La Lettre d’information juridique n° 229 – mars 2024
Lettre de la direction des affaires juridiques du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche
Éditorial
La discipline des agents publics est un terrain propice au contentieux. Par sa nature même, d’abord : mesure particulièrement défavorable, la sanction disciplinaire tend, a fortiori lorsqu’elle est parmi les plus lourdes, à être systématiquement contestée devant le juge. Par son strict encadrement juridique, ensuite : précisément parce qu’elle conduit au prononcé de sanctions pouvant avoir une incidence grave sur la carrière des agents publics, la procédure disciplinaire voit des exigences rigoureuses peser sur l’administration qui la conduit.
Le Conseil d’État a eu l’occasion, en fin d’année dernière, d’éclairer doublement ce contentieux.
D’une part, il confirme qu’en cas de suspension en référé d’une sanction disciplinaire que le juge regarderait, en urgence, comme disproportionnée, l’administration peut, sans attendre le jugement au fond et sans renoncer pour autant à défendre la première sanction qu’elle a prise, édicter une nouvelle sanction, plus faible, à l’égard de son agent. Si la requête au fond contre la première sanction est finalement rejetée, il lui appartiendra de choisir, entre les deux sanctions prononcées, celle qu’elle maintient et de retirer l’autre.
D’autre part, le Conseil d’État précise le cadre de la procédure contradictoire, dans lequel l’administration est tenue de mettre l’agent poursuivi à même de consulter son dossier. Ce dossier, qui n’est pas le dossier administratif de l’agent, est constitué pour les besoins de la procédure, à partir de l’ensemble des éléments utiles à celle-ci. L’administration doit notamment y inclure, le cas échéant, le rapport d’inspection qui a permis de caractériser les faits, et les témoignages qui peuvent y être annexés. Le Conseil d’État précise néanmoins que cette obligation de transmission ne s’étend qu’aux documents dont l’administration dispose effectivement, et que l’administration peut choisir d’anonymiser les témoignages dont la communication intégrale présenterait un risque avéré de préjudice pour leurs auteurs ; cela peut notamment être le cas des élèves ayant témoigné sur le comportement de leur professeur. Surtout, le Conseil d’État précise, au stade du contentieux, qu’il appartient au juge, non de censurer toute procédure dans laquelle aurait manqué l’un ou l’autre document, mais de s’assurer, au vu de l'ensemble des éléments qui ont été communiqués à l'agent, que celui-ci n’a pas été privé de la garantie d'assurer utilement sa défense.
Cette appréciation d’ensemble, indispensable au regard du caractère a priori indéfini du dossier devant être communiqué, permet d’assurer l’équilibre entre la protection qu’offre la procédure disciplinaire et la capacité d’action que doit conserver l’administration. Elle n’affectera probablement pas – et c’est normal – les flux contentieux en la matière, mais en en régulant la part de débat procédural, elle les recentrera peut-être un peu sur le bien-fondé des sanctions disciplinaires.
Guillaume Odinet
Jurisprudence
Principes généraux
École inclusive
C.E., 29 décembre 2023, Association S.O.S. Éducation et association Juristes pour l’enfance, n° 463697 et n° 467769
Enseignement scolaire
Questions communes
C.E., 28 décembre 2023, Association France Audace, n° 447946
Inscription des élèves
C.E., 8 décembre 2023, Commune de Ris-Orangis, n° 441979, aux tables du Recueil Lebon
Enseignements
C.E., 8 décembre 2023, Syndicat Action et démocratie et association Pagestec, n° 474146 et n° 474148
Enseignement supérieur et recherche
Formations de santé
C.E., 29 décembre 2023, Association PASS LAS 21, n° 469479
Stages
C.E., 29 décembre 2023, n° 470286
Bourses sur critères sociaux
T.A. Bordeaux, 14 décembre 2023, n° 2203758
Logement
C.E., 29 décembre 2023, CROUS de Paris, n° 488337, aux tables du Recueil Lebon
Examens, concours et diplômes
Titres et diplômes donnant accès à une profession réglementée
T.A. Rennes, 21 décembre 2023, n° 2202779
Personnels
Affectation et mutation
T.A. Versailles, 7 décembre 2023, nos 2106473, 2203320 et 2303083
T.A. Rennes, 6 décembre 2023, n° 2106063
Autres congés
C.E., 3 novembre 2023, n° 465818, aux tables du Recueil Lebon
Retenues pour absence de service fait
T.A. Amiens, 14 novembre 2023, n° 2103766
Primes et indemnités
C.E., 14 décembre 2023, n° 473265 et n° 473276
T.A. Montreuil, 13 novembre 2023, C.G.T. Éduc'Action de Seine-Saint-Denis, n° 2114902
Sanctions
C.E., Section, 22 décembre 2023, Ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports c/ M. X, n° 462455, au Recueil Lebon
Abandon de poste
C.E., 3 novembre 2023, n° 461537, aux tables du Recueil Lebon
Nomination
T.A. Paris, 1er décembre 2023, n° 2200070
Licenciement – Non-renouvellement d’engagement
C.A.A. Versailles, 30 novembre 2023, n° 21VE00884
Personnels enseignants
C.E., 22 décembre 2023, n° 472661
Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille
Déclaration – Autorisation
T.A. Paris, 8 novembre 2023, n° 2223170
Responsabilité
Mise en cause de la responsabilité de l’administration
Cass. crim., 5 décembre 2023, n° 22-87.459, au Bulletin
Commande publique, constructions et domanialité
Exécution des marchés
C.A.A. Toulouse, 19 décembre 2023, Société X Technologies, n° 22TL00596
Procédure contentieuse et questions de droit civil et pénal appliquées au droit de l’enseignement
Questions communes
C.E., 20 décembre 2023, n° 468551 et n° 468665
C.E., 20 décembre 2023, n° 468552 et n° 468666
Informatique et libertés
Collecte de données sensibles
C.E., 20 décembre 2023, Association Act Up-Paris, n° 468295, aux tables du Recueil Lebon
Accès aux documents administratifs
Autres motifs
C.E., Section, 13 novembre 2023, n° 466958, aux tables du Recueil Lebon
Principes généraux
École inclusive
- Prise en compte des questions relatives à l’identité de genre en milieu scolaire – Utilisation du prénom choisi par l’élève transgenre – Espaces d’intimité
C.E., 29 décembre 2023, Association S.O.S. Éducation et association Juristes pour l’enfance, n° 463697 et n° 467769
Par une décision du 29 décembre 2023, le Conseil d’État a rejeté deux recours dirigés contre la circulaire du 29 septembre 2021 portant lignes directrices à l'attention de l'ensemble des personnels de l'éducation nationale, intitulée "Pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l'identité de genre en milieu scolaire".
