La Lettre d’information juridique n° 227 – novembre 2023
Lettre de la direction des affaires juridiques du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Éditorial
Consacrée par la jurisprudence administrative, l’exigence d’exemplarité des fonctionnaires, qui va parfois jusqu’à l’irréprochabilité (s’agissant spécialement des enseignants dans leurs relations avec des mineurs), connaît classiquement deux déclinaisons. La première consiste dans le contrôle de l’honorabilité des agents, qui conduit leur employeur, en amont du recrutement, à vérifier leurs antécédents judiciaires ou à s’assurer de l’absence de commission de faits incompatibles avec l’exercice des fonctions. Au cours des fonctions, la survenance d’une condamnation définitive peut également conduire à la radiation des cadres lorsqu’une incapacité a été prévue par la loi (ainsi de celle énoncée à l’article L. 911-5 du code de l’éducation pour les personnels exerçant dans les établissements d’enseignement). La seconde déclinaison consiste, classiquement, dans l’exercice du pouvoir disciplinaire.
C’est au croisement de ces deux voies, et non sans écho aux règles d’incapacité particulières telles que celle de l’article L. 911-5, que le Conseil d’État a reconnu à l’administration la faculté de prononcer, à titre disciplinaire, la révocation d’un de ses agents lorsqu’il s’est rendu auteur, avant même sa nomination, de faits que l’administration ignorait et qui révèlent par leur nature une incompatibilité avec son maintien dans le service. Du contrôle d’honorabilité, cette décision reprend le caractère binaire du pouvoir reconnu à l’administration (révocation ou non) et le motif, au moins autant orienté vers le bon fonctionnement du service que vers la répression, tiré de l’incompatibilité du comportement avec le maintien en fonctions de l’agent. Du pouvoir disciplinaire, elle reprend essentiellement la procédure.
La nomination d’un agent n’a donc plus pour effet d’interdire tout regard sur son comportement antérieur. Elle lui apporte néanmoins les garanties de la procédure disciplinaire dans l’hypothèse où l’administration entendrait tirer les conséquences de ce comportement. Le temps, enfin, fera son œuvre, car l’éventuelle mesure disciplinaire doit tenir compte de l’ancienneté des faits.
Guillaume Odinet
Jurisprudence
Principes généraux
Port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse
J.R.C.E., 7 septembre 2023, Association Action droits des musulmans, n° 487891
J.R.C.E., 25 septembre 2023, Association La voix lycéenne et autres, n° 487896 et n° 487975
Enseignement scolaire
Suivi de la scolarité
T.A. Melun, 7 juillet 2023, nos 2104900 et 2104904
Harcèlement scolaire
T.A. Nîmes, 26 juin 2023, n° 2101533
Questions propres à l’enseignement technique et professionnel
T.A. Caen, 2 juin 2023, n° 2001532
Enseignement supérieur et recherche
Expérimentations
C.E., 5 juillet 2023, SNESUP-F.S.U., n° 458109, SGEN-C.F.D.T. Nord-Pas-de-Calais et Fédération SGEN-C.F.D.T., n° 458617, et Mme X et autres, n° 458632
C.E., 5 juillet 2023, Fédération SGEN-C.F.D.T., n° 459129
Cycle master (Mon master…)
C.E., 7 juin 2023, n° 471537, aux tables du Recueil Lebon
Formations de santé
C.A.A. Nancy, 18 juillet 2023, Université de Reims Champagne-Ardenne, n° 22NC03141
Examens, concours et diplômes
Composition du jury
T.A. Limoges, 18 juillet 2023, n° 2100588
Personnels
Classement
C.E., 28 juin 2023, n° 456900, aux tables du Recueil Lebon
Évaluation – Notation
C.E., 14 juin 2023, n° 455784, aux tables du Recueil Lebon
Retenues pour absence de service fait
C.A.A. Lyon, 11 mai 2023, Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, n° 22LY01471
Procédure
C.E., 3 juillet 2023, n° 459472, aux tables du Recueil Lebon
C.E., 26 juin 2023, Ministre de l'intérieur et des outre-mer, n° 464361, aux tables du Recueil Lebon
Sanctions
C.E., 3 mai 2023, n° 438248, au Recueil Lebon
T.A. Bordeaux, 21 juin 2023, n° 2100727
Recrutement
J.R.T.A. Dijon, 25 mai 2023, Syndicat Solidaires 89 et M. X, n° 2301439
Concours
C.A.A. Toulouse, 13 juin 2023, M. X et autres, n° 22TL21805 et n° 22TL21807, Ministre de la culture, n° 22TL21920
Suspension de fonctions
C.E., 26 mai 2023, n° 468850 et n° 468851
Questions propres aux personnels jeunesse et sports
T.A. Lyon, 13 juin 2023, n° 2207183
Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille
Mise en demeure et fermeture
C.E., 20 mars 2023, Association École en couleurs, n° 456984, aux tables du Recueil Lebon
Déclaration – Autorisation
C.E., 17 juillet 2023, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, n° 467600
Crise – Situation exceptionnelle
Autres textes enseignement supérieur
T.A. Lyon, 22 mai 2023, n° 2201119
Sports
Activités sportives
C.E., 20 juin 2023, Fédération française d'aïkido et de budo et autres, n° 468100, n° 468101 et n° 468269
Manifestations sportives
C.E., 29 juin 2023, Association Alliance citoyenne et autres, n° 458088, n° 459547 et n° 463408, au Recueil Lebon
Honorabilité
C.E., 19 juin 2023, Ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, n° 465978, aux tables du Recueil Lebon
Principes généraux
Port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse
Laïcité – Article L. 141-5-1 du code de l’éducation – Port de tenues de type abaya et qamis
J.R.C.E., 7 septembre 2023, Association Action droits des musulmans, n° 487891
J.R.C.E., 25 septembre 2023, Association La voix lycéenne et autres, n° 487896 et n° 487975
Aux termes du premier alinéa de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation issu de la loi du 15 mars 2004 : "Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit."
Par une note de service du 31 août 2023 relative au respect des valeurs de la République, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse a indiqué que le port de l’abaya et du qamis par les élèves devait être regardé comme manifestant, par lui-même, ostensiblement, une appartenance religieuse, et, par conséquent, entrait dans le champ de l’interdiction instituée par l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation en ces termes : "(…) le port de telles tenues, qui manifeste ostensiblement en milieu scolaire une appartenance religieuse, ne peut y être toléré. En application de cet article [L. 141-5-1 du code de l’éducation], à l’issue d’un dialogue avec l’élève, si ce dernier refuse d’y renoncer au sein de l’établissement scolaire ou durant les activités scolaires, une procédure disciplinaire devra être engagée."
Plusieurs associations et un syndicat enseignant avaient formé un recours en référé-liberté et deux recours en référé-suspension tendant à la suspension de l’exécution de cette note de service.
Sans se prononcer sur l’urgence, le juge des référés du Conseil d’État, statuant en formation collégiale, a rejeté les requêtes par deux ordonnances des 7 et 25 septembre 2023.
Rappelant la forte hausse des signalements d'atteinte à la laïcité dans les écoles et établissements d’enseignement publics au cours de l’année scolaire 2022-2023, qui ont trait au port de signes ou tenues méconnaissant l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation, dont font partie les tenues de type abaya ou qamis, le juge des référés du Conseil d’État a constaté que "le choix de ces tenues (…) s'inscrit dans une logique d'affirmation religieuse" (point 6 de l’ordonnance n° 487896 et n° 487975).
Le juge du référé-liberté a également rappelé qu’il résultait de l’instruction que "le port de ces vêtements s’accompagne en général, notamment au cours du dialogue engagé, en application des dispositions législatives précitées, avec les élèves faisant le choix de les porter, d’un discours mettant en avant des motifs liés à la pratique religieuse, inspiré d’argumentaires diffusés sur des réseaux sociaux".
Il en a déduit que le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, "en estimant que le port de ce type de vêtements, qui ne peuvent être regardés comme étant discrets, constitue une manifestation ostensible de l'appartenance religieuse des élèves concernés", n’avait pas porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée, à la liberté de culte, au droit à l'éducation et au respect de l'intérêt supérieur de l'enfant ou au principe de non-discrimination (point 6 de l’ordonnance n° 487891).
Dans son ordonnance du 25 septembre 2023 (n° 487896 et n° 487975), le juge du référé-suspension a, lui, écarté comme n’étant pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la note de service le moyen tiré de ce que "le ministre aurait inexactement qualifié le port, en milieu scolaire, de ce type de vêtements, qui ne peuvent être regardés comme étant discrets" (point 7). Il en est allé de même des moyens tirés de ce que le ministre aurait excédé l’étendue de sa compétence ou méconnu la loi du 9 décembre 1905 en interdisant leur port dans les écoles et établissements d’enseignement publics indépendamment de toute appréciation du comportement des élèves concernés.
Enfin, il a également écarté le moyen tiré de ce que "la mise en œuvre de la note de service attaquée, faute pour celle-ci de donner une définition précise des tenues vestimentaires en cause, serait de nature à conduire à un traitement discriminatoire entre les élèves concernés".
Le Conseil d’État sera amené à se prononcer, dans le courant de l’année 2024, sur la légalité de cette note de service dans le cadre de l’examen des recours en excès de pouvoir qu’accompagnaient les requêtes en référé-suspension.
N.B. : Ces ordonnances s’inscrivent dans la continuité de précédentes décisions du Conseil d’État sur l’application de la loi du 15 mars 2004.
Le Conseil d’État a notamment jugé qu’en faisant entrer dans la catégorie des signes ou tenues manifestant par eux-mêmes l’appartenance religieuse de la personne qui les porte, "le voile islamique, quel que soit le nom qu’on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive", la circulaire du 18 mai 2004 relative à la mise en œuvre de cette loi ne portait pas une atteinte excessive à la liberté de pensée, de conscience et de religion au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans les établissements scolaires publics (C.E., 8 octobre 2004, Union française pour la cohésion nationale, n° 269077 et n° 269704, au Recueil Lebon).
Il a également admis, illustrant ainsi la capacité, souhaitée dès le départ par le législateur, de la loi à répondre à l’apparition nouvelle du port de signes ou tenues qui n’étaient pas mentionnés dans ses travaux préparatoires ni dans la circulaire précitée du 18 mai 2004, que le port d’un sous-turban sikh, qui "ne pouvait être qualifié de signe discret", manifestait par lui-même une appartenance religieuse (C.E., 5 décembre 2007, n° 285394, au Recueil Lebon).
Enseignement scolaire
Suivi de la scolarité
Changement de classe – Radiation de l’école avec accord de la famille – Responsabilité de l’État (non)
T.A. Melun, 7 juillet 2023, nos 2104900 et 2104904
Un élève scolarisé au sein d’une école primaire, dont la famille avait sollicité un changement de classe en cours d’année, avait fait l’objet d’un changement d’école, avec l’accord de la famille, à la fin du premier semestre.
Saisi d’un recours indemnitaire tendant à l’engagement de la responsabilité de l’État pour faute en raison des désagréments causés par ce changement d’école, le tribunal administratif de Melun a jugé que, dans les circonstances de l’espèce, et dès lors qu’un changement de classe ne constituait pas un droit en cas de relations conflictuelles entre le parent d’élève et l’enseignant, il ne résultait pas de l’instruction que les conditions de la radiation et de l’inscription de l’élève dans son nouvel établissement constituaient une faute de nature à engager la responsabilité de l’État, ni que l’absence de simple changement de classe constituait une carence fautive de la part de l’administration.
Le tribunal a en effet estimé que le changement de classe initialement sollicité n’était pas possible compte tenu de la situation de harcèlement scolaire subie par l’élève l’année précédente et émanant d’élèves présents dans l’autre classe du même niveau scolaire (point 3).
Il a également jugé que la simple production d’une attestation de suivi par une psychologue ne suffisait pas à démontrer l’existence d’un préjudice moral résultant de ce changement d’école, alors que l’élève s’était, du reste, bien intégré dans son nouvel établissement (point 4).
N.B. : Le changement de classe au sein d’un même établissement constitue une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours (cf. T.A. Marseille, 19 octobre 2009, n° 0904185, LIJ n° 141, janvier 2010 ; C.A.A. Versailles, 23 juin 2022, n° 22VE00581, LIJ n° 222, novembre 2022).
Harcèlement scolaire
Harcèlement scolaire entre élèves – Faute de nature à engager la responsabilité de l’État – Caractère approprié et proportionné des mesures prises par l’administration pour mettre fin aux agissements de harcèlement
T.A. Nîmes, 26 juin 2023, n° 2101533
Saisi dans le cadre d’un recours indemnitaire par la mère d’une élève tendant à engager la responsabilité pour faute de l’État au titre des préjudices subis à la suite de faits de harcèlement scolaire, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté les conclusions indemnitaires qui avaient été présentées par la requérante à hauteur de 60 000 euros.
