement privé de l’exercice de cette autorité.
Par suite, un parent d’élève privé de l’exercice de l’autorité parentale peut continuer à siéger au conseil de classe en tant que représentant des parents d’élèves ainsi qu’au conseil d’administration, dans la mesure où il bénéficie d’un mandat électif en cours, et il ne doit pas être mis fin à ses fonctions.
Enseignement supérieur et recherche
Maintien de l’ordre
Test d’alcoolémie – Étudiant en état d’ébriété – Pouvoir de police universitaire – Responsabilité de l’enseignant
Note DAJ B1 n° 2023-002160 du 27 février 2023
La direction des affaires juridiques a été sollicitée afin de préciser les mesures et les sanctions que peut adopter un établissement d’enseignement supérieur lorsqu’un ou plusieurs étudiants semblent alcoolisés en salle de cours ou dans les autres locaux de l’établissement.
Il a été rappelé qu’aucun texte législatif ou réglementaire n’autorise un personnel d’université à soumettre un usager à un dépistage individuel ou collectif de substance psychoactive sans avoir recueilli, au préalable, l’accord de cette personne ou celui de son représentant légal si elle est mineure.
Toutefois, pour préserver le bon déroulement des enseignements, tout personnel enseignant est fondé à demander à un étudiant perturbant le cours de le quitter. La simple suspicion d’ébriété suffit, quand bien même la personne ne troublerait pas activement le cours. Tout personnel administratif ou technique est également fondé à demander à l’étudiant de quitter les locaux de l’université pour le même motif.
Dans cette hypothèse, la DAJ préconise une orientation de l’usager vers le service de santé étudiante qui pourra apprécier son état et, avec son accord, procéder à un éthylotest. Le cas échéant, des premiers soins pourront lui être prodigués. Il pourra également lui être proposé de prévenir une connaissance afin de le raccompagner chez lui. En cas de minorité de l’étudiant, ses représentants légaux devront être avisés afin qu’ils puissent, éventuellement, venir le chercher.
Si l’étudiant refuse de se rendre au service de santé étudiante, il n’est pas possible de l’y contraindre, mais s’il s’avère qu’il veut conduire un véhicule pour quitter les lieux, il convient de prévenir les forces de l’ordre, l’absence de signalement étant susceptible d’engager la responsabilité de l’établissement et des personnels concernés en vertu des articles L. 121-2 et L. 121-3 du code pénal, au titre d’actes commis dans l’exercice des fonctions ayant constitué des atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité physique des personnes.
Il est également rappelé que le régime instauré par l’article L. 911-4 du code de l’éducation qui substitue la responsabilité de l’État à celle des membres de l’enseignement public, à la suite ou à l’occasion d’un fait dommageable commis par des élèves ou des étudiants, ne s’applique pas aux membres de l’enseignement supérieur sauf si ces accidents surviennent lors des examens ou lors d’activités impliquant une surveillance particulière, notamment lors d'exercices physiques ou de sorties pédagogiques sur un site dangereux (cf. Cass. 1re civ., 13 janvier 1969, Demoiselles X c/ Société hippique urbaine de Honfleur, n° 67-11.973).
Il reste possible pour un établissement de prendre certaines mesures face aux troubles que peut causer le comportement d’étudiants alcoolisés. En effet, un président d’université étant notamment responsable de l’ordre et de la sécurité aux termes du 6° de l'article L. 712-2 du code de l'éducation et de son article R. 712-1, il exerce des pouvoirs de police administrative spéciale à cette fin. Ces pouvoirs l’autorisent uniquement à prendre des mesures préventives mais, en aucun cas, répressives.
En outre, le fait d’être en état d’ivresse au sein de l’université étant de nature à contrevenir au bon ordre universitaire et plus largement à l’ordre public, un président d’université pourrait être fondé à prendre une interdiction temporaire d’accès aux locaux de l’établissement sur le fondement de l’article R. 712-8 du code de l’éducation.