Une première requête tendant à l’annulation de cette circulaire, qui se prévalait de la méconnaissance de l’article 1er de la loi du 6 fructidor an II, aux termes duquel : "Aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance (...)", et de l’article 4 de cette même loi, avait déjà été rejetée par le Conseil d’État (C.E., 28 septembre 2022, n° 458403, aux tables du Recueil Lebon). À cette occasion, le Conseil d’État avait jugé que : "En préconisant (…) l'utilisation du prénom choisi par les élèves transgenres dans le cadre de la vie interne des établissements [tout en précisant que seul le prénom inscrit à l'état-civil doit être pris en compte pour le suivi de la notation des élèves dans le cadre du contrôle continu pour les épreuves des diplômes nationaux], la circulaire attaquée, qui a entendu contribuer à la scolarisation inclusive de tous les enfants conformément [à] l'article L. 111-1 du code de l'éducation, n'a pas méconnu les dispositions des articles 1er et 4 de la loi du 6 fructidor an II."
Saisi par deux associations qui demandaient l’abrogation de la circulaire, le Conseil d’État a tout d’abord jugé, s’agissant de sa légalité externe, que le moyen tiré de ce que cette dernière aurait dû être soumise à la consultation du Conseil supérieur de l’éducation n’était pas fondé dès lors que celle-ci ne soulevait aucune "question d’intérêt national concernant l’enseignement ou l’éducation au sens des dispositions de l'article L. 231-1 du code de l’éducation".
Comme l’a souligné le rapporteur public dans ses conclusions sur cette décision (accessibles sur ArianeWeb), un tel moyen devait être écarté "au regard de [la] jurisprudence restrictive sur le champ de compétence de cette instance que rappelait la présidente Vialettes dans ses conclusions sous votre décision SNES du 7 octobre 2015 (n° 386436, aux [tables du Recueil Lebon]), en soulignant que sa consultation s’imposait "lorsque sont en cause des projets de textes soulevant des questions éducatives ou pédagogiques d’une certaine importance", mais pas "lorsque le projet de texte ne concerne que des questions d’organisation ou de fonctionnement du service public de l’éducation"".
Outre le moyen tiré de la méconnaissance de la loi du 6 fructidor an II, les associations requérantes soutenaient notamment que la circulaire, en ce qu’elle préconisait l’utilisation du prénom d’usage choisi par les élèves transgenres dans le cadre de la vie interne des établissements, méconnaissait les dispositions des articles 60, 61 et 61-5 du code civil instaurant les procédures de changement de prénom et de modification de la mention du sexe à l’état civil.
Le Conseil d’État a écarté ce moyen dès lors que les recommandations de la circulaire contestée étaient "sans incidence sur les mentions portées à l’état civil". Le Conseil d’État a également écarté les moyens tirés de ce qu’une telle préconisation serait entachée d’erreur manifeste d’appréciation et porterait illégalement atteinte à l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant résultant de l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant et des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
Le Conseil d’État a jugé, en outre, que "les termes de la circulaire litigieuse recommandant aux personnels de l'éducation nationale de veiller à l'emploi du prénom d'usage de l'élève transgenre, avec l'accord de ses représentants légaux lorsqu'il est mineur, ne sont pas de nature à porter une atteinte illégale à la liberté de conscience des enseignants, des élèves ou de leurs parents. Ils ne méconnaissent pas, en tout état de cause, le principe de neutralité des services publics, pas davantage que l'autorité parentale."
Enfin, le Conseil d’État a jugé que la circulaire, en ce qu’elle "se borne à identifier différentes options susceptibles d’être envisagées par les établissements concernant l’usage des espaces d’intimité par les élèves transgenres dans le but de tenir compte des préoccupations exprimées par ces élèves" et à les présenter comme "devant être adaptées aux circonstances particulières de l’établissement, en fonction notamment de la disponibilité des lieux, et mises en œuvre en concertation avec l’ensemble des élèves concernés", ne saurait, "en tout état de cause, porter atteinte au droit des autres élèves au respect de leur vie privée et de leur intimité ainsi qu’au devoir des parents, au titre de l’autorité parentale, de protéger, dans leur intérêt, leurs enfants".
ll a, par ailleurs, écarté le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité, une telle circulaire visant précisément à prendre en compte la situation particulière des élèves transgenres.
Enseignement scolaire
Questions communes
- Ressources référencées sur Éduscol – Décision faisant grief (non)
C.E., 28 décembre 2023, Association France Audace, n° 447946
Une association demandait au Conseil d’État l’annulation de la décision implicite par laquelle le ministre chargé de l’éducation nationale avait refusé de retirer du site Éduscol des références à des sites Internet traitant de l’éducation des jeunes à la sexualité, ayant notamment vocation à offrir aux enseignants des ressources pour aborder cette thématique en classe.