Selon le premier alinéa de l’article L. 111-6 du code de l’éducation, issu de la loi du 2 mars 2022 : "Aucun élève (…) ne doit subir de faits de harcèlement résultant de propos ou comportements, commis au sein de l'établissement d'enseignement ou en marge de la vie scolaire (…) et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de dégrader ses conditions d'apprentissage." La jurisprudence a déjà reconnu le droit pour les élèves de ne pas être soumis à un harcèlement comme constituant une liberté fondamentale (cf. J.R.T.A. Melun, 7 mai 2021, n°2104189, LIJ n° 217, novembre 2021), un droit équivalent à celui reconnu aux agents publics.
Il en résulte que la responsabilité de l'État peut être engagée devant les juridictions administratives en cas de faute dans l’organisation ou dans le fonctionnement du service, en raison des carences dans le traitement du harcèlement scolaire dont fait l'objet un élève au sein d'un établissement public scolaire, en particulier si l'administration n'a pas protégé l'intéressé. Afin de déterminer s'il existe une faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service, le juge administratif contrôle si les services de l'éducation nationale ont adopté une réaction appropriée et proportionnée aux agissements dont sont victimes les élèves (cf. C.A.A. Bordeaux, 10 décembre 2020, n° 19BX00300).
Pour juger qu’il n’y avait pas de faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service, le tribunal administratif de Nîmes a pris en compte plusieurs éléments, selon la méthode du faisceau d’indices.
Il a tout d’abord reconnu la forte réactivité des représentants du service public de l'éducation dès lors que très peu de temps après qu'ils avaient été alertés par la mère de l’élève, à la fin de l’année scolaire 2018-2019, cette dernière avait été reçue par la conseillère principale d’éducation et un membre de l’équipe mobile de sécurité académique (E.M.S.), service qui intervient notamment en renfort d’établissements confrontés à des situations de crise. L’agent de l’E.M.S. avait, en outre, reçu à deux reprises l’élève ayant commis les faits de harcèlement scolaire pour lui indiquer le caractère répréhensible de ses agissements. Enfin, la principale du collège avait pris contact avec les services académiques compétents et la référente harcèlement du département pour leur signaler la situation.
Le tribunal s’est également fondé sur l’adoption de plusieurs mesures prises à l’encontre de l’élève ayant commis les faits, visant à mettre fin au harcèlement, à savoir son exclusion temporaire de l’établissement, puis son exclusion définitive.
Dans ces conditions, alors qu’un délai inférieur à deux mois s’était écoulé entre l’alerte donnée sur l’existence d’une situation de harcèlement scolaire et l’exclusion de l’élève ayant commis les faits et que l’administration n’était pas restée inactive, le tribunal a jugé qu’aucun manque de diligence ne pouvait être reproché à l’administration, pour regrettable que soit la circonstance que l’élève harcelée avait été amenée à changer d’établissement lors de l’année scolaire suivante, dont il ne résultait pas davantage une faute commise par l’État.
N.B. : La lutte contre le harcèlement scolaire vient d’être facilitée par le décret du 16 août 2023 relatif au respect des princies de la République et à la protection des élèves dans les établissements scolaires relevant du ministre chargé de l'éducation nationale. Désormais, confronté à un cas dans lequel des élèves commettent des actes de harcèlement et, notamment de cyberharcèlement, y compris lorsque ceux-ci sont commis à l'encontre d'élèves d’un autre établissement, le chef d'établissement est tenu d'engager une procédure disciplinaire (article R. 421-10 du code de l’éducation).
Questions propres à l’enseignement technique et professionnel
Élève en situation de handicap – Interdiction temporaire d’utilisation de machines dangereuses – Absence de responsabilité de l’État
T.A. Caen, 2 juin 2023, n° 2001532
Un élève, souffrant notamment d’une perte d’acuité visuelle, scolarisé en classe de seconde professionnelle mention "technicien-menuisier-agenceur", s’était vu interdire temporairement l’utilisation de machines dangereuses par son établissement scolaire, faute de l’avis médical d’aptitude du médecin de l’éducation nationale requis pour être autorisé à utiliser ces machines, en application de l’article R. 4153-40 du code du travail.
Conformément à cet article, l’établissement doit procéder à une évaluation des risques existant pour les jeunes, liés à leur travail, ce qui impose au responsable dudit établissement d’obtenir, pour chaque jeune, la délivrance d’un avis médical d’aptitude rendu par le médecin chargé de leur suivi médical.
En l’espèce, le médecin scolaire avait émis un avis médical réservé dès le début de l’année scolaire, estimant nécessaire que l’élève consulte un médecin spécialiste des pathologies professionnelles. Fin janvier, ce spécialiste s’était rendu en atelier pour évaluer en situation réelle les capacités visuelles de l’intéressé et ses éventuelles difficultés dans le maniement des machines dangereuses. L’élève avait ensuite dû consulter un ophtalmologiste le mois suivant. Un avis médical d’aptitude avait été rendu début mars, avec prescription du port obligatoire de lunettes de protection adaptées à sa vue.
Estimant que l’interdiction qui lui avait été faite d’utiliser ces machines l’avait empêché de suivre sa scolarité dans des conditions normales, l’élève sollicitait la condamnation de l’État en réparation de son préjudice moral, sur le double terrain de la responsabilité du fait du comportement fautif de l’administration, d'une part, et, d’autre part, de la responsabilité sans faute à raison du préjudice anormal et spécial qu’il estimait avoir subi.
Le tribunal administratif de Caen a tout d’abord rappelé les obligations précitées, issues du code du travail, en matière de prévention et de sécurité des élèves accueillis en formation professionnelle, relevant que c’était pour des raisons de sécurité que l’élève avait été contraint d’attendre l’avis médical d’aptitude du médecin scolaire (point 3).
Prenant également acte du fait que l’élève n’avait pas été exclu des cours en atelier, mais seulement "[privé] temporairement, au tout début de son parcours de formation professionnelle, (…) du maniement de machines alors même que les cours en atelier ne se résument pas à l’utilisation de ces machines", le tribunal a estimé que, dans ces conditions, aucune faute n’avait été commise (point 4).
Le tribunal administratif a également écarté l’existence d’une faute de l’administration tenant à l’absence de diligences en la matière compte tenu de la durée de six mois qui s’était écoulée entre la visite médicale initiale du médecin scolaire et les deux avis médicaux complémentaires, retenant que : "Il n’est pas établi que l’État ait méconnu des délais d’intervention, ni que dans les circonstances de l’espèce, il ait agi dans des délais excessifs." (Point 5.)
Par ailleurs, aucun comportement fautif, tenant à une éventuelle mise à l’écart de l’élève par le professeur d’atelier, n’était établi (point 6).
Le tribunal a écarté, enfin, l’engagement de la responsabilité sans faute de l’État, estimant qu’il n’était pas démontré que l’interdiction faite à l'élève d’utiliser certaines machines, "décidée à juste titre pour garantir sa sécurité, lui aurait causé un préjudice anormal" (point 8).
Enseignement supérieur et recherche
Expérimentations
Établissement public expérimental – Nécessité de dispositions transitoires (non) – Dérogations au régime général applicable aux personnels (oui)
C.E., 5 juillet 2023, SNESUP-F.S.U., n° 458109, SGEN-C.F.D.T. Nord-Pas-de-Calais et Fédération SGEN-C.F.D.T., n° 458617, et Mme X et autres, n° 458632
C.E., 5 juillet 2023, Fédération SGEN-C.F.D.T., n° 459129
Par deux décisions rendues le 5 juillet 2023, le Conseil d’État a rejeté les requêtes formées contre les décrets n° 2021-1206 du 20 septembre 2020 et n° 2021-1290 du 1er octobre 2021 portant création, respectivement, des établissements expérimentaux "Université de Lille" et "Nantes Université" et portant approbation de leurs statuts respectifs.
Les décrets en litige créaient ces deux établissements sur le fondement de l’ordonnance du 12 décembre 2018, qui prévoit la création d’établissements publics expérimentaux, qui peuvent "regrouper ou fusionner des établissements d'enseignement supérieur et de recherche publics et privés, concourant aux missions du service public de l'enseignement supérieur ou de la recherche. Ce[s] établissement[s] expérimente[nt] de nouveaux modes d'organisation et de fonctionnement (…), afin de réaliser un projet partagé d'enseignement supérieur et de recherche défini par les établissements qu'il regroupe (…)."
Les requérants avançaient que les textes contestés méconnaissaient notamment les dispositions relatives aux procédures de recrutement des enseignants-chercheurs et qu’ils auraient dû prévoir des dispositions transitoires en vue de maintenir les instances représentatives du personnel des établissements-composantes (comité technique, comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, commission paritaire d’établissement et commission consultative paritaire à l’égard des agents non titulaires) jusqu’à la mise en place des instances correspondantes au sein des deux nouveaux établissements.
Les requérants soutenaient en particulier que l’ordonnance du 12 décembre 2018 n’autorisait pas le pouvoir réglementaire à créer des régimes dérogeant aux dispositions législatives du livre IX du code de l’éducation, relatives aux personnels de l’éducation (recrutement, carrière, responsabilité…), et qu’en tout état de cause, il n’aurait été fondé à le faire que "dans la mesure strictement nécessaire à l’organisation et au fonctionnement de l’établissement" sur la base de l’article 11 de cette même ordonnance. Ainsi, selon les requérants, les statuts des établissements expérimentaux dérogeaient illégalement aux articles L. 952-1 et L. 952-6-1 du code de l’éducation ainsi qu’au décret du 6 juin 1984, qui confient la gestion des enseignants-chercheurs au conseil académique et précisent les modalités de composition du comité de sélection.
Le Conseil d’État a écarté ces moyens, jugeant, d’une part, que les dispositions des deux décrets ne portaient pas atteinte aux principes encadrant le recrutement des enseignants-chercheurs (égal accès à l’emploi public notamment) et ne dérogeaient aux dispositions du code de l’éducation relatives au recrutement, à l’affectation et à la carrière des personnels que dans les limites prévues par l’ordonnance du 12 décembre 2018 et, d’autre part, que le maintien des instances représentatives du personnel existantes était bien prévu par les décrets attaqués jusqu’à la désignation de nouvelles instances dans les deux établissements (n° 458109, point 9).
Le Conseil d’État a notamment précisé sur le premier point qu’il résultait de l’article 10 de l’ordonnance du 12 décembre 2018 que les statuts d’un établissement public expérimental pouvaient, "sous réserve du respect des dispositions de l’article L. 711-1 du code de l’éducation, déléguer, par dérogation aux dispositions de l’article L. 952-6-1 du même code, à l’un des organes décisionnels d’un établissement-composante ou d’une composante non dotée de la personnalité morale l’examen des questions individuelles relatives au recrutement, à l’affectation et à la carrière des enseignants-chercheurs (…) affectés à cet établissement-composante ou à cette composante" (n° 459129, point 3).
Cycle master (Mon master…)
Égal accès à l’enseignement supérieur et sécurité juridique – Détermination des capacités d’accueil – Critères de sélection
C.E., 7 juin 2023, n° 471537, aux tables du Recueil Lebon
Un étudiant, titulaire d’une licence et candidat aux formations de master 1, demandait au Conseil d’État l’annulation du décret du 20 février 2023 relatif à la procédure dématérialisée de candidature et de recrutement en première année des formations conduisant au diplôme national de master.
À l’occasion de cette instance, il demandait également au Conseil d’État de transmettre au Conseil constitutionnel, sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958, une question prioritaire de constitutionnalité (Q.P.C.) portant sur les dispositions des deuxième et sixième alinéas de l’article L. 612-6 du code de l’éducation.
Le requérant soutenait que l’absence de détermination par le législateur des conditions et limites dans lesquelles les établissements peuvent fixer des capacités d’accueil et des critères pour la sélection des candidatures à l’accès en master entachait d’incompétence négative les dispositions litigieuses et portait atteinte à la garantie des droits, assurée par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et au principe d’égal accès à l’instruction, garanti par le treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
Après avoir rappelé la jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une Q.P.C. que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit (Cons. const., 18 juin 2012, FNEM-F.O., n° 2012-254 QPC, considérant 3 ; Cons. const., 18 juin 2010, S.N.C. Kimberly Clark, n° 2010-5 QPC, considérant 3), le Conseil d’État a jugé, en premier lieu, que l’absence de précisions relatives aux modalités de détermination des capacités d’accueil n’entachait pas l’article L. 612-6 du code de l’éducation d’incompétence négative dès lors que "de telles précisions ne rel[èvent] pas des principes fondamentaux de l’enseignement, ni d’aucun autre principe ou règle dont la détermination incombe à la loi en vertu de l’article 34 de la Constitution".