Enfin, parallèlement, des poursuites disciplinaires peuvent être diligentées à l’encontre de l’étudiant lorsque le règlement intérieur interdit d’entrer ou de demeurer en état d’ivresse au sein de l’université ou, plus généralement, sur la base du 2° de l’article R. 811-11 du code de l’éducation qui fait relever du régime disciplinaire des usagers "tout fait de nature à porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’établissement".
Personnels
Incapacité (condamnation pénale…)
Article L. 911-5 du code de l’éducation – Justice pénale des mineurs
Note DAJ A4 n° 2023-003409 du 31 mars 2023
La direction des affaires juridiques a été interrogée sur la possibilité pour l'administration de résilier, sur le fondement de l’article L. 911-5 du code de l’éducation, le contrat d’un enseignant contractuel récemment condamné pour des faits commis lorsqu’il était mineur.
Le I de l’article L. 911-5 du code de l’éducation prévoit que : "Sont incapables de diriger un établissement d'enseignement du premier ou du second degré ou tout établissement de formation accueillant un public d'âge scolaire, qu'il soit public ou privé, ou d'y être employés, à quelque titre que ce soit : / 1° Ceux qui ont été définitivement condamnés par le juge pénal pour crime ou délit contraire à la probité et aux mœurs, y compris un crime ou un délit à caractère terroriste (…)."
S’il ne fait pas de doute, en l’espèce, que le crime pour lequel l’intéressé a été condamné était contraire à la probité et aux mœurs au sens de ces dispositions, l’âge qu’il avait au moment des faits fait toutefois obstacle à l’application, à son égard, de l’article L. 911-5 du code de l’éducation.
En effet, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 121-1 du code de la justice pénale des mineurs : "Aucune interdiction, déchéance ou incapacité ne peut résulter de plein droit d'une condamnation pénale prononcée à l'encontre d'un mineur." Ces dispositions s’appliquent même lorsque la personne condamnée pour des faits commis lorsqu’elle était mineure est devenue majeure au jour de sa comparution devant la juridiction de jugement (cf. Cass. crim., 13 décembre 1995, n° 94-86.146, au Bulletin).
Par conséquent, un enseignant condamné pour des faits commis lorsqu’il était mineur ne peut être frappé, à ce titre, d’incapacité en application de l’article L. 911-5 du code de l’éducation.
Cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que des poursuites disciplinaires soient engagées à son encontre (cf. C.E., 26 mai 1993, Foyer d'hébergement pour adultes handicapés de Vézelay "La maladrerie", n° 106083, aux tables du Recueil Lebon).
À cet égard, l’ancienneté des faits commis par l’enseignant, qui doit être prise en compte dans la proportionnalité de la sanction qui sera prononcée à son encontre (cf. C.E., 12 mars 2014, n° 367260), doit être mise en perspective avec "l'exigence d'exemplarité et d'irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, y compris en dehors du service" (C.E., 18 juillet 2018, Ministre de l'éducation nationale, n° 401527, aux tables du Recueil Lebon ; et C.A.A. Nantes, 23 novembre 2021, n° 20NT00384, décision rendue sur un contentieux de révocation d'un professeur à raison de faits commis lorsqu'il était mineur).
Éméritat
Enseignants-chercheurs – Éméritat – Régime juridique
Note DAJ B2 n° 2023-005104 du 26 avril 2023
La direction des affaires juridiques a été interrogée sur l’éméritat, titre permettant notamment aux enseignants-chercheurs retraités de poursuivre leurs travaux, dont le cadre juridique a été harmonisé par la loi du 24 décembre 2020 (cf. article 14) et le décret du 29 octobre 2021 (cf. LIJ n° 218, janvier 2022).