L’association requérante soutenait en particulier que certains sites Internet mentionnés sur une liste de ressources figurant sur Éduscol pouvaient avoir sur les élèves des effets négatifs en contribuant à la diffusion de messages et d’images à caractère pornographique, diffusion prohibée par le code pénal et méconnaissant le principe de sauvegarde de la dignité humaine et le droit à l’éducation des parents.
Le Conseil d’État a jugé la requête irrecevable en retenant que "les références contestées (…) figurent sur le site internet Éduscol, au sein de la rubrique "éducation à la sexualité", dans un fichier devant être préalablement téléchargé, lequel comporte une liste d’ouvrages suivie d’une liste de sites Internet rendus accessibles au moyen de liens hypertextes (…)" et que : "Une telle liste [de sites Internet], qui n’est accompagnée d’aucun commentaire, a seulement un objet informatif. Elle est dépourvue de tout caractère impératif et ne peut être regardée, en l’espèce, comme ayant par elle-même des effets notables sur les droits ou la situation des personnes auxquelles cette information est destinée. Dès lors, le ministre chargé de l'éducation nationale est fondé à soutenir que sa décision refusant d'abroger certaines des références qui y sont mentionnées ne fait pas grief, de sorte qu'elle est insusceptible de recours."
N.B. : Dans une décision du 15 octobre 2014, le Conseil d’État avait au contraire estimé que "contient des dispositions impératives à caractère général, lesquelles sont susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir", une lettre du ministre chargé de l’éducation nationale invitant les recteurs à "relayer avec la plus grande énergie au début de l’année" la campagne de communication d’une association (C.E., 15 octobre 2014, Confédération nationale des associations familiales catholiques, n° 369965, aux tables du Recueil Lebon).
Inscription des élèves
- Scolarisation – Inscription d’un enfant dans une école de la commune – Compétence du maire exercée au nom de la commune
C.E., 8 décembre 2023, Commune de Ris-Orangis, n° 441979, aux tables du Recueil Lebon
Par une décision du 8 décembre 2023, le Conseil d’État a été amené à se prononcer sur la répartition des compétences entre l'État et la commune en matière de scolarisation dans les écoles maternelles et élémentaires.
Après avoir rappelé qu’en vertu de l'article L. 2121-30 du code général des collectivités territoriales, reproduit à l'article L. 212-1 du code de l'éducation : "Le conseil municipal décide de la création et de l'implantation des écoles et classes élémentaires et maternelles d'enseignement public après avis du représentant de l'État dans le département", et qu’aux termes de l'article L. 212-7 du code de l'éducation : "Dans les communes qui ont plusieurs écoles publiques, le ressort de chacune de ces écoles est déterminé par délibération du conseil municipal", le Conseil d’État en déduit que "lorsque le maire dresse, en application des articles L. 131-1, L. 131-5 et L. 131-6 du code de l'éducation, la liste des enfants résidant sur le territoire de sa commune qui sont soumis à l'obligation scolaire, il agit au nom de l'État. En revanche, il agit au nom de la commune lorsqu'il décide de l'inscription d'un enfant dans une école de la commune en fonction de la sectorisation définie par délibération du conseil municipal et délivre le certificat d'inscription qui indique l'école que l'enfant doit fréquenter." (Point 8.)
N.B. : Depuis la loi du 13 août 2004, l'article L. 212-7 du code de l’éducation donne compétence au conseil municipal pour déterminer le ressort des écoles de la commune. Auparavant, cette compétence appartenait au maire, ce qui avait conduit le Conseil d’État à juger que le maire, en désignant aux enfants l’école qu’ils devaient fréquenter, agissait au nom de l’État (C.E., 28 mai 1986, Époux X et autres et maire de la commune de Châtillon-le-Duc, nos 39775 et 47115, aux tables du Recueil Lebon).
Dans une précédente décision du 19 décembre 2018, le Conseil d’État avait rappelé que le maire agissait au nom de l’État lorsqu’il dressait la liste des enfants résidant sur le territoire de sa commune soumis à l'obligation scolaire, et que les décisions prises dans l'exercice de cette compétence ne pouvaient, par suite, engager que la responsabilité de l'État (C.E., 19 décembre 2018, Commune de Ris-Orangis, n° 408710, aux tables du Recueil Lebon, LIJ n° 206, mai 2019).
Enseignements
- Enseignements dispensés dans les collèges – Remplacement d’un enseignement commun par un enseignement complémentaire – Suppression de l’enseignement de technologie en sixième
C.E., 8 décembre 2023, Syndicat Action et démocratie et association Pagestec, n° 474146 et n° 474148
Une organisation syndicale et une association d’enseignants demandaient au Conseil d’État d’annuler les deux arrêtés du 7 avril 2023 (cf. J.O.R.F. du 13 avril 2023) prévoyant, à compter de la rentrée scolaire 2023, la suppression de l’heure hebdomadaire de technologie pour les élèves de sixième et son remplacement par une heure de soutien ou d'approfondissement en français ou en mathématiques.
Les requérants soutenaient notamment, au titre de la légalité interne des arrêtés attaqués, que ces derniers méconnaissaient l’article L. 121-7 du code de l’éducation, aux termes duquel : "La technologie est une des composantes fondamentales de la culture. Les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur relevant des ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture assurent un enseignement de technologie", l’article L. 332-5 du même code, qui dispose que : "La formation dispensée à tous les élèves des collèges comprend obligatoirement (…) une initiation technologique (…)", ainsi que les dispositions relatives aux enseignements dispensés dans les collèges au nombre desquelles figure notamment l’article L. 332-3 du même code qui prévoit que : "Les collèges dispensent un enseignement commun, réparti sur quatre niveaux successifs. À chacun d'entre eux, des enseignements complémentaires peuvent être proposés afin de favoriser l'acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture (…)."