En deuxième lieu, le Conseil d’État a rappelé que la détermination de critères de sélection qui dérogeraient à l’appréciation exclusive des mérites des candidats incombe au législateur. Pour écarter le moyen tiré de ce que les dispositions litigieuses seraient entachées d’incompétence négative dans des conditions affectant le respect du principe d’égal accès à l’instruction, il a jugé que "le deuxième alinéa de l’article L. 612-6 du code de l’éducation, qui prévoit que, lorsque les capacités d’accueil en deuxième cycle sont limitées, l’admission des candidats en première année est subordonnée au succès à un concours ou à une sélection sur dossier, n’y déroge pas et implique, en conséquence, que les seuls critères applicables sont ceux tenant aux mérites des candidats".
Enfin, le Conseil d’État a rappelé que le principe de sécurité juridique, qui découle de l’article 16 de la Déclaration de 1789, ne pouvait être utilement invoqué par le requérant dès lors que l’article L. 612-6 du code de l’éducation ne porte pas atteinte à des situations légalement acquises ou à des effets pouvant en être légitimement attendus.
Au regard de ces éléments, le Conseil d’État a jugé qu’il n’y avait pas lieu de transmettre cette Q.P.C. au Conseil constitutionnel.
Formations de santé
Expérimentation des modalités d’accès aux études de santé – Accès en deuxième année de médecine – Droit à la seconde chance
C.A.A. Nancy, 18 juillet 2023, Université de Reims Champagne-Ardenne, n° 22NC03141
Un étudiant avait contesté devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le refus que lui avait opposé l’université de Reims Champagne-Ardenne (URCA) à sa demande d'inscription en deuxième année de licence accès santé (LAS), en vue de pouvoir passer une deuxième fois les épreuves permettant l'accès aux études de santé et d'exercer ainsi son "droit à la seconde chance".
Le tribunal administratif ayant fait droit à cette requête, l’université relevait appel du jugement devant la cour administrative d’appel de Nancy qui a rejeté ce recours.
À titre liminaire, il convient de rappeler que la loi du 24 juillet 2019 est venue réformer les voies d’accès aux études de santé à compter de la rentrée universitaire 2020. Elle a mis fin au dispositif antérieur de première année commune aux études de santé (PACES), tout en prévoyant que les étudiants ayant échoué en PACES en 2019-2020 peuvent bénéficier à titre dérogatoire d’une nouvelle année de PACES durant la seule année universitaire 2020-2021. La loi a par ailleurs créé trois voies d’accès aux études de santé, parmi lesquelles la LAS qui consiste en une licence comprenant des mineures dans le domaine de la santé permettant de s’inscrire, à la fin de chacune des années, à des épreuves ouvrant l’accès aux études de santé.
Afin d’anticiper la mise en œuvre de la réforme, plusieurs universités avaient choisi d’expérimenter des modalités particulières d’admission dans les études de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique (M.P.O.M.) avant la rentrée universitaire 2020.
L’intéressé, étudiant inscrit pour l’année 2019-2020 en PACES adaptée à l’université Paris-VII Diderot, établissement ayant opté pour ce régime expérimental, avait échoué aux épreuves d'accès en deuxième année de la filière de médecine et n’avait pas validé son année en raison d'une moyenne générale insuffisante. Compte tenu de ce double échec, il s'était trouvé, conformément aux règles expérimentales en vigueur à Paris-VII Diderot, dans l'impossibilité de redoubler. Après une année sabbatique, il s’était inscrit, au titre de l'année universitaire 2021-2022, à une formation de LAS en économie et gestion, dispensée à l'URCA, certifiant à cet établissement "ne pas avoir déjà effectué d'inscription dans le cadre d'une année d'accès aux études de santé".
Interrogée en mars 2022 par l’étudiant sur la possibilité d'accéder en deuxième année de LAS et de participer aux épreuves permettant l'accès à la filière de médecine, l’URCA avait, par un courriel du 29 mars 2022, exclu une inscription en deuxième année et l'avait invité à se réorienter en licence d'adossement de sciences économiques et sociales. C’est cette décision que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait annulée.
Il résulte de la combinaison des dispositions de la loi du 22 juillet 2013 régissant le régime expérimental (loi anticipant la mise en œuvre de la réforme de l'accès aux formations de M.P.O.M. et décret du 20 février 2014) et de celles de la loi du 24 juillet 2019 réformant l’architecture de l’accès aux formations de santé que les étudiants n’ayant pas validé la PACES adaptée se voient proposer par l'université expérimentatrice une admission en première année d'un cursus conduisant à un diplôme national de licence permettant une admission directe en deuxième année des études de M.P.O.M.
Toutefois, l’URCA avait considéré que l’intéressé avait, du fait de son choix de prendre une année sabbatique en 2020-2021, épuisé ses deux chances d'accéder aux études de santé.
La cour administrative d'appel a au contraire jugé qu’"en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires contraires, [cet étudiant] avait conservé, nonobstant l'entrée en vigueur en 2020-2021 de la réforme instituée par la loi du 24 juillet 2019 et par le décret du 4 novembre 2019, une seconde possibilité de présenter sa candidature en vue de son admission en deuxième année de la filière de médecine lorsque, après une année sabbatique, il a postulé pour l'année 2021-2022, par le biais de l'application Parcoursup, conformément aux dispositions du quatrième alinéa du III de l'article 6 du décret du 4 novembre 2019, à une formation de licence accès santé en économie et gestion à l'université de Reims Champagne-Ardenne".
Par ailleurs, "alors que l’attestation sur l’honneur exigée par l’université visait à priver les étudiants ayant déjà effectué une inscription dans le cadre d’une année d’accès aux études de santé de leur droit à une seconde chance, en méconnaissance des articles R. 631-1-1 et R. 631-1-3 du code de l’éducation, (…) [l’]attestation mensongère [produite par l’étudiant en réponse à cette demande] n’[était] pas de nature à fonder le refus d’inscription en deuxième année qui lui a été opposé" par l’université.
Examens, concours et diplômes
Composition du jury
Diplôme de brevet de technicien supérieur – Composition du jury d’examen à parts égales de professeurs et de professionnels – Composition irrégulière (oui)
T.A. Limoges, 18 juillet 2023, n° 2100588
Un étudiant, inscrit par la voie de l’apprentissage dans une formation conduisant à la délivrance du diplôme de brevet de technicien supérieur (B.T.S.) spécialité "contrôle industriel et régulation automatique" (CIRA) pour la session 2019, s’était vu refuser la délivrance de ce diplôme par une délibération du jury constitué au titre de la session 2019, en date du 18 juin 2019.
Après avoir formé un recours gracieux auprès de la rectrice académique, qui l’avait rejeté le 9 septembre 2019, l’étudiant contestait devant le tribunal administratif de Limoges la délibération du jury, ensemble la décision rejetant son recours gracieux.
L’article D. 643-31 du code de l’éducation prévoit que la composition du jury pour la session d’examen est fixée par arrêté du recteur de région académique pour chaque session et doit comprendre, "à parts égales", des professeurs appartenant à l’enseignement public et des membres de la profession intéressée par le diplôme, employeurs et salariés. Cet article, en son 2°, alinéa 2, précise que : "Si la parité n'est pas atteinte en raison de la défection d'un ou plusieurs membres avant le début de ses travaux, le jury peut néanmoins délibérer valablement."
En l’espèce, l’arrêté du 25 mars 2019 portant nomination des membres du jury du B.T.S. CIRA, au titre de la session 2019, faisait uniquement mention d’une liste de huit enseignants et de ce que les membres "professionnels" du jury seraient "déterminés ultérieurement".
Devant la juridiction, il n’a pu être établi que cette nomination ultérieure des membres de la profession intéressée était bel et bien intervenue, défaut que corroborait la liste d’émargement du "jury de délibération" sur laquelle figuraient les noms des neuf membres présents à la délibération, parmi lesquels seulement deux n’étaient pas inscrits sur la liste des enseignants désignés par l’arrêté.
Le tribunal administratif en a déduit que la composition irrégulière du jury entachait d’illégalité la délibération du 18 juin 2019 refusant de délivrer le diplôme de B.T.S. au requérant et l’a annulée.
Personnels
Classement
Professeur des écoles – Prise en compte de services d'enseignement dans un institut médico-éducatif – Qualification d'établissement d'enseignement privé
C.E., 28 juin 2023, n° 456900, aux tables du Recueil Lebon
À la suite de sa réussite à un concours de recrutement de professeurs des écoles, la requérante avait demandé, en vue de son classement dans ce corps, la prise en compte des services d'enseignement qu’elle avait assurés antérieurement au sein d'unités d'enseignement de deux instituts médico-éducatifs gérés par des organismes de droit privé.
Le Conseil d'État a annulé pour erreur de droit l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon rejetant son recours tendant à l'annulation du refus de l'administration d'intégrer ces services dans son classement.
Il a tout d'abord rappelé qu'il résulte des articles 20 du décret du 1er août 1990 et 2 et 7 bis du décret du 5 décembre 1951 que les services d'enseignement accomplis dans des établissements d'enseignement privés sont pris en compte pour le classement d'un professeur des écoles recruté par concours lors de sa nomination en qualité de stagiaire.
Il a rappelé ensuite l'objet des instituts médico-éducatifs qui, en vertu des dispositions du code de l'éducation et du code de l'action sociale et des familles, fournissent à des enfants en situation de handicap une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social. Ils assurent également leur scolarisation s'ils sont dotés d'une unité d'enseignement, dans des conditions définies par une convention entre l'État et l'établissement.
Le Conseil d'État a ainsi considéré que, contrairement à ce qu'avait jugé la cour administrative d'appel de Lyon, un I.M.E. doté d'une unité d'enseignement devait être regardé comme un établissement d'enseignement privé au sens de l'article 7 bis du décret du 5 décembre 1951, et que, par suite, les services d'enseignement effectifs d'enseignement et de direction qui y étaient accomplis devaient être pris en compte pour le classement dans le corps des professeurs des écoles à la suite de la réussite à un concours, dans les conditions définies au 3° de l'article 7 bis.
N.B. : Dans une décision du 19 mars 2008, le Conseil d'État avait déjà jugé qu'un centre de formation d'apprentis, qui dispense, en application de l'article L. 6231-1 du code du travail, aux jeunes travailleurs titulaires d'un contrat d'apprentissage une formation générale associée à une formation technologique et pratique, constituait également un établissement d'enseignement privé au sens de l'article 7 bis du décret du 5 décembre 1951 (pour le classement dans le corps des professeurs de lycée professionnel : C.E., 19 mars 2008, n° 295040, aux tables du Recueil Lebon ; et, sur un autre point, pour le classement dans le corps des adjoints d'enseignement : C.E., 13 octobre 2008, n° 302018).
Évaluation – Notation
Notation des fonctionnaires – Mise à disposition – Obligations de l’administration d'origine
C.E., 14 juin 2023, n° 455784, aux tables du Recueil Lebon
Une professeure certifiée mise à disposition du Parlement européen de 2001 à 2004 puis de 2006 à 2008 avait demandé en 2017, en vain, au ministre chargé de l’éducation nationale de procéder à sa notation au titre de ces périodes.
Alors que la cour administrative d’appel de Nancy avait annulé partiellement la décision du ministre s’agissant du refus d'évaluation portant sur l'année 2007, le Conseil d’État a annulé ce refus pour la période portant sur 2001-2004.
Se fondant sur la loi du 13 juillet 1983, la loi du 11 janvier 1984 et le décret du 4 juillet 1972 portant statut particulier des professeurs certifiés, dans leur rédaction alors en vigueur, le Conseil d’État a estimé qu'il revenait au ministre d'arrêter chaque année, dans le cas de professeurs mis à disposition qui ne remplissent pas une mission d'enseignement, une note de 0 à 100 sur proposition de l'autorité auprès de laquelle le professeur exerce ses fonctions.