Régi par l'article L. 952-11 du code de l’éducation ainsi que par les articles 58 (pour les professeurs des universités) et 40-1-1 (pour les maîtres de conférences) du décret du 6 juin 1984 : "L’éméritat est le titre qui permet à un professeur des universités admis à la retraite de continuer à apporter un concours aux missions prévues à l'article L. 123-3" et "(…) à un maître de conférences admis à la retraite de continuer à apporter un concours, à titre accessoire et gracieux, aux activités de recherche (…)."
Il ne doit pas être confondu avec l’honorariat, prévu à l'article L. 556-14 du code général de la fonction publique, qui constitue une distinction dont tout fonctionnaire admis à la retraite est autorisé à se prévaloir à condition d'avoir accompli vingt ans au moins de services publics, sous réserve d’un refus tiré de la qualité des services rendus.
1. Deux modes d’obtention de l’éméritat
1.1. L’éméritat sur demande du professeur des universités ou du maître de conférences
Sollicité par l’enseignant-chercheur, l’éméritat est accordé par le président ou le directeur de l’établissement, tel que le président d’une université, sur proposition de la commission de la recherche du conseil académique en formation restreinte aux personnes qui sont habilitées à diriger des travaux de recherche.
La garantie de l'indépendance des enseignants-chercheurs, principe fondamental reconnu par les lois de la République, impose notamment, sous la seule réserve des prérogatives inhérentes à l'autorité investie du pouvoir de nomination, que, dans le cadre du déroulement de leur carrière et pour l'obtention de l'éméritat, l'appréciation portée sur les titres et mérites de ces enseignants ne puisse émaner que d'organismes dans lesquels les intéressés disposent d'une représentation propre et authentique impliquant qu'ils ne puissent être jugés que par leurs pairs (cf. C.E., 7 juin 2004, n° 251173, aux tables du Recueil Lebon). Tel n’est ainsi pas le cas si, sur une demande d’éméritat d’un professeur des universités, ont siégé, outre des enseignants membres du conseil ayant le grade de professeur, des maîtres de conférences ainsi que plusieurs membres de l'administration, même si seuls les membres ayant le rang de professeur ont pris part au vote (C.E., 22 juin 2007, n° 292167).
Par ailleurs, le président de l'université ne peut se substituer au conseil scientifique pour se prononcer sur une demande tendant à obtenir le titre de professeur ou maître de conférences émérite, alors même que la candidature ne répond pas aux critères préalablement définis par le conseil scientifique pour proposer au conseil d'administration l'attribution de ce titre (cf. C.E., 5 mars 2003, n° 229124, aux tables du Recueil Lebon).
Des motifs tirés de la valeur des travaux scientifiques de l'intéressé, de la qualité des services rendus à l'université ainsi que de l'intérêt du service peuvent justifier un refus de l’éméritat (cf. C.E., 24 septembre 1997, n° 180364, au Recueil Lebon ; C.E., 12 mars 1999, n° 179365 ; C.E., 1er mars 2010, n° 322410, pour un refus tiré du seul intérêt du service).
1.2. L’éméritat de droit du professeur des universités
L’éméritat peut également être de droit, uniquement pour les professeurs des universités, dès leur admission à la retraite. En effet, dix-neuf distinctions scientifiques, listées à l’article 58 du décret du 6 juin 1984, confèrent de plein droit le titre de "professeur émérite" dès l’admission à la retraite. Parmi ces distinctions scientifiques figurent par exemple, au point 13 : "Les prix scientifiques attribués par l’Institut de France et ses académies". De même, les professeurs d'université membres de l'Institut sont, de plein droit, professeurs émérites dès leur admission à la retraite.
2. Les modalités de l’éméritat
Qu’il soit accordé par le président ou le directeur de l’établissement ou qu’il soit de droit, l’éméritat est délivré pour une durée déterminée par l’université, dans la limite de cinq ans. Il peut être renouvelé deux fois dans les mêmes conditions, et pour une durée qui ne peut excéder la durée initiale.
Les conditions de la présence du professeur ou du maître de conférences émérite au sein de l'établissement sont fixées par une convention de collaborateur bénévole. Elle prévoit notamment les modalités de règlement des frais occasionnés pour les déplacements, dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur applicable aux personnels civils de l'État, ainsi que les modalités de sa résiliation.