Le Conseil d’État a écarté l’ensemble de ces moyens et rejeté les requêtes. Il a ainsi jugé que "[les] dispositions [en cause], qui se bornent à prévoir, en premier lieu que la durée de la scolarité au collège se déroule sur quatre niveaux successifs, en deuxième lieu que les éléments du socle commun de connaissances, de compétences et de culture mentionné à l'article L. 332 3 du code de l'éducation, qui (…) ne porte pas sur les disciplines qui doivent être enseignées mais identifie les connaissances et compétences qui doivent être acquises à l'issue de la scolarité obligatoire, doivent faire l'objet d'une acquisition progressive, en troisième lieu que tous les élèves de collège doivent bénéficier d'un enseignement de technologie, d'une part, n'imposent pas que cet enseignement soit dispensé à chacun des quatre niveaux du collège, d'autre part, ne s'opposent pas non plus à ce que le pouvoir réglementaire supprime une heure d'enseignement relevant de l'enseignement commun pour la remplacer par une heure d'enseignement relevant des enseignements complémentaires". (Point 10.)
Enseignement supérieur et recherche
Formations de santé
- Accès au premier cycle des études de santé – Modalités d’admission des étudiants en 2e année – Compétence et délégation du pouvoir réglementaire
C.E., 29 décembre 2023, Association PASS LAS 21, n° 469479
L’association PASS LAS 21 demandait au Conseil d’État d’annuler le refus implicite de la Première ministre d’abroger le décret du 4 novembre 2019 relatif à l’accès aux formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique et l’arrêté du même jour des ministres chargés de l’enseignement supérieur, de la santé et des armées, qui le complète, pris pour l’application de l’article L. 631-1 du code de l’éducation.
Par sa décision du 29 décembre 2023, le Conseil d’État a, pour l’essentiel, écarté les griefs remettant en cause le bien-fondé de cette réforme. Ce n’est qu’au regard des règles de compétence et de délégation du pouvoir réglementaire qu’il a partiellement fait droit à la demande de l’association.
S’agissant des épreuves du premier groupe, il a en particulier jugé que l’article R. 631-1-2 du code de l’éducation pouvait légalement prévoir que "le jury détermine les notes minimales autorisant les candidats non admis immédiatement après le premier groupe d’épreuves à se présenter au second groupe d’épreuves".
Il a également jugé que le pouvoir réglementaire pouvait prévoir que les épreuves du premier groupe "ne portent pas que sur des unités d’enseignement relevant du domaine de la santé", afin de garantir la diversité des parcours des étudiants. De plus : "Si ces épreuves [étaient] constituées de certaines des épreuves des unités d’enseignement des [licences "accès santé" (LAS)] et proc[édaient], par suite, de l’évaluation de discipline différentes selon les mentions des LAS dont rel[evaient] les étudiants, il n’en résult[ait] pas que les étudiants d’un même groupe de parcours ainsi constitué soient soumis à des épreuves du premier groupe d'une nature différente", de sorte qu’aucune atteinte au principe d’égalité ne pouvait être reprochée.
Le Conseil d’État a, par ailleurs, écarté le moyen tiré de la méconnaissance de ce même principe d’égalité entre les candidats issus d’un "parcours d'accès spécifique santé" (PASS) et ceux issus d’une licence "accès santé" (LAS). Ces étudiants se trouvant dans des situations différentes, il a jugé que "les règles particulières les régissant, notamment celles relatives au régime du redoublement, qui n'est pas autorisé en PASS, et à l'attribution d'un nombre de places distinct selon les parcours de formation, ce qui peut, en pratique, conduire à des taux de sélection différents, [étaient] en rapport direct avec l'objet de la norme qui les établi[ssait] et [n'étaient] pas manifestement disproportionnées au regard de l'objectif tenant à garantir la diversité des parcours des étudiants".
Cependant, après avoir rappelé que l’article L. 631-1 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2019, renvoie désormais, non à un arrêté, mais à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les "conditions et modalités d’admission des étudiants en deuxième année du premier cycle des études de santé", le Conseil d’État a retenu que l’article 12 de l’arrêté en litige du 4 novembre 2019 était entaché d’incompétence dès lors qu’il précisait la teneur et les modalités des épreuves du second groupe devant être réussies, alors qu’en tout état de cause ne figurait dans l’article R. 631-1-2 du code de l’éducation, issu du décret du 4 novembre 2019, aucune habilitation donnée aux ministres de l’enseignement supérieur et de la santé pour préciser de telles règles.
De même, le Conseil d’État, s’appuyant sur sa jurisprudence antérieure, a rappelé que lorsque le pouvoir réglementaire délègue sa compétence à une tierce autorité, il lui revient d’encadrer avec suffisamment de précision cette délégation (cf. C.E., 27 mai 1991, W.W.F. Suisse et autres, n° 104723 et autres, au Recueil Lebon). En l’espèce, il a jugé que les dispositions de l’article R. 631-1-2 du code de l’éducation, "[en renvoyant] purement et simplement à chaque université le soin de déterminer pour chaque parcours ou groupe de parcours de formation antérieurs "les modalités selon lesquelles les résultats aux deux groupes d'épreuves sont pris en compte pour établir les listes d’admission", soit notamment la pondération respective de chaque groupe d’épreuves, sans encadrer aucunement cette délégation" étaient entachées d’illégalité, ainsi que les dispositions de l’article 12 de l’arrêté du 4 novembre 2019 qui réitèrent ces règles.
Par suite, il a enjoint à la Première ministre et aux ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé d’abroger les seules dispositions illégales dans un délai de six mois.