Après avoir rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle la notation d’un fonctionnaire est subordonnée à sa présence effective au cours de l'année en cause pendant une durée suffisante, eu égard notamment à la nature des fonctions exercées, pour permettre à son chef de service d'apprécier sa valeur professionnelle (cf. C.E., 3 septembre 2007, n° 284954, aux tables du Recueil Lebon), le Conseil d’État a précisé que, pour les agents mis à disposition dont l'évaluation nécessite que l'administration d'origine recueille une appréciation de l'organisme d'accueil : "En l'absence de transmission par l'administration d'accueil du professeur certifié mis à disposition d'une telle proposition, le ministre ne peut s'abstenir de procéder à sa notation qu'après avoir vainement sollicité la transmission de cette proposition ou, à défaut, d'un rapport sur la manière de servir du professeur, et s'il ne dispose par ailleurs d'aucun élément permettant d'apprécier sa valeur professionnelle."
En l’espèce, le Conseil d'État a jugé que la cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit en rejetant les conclusions de l’intéressée, s’agissant de la période courant de 2001 à 2004, dès lors que le ministre chargé de l'éducation nationale ne pouvait légalement s'abstenir de procéder à la notation de l’intéressée alors qu’il n’avait pas sollicité en vain auprès du Parlement européen la transmission d'une proposition de notation ou, à défaut, d'un rapport sur la manière de servir de l'intéressée.
Retenues pour absence de service fait
Position statutaire – Absence d’affectation – Retenues pour absence de service fait – Contrôle judiciaire – Interdiction d'exercer une activité en lien avec les mineurs
C.A.A. Lyon, 11 mai 2023, Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, n° 22LY01471
Un professeur des écoles, à la suite de son interpellation par les services de la brigade départementale de protection de la famille, avait été placé sous contrôle judiciaire, mesure comportant notamment l'interdiction d'exercer une activité, même bénévole, en lien avec les mineurs.
En raison de cette mesure de contrôle judiciaire, le recteur de son académie l’avait laissé sans affectation et avait suspendu le versement de son traitement pour absence de service fait.
L'intéressé avait alors demandé au recteur de l'affecter dans les meilleurs délais à un poste compatible avec les obligations de son contrôle judiciaire, ou, à défaut, de prononcer sa suspension à titre conservatoire en application de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983. Le recteur avait rejeté cette demande par une décision du 17 mai 2021.
Par un jugement du 9 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon avait considéré que le contrôle judiciaire dont le professeur des écoles faisait l’objet ne lui interdisait pas d’exercer tout emploi public et ne s’opposait pas à ce qu’il soit affecté provisoirement à un poste correspondant à son grade et compatible avec ce contrôle judiciaire. Il avait donc jugé que le recteur était tenu soit de l’affecter à tout poste compatible avec son contrôle judiciaire, y compris à un poste administratif, soit de prononcer sa suspension à titre conservatoire. Et il avait, en conséquence, annulé la décision du 17 mai 2021 et enjoint au recteur de procéder à l’affectation, dans cette mesure, de l’intéressé ou, à défaut, de le suspendre à titre conservatoire.
La cour administrative d’appel de Lyon a annulé ce jugement pour erreur de droit et rejeté la requête du professeur.
En effet, la cour, après avoir rappelé que les fonctionnaires ne disposent que d’un droit à être affectés à des fonctions que leur grade leur donne vocation à occuper, a jugé que : "Compte tenu des dispositions statutaires applicables au corps des professeurs des écoles (...), le recteur de l'académie de Lyon, pour tirer les conséquences qu'emportait la mesure d'interdiction d'exercer une activité, même bénévole, en lien avec les mineurs, prévue par l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire de M. X, ne pouvait l'affecter à aucune des missions ou activités des professeurs des écoles énumérées à l'article 2 du décret du 1er août 1990 (...) ni, par suite, lui confier de fonctions d'enseignement que son grade lui donnait vocation à exercer. Il n'était, en outre, ni tenu d'engager une procédure disciplinaire à son encontre et, dans cette attente, de le suspendre en application de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, ni tenu de rechercher un poste en détachement compatible avec la mesure d'interdiction prononcée alors, au demeurant, que le détachement n'est pas un droit pour le fonctionnaire qui demande à être placé dans cette position et, en outre, que l'État n'est pas compétent pour décider d'une affectation dans un emploi d'enseignement à distance, au Centre national d'enseignement à distance (CNED) ou dans l'un des groupements d'établissements (GRETA) exerçant une mission de formation continue à destination des adultes mentionnés à l'article L. 423-1 du code de l'éducation."
Lorsque l'agent est incarcéré ou qu'un contrôle judiciaire ne lui permet pas d'exercer ses fonctions, l'administration peut tenir compte des circonstances qui ont conduit à ce que l'agent soit empêché d’exercer ses fonctions. Elle peut suspendre l'agent ou maintenir sa suspension de fonctions si cette mesure avait déjà été prononcée, ou y mettre fin et suspendre le versement de toute rémunération à l’agent (cf. C.E., 26 mai 1950, Sieur X, n° 5316, au Recueil Lebon, p. 324 ; C.E., 20 juin 1969, Ministre d'État chargé des affaires sociales c/ Dame X, n° 76346, aux tables du Recueil Lebon, et C.E., Section, 13 novembre 1981, Commune de Houilles, n° 27805, au Recueil Lebon).
Procédure
Congé de maladie – Sanction d'exclusion temporaire de fonctions – Entrée en vigueur
C.E., 3 juillet 2023, n° 459472, aux tables du Recueil Lebon
Un professeur qui s’était vu infliger une sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de deux ans avait contesté la décision de la rectrice de l’académie de Lyon de suspendre sa rémunération à compter de l’entrée en vigueur de cette sanction qui était intervenue alors qu’il était déjà placé en arrêt maladie.
Dans le prolongement de la jurisprudence dégagée à propos des mesures disciplinaires de révocation et de mise à la retraite d'office qui mettent définitivement fin au lien avec le service et qui peuvent entrer en vigueur dès leur notification, quand bien même l'agent est alors placé en congé de maladie (cf. C.E., 6 juillet 2016, n° 392728, aux tables du Recueil Lebon, pour une révocation ; C.E., 13 juillet 2022, n° 461914, pour une mise à la retraite disciplinaire d'office), le Conseil d’État a confirmé une solution adoptée par plusieurs cours administratives d’appel (cf. C.A.A., Douai, 25 novembre 2021, Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, n° 20DA01958, dont la LIJ n° 219 de mars 2022 a rendu compte) et jugé que la circonstance qu’un agent était placé en arrêt maladie ne faisait pas obstacle à l’entrée en vigueur d’une sanction d’exclusion temporaire de fonctions.
Le Conseil d’État a rappelé que "la procédure disciplinaire et la procédure de mise en congé de maladie sont des procédures distinctes et indépendantes, et la circonstance qu'un agent soit placé en congé de maladie ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant, à l'entrée en vigueur d'une décision de sanction".
En outre, il a jugé que "les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 selon lesquelles le fonctionnaire conserve, selon la durée du congé, l'intégralité ou la moitié de son traitement, ont pour seul objet de compenser la perte de rémunération due à la maladie en apportant une dérogation au principe posé par l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 subordonnant le droit au traitement au service fait. Elles ne peuvent avoir pour effet d'accorder à un fonctionnaire bénéficiant d'un congé de maladie des droits à rémunération supérieurs à ceux qu'il aurait eus s'il n'en avait pas bénéficié".
Le Conseil d’État a donc conclu que, dès lors que la sanction d’exclusion temporaire de fonctions était privative de rémunération pendant la durée de l’exclusion, "[l’]agent [sanctionné] (…) ne saurait, pendant cette période, bénéficier d'un maintien de sa rémunération à raison de son placement en congé de maladie".
Procédure disciplinaire – Conseil de discipline – Décompte erroné des votes – Reprise de la procédure
C.E., 26 juin 2023, Ministre de l'intérieur et des outre-mer, n° 464361, aux tables du Recueil Lebon
Le ministre de l’intérieur avait engagé une procédure disciplinaire à l’encontre d’un policier au motif qu'il avait commis plusieurs manquements graves aux obligations statutaires et déontologiques attachées à l'exercice de ses fonctions.
À l’issue de la séance du conseil de discipline, un avis favorable à la révocation de ce fonctionnaire avait été regardé comme ayant été prononcé. Or, il ressortait du procès-verbal, que le décompte du nombre de voix avait été, de manière erronée, calculé par rapport aux suffrages exprimés et non, comme le prévoit l'article 8 du décret du 25 octobre 1984, au regard du nombre de présents, le quorum étant par ailleurs atteint.
Constatant que cette proposition de sanction ne pouvait être regardée comme ayant recueilli l'accord de la majorité des membres présents, l'autorité administrative avait décidé de convoquer à nouveau l’intéressé devant un conseil de discipline qui, dans une composition différente, avait rendu un avis favorable à la sanction de révocation à la majorité de ses membres présents.
La cour administrative d’appel de Bordeaux avait toutefois considéré que, lors de la nouvelle séance, la composition du conseil de discipline devait être identique à la précédente instance disciplinaire, sauf impossibilité justifiée. En outre, la proposition de révocation n'ayant pas obtenu l'accord de la majorité des membres présents lors de la première réunion du conseil de discipline, l'autorité administrative aurait dû mettre aux voix les autres sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires, en commençant par la plus sévère après la révocation, jusqu'à ce que l'une d'elles recueille l'accord de la majorité des présents. Elle a ainsi annulé la révocation de l’intéressé en se fondant sur ces deux motifs.
Sur pourvoi du ministre, le Conseil d’État a considéré que les juges d’appel avaient commis une erreur de droit dès lors qu’en cas de nouvelle convocation du conseil de discipline à la suite d’une erreur entachant le décompte des voix, sa composition pouvait être différente.
Cependant, confirmant leur raisonnement sur le quantum de sanction pouvant être mis aux voix, le Conseil d’État a estimé que : "En revanche, l'administration, dès lors qu'elle reprend ainsi la procédure, ne peut soumettre au vote une proposition de sanction déjà écartée par une majorité des membres présents lors de la précédente réunion du conseil de discipline."
Ce dernier motif justifiant le dispositif de l’arrêt attaqué, le Conseil d’État a rejeté le pourvoi du ministre.
Sanctions
Discipline – Sanction à raison de faits antérieurs à la nomination
C.E., 3 mai 2023, n° 438248, au Recueil Lebon
À l’occasion d’une enquête judiciaire, une collectivité territoriale avait appris que l'un de ses agents avait été, antérieurement à sa titularisation, condamné pénalement pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement et de vol aggravé ainsi que, quatre ans plus tard, pour avoir tenté de pénétrer dans un établissement pénitentiaire en présentant une fausse pièce d’identité. L’intéressé avait alors fait l’objet de poursuites disciplinaires qui avaient abouti au prononcé d’une sanction de révocation.
Le Conseil d'État a déjà admis que l'administration a la faculté de prononcer la révocation d'un agent pour des faits commis à une époque où l'intéressé n'avait pas encore de lien avec la fonction publique, mais révélant une méconnaissance des obligations morales attachées à l'exercice de la fonction publique et, par suite, par leur nature même, incompatibles avec lui (cf. C.E., Section, 5 décembre 1930, Sieur X, n° 3130, au Recueil Lebon, p. 1040 ; C.E., Section, 28 janvier 1938, Sieur X, n° 50797, au Recueil Lebon, p. 99 ; et, pour la prise en compte de faits antérieurs et qui se sont, en outre, poursuivis après l'intégration : C.E., 6 juillet 2016, n° 392728, aux tables du Recueil Lebon).
Cette position de principe est réaffirmée dans la décision du 3 mai 2023. Aux conclusions contraires du rapporteur public, le Conseil d’État a jugé que : "Lorsque l'administration estime que des faits, antérieurs à la nomination d'un fonctionnaire mais portés ultérieurement à sa connaissance, révèlent, par leur nature et en dépit de leur ancienneté, une incompatibilité avec le maintien de l'intéressé dans la fonction publique, il lui revient, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'en tirer les conséquences en engageant une procédure disciplinaire en vue de procéder, à raison de cette incompatibilité, à la révocation de ce fonctionnaire."
Le Conseil d’État a précisé qu’il appartenait au juge de l’excès de pouvoir, saisi de la légalité d’une décision de révocation prononcée pour des motifs fondés sur l’existence d’antécédents judiciaires de l’intéressé, de caractériser les faits à l’origine des condamnations en cause et d’apprécier si ces faits, compte tenu de leur nature et de leur ancienneté, étaient de nature à conduire à sa révocation, sans se borner à relever l’existence de tels antécédents.
Le Conseil d’État a cependant estimé en l’espèce que : "Eu égard, d'une part, à l’ancienneté des faits ayant justifié la première condamnation du requérant et, d’autre part, à leur nature, ayant d’ailleurs conduit l’autorité judiciaire à retenir en 2012 que leur gravité ne justifiait pas ou plus de mention des condamnations correspondantes au bulletin n° 2 du casier judiciaire, ces faits, à eux seuls, dont l’administration a pris connaissance en 2014, n’affectaient pas le bon fonctionnement ou la réputation du service dans des conditions justifiant la révocation de l’intéressé par l’arrêté attaqué."