Les professeurs et maîtres de conférences émérites sont assimilés aux fonctionnaires et agents publics pour l'application des dispositions du code de la propriété intellectuelle ; ils sont notamment soumis aux dispositions des articles L. 113-9 et L. 611-7 de ce code pour les logiciels et inventions à la création ou à la découverte desquels ils ont contribué dans le cadre de leur éméritat.
3. Ce que permet l’éméritat
Un professeur émérite continue d’apporter, à titre accessoire et gracieux, son concours aux missions prévues à l'article L. 123-3 du code de l’éducation, c’est-à-dire aux missions du service public de l’enseignement supérieur, tandis qu’un maître de conférences émérite continue d’apporter un concours, à titre accessoire et gracieux, aux seules activités de recherche.
Tous deux peuvent notamment diriger des séminaires et, sous réserve d’être titulaires de l'habilitation à diriger des recherches pour le maître de conférences, participer aux jurys de thèse ou d'habilitation à diriger des recherches. Ils peuvent, en outre, poursuivre, jusqu'à leur terme, les directions de thèse acceptées avant leur admission à la retraite.
4. Ce que ne permet pas l’éméritat
Les professeurs et maîtres de conférences émérites ne peuvent être électeurs ni éligibles aux élections de l'établissement, et ne peuvent être soumis à aucun lien de subordination, ni assumer aucune fonction de direction, ni disposer d'aucune autorité ni délégation de gestion sur les moyens humains, matériels et financiers de l'établissement.
Les professeurs émérites ne tiennent ni de l’article L. 952-11 du code de l’éducation, ni du statut général de la fonction publique, ni de leur statut particulier le droit de percevoir une rémunération pour les activités qu'ils exercent et les services qu'ils rendent en cette qualité (cf. C.E., 26 juillet 2011, n° 343694, aux tables du Recueil Lebon). L'exercice de ces activités intervient, pour les professeurs et maîtres de conférences émérites, uniquement à titre accessoire et gracieux.
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99, rue de Grenelle – 75357 PARIS 07 S.P. – Mél. : daj.cidj@education.gouv.fr
Directeur de la publication : Guillaume Odinet
Rédacteurs en chef et adjoints : Catherine Joly, Victor Lespinard, Samira Tahiri, Lisa Dano, Gaëlle Papin
Responsable de la coordination éditoriale : Frédérique Vergnes
Maquette : Gwénaëlle Le Moal
Secrétariat de rédaction et mise en page : Anne Vanaret
Ont participé à ce numéro : Olivia Allart, Bertille Avot, Gabriel Ballif, Simon Barthelemy, Eva Beauvois, Cédric Benoit, Louise Benoit, Valérie Blaise, Alexis Bouguier, Florence Brown, Jérémie Caffin, Benjamin Charrier, Camille Dasset, Clara Delattre, Lucile Desbordes, Philippe Dhennin, Isaure Ferran, Stéphanie Frain, Agathe Frenay, Alexandra Gaudé, Anne Gautrais, Dimitri Gazeyeff, Audrey Ghazi Fakhr, Simon Grairia, Julien Hée, Chloé Hombourger, Méhar Iqbal, Alexandre Jamet, Jean Laloux, Alexandra Lecomte, Céline Lespiaucq-Cohuau, Chloé Lirzin, Alexis Maquart, Hélène Marchal, Sylvain N’Diaye, Justine Niay, Clémence Paillet-Augey, Alexandre Pancracio, Inès Paris, Sarah Périé-Frey, Amandine Renault, Frédéric Rochambeau, Sarah Second, Virginie Simon, Alexiane Slovencik, Baptiste Soubrier, Wanda Soyer, Marlène Spinhirny, Juliette Uzabiaga, Henrick Yerbe, Dana Zeitoun
N° ISSN : 1265-6739
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