Stages
- Statut de l’élève avocat – Stagiaire de la formation professionnelle (non) – Stagiaire des enseignements scolaires et universitaires (oui) – Bénéfice de la prime d’activité (non)
C.E., 29 décembre 2023, n° 470286
Un élève avocat au centre régional de formation professionnel des avocats (C.R.F.P.A.) du ressort de la cour d’appel de Versailles avait obtenu le bénéfice de la prime d’activité, dispositif social prévu à l’article L. 841-1 du code de la sécurité sociale et destiné à soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs aux ressources modestes. Pour ce faire, il avait déclaré les indemnités perçues lors de son stage au titre du projet pédagogique individuel – qui consiste en un stage en milieu professionnel, en juridiction, en administration ou en entreprise –, puis de son stage auprès d’un cabinet d’avocats.
À la suite d’un contrôle, la caisse d’allocations familiales, par une décision du 28 février 2022 confirmée le 6 mai 2022 par la commission de recours amiable, avait mis à la charge de l’intéressé un indu de prime d’activité et demandé sa restitution, au motif que la qualité d’étudiant de celui-ci faisait obstacle à son octroi, l’article L. 842-2 du code de la sécurité sociale subordonnant le droit à la prime d'activité au fait de "3° Ne pas être élève, étudiant, stagiaire, au sens de l'article L. 124-1 du code de l'éducation, (...)".
Par un jugement du 9 novembre 2022, le tribunal administratif d’Orléans avait rejeté la requête tendant à l’annulation de la décision précitée du 6 mai 2022, retenant que cet élève avocat devait être regardé comme un étudiant au sens de l’article L. 124-1 du code de l’éducation.
Saisi en cassation, le Conseil d’État a confirmé ce jugement en clarifiant le statut des élèves avocats.
Faisant une lecture combinée des dispositions du code de la sécurité sociale relatives à la prime d’activité, de l’article L. 124-1 du code de l’éducation et de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, le Conseil d’État a estimé que : "Les élèves avocats, lorsqu'ils effectuent un stage au titre de leur formation, assurée par un centre régional de formation professionnelle d'avocats, en vue d'obtenir le certificat d'aptitude à la profession d'avocat, doivent être regardés, pour l'application du 3° de l'article L. 842-2 du code de la sécurité sociale, comme des stagiaires au sens des dispositions de l'article L. 124-1 du code de l'éducation, sauf lorsqu'ils ont la qualité de stagiaires de la formation professionnelle continue."
Il a ajouté que "la prime d'activité est destinée aux travailleurs et non aux étudiants", de sorte que les élèves avocats "ne peuvent par conséquent bénéficier de la prime d'activité, sauf lorsque leurs revenus professionnels, excluant les gratifications de stage, excèdent mensuellement, pour chacun des trois mois précédant l'examen ou le réexamen périodique du droit, le plafond de rémunération mentionné au [2° de l’article L. 512-3 du code de la sécurité sociale] ou lorsqu'ils ont la qualité de stagiaires de la formation professionnelle continue, dès lors qu'ils remplissent par ailleurs l'ensemble des conditions d'ouverture des droits".
Pour assimiler la situation des élèves avocats à des étudiants au sens de l’article L. 124-1 précité, le Conseil d’État a notamment retenu qu’ils recevaient une formation générale de base assurée par le C.R.F.P.A., que, durant leur période de stage auprès d’un avocat, ils dépendaient juridiquement du C.R.F.P.A., et que : "[Leurs] conditions de gratification par les avocats maîtres de stage (…) lors des stages effectués dans ce cadre [étaient] fixées par l'accord professionnel du 19 janvier 2007 (…), étendu par arrêté du 10 octobre 2007. Comme l'indique son préambule, cet accord a été négocié dans le cadre, notamment, des dispositions de l'article 9 de la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, reprises en substance par les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 124-1 du code de l'éducation (…)." Aussi, à l’instar des étudiants, ils appartiennent à la catégorie des apprenants des enseignements scolaires et universitaires, y compris durant leurs périodes de formation en milieu professionnel ou en stage.
Une telle solution correspond par ailleurs à l’objectif poursuivi par le législateur lorsqu’il a créé la prime d’activité, à savoir inciter à l’exercice ou à la reprise d’une activité professionnelle sans entraîner de perte de revenus, et ce, pour éviter le phénomène de désincitation à l’activité qualifiée de "trappes à pauvreté" ou "trappes à inactivité". Le dispositif cible ainsi les catégories de travailleurs auxquelles n’appartiennent pas les étudiants ni les personnes dans une situation assimilée.
N.B. : Par cette décision, le Conseil d’État infirme l’interprétation du cadre juridique qu’avait défendue le Gouvernement à plusieurs reprises au sujet des élèves avocats en considérant que ces derniers étaient, dans toutes les hypothèses, des stagiaires de la formation professionnelle (cf. questions écrites n° 62284 et n° 62282 du 29 juillet 2014 ; question écrite n° 12898 du 7 août 2014 ; question écrite n° 16122 du 30 avril 2015).
Bourses sur critères sociaux
- Étudiants en apprentissage – Compétence du ministre pour prévoir des conditions d’attribution des bourses sur critères sociaux (oui) – Rupture d’égalité (non)
T.A. Bordeaux, 14 décembre 2023, n° 2203758
Un étudiant contestait le refus de la rectrice de région académique de lui accorder une bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux au motif qu’il était inscrit dans un master en alternance sous contrat d’apprentissage.
L’étudiant soutenait, par voie d’exception, que la circulaire ministérielle du 23 juin 2021 relative aux modalités d'attribution des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux, des aides au mérite et des aides à la mobilité internationale pour l'année 2021-2022 était entachée d’illégalité dès lors que la ministre chargée de l’enseignement supérieur avait, sans en avoir la compétence, ajouté une condition à l’article D. 821-1 du code de l’éducation et, par suite, rompu l’égalité de traitement entre les étudiants en apprentissage et les étudiants stagiaires ou salariés, percevant une rémunération à ce titre et bénéficiant d’une bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux.