Exclusion temporaire de fonctions de trois jours – Opposition à une réforme – Comportement perturbateur
T.A. Bordeaux, 21 juin 2023, n° 2100727
Une enseignante demandait l’annulation de la décision lui infligeant une sanction d'exclusion temporaire de trois jours pour avoir adopté, dans un contexte général de manifestations déclarées contre la réforme du baccalauréat, un comportement perturbateur lors des épreuves de contrôle continu du baccalauréat.
Elle estimait tout d'abord que la rectrice d’académie aurait manqué à ses obligations de loyauté dans le rassemblement des éléments de son dossier.
Si le principe de la liberté de la preuve s’impose en matière disciplinaire et permet à "l'autorité investie du pouvoir disciplinaire (…) [d’]apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen", cette liberté est limitée par l’obligation de loyauté, qui peut toutefois être écartée "si un intérêt public majeur le justifie" (cf. C.E., Section, 16 juillet 2014, n° 355201, au Recueil Lebon).
En l’espèce, le tribunal administratif de Bordeaux a considéré qu’il ne ressortait pas des pièces sur lesquelles se fondait l'administration, qui se composaient d'observations matérielles réalisées par divers agents intervenant dans le cadre de leurs missions, que la rectrice d’académie aurait manqué à ses obligations de loyauté dans le rassemblement des éléments du dossier.
Par ailleurs, si les agents publics disposent d'une liberté d'action et d'expression dans le cadre de l'exercice de leur droit de grève, cette liberté doit être conciliée avec le respect des règles encadrant l'exercice de ce droit, ainsi que de leurs obligations déontologiques et des contraintes liées à la sécurité et au bon fonctionnement du service.
En l’espèce, le tribunal a relevé que les faits en cause, à savoir qu’"un groupe de professeurs dont faisait partie la requérante aurait pénétré dans le hall [de l’établissement] en vue de manifester leur désaccord par des chants et slogans scandés", avaient perturbé le déroulement des épreuves de contrôle continu.
Il a estimé par conséquent que : "Compte tenu des fonctions d’enseignante exercées par l’intéressée et de ses responsabilités auprès des élèves et eu égard aux conséquences que son comportement a, par suite, eu sur le bon fonctionnement du service", de tels faits étaient de nature à caractériser un manquement à ses obligations professionnelles.
Le tribunal a également estimé que "s’il n’est pas contesté que les élèves ont participé aux perturbations ayant conduit à l’annulation des épreuves, la requérante a pu, en adoptant un comportement volontairement contestataire dans l’enceinte même de l’établissement, encourager de tels débordements du fait de l’autorité qui s’attache à ses fonctions" et que : "La seule circonstance que ces agissements n'[ont] pas directement conduit au report des épreuves et qu'ils se [sont] déroulés avec une volonté pacifique" n'était pas de nature à exonérer l’enseignante de ses responsabilités.
Le tribunal a rejeté la demande de la requérante en jugeant que son exclusion temporaire de fonctions de trois jours était une sanction proportionnée au regard de la nature des faits reprochés.
Recrutement
Remplacement d'un professeur titulaire gréviste – Référé-suspension – Absence d'urgence – Intérêt public – Absence d'atteinte grave et immédiate
J.R.T.A. Dijon, 25 mai 2023, Syndicat Solidaires 89 et M. X, n° 2301439
Le requérant, professeur ayant répondu à l’appel lancé par l’intersyndicale à compter du 6 mars 2023 dans le cadre du mouvement social contre la réforme des retraites, était en grève depuis cette date. Une organisation syndicale et l'intéressé sollicitaient la suspension de l’exécution de la décision par laquelle le recteur de l’académie de Dijon avait procédé au recrutement d’un agent contractuel afin de suppléer à son absence jusqu’à la fin de l’année scolaire.
Le juge des référés, après avoir évoqué les conditions cumulatives d’urgence et de doute sérieux quant à la légalité de la décision pour suspendre une décision administrative, en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, a rappelé que pour apprécier la condition d’urgence, il revenait "au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des éléments fournis par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue".
En l’espèce, alors que les requérants soutenaient que la décision contestée portait atteinte tant à la situation professionnelle du professeur qu’à son avenir professionnel, le juge des référés a considéré, d’une part, qu’il ne résultait pas de l'instruction que la décision attaquée "porterait atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, aux intérêts [défendus par les requérants]", à la situation ou encore à l’avenir professionnels du professeur, et, d’autre part, que l'intérêt public s’attachait à ce que les élèves "puissent recevoir un enseignement de philosophie jusqu’à la fin de l’année".
Dès lors, la condition d’urgence n’étant pas remplie au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés a rejeté la demande.
Concours
Composition du comité de sélection – Représentation équilibrée entre les femmes et les hommes
C.A.A. Toulouse, 13 juin 2023, M. X et autres, n° 22TL21805 et n° 22TL21807, Ministre de la culture, n° 22TL21920
Candidats à un concours de recrutement de maîtres de conférences dans une école nationale supérieure d’architecture (ENSA), les requérants demandaient l’annulation de la décision du comité de sélection rendant un avis unique de classement ne retenant pas leurs candidatures, la décision de ce même comité portant refus de les auditionner, ainsi que de la procédure de recrutement pour les postes en litige.
Le tribunal administratif de Montpellier avait fait droit à leur demande au motif que la composition du comité de sélection ne comprenait pas une proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe, en méconnaissance de l’article 11 du décret du 15 février 2018 portant statut particulier du corps des professeurs et du corps des maîtres de conférences des ENSA et de l’article 2 de l'arrêté du 2 novembre 2018 fixant les modalités d'organisation et de fonctionnement des comités de sélection chargés de leur recrutement.
La cour administrative d’appel de Toulouse a, sur conclusions contraires du rapporteur public, annulé ce jugement, retenant notamment que la circonstance que "la composition finale du comité de sélection (…) ne comprenait que trois hommes sur ses huit membres, soit 37,5 % d’hommes, donc un niveau très légèrement inférieur à la part minimale de 40 % de chaque sexe", composition rendue nécessaire pour respecter le principe d’impartialité ainsi que "la règle prévoyant qu’au moins la moitié des membres du comité de sélection sont des membres du champ disciplinaire concerné", n’avait pas eu pour conséquence d’entacher d’irrégularité la composition du comité de sélection.
Les juges d’appel, de manière surabondante, ont affirmé qu’en tout état de cause, "[cette] composition (…) n’[avait pas eu pour effet de priver les candidats] d’une garantie ou d’avoir eu une influence sur le sens de la décision attaquée" (cf. C.E. Assemblée, 23 décembre 2011, n° 335033, au Recueil Lebon).
N.B. : Conformément au second alinéa de l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 aux termes duquel : "La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales", l'article 55 de la loi du 12 mars 2012 (dite "Sauvadet"), désormais repris à l’article L. 325-17 du code général de la fonction publique (C.G.F.P.), impose depuis le 1er janvier 2015 pour la désignation des membres des jurys et des comités de sélection constitués en vue du recrutement ou de la promotion des fonctionnaires relevant de la fonction publique de l'État une proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe.
La composition des comités de sélection institués en vue du recrutement des membres du corps des professeurs et du corps des maîtres de conférences des ENSA, qui relèvent du ministre chargé de la culture, est ainsi soumise au respect de l’exigence de parité prévue à l’article L. 325-17 du C.G.F.P. (cf. article 11 du décret du 15 février 2018 et article 2 de l'arrêté du 2 novembre 2018 précités).
En revanche, s’agissant des comités de sélection constitués en vue du recrutement des enseignants-chercheurs régis par le décret du 6 juin 1984, l’exigence d’"une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes" est prévue par les dispositions spécifiques de l’article L. 952-6-1 du code de l’éducation (qui ne sont pas applicables aux ENSA, en application de l’article L. 752-1 du même code) uniquement "lorsque la répartition entre les sexes des enseignants de la discipline le permet". Le seuil minimum de 40 % de chaque sexe est fixé par l’article 9 et l’article 9-1 du décret du 6 juin 1984. La liste des disciplines dérogeant à la proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe et le seuil minimal dérogatoire applicable à ces disciplines sont fixés par le décret du 16 mai 2022 et sont revus tous les deux ans.
Suspension de fonctions
Professeur des universités – Article L. 951-4 du code de l’éducation – Faits présentant un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité
C.E., 26 mai 2023, n° 468850 et n° 468851
Un professeur des universités avait demandé l’annulation de deux arrêtés prononçant sa suspension de fonctions pour des agissements susceptibles d’être constitutifs d’une situation de harcèlement moral et sexuel à l’encontre de l’une de ses doctorantes, le second arrêté étant intervenu à l’issue de son placement en congé de maladie qui avait eu pour effet d’interrompre la mesure de suspension initiale (cf. C.E., 26 juillet 2011, n° 343837, aux tables du Recueil Lebon).
Ce litige est l’occasion pour le Conseil d’État de rappeler les conditions de légalité de la mesure de suspension d’un enseignant-chercheur prévue à l’article L. 951-4 du code de l'éducation. Mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l’intérêt du service public universitaire, elle ne peut ainsi être prononcée que lorsque les faits imputés à l’intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite de ses activités au sein de l’établissement présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours (cf. C.E., 10 décembre 2014, n° 363202, aux tables du Recueil Lebon). Exerçant un contrôle normal sur la légalité de la mesure de suspension, le juge apprécie le caractère suffisant de vraisemblance et de gravité des faits en cause au vu des informations dont disposait effectivement l’autorité administrative au jour de sa décision (C.E., 18 juillet 2018, n° 418844, au Recueil Lebon, LIJ n° 204, novembre 2018).
En l’espèce, le Conseil d’État a annulé la décision de suspension initiale au motif qu’elle s’appuyait exclusivement sur le seul signalement d’une enseignante, au demeurant non produit au dossier, relatant des propos tenus par la doctorante victime à propos de faits dont l’autrice du signalement n’avait pas été témoin et qui, de plus, à la date de l’arrêté litigieux, n’étaient corroborés par aucun autre élément.
A contrario, la seconde décision de suspension, fondée sur le témoignage précis et circonstancié de la victime faisant état de comportements déplacés et ambigus de l’intéressé à son égard, a été jugée légale au regard des éléments portés à la connaissance du président de l’université qui pouvait légitimement considérer que les faits imputés à l’intéressé revêtaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité. Ces conditions étant satisfaites et compte tenu du retentissement de ces allégations au sein de l'université, le Conseil d’État a jugé que le président de l’université n'avait pas fait une inexacte application de l'article L. 951-4 du code de l'éducation (cf. C.E., n° 418844, susmentionné ; C.E., 24 novembre 2021, n° 438068).
Enfin, le Conseil d’État a rappelé qu’une mesure de suspension conservatoire prise sur ce fondement ne constitue ni une sanction disciplinaire (cf. C.E., 26 octobre 2005, n° 279189, au Recueil Lebon) ni une mesure prise en considération de la personne, et qu'elle n’est, par suite, pas au nombre de celles soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable en application de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration (C.E., 22 septembre 1993, n° 87033 et n° 87456, aux tables du Recueil Lebon ; C.E., 25 mars 2002, n° 224221, aux tables du Recueil Lebon).
Questions propres aux personnels jeunesse et sports
Conseiller technique sportif – Interdiction temporaire d’exercer – Matérialité des faits
T.A. Lyon, 13 juin 2023, n° 2207183
La requérante, conseillère technique départementale et directrice d'un club sportif, demandait au tribunal administratif de Lyon d’annuler l’arrêté par lequel la préfète de la Loire lui avait interdit l’exploitation, la gestion ou l’organisation de toute structure dépendant du champ du code du sport et de toute structure accueillant des mineurs dans le cadre de l'article L. 227-4 du code de l’action sociale et des familles, incluant toute fonction d’administrateur, pour une durée de cinq ans, en raison d'agressions sexuelles commises au sein de ce même club par un entraîneur bénévole sur des gymnastes mineures dans les années 1980 et 1990, dénoncées en 2020.
Cette affaire permet de préciser les conditions dans lesquelles il peut être prononcé à l'encontre de toute personne participant à un accueil de mineurs ou à l'organisation d'un tel accueil une interdiction temporaire ou permanente d’exercer, en vertu de l'article L. 227-10 du code de l’action sociale et des familles, en cas de danger pour la sécurité physique ou morale des mineurs concernés.
La préfète faisait valoir, d’une part, que l'intéressée ne pouvait ignorer les faits d'agressions sexuelles commis par l'entraîneur bénévole à une époque où elle exerçait des responsabilités au sein du club. D'autre part, celle-ci, en raison de ses fonctions au sein du club et en sa qualité de conseillère technique départementale auprès de la Fédération française de gymnastique, était à l'époque en charge de l’organisation des activités sportives ainsi que de l’accueil des gymnastes dont elle avait la responsabilité, et elle aurait dû notamment mettre en place des procédures d'accueil et d'hébergement afin de prévenir les agressions sexuelles.
Toutefois, le tribunal administratif a jugé qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que la requérante était informée du risque que présentait le bénévole en question.
En outre, le tribunal a rappelé que la requérante, qui n’avait jamais entraîné les victimes à l’époque des faits, avait cessé d’exercer en tant qu’entraîneuse des gymnastes du club pour se consacrer à des missions de formation, de coordination et d’animation fédérale. Selon lui : "Les éléments produits au dossier ne suffisent pas à établir l’implication de l’intéressée dans la gestion et l’organisation du club, s’agissant notamment du recrutement des bénévoles, et de la prise en charge quotidienne des gymnastes et son rôle dans l’organisation de l’accueil des jeunes victimes (…)."
Par suite, le tribunal administratif a considéré que la matérialité des faits reprochés à la requérante n'était pas établie et a annulé l'arrêté.
Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille
Mise en demeure et fermeture
Établissement d’enseignement privé hors contrat – Contrôle – Mise en demeure – Acte faisant grief
C.E., 20 mars 2023, Association École en couleurs, n° 456984, aux tables du Recueil Lebon
Un établissement d’enseignement privé hors contrat avait fait l’objet d’une procédure de contrôle menée sur le fondement de l’article L. 442-2 du code de l’éducation, dans sa version antérieure à la loi du 24 août 2021.
L’association gestionnaire de l’établissement avait contesté par la voie du référé-suspension la mise en demeure de remédier aux manquements constatés à l’occasion d'un premier contrôle, ainsi que les mises en demeure de scolariser les élèves dans un autre établissement prononcées par la rectrice de l’académie à l’issue d’un second contrôle ayant constaté la persistance de ces manquements.
Le Conseil d’État a annulé l’ordonnance attaquée, censurant deux erreurs de droit commises par le juge des référés.
En premier lieu, il a considéré que la mise en demeure de mettre un terme aux manquements constatés à l’occasion d’un contrôle, "[lorsqu’elle] ne se borne pas à exiger des explications mais impose à l'établissement d'engager des actions déterminées", constitue bien un acte faisant grief susceptible de recours (point 4).
Précisant son office de juge de cassation, le Conseil d’État a indiqué qu’il exerçait un contrôle de qualification juridique des faits sur l’appréciation portée par le juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, sur la question de savoir si une mise en demeure fait grief et est, en conséquence, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
En second lieu, il a jugé que, dans le régime antérieur à la loi du 24 août 2021, l’autorité académique ne se trouvait pas en situation de compétence liée pour mettre en demeure les parents de scolariser leurs enfants dans un autre établissement – cette mise en demeure étant concomitante de la saisine du procureur de la République – dès lors que : "Il lui appartient, pour prendre ces décisions, de porter une appréciation sur les suites apportées à la mise en demeure et l'étendue des manquements subsistants, le cas échéant." (Point 6.)
Déclaration – Autorisation
Régime d’autorisation – Recours administratif préalable obligatoire – Décision implicite de rejet – Délai commun de deux mois
C.E., 17 juillet 2023, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, n° 467600
Le juge des référés du tribunal administratif de Limoges avait retenu qu’était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision de refus d’autorisation d’instruction dans la famille la circonstance que la commission académique, chargée de statuer sur les recours administratifs préalables obligatoires formés contre les refus des directeurs académiques des services de l’éducation nationale en la matière, n’avait pas siégé dans le délai d'un mois prévu à l'article D. 131-11-12 du code de l’éducation et, partant, que la décision implicite de rejet née à l'expiration de ce délai d'un mois avait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière.
Statuant sur un pourvoi formé par le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, le Conseil d’État a d’abord rappelé les termes des articles L. 231-1, L. 231-4, L. 231-6, L. 411-7 et L. 412-2 du code des relations entre le public et l'administration, en vertu desquels le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande présentant le caractère d'un recours administratif préalable obligatoire vaut décision de rejet, un délai différent ne pouvant être fixé que par décret en Conseil d'État.
Le Conseil d’État a par conséquent jugé qu’en jugeant comme il l’a fait, le juge des référés du tribunal administratif a commis une erreur de droit dès lors que le délai d'un mois prévu à l'article D. 131-11-12 précité du code de l'éducation pour que la commission académique se réunisse n'est pas prescrit à peine de nullité et, qu’en l’absence d’un décret en Conseil d'État prévoyant un délai différent, une décision implicite de rejet d’un recours administratif préalable obligatoire formé devant la commission académique naît du silence gardé pendant deux mois sur le recours.
Crise – Situation exceptionnelle
Autres textes enseignement supérieur
Obligation vaccinale pour les professionnels de santé – Suspension de la formation de sixième année de médecine – Atteinte proportionnée au droit à l’éducation et à l’instruction
T.A. Lyon, 22 mai 2023, n° 2201119
Un étudiant en sixième année de médecine contestait devant le tribunal administratif de Lyon l’arrêté par lequel un président d’université avait suspendu sa formation jusqu’à présentation d’un justificatif de vaccination contre la Covid-19, ou de contre-indication à ladite vaccination, répondant aux exigences légales et réglementaires.
La loi du 5 août 2021 sur le fondement de laquelle a été pris l’arrêté litigieux instaure à ses articles 12 et suivants une obligation vaccinale pour les professionnels de santé, qu’elle répertorie, ainsi que pour les étudiants et élèves des établissements préparant à ces professions. Elle dispose également qu’il est satisfait à cette obligation vaccinale en présentant un certificat de statut vaccinal ou, pour sa durée de validité, un certificat de rétablissement, ou encore un certificat médical de contre-indication.
Par cette décision du 22 mai 2023, le tribunal administratif a rejeté la requête de l’intéressé, en écartant successivement l’ensemble des moyens articulés contre cet arrêté. Après avoir rappelé que le Conseil d’État, dans sa décision n° 454621 du 19 mai 2022, avait jugé que "les vaccins contre la Covid-19 administrés en France (…) ont fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché de l’Agence européenne du médicament [conformément aux dispositions européennes et à l’article L. 1121-2 du code de la santé publique] [et que] [l]e caractère conditionnel de cette autorisation ne saurait conduire à la regarder comme un essai clinique au sens du règlement [UE] n° 536/2014 [du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain]", le tribunal a retenu que le requérant ne pouvait utilement invoquer ces dispositions.
Le tribunal a ensuite écarté le moyen tiré de la méconnaissance du droit à un consentement libre et éclairé du patient, l’obligation vaccinale instaurée par la loi du 5 août 2021 ayant pour principe même d’écarter l’application de ce droit. Le requérant n’était pas non plus fondé à soulever le caractère disproportionné de cette obligation vaccinale, eu égard à l’objectif de santé publique poursuivi, dès lors qu’"il n’appartient pas au juge administratif de se prononcer sur les objectifs poursuivis par le législateur".
Était soulevée, par ailleurs, une atteinte au droit au respect de la vie privée, protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le tribunal. a considéré que : "Le champ de cette obligation apparaît ainsi cohérent et proportionné au regard de l’objectif de santé publique poursuivi, alors même que l’obligation ne concerne pas l’ensemble de la population mais seulement les professionnels qui se trouvent dans une situation qui les expose particulièrement au virus et au risque de le transmettre aux personnes les plus vulnérables à ce virus."
Le tribunal administratif de Lyon a également retenu que "la suspension [litigieuse] ne porte pas au droit [du requérant] à l’éducation et à l’instruction, garanti par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’article 2 du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article L. 141-1 du code de l’éducation, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise".
Enfin, le requérant ne pouvait utilement se prévaloir de la circonstance, postérieure à l’arrêté attaqué, que l’état d’urgence avait été abrogé le 1er août 2022.
Sports
Activités sportives
Suppression d’un diplôme d’État – Absence de mesures transitoires – Principe de sécurité juridique
C.E., 20 juin 2023, Fédération française d'aïkido et de budo et autres, n° 468100, n° 468101 et n° 468269
Dans le cadre d’une démarche générale de rationalisation et de simplification des diplômes d’État, au regard notamment des valeurs d’usage de ces diplômes, la ministre des sports a abrogé, par un arrêté du 26 avril 2022 et à compter du 1er juillet 2022, l’arrêté du 15 avril 2009 modifié relatif au diplôme d'État supérieur de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport (DES J.E.P.S.) spécialité "performance sportive" mention "aïkido, aïkibudo et disciplines associées".
Le Conseil d’État avait été saisi de recours pour excès de pouvoir de la Fédération française d’aïkido et de budo (F.F.A.B.) et de deux pratiquants, ces derniers ayant demandé l’obtention de ce DES J.E.P.S. par la voie de la validation des acquis de l’expérience (V.A.E.) et disposant d’un avis de recevabilité favorable à leur demande délivré préalablement à la suppression du diplôme. Les requérants soutenaient que la suppression du DES J.E.P.S. portait atteinte au principe de sécurité juridique en l’absence de mesures transitoires adaptées à la situation de cette pratique sportive et à leur situation, en méconnaissance de l’article L. 221-5 du code des relations entre le public et l’administration.
Pour rejeter les requêtes, faisant application de sa jurisprudence constante (C.E., Assemblée, 24 mars 2006, Société K.P.M.G., n° 288460, au Recueil Lebon ; C.E., Section, 13 décembre 2006, n° 287845, au Recueil Lebon ; plus récemment, C.E., 30 décembre 2021, n° 434004, aux tables du Recueil Lebon), le Conseil d’État a jugé que les requérants n’étaient pas fondés à soutenir que la suppression du DES J.E.P.S. entraînerait une atteinte excessive aux intérêts invoqués.
Plus précisément, au sujet des arguments de la F.F.A.B., laquelle faisait en particulier valoir que cette suppression la privait d’un vivier de diplômés pour assurer des actions de formation de formateurs, le Conseil d’État a estimé qu’à l’aune du but légitime de rationalisation et de simplification des diplômes d’État, de la circonstance que la suppression avait été annoncée en amont et était donc prévisible, et du fait que ce diplôme avait été obtenu par un très faible nombre de personnes (vingt-neuf en treize ans), "[la F.F.A.B.] n’apporte aucun élément permettant d’établir des manques ou des besoins réels supplémentaires que la suppression en cause, dès le 1er juillet 2022, empêcherait de résoudre dans des conditions susceptibles d’affecter son fonctionnement".
En ce qui concerne les arguments des deux pratiquants, lesquels faisaient notamment valoir l’absence de régime transitoire pour permettre aux personnes déjà engagées dans un processus de formation d’obtenir le DES J.E.P.S., le Conseil d’État a relevé que les seuls candidats au DES J.E.P.S. affectés par cette suppression étaient ces deux pratiquants disposant d’un avis de recevabilité pour l’obtention du diplôme par la voie spécifique de la V.A.E. et il a jugé que "les intéressés ne font état d’aucun élément attestant de la nécessité pour eux d’obtenir le diplôme litigieux pour la conduite de leurs activités".
Manifestations sportives
Fédération sportive – Neutralité du service public – Personnes sélectionnées dans les équipes de France – Restrictions à la liberté d’expression et à la manifestation de l’appartenance religieuse – Usagers et licenciés
C.E., 29 juin 2023, Association Alliance citoyenne et autres, n° 458088, n° 459547 et n° 463408, au Recueil Lebon
L'article 1er des statuts de la Fédération française de football (F.F.F.) interdit le port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ainsi que tout acte de prosélytisme ou manœuvre de propagande à l'occasion de compétitions ou de manifestations organisées par la fédération ou en lien avec elle.
Les associations Alliance citoyenne et Contre-Attaque, la Ligue des droits de l'homme ainsi que dix personnes demandaient au Conseil d’État d’annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le président de la F.F.F. avait rejeté leur demande tendant à l'abrogation ou la modification de cet article 1er en tant qu'il prévoit cette interdiction.
Le Conseil d’État a rejeté la requête en distinguant deux catégories de personnes concernées par l’article litigieux des statuts de la F.F.F.