Le tribunal administratif de Bordeaux a d’abord rappelé que les dispositions des articles L. 821-1 et D. 821-1 du code de l’éducation confiaient à la ministre chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche le pouvoir d’attribuer les bourses d’enseignement supérieur et l’habilitaient à prendre les dispositions nécessaires à leur répartition, ce que le Conseil d’État avait déjà implicitement jugé (cf. C.E., 13 octobre 2021, n° 434055). Il en a déduit que la ministre était "compétent[e] pour décider d’exclure, au point 4 de l’annexe 2 de cette circulaire, du droit au bénéfice d’une bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux les personnes rémunérées sous contrat d’apprentissage, une telle exclusion constituant une condition d’études au sens de l’article D. 821-1 du code de l’éducation".
Il a ensuite estimé, après avoir rappelé que le principe d’égalité ne s’opposait pas à ce que des situations différentes soient traitées de manière différente, qu’"à la différence des étudiants bénéficiant d’une activité professionnelle ou d’un stage, les étudiants en apprentissage sont rémunérés également pendant leur temps de formation et se trouvent donc dans une situation objectivement différente".
Logement
- Résidence CROUS – Modulation de la durée d’occupation des étudiants – Location à des publics prioritaires en cas de vacances – Jeux Olympiques et Paralympiques
C.E., 29 décembre 2023, CROUS de Paris, n° 488337, aux tables du Recueil Lebon
Sollicité par l’État en ce sens, le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Paris a accepté d’accueillir dans ses résidences des volontaires et partenaires des jeux Olympiques et Paralympiques à l'été 2024 et, au printemps 2023, en prévision de la campagne d’admission en résidence universitaire pour l’année universitaire 2023-2024, il a avisé par courriel les étudiants déjà logés dans certaines résidences universitaires et souhaitant s’y maintenir que leur droit d’occupation de leur logement aurait pour terme le 30 juin 2024. Dans l’hypothèse où ces étudiants souhaiteraient toutefois continuer à bénéficier d'un logement en résidence pour le reste de l’année universitaire, il leur était indiqué qu’un autre logement leur serait attribué et qu’ils bénéficieraient de facilités pour l'organisation de leur déménagement.
Une association étudiante a contesté ce courriel devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris qui, après avoir estimé qu’il révélait une décision de l’administration, en a suspendu l'exécution (cf. J.R.T.A., 31 août 2023, n° 2319295) en retenant un doute sérieux sur sa légalité au motif que cette dernière aurait été incompétemment prise par le directeur général du CROUS, alors que "[son] conseil d’administration (…) [était] seul compétent pour décider (…) de limiter, de manière générale, [ce] droit d’occupation (…)", et entachée de détournement de pouvoir, dans la mesure où le CROUS avait, en réalité, organisé la vacance des logements étudiants.
Le CROUS de Paris s’est pourvu en cassation contre cette ordonnance et, parallèlement, son conseil d’administration a adopté, le 6 novembre 2023, une délibération relative à la mise à disposition des logements inoccupés dans quatre résidences au profit des agents publics mobilisés pour les J.O. de Paris de 2024 et à l'accompagnement des étudiants concernés.
Statuant sur le pourvoi formé par le CROUS, le Conseil d’État a d’abord constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer dès lors que la décision révélée par le courriel, "ayant fait l’objet de la demande en référé présentée au tribunal administratif de Paris, n’[était], en tout état de cause, plus susceptible de produire d’effets" du fait de l’intervention de la délibération du 6 novembre.
Le Conseil d’État a néanmoins pris le soin de préciser, d’une part, qu’"aucune disposition législative ne fait obstacle à ce qu'un centre régional des œuvres universitaires et scolaires prévoie que la mise à disposition de logements étudiants, dont la durée de location ne peut excéder un an, prenne fin le 30 juin, ce qui correspond, en règle générale, à la fin de l'année de formation dispensée dans les établissements d'enseignement supérieur", et notamment pas l’article L. 631-12 du code de la construction et de l’habitation qui fixe cette durée maximale de location à un an.
D’autre part, sur le fondement de l’article L. 631-12-1 du même code, le Conseil d’État a relevé que "[si le] gestionnaire d'une résidence universitaire qui n'est pas totalement occupée [dispose de la faculté] de louer les locaux inoccupés après le 31 décembre de chaque année, pour des séjours d'une durée inférieure à trois mois s'achevant au plus tard le 1er octobre de l'année suivante (…), en particulier aux publics reconnus prioritaires par l'État au sens de l'article L. 441-1 du même code", cette disposition n’a "pas pour portée d'en réserver le bénéfice à ces [seuls] publics" et ne s'oppose pas davantage, "s'agissant de l'année universitaire 2023-2024, à ce que de tels locaux soient loués à l'État pour y loger des personnels mobilisés pour les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris de 2024".
Examens, concours et diplômes
Titres et diplômes donnant accès à une profession réglementée
- Titre de psychologue – Attestation de validation du stage professionnel – Compétence du président de l’université
T.A. Rennes, 21 décembre 2023, n° 2202779
Un étudiant, lauréat du diplôme de master en psychologie sociale du travail et des organisations, s’était vu priver de la délivrance de l’attestation de validation du stage professionnel effectué au cours de son dernier semestre de formation, requise pour être autorisé à faire usage professionnel du titre de psychologue, conformément à l'article 1er du décret du 22 mars 1990 et à l’arrêté du 19 mai 2006 relatif aux modalités d'organisation et de validation du stage professionnel prévu par ce décret.