D’une part, les agents de la Fédération ainsi que les personnes qui participent à l'exécution du service public qui lui est confié et sur lesquelles elle exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction sont soumis au principe de neutralité du service public et doivent, à ce titre, s'abstenir de toute manifestation de leurs convictions et opinions personnelles. Le Conseil d’État a jugé que : "Il en va ainsi notamment des personnes que la Fédération sélectionne dans les équipes de France, mises à sa disposition et soumises à son pouvoir de direction pour le temps des manifestations et compétitions auxquelles elles participent à ce titre et qui sont, dès lors, soumises au principe de neutralité du service public."
D’autre part, les autres licenciés de la Fédération ne sont pas soumis, contrairement aux personnes mentionnées supra, à l'obligation de neutralité. Néanmoins, les règles édictées par la Fédération pour les compétitions et manifestations qu'elle organise ou autorise "peuvent légalement avoir pour objet et pour effet de limiter la liberté de ceux des licenciés qui ne sont pas légalement tenus au respect du principe de neutralité du service public, d'exprimer leurs opinions et convictions si cela est nécessaire au bon fonctionnement du service public ou à la protection des droits et libertés d'autrui, et adapté et proportionné à ces objectifs".
En l’espèce, le Conseil d’État, s’écartant sur ce point des conclusions de son rapporteur public, a jugé que "l’interdiction [litigieuse], limitée aux temps et lieux des matchs de football, apparaît nécessaire pour assurer leur bon déroulement en prévenant notamment tout affrontement ou confrontation sans lien avec le sport. Dès lors, la [F.F.F.] pouvait légalement, au titre du pouvoir réglementaire qui lui est délégué pour le bon déroulement des compétitions dont elle a la charge, édicter une telle interdiction, qui est adaptée et proportionnée."
Honorabilité
Éducateur sportif – Arrêté d’interdiction d’exercer – Nécessité d’assurer la santé et la sécurité des pratiquants
C.E., 19 juin 2023, Ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, n° 465978, aux tables du Recueil Lebon
La ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques avait formé un pourvoi en cassation à l’encontre de deux ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Pau faisant droit à la demande d’un éducateur sportif visant à suspendre l’exécution d’un arrêté par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui avait interdit, pour une durée de dix ans, d'exercer les fonctions mentionnées aux articles L. 212-1, L. 223-1 ou L. 322-7 du code du sport, ou d'intervenir auprès de mineurs au sein des établissements d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article L. 322-1 du même code.
Pour juger que le moyen tiré de ce que la mesure de police prise par le préfet présentait un caractère manifestement disproportionné et était de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à sa légalité, le juge des référés s’était fondé sur deux motifs :
– d’une part, la circonstance que le préfet avait attendu six ans à compter de la commission des faits pour prendre cette mesure à l’encontre du requérant qui n’avait pas fait l’objet d’une décision pénale définitive depuis sa mise en examen ;
– d’autre part, la circonstance que "les faits reprochés [au requérant] ne concernent pas les pratiquants sportifs, mais les salariés de l’association, exerçant des missions de service civique".
Or, ces circonstances prises en compte par le juge des référés auraient dû être prises aux fins d'apprécier si le requérant constituait ou non un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants, comme l'a rappelé le rapporteur public dans ses conclusions (accessibles sur ArianeWeb).
Le Conseil d’État a par conséquent jugé que : "En se fondant sur ces circonstances, relatives à la nécessité même d'édicter une interdiction d'exercer, mais insusceptibles de remettre en cause la proportionnalité d'une telle mesure, le juge des référés a commis une erreur de droit", et il a annulé les deux ordonnances attaquées.
Puis, statuant au titre de la procédure de référé, le Conseil d'État a considéré que le préfet n'avait pas entaché sa décision d'illégalité en estimant que la circonstance que le requérant avait été mis en accusation devant une cour criminelle pour des chefs de viols et d'agressions sexuelles aggravées démontrait qu'il constituait un danger pour la sécurité physique ou morale des pratiquants. La mesure n'était pas plus disproportionnée dès lors qu'elle avait pour effet, de par sa durée, de mettre un terme aux activités du requérant d'entraîneur et d'encadrement d'un pôle espoir.
Ainsi que l’a remarqué le rapporteur public, il resterait loisible pour le préfet, autorité de police, d'abroger la mesure d'interdiction si les suites de la procédure pénale devaient établir que le requérant ne présente en réalité aucun danger pour les pratiquants.
Consultations
Personnels
Congé de maladie ordinaire
Placement en congé maladie d’office d’un agent contractuel
Note DAJ A4 n° 2023-005777 du 9 juin 2023
Un rectorat a sollicité la direction des affaires juridiques afin de savoir s’il était possible de placer un agent public contractuel en congé maladie, après avis du médecin de prévention, en l’absence de demande de la part de l’agent.
Concernant les fonctionnaires, dès lors que l’article 24 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ne subordonne pas la mise en congé maladie à une demande, une telle possibilité a été admise pas la jurisprudence lorsque la maladie a été dûment constatée et qu’elle met l’agent dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions (C.E., 8 avril 2013, n° 341697, aux tables du Recueil Lebon).
L’article 12 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État dispose que : "L'agent contractuel en activité bénéficie, sur présentation d'un certificat médical, pendant une période de douze mois consécutifs si son utilisation est continue ou au cours d'une période comprenant trois cents jours de services effectifs si son utilisation est discontinue, de congés de maladie dans les limites suivantes : / (…)."
Dès lors qu’à l’occasion de son placement en congé maladie, l’agent contractuel bénéficie d’un régime protecteur et que l’on ne peut déduire du cadre règlementaire mentionné ci-dessus que le certificat médical qui précède le placement en arrêt maladie soit nécessairement établi à la demande de l’agent, les dispositions précitées peuvent également être lues comme n’impliquant pas nécessairement que le placement en congé maladie d’un agent contractuel soit précédé d’une demande en ce sens.
Ainsi, la possibilité laissée ouverte par le Conseil d’État à propos des fonctionnaires paraît transposable à l’égard des agents publics contractuels a fortiori, car rien ne justifierait une différence de traitement entre les agents titulaires et les contractuels, alors que la Haute juridiction contrôle désormais le respect du principe d’égalité entre des fonctionnaires et des agents contractuels (C.E., 12 avril 2022, Fédération Sud Éducation, n° 452547, au Recueil Lebon). Un placement en congé maladie d’office ne peut toutefois être prononcé, après constatation de l’état de santé de l’agent incompatible avec l’exercice de ses fonctions, que pour des motifs liés à la protection de l’agent malade et au bon fonctionnement du service.
Actualités
Enseignement scolaire
Questions communes
Enseignements
Personnels
Primes et indemnités
Personnels de direction
Personnels d’éducation et de surveillance
Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille
Personnels
Enseignement scolaire
Questions communes
Protection des élèves – Harcèlement scolaire – Respect des principes de la République – Procédure disciplinaire devant le conseil de discipline et le conseil de discipline départemental
Décret n° 2023-782 du 16 août 2023 relatif au respect des principes de la République et à la protection des élèves dans les établissements scolaires relevant du ministre chargé de l'éducation nationale
Décret n° 2023-783 du 16 août 2023 relatif à la compétence de l'équipe éducative au sein des écoles, au respect des principes de la République au lycée Comte-de-Foix en principauté d'Andorre et dans les établissements d'État relevant du ministère chargé de l'éducation nationale ainsi qu'à la composition et au fonctionnement de la commission académique
J.O.R.F. du 17 août 2023
1. Le décret n° 2023-782 du 16 août 2023 a pour but de permettre aux directeurs d'école et aux chefs d'établissement d'apporter une réponse appropriée à certains actes commis par les élèves, notamment en cas de harcèlement ou d’atteinte aux principes de la République tels que le principe de laïcité.
1.1. Dans les écoles maternelles et élémentaires du premier degré, le décret prévoit que : "Lorsque le comportement intentionnel et répété d'un élève fait peser un risque caractérisé sur la sécurité ou la santé d'un autre élève de l'école, le directeur d'école, après avoir réuni l’équipe éducative, met en œuvre (…) toute mesure éducative de nature à faire cesser ce comportement. [Il] peut, à titre conservatoire, suspendre l'accès [de l'élève à l'école] (…) pour une durée maximale de cinq jours."
À l’issue de ce délai, si l’élève persiste dans son comportement, le directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) peut demander au maire de procéder à sa radiation de l'école tandis que le directeur d’école peut, à titre conservatoire, suspendre l'accès de l'élève à l'école jusqu’à l’issue de la procédure de radiation et d’inscription dans une nouvelle école, au sein de laquelle il fera l’objet d’un suivi pédagogique et éducatif renforcé au moins jusqu'à la fin de l'année scolaire en cours (article R. 411-11-1 du code de l’éducation).
Jusqu’alors, la possibilité pour le maire de radier à titre exceptionnel un élève de primaire de son établissement était prévue par la circulaire du 9 juillet 2014 relative au règlement type départemental des écoles maternelles et élémentaires publiques (cf. T.A. Nantes, 6 octobre 1998, n° 96-2036, au Recueil Lebon ; C.A.A. Nancy, 20 octobre 2020, n° 18NC02118). Lorsque la radiation de l’élève impliquait sa réinscription dans une autre commune, celle-ci nécessitait l’accord de ses responsables légaux (cf. point 2.5 du règlement type départemental, intitulé "Les règles de vie à l'école").
1.2. Dans les collèges et lycées du second degré, le décret ajoute deux nouveaux cas pour lesquels le chef d'établissement est tenu d'engager une procédure disciplinaire (cf. article R. 421-10 du même code), à savoir, d’une part, les cas dans lesquels des élèves commettent des actes de harcèlement et, notamment, de cyberharcèlement, y compris lorsque ceux-ci sont commis à l'encontre d'élèves d’un autre établissement, et, d’autre part, les cas où un élève "commet un acte portant une atteinte grave aux principes de la République, notamment au principe de laïcité".
En parallèle, le décret renforce les mesures qui visent à garantir la sérénité de la procédure disciplinaire dans ces établissements en cas d'atteinte aux principes de la République :
– le chef d’établissement peut demander au DASEN ou à son représentant d’engager la procédure disciplinaire pour toute atteinte aux principes de la République. Le cas échéant, ces derniers pourront prononcer seuls toute sanction à l’exception de l’exclusion définitive de l’établissement (cf. article R. 511-14 du code précité) ;
– le chef d’établissement peut demander au DASEN de désigner une personne au sein des services académiques en raison de ses compétences pour siéger avec voix consultative au conseil de discipline lorsque ce dernier est saisi pour des actes portant gravement atteinte aux principes de la République, ou de présider, lui ou son représentant, ledit conseil (article R. 511-20-1 de ce même code) ;
– enfin, si le chef d’établissement, tenu engager à l’égard d’un élève une action disciplinaire pour une atteinte grave aux principes de la République, estime que la sérénité du conseil de discipline n'est pas assurée ou que l'ordre et la sécurité dans l'établissement seraient compromis, il peut saisir le conseil de discipline départemental (article R. 511-44).
Enfin, le décret procède à la clarification des dispositions encadrant les modalités de saisine et de fonctionnement applicables au conseil de discipline de l’établissement et au conseil de discipline départemental (articles R. 511-26 et D. 511-46 de ce code).
2. Le décret n° 2023-783 du 16 août 2023 prévoit, quant à lui, une application des dispositions mentionnées supra au point 1.2, relatives à l’obligation pour le chef d'établissement d’un établissement public local d'enseignement d'engager la procédure disciplinaire, à d’autres catégories d’établissements d’enseignement, notamment aux établissements d’État listés à l’article D. 211-12 du code de l’éducation.
Enseignements
Continuité pédagogique – Établissements publics locaux d’enseignement – Établissements d’enseignement privés sous contrat
Décret n° 2023-738 du 9 août 2023 portant diverses dispositions relatives à l'organisation de la continuité pédagogique au sein des établissements publics locaux d'enseignement et des établissements d'enseignement privés sous contrat relevant du ministère chargé de l'éducation nationale
J.O.R.F. du 10 août 2023
La priorité ministérielle à la rentrée scolaire de septembre 2023 portant sur la continuité et la qualité des services d'enseignement a débouché, outre sur le nouveau dispositif de remplacement de courte durée dans les établissements d'enseignement du second degré fixé par le décret n° 2023-732 du 8 août 2023, sur la nécessité d'intégrer la "continuité pédagogique" dans les objectifs des établissements scolaires et les missions des chefs d'établissement.
Ce décret n° 2023-738 du 9 août 2023 modifie tout d'abord l’article R.421-4 du code de l’éducation en intégrant la continuité pédagogique dans le contrat d'objectifs conclu entre l'établissement public local d’enseignement (E.P.L.E.), le recteur et, le cas échéant, la collectivité territoriale de rattachement.
Il étend ensuite les compétences du chef d'établissement des établissements publics d'enseignement du second degré et des établissements d'enseignement privés sous contrat en matière de définition des modalités d'organisation de la continuité pédagogique en cas d'absence d'un enseignant (modification du 2° de l'article R.421-10 et des articles R.442-39 et R.442-55 du code de l’éducation).
Ce texte vise ainsi à assurer la gestion du remplacement à l’échelle de l’établissement en s’appuyant sur les chefs d’établissement. L’insertion de la continuité pédagogique dans le contrat d’objectifs suppose en effet la définition d’objectifs à atteindre pour chaque établissement qui seront mesurés par des indicateurs. Cette contractualisation a, en outre, pour but de renforcer les moyens mis à disposition des établissements pour remplacer les heures d’enseignement non assurées.
Continuité pédagogique – Remplacement de courte durée – Enseignement du second degré – Pacte enseignant
Décret n° 2023-732 du 8 août 2023 relatif au remplacement de courte durée dans les établissements d'enseignement du second degré
J.O.R.F. du 9 août 2023
Dans le cadre de la mise en œuvre du "pacte enseignant" à compter de la rentrée scolaire de septembre 2023, ce décret définit les modalités d'organisation du remplacement de courte durée des professeurs absents afin de réduire l’impact des absences prévisibles sur les apprentissages tout en assurant la continuité pédagogique. Ce dispositif de remplacement de courte durée est mis en œuvre sans préjudice de l'application du dispositif de remplacement prévu par le décret du 17 septembre 1999 relatif à l'exercice des fonctions de remplacement dans les établissements d'enseignement du second degré.
L’objectif est d’assurer "effectivement" les heures prévues par l’emploi du temps des élèves en cas d’absence "de courte durée" des personnels enseignants, soit inférieures ou égales à 15 jours (article 1er du décret du 8 août 2023).
Les remplacements de courte durée sont prioritairement assurés sous forme d'enseignements. Toutefois, pour assurer effectivement les heures prévues à l'emploi du temps des élèves, des séquences pédagogiques peuvent être organisées au moyen d'outils numériques. Ces séquences pédagogiques peuvent être encadrées par des assistants d'éducation.
D’une part, ce décret permet l'application de l’article L. 912-1 du code de l’éducation selon lequel les enseignants contribuent à la continuité de l’enseignement, sous l’autorité du chef d’établissement, en assurant des enseignements complémentaires. À cet égard, le décret prévoit l’élaboration et la mise en œuvre par le chef d’établissement, en concertation avec les équipes pédagogiques et éducatives, d’un plan annuel visant à assurer les remplacements de courte durée des personnels enseignants (articles 2 et 3).
D’autre part, ce décret prévoit que pour la mise en œuvre de ce plan annuel, sont sollicités en priorité les enseignants qui se sont engagés, sur la base du volontariat, à assurer un volume horaire de remplacements de courte durée durant l’année scolaire (articles 6 et 7).
Personnels
Primes et indemnités
Pacte enseignant – Indemnité de suivi et d’orientation des élèves – Indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves – Création d’une part fonctionnelle
Décret n° 2023-627 du 19 juillet 2023 portant création d'une part fonctionnelle au sein de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves et de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves
J.O.R.F. du 20 juillet 2023
Le décret du 19 juillet 2023 portant création d'une part fonctionnelle au sein de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE) et de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE) est l’une des modalités de mise en œuvre du "pacte enseignant" qui a pour objet de revaloriser la rémunération des personnels enseignants.
En premier lieu, les personnels enseignants du premier degré exerçant dans les écoles maternelles et élémentaires ainsi que dans des établissements spécialisés perçoivent l’ISAE, instituée par le décret du 30 août 2013, liée à l'exercice effectif des fonctions enseignantes et de direction y ouvrant droit, en particulier au suivi individuel et à l'évaluation pédagogique des élèves, au travail en équipe et au dialogue avec les familles.
À cette part fixe s’ajoutent désormais une ou plusieurs parts fonctionnelles pour les personnels enseignants du premier degré qui accomplissent sur la base du volontariat au titre d'une année scolaire, dans une école ou un collège, une ou plusieurs "missions complémentaires".
Il existe deux catégories de missions complémentaires précisées par l'article 1-2 de l’arrêté ministériel du 30 août 2013 fixant les montants de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves instituée au bénéfice des personnels enseignants du premier degré.
Les premières sont des missions d'enseignement ou à caractère pédagogique assurées en présence des élèves et pour lesquelles le volume horaire est fixé par arrêté, qui prennent la forme de soutien ou d'approfondissement en mathématiques et en français en classe de sixième, d’intervention dans les dispositifs “devoirs faits”, “stages de réussite” et “école ouverte” et de soutien aux élèves rencontrant des difficultés dans les savoirs fondamentaux.
Les secondes sont des missions d'accompagnement et d'orientation des élèves ou des missions d'innovation pédagogique effectuées au cours de l'année scolaire qui consistent en des appuis à la prise en charge d'élèves à besoins particuliers et des actions de coordination et de prise en charge des projets d'innovation pédagogique.
L'inspecteur de l'éducation nationale de circonscription arrête pour chaque école, en fonction des besoins du service, les missions complémentaires qu'il prévoit de confier ainsi que leurs modalités de mise en œuvre, sur proposition des directeurs d'école et après consultation du conseil des maîtres. L'engagement à réaliser ces missions donne lieu à une lettre de mission.
En second lieu, les personnels enseignants du second degré exerçant dans les établissements scolaires du second degré ainsi que dans des établissements spécialisés perçoivent quant à eux l’ISOE, instituée par le décret du 15 janvier 1993, qui comprend une part fixe liée à l'exercice effectif des fonctions enseignantes y ouvrant droit, en particulier au suivi individuel et à l'évaluation des élèves, comprenant notamment la notation et l'appréciation de leur travail et la participation aux conseils de classe, et une ou, à titre exceptionnel, plusieurs parts modulables liées à l'exercice effectif des fonctions de professeur principal ou de professeur référent.
Cette indemnité comporte désormais également une ou plusieurs parts fonctionnelles au bénéfice des personnels enseignants du second degré qui accomplissent au sein d'un établissement d'enseignement du second degré, sur la base du volontariat et au titre d'une année scolaire, une ou plusieurs missions complémentaires.
Ces missions complémentaires, précisées par l'article 2-2 de l’arrêté ministériel du 15 janvier 1993, fixant les montants de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves instituée en faveur des personnels enseignants du second degré, sont de deux ordres.
Les premières sont des missions d'enseignement ou à caractère pédagogique assurées en présence des élèves et pour lesquelles le volume horaire est fixé par arrêté. Elles consistent notamment en des remplacements de courte durée, des interventions dans le cadre des dispositifs “devoirs faits”, "stages de réussite” et “école ouverte” ainsi que dans celui de la découverte des métiers au bénéfice des collégiens.
Les secondes sont des missions d'accompagnement ou d'orientation des élèves, ou des missions d'innovation pédagogique effectuées au cours de l'année scolaire qui peuvent prendre la forme d’appui à la prise en charge d'élèves à besoins particuliers et de coordination et de prise en charge des projets d'innovation pédagogique.
Le chef d'établissement présente pour avis au conseil d'administration, après avis du conseil pédagogique, les missions complémentaires qu'il prévoit de confier ainsi que leurs modalités de mise en œuvre au sein de l'établissement. L'engagement à réaliser ces missions donne lieu à une lettre de mission.
Personnels de direction
Directeur d’école – Missions – Conditions de nomination et d’exercice des fonctions
Décret n° 2023-777 du 15 août 2023 relatif aux directeurs d’école
J.O.R.F. du 15 août 2023
Ce décret du 14 août 2023, pris en application de l’article L. 411-2 du code de l'éducation modifié par la loi du 21 décembre 2021 créant la fonction de directrice ou de directeur d'école, a pour objet de définir, d’une part, les missions de ces personnels et, d’autre part, de préciser les conditions de leur nomination et d’exercice de leurs fonctions. Il se substitue au décret du 24 février 1989 qu’il abroge.
S’agissant des missions des directeurs d’école, les nouveaux articles R. 411-10 à R. 411-18 du code de l’éducation, placés dans une section dédiée de la partie réglementaire du code de l’éducation, prévoient notamment qu’ils ont "autorité sur l'ensemble des personnes présentes dans l'école pendant le temps scolaire" (article R. 411-10) et qu’ils prennent "toutes dispositions, en liaison avec les autorités administratives compétentes, pour assurer la sécurité des personnes et des biens, l'hygiène et la salubrité de l'école sur le temps scolaire" (article R. 411-14).
S’agissant des conditions de leur nomination et d’exercice de leurs fonctions, les articles 3 à 14 du décret du 14 août 2023 prévoient notamment que les directeurs d’école sont recrutés par la voie d'une liste d’aptitude départementale, sur laquelle ne peuvent être inscrits que les instituteurs et professeurs des écoles qui justifient de trois années d’enseignement ou d’une année minimum d’exercice de la fonction de directeur d’école, à condition d'avoir suivi une formation à la fonction de directeur d’école.
L’article 4 prévoit par ailleurs, pour l'avancement des directeurs d'école au sein de leurs corps respectifs, un dispositif de bonification d’ancienneté de trois mois par année de services accomplis dans les fonctions de directeur d’école.
Personnels d’éducation et de surveillance
Accompagnants des élèves en situation de handicap – Conditions de recrutement en contrat à durée indéterminée
Décret n° 2023-597 du 13 juillet 2023 modifiant le décret n° 2014-724 du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement et d'emploi des accompagnants des élèves en situation de handicap
J.O.R.F. du 14 juillet 2023
Par l’article 1 de la loi du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation, le législateur a modifié l’article L. 917-1 du code de l’éducation pour ouvrir la possibilité de recruter en contrat à durée indéterminée les accompagnants d'élèves en situation de handicap (A.E.S.H.) ayant exercé pendant trois à six ans et a renvoyé à un décret le soin de préciser les conditions de mise en œuvre de ces dispositions.
Le décret du 13 juillet 2023, pris en application de cette loi du 16 décembre 2022, modifie notamment les articles 3 et 6 du décret du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement des A.E.S.H., en précisant qu’à compter de son entrée en vigueur le 1er septembre 2023, les A.E.S.H. ayant exercé pendant une durée de trois ans peuvent désormais, au moment de leur renouvellement, se voir proposer un contrat à durée indéterminée conclu par le recteur d’académie.
Pour l’appréciation de la durée de trois ans d’exercice, le décret précise, d’une part, que les services accomplis à temps incomplet et à temps partiel sont assimilés à des services à temps complet, y compris pour les contrats arrivés à échéance le 1er septembre 2023, date d’entrée en vigueur du décret, et, d’autre part, que les services accomplis de manière discontinue sont pris en compte, sous réserve que la durée des interruptions n'excède pas quatre mois.
Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille
Personnels
Conditions d’emploi et de rémunération des maîtres délégués exerçant dans les établissements privés sous contrat – Sanctions disciplinaires applicables aux maître contractuels et agréés
Décret n° 2023-733 du 8 août 2023 relatif aux maîtres de l’enseignement privé
J.O.R.F. du 9 août 2023
Ce décret du 8 août 2023 modifie les articles R. 914-57 et R. 914-58 du code de l’éducation relatifs aux conditions de recrutement, d'emploi, d'évaluation et de rémunération des maîtres délégués nommés en remplacement des maîtres contractuels ou agréés, en permettant notamment leur recrutement pour une durée indéterminée dans des conditions similaires à celles prévues à l’article L. 332-4 du code général de la fonction publique.
Le texte procède également à l’harmonisation du régime des sanctions disciplinaires des maîtres contractuels et agréés en l’alignant sur celui qui s'applique aux fonctionnaires.
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Ont participé à ce numéro : Bertille Avot, Simon Barthelemy, Cédric Benoit, Louise Benoit, Camille Dasset, Philippe Dhennin, Isaure Ferran, Stéphanie Frain, Alexandra Gaudé, Hugo-Pierre Gausserand, Dimitri Gazeyeff, Calixthe Girod, Julien Hée, Carla-Mary Hennion, Chloé Hombourger, Alexandre Jamet, Jean Laloux, Alexandra Lecomte, Chloé Lirzin, Joffrey Mercier, Pauline Ozenne, Clémence Paillet-Augey, Inès Paris, Sarah Périé-Frey, Marion Puget, Lucie Saccani, Virginie Simon, Baptiste Soubrier, Marlène Spinhirny, Juliette Uzabiaga, Henrick Yerbe, Dana Zeitoun
N° ISSN : 1265-6739