Il a contesté devant le tribunal administratif de Rennes la délibération du jury lui décernant son diplôme, en tant que ce dernier avait refusé de lui délivrer l’attestation de validation, ainsi que la décision implicite du président du jury du master rejetant son recours gracieux et la décision de la présidente de l’université rejetant son recours hiérarchique.
Le tribunal n’a pu que constater que le requérant avait bien validé le semestre correspondant au stage professionnel requis et obtenu les notes de 14 sur 20 et 12 sur 20 pour son rapport de stage et son mémoire professionnel, l’examen des procès-verbaux de délibération du jury ne révélant pas que le stage suivi n'aurait pas répondu aux exigences fixées par l’arrêté du 19 mai 2006 susmentionné ou que le jury aurait collégialement refusé de lui remettre cette attestation.
Il en a déduit que "dès lors que le jury a[vait], par l’attribution d’une note moyenne de 13 sur 20 pour cette unité d’enseignement, validé le stage obligatoire suivi par cet étudiant, il était tenu de lui délivrer l’attestation de validation du stage prévue par la réglementation".
Il a également relevé que "dès lors que la demande qui lui était adressée par [l’étudiant] ne portait pas sur l’appréciation de ses mérites mais uniquement sur le respect de la réglementation en vigueur, la présidente de l’université (…) n’était pas fondée à lui opposer le principe de souveraineté du jury pour refuser de faire droit à son recours administratif".
Après avoir annulé l’ensemble de ces décisions, le tribunal administratif a enjoint à la présidente de l’université d’"entreprendre les diligences utiles auprès du président du jury du master (…) afin de (…) remettre [au requérant] l’attestation de validation du stage professionnel (…) dans le délai d’un mois à compter de la notification du (…) jugement".
Personnels
Affectation et mutation
- Refus de mutation – Rapprochement de conjoint – Lieu d’exercice du télétravail
T.A. Versailles, 7 décembre 2023, nos 2106473, 2203320 et 2303083
La requérante, psychologue de l’éducation nationale en poste dans une académie de l'Île-de-France, avait participé aux mouvements interacadémiques organisés pour les rentrées scolaires de septembre 2021, septembre 2022 et septembre 2023 afin de rejoindre l’académie de Rennes pour se rapprocher de son conjoint. L’intéressée faisait valoir que son époux exerçait ses fonctions en télétravail à 100 % dans leur résidence en Bretagne.
Elle demandait au tribunal administratif de Versailles d'annuler les décisions successives de refus de mutation dans l'académie de Rennes.
Le tribunal administratif a rappelé, en premier lieu, que lors de l’examen des demandes de mutation, l’administration compare l’ensemble des candidatures au regard de l’intérêt du service ainsi que, le cas échéant, des priorités instituées par l’article 60 de la loi du 11 janvier 1984 modifiée et, depuis le 1er mars 2022, par l’article L. 512-19 du code général de la fonction publique, et qu'elle tient également compte des lignes directrices de gestion.
Sur ce point, en deuxième lieu, le tribunal a considéré que les lignes directrices de gestion ministérielles des personnels du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 13 novembre 2020 puis du 25 octobre 2021 "[avaient] fixé de manière suffisamment claire et précise les orientations générales (…) en matière de mobilité des agents, notamment en ce qui concerne les demandes de mutation invoquant un rapprochement de conjoints".
Il a précisé également que si les lignes directrices de gestion du 25 octobre 2021 excluaient expressément le lieu d’exercice en télétravail du conjoint dans l’appréciation de la candidature, la circonstance qu’une telle mention ne figurait pas dans les lignes directrices de gestion du 13 novembre 2020 "ne faisait pas obstacle à ce que l’administration exclue la prise en considération du lieu d’exercice des fonctions en télétravail [dans l’appréciation de la demande présentée au titre de l’année 2021] dès lors que celui-ci, y compris lorsqu’il est accompli à 100 %, ne constitue qu’une modalité d’exercice des fonctions et non une mesure d’affectation entraînant un changement de résidence professionnelle".
En dernier lieu, selon le tribunal, le conjoint de la requérante, salarié d’une société ayant son siège social à Paris bien qu'exerçant ses fonctions en télétravail à 100 % dans la résidence du couple située en Bretagne, ne saurait être regardé comme ayant sa résidence professionnelle dans cette région.
Dans ces conditions, au regard de l’ensemble des éléments de sa candidature, notamment au regard de son ancienneté, de son expérience professionnelle et des caractéristiques du poste à pourvoir, l’administration a pu rejeter les demandes de mutation successives de l'intéressée sans entacher ses décisions d’erreur de droit et d’erreur manifeste dans "l'appréciation tant de l’intérêt du service que de la compatibilité entre ce dernier et la situation familiale de [Mme X]".
- Arrangement administratif entre la France et la Chine – Mise à disposition – Enseignants étrangers exerçant dans les sections internationales
T.A. Rennes, 6 décembre 2023, n° 2106063
Une ressortissante chinoise, mise à disposition par les autorités chinoises afin d'enseigner le chinois en France, demandait au tribunal administratif de Rennes d’annuler la décision du 8 juillet 2021 par laquelle le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse l’avait affectée dans des sections internationales d'une cité scolaire et d'un collège de l’académie de Rennes plutôt que dans des sections internationales d'une cité scolaire de l'académie de Lyon.
En premier lieu, alors que la requérante soutenait que son affectation méconnaissait les stipulations de l’arrangement administratif de décembre 2016 entre le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de la République française et le ministère de l'éducation de la République populaire de Chine, conclu pour assurer l’exécution d'un accord de coopération linguistique entre les gouvernements français et chinois du 30 juin 2015, le tribunal a considéré que cet arrangement n’ayant pas été publié, contrairement audit accord [annexé au décret du 1er octobre 2015], il était dépourvu d’effet, ce qui empêchait Mme X de s’en prévaloir et d’invoquer une méconnaissance de son article 5.
En second lieu, le juge a relevé qu’il résultait de l’article 165 de la loi du 30 décembre 2006 et de l’article D. 912-1 du code de l’éducation, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, que "les enseignants étrangers devant exercer dans les sections internationales des établissements scolaires français sont, lorsqu’ils ne sont pas recrutés et rémunérés par des associations agréées ou recrutés par l’État français en qualité de professeurs associés, mis à la disposition de leur établissement d'affectation par le pays étranger intéressé au fonctionnement de la section concernée. Ainsi, alors même que l’administration française détermine les postes à pourvoir au sein des sections internationales des établissements scolaires français et les communique aux pays susceptibles de mettre à disposition des enseignants leur correspondant, puis valide ou non les candidatures qu’ils lui proposent, elle n’est pas libre de changer l’affectation d’un professeur étranger sans l’accord des autorités du pays l’ayant mis à disposition, qui, ainsi, décident effectivement de l’établissement d’affectation."
Le tribunal en a déduit, que compte tenu de la décision du 16 juin 2021 prise par les autorités chinoises de mettre la requérante "à disposition des deux établissements rennais précités, l’administration française, qui était placée en situation de compétence liée, était tenue de prendre la décision attaquée" et a rejeté la requête de l’enseignante.
Autres congés
- Accident de service et maladie imputable au service – Congé pour invalidité temporaire imputable au service – Congé accordé à titre provisoire – Décision non créatrice de droits – Retrait
C.E., 3 novembre 2023, n° 465818, aux tables du Recueil Lebon
La requérante, directrice de crèche, avait, après avoir été victime d’un accident reconnu imputable au service, obtenu de nouveaux arrêts de travail pour des troubles qu’elle imputait à une rechute de cet accident. Elle avait été placée en congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) pour une durée initiale d’un mois, prolongée à plusieurs reprises. Or, à la suite d’un avis défavorable émis par le comité médical départemental (devenu "conseil médical" en 2022) sur l’imputabilité au service de sa rechute, le maire de la commune a retiré les arrêtés fixant son CITIS et l’a placée en congé de maladie ordinaire.
La requérante s’était pourvue en cassation contre l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande de suspension de l'exécution cette décision. La question était donc de savoir si l’administration pouvait légalement retirer un arrêté plaçant un agent public en congé pour invalidité temporaire imputable au service passé le délai de quatre mois prévu à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration (C.R.P.A.).
Le Conseil d’État a opéré une distinction entre, d’un côté, les CITIS dont la décision d'attribution spécifie qu'ils sont accordés "à titre provisoire" et, de l’autre, ceux dont la décision d'attribution ne comprend aucune mention en ce sens.
En effet, il a rappelé la possibilité prévue par l’article 37-5 du décret du 30 juillet 1987 d’accorder un CITIS "à titre provisoire". Ce dispositif permet ainsi à l’administration, lorsqu’elle n’est pas en mesure d’instruire la demande de l’agent dans les délais impartis, de placer ce dernier sous le régime du CITIS, notamment dans l’attente de l’avis du conseil médical concernant la reconnaissance de l’imputabilité au service de l’accident ou de la maladie. L’administration conserve alors la possibilité de retirer sa décision d’octroi provisoire et de placer rétroactivement l’agent en congé de maladie ordinaire.
Toutefois, le Conseil d’État a précisé que l’exercice d’une telle faculté était subordonné à plusieurs conditions : la décision d’octroi du CITIS doit explicitement indiquer son caractère provisoire et préciser qu’elle pourrait être retirée en application des dispositions de l’article 37-9 du décret du 30 juillet 1987.
À défaut, la décision de placer l’agent en CITIS doit être regardée comme ayant reconnu l’imputabilité au service de l’accident ou de la maladie à l’origine de cette invalidité temporaire. Elle est donc créatrice de droits au profit de l’agent et ne peut être retirée ou abrogée, si elle est illégale, que dans un délai de quatre mois suivant son édiction (cf. article L. 242-1 du C.R.P.A.).
En l’espèce, la décision plaçant la requérante en CITIS ne précisait pas la possibilité d’être retirée en application des dispositions de l’article 37-9 du décret du 30 juillet 1987. Dès lors, le retrait opéré par le maire de la commune était illégal. Le Conseil d’État a donc annulé l’ordonnance du tribunal administratif et suspendu l’exécution de l’arrêté contesté.
Cette solution est transposable aux CITIS accordés à titre provisoire aux fonctionnaires de l'État en application de l'article 47-5 du décret du 14 mars 1986.
Retenues pour absence de service fait
- Retenue sur traitement – Participation à un jury d'examen scolaire – Frais de déplacement – Modalités de prise en charge
T.A. Amiens, 14 novembre 2023, n° 2103766
Un professeur avait été convoqué à une mission d’interrogation de sept jours pour l’épreuve du grand oral du baccalauréat général organisée dans un établissement éloigné de son domicile. Pour permettre à ses agents de se rendre quotidiennement sur le lieu d’examen, l’administration avait conclu à l'échelle de l'académie un marché public avec une compagnie de transport ferroviaire afin d'organiser les déplacements de ses agents par l'achat de billets de train, en leur offrant, dans ce cadre, une prise en charge directe de leurs frais de déplacement. L’intéressé avait refusé catégoriquement de voyager par voie ferroviaire et avait demandé à bénéficier d'une avance de ses frais de déplacement afin d'utiliser son véhicule personnel. Cette demande avait été rejetée par l’administration. L’intéressé ne s’était pas rendu à l’examen et l’administration avait alors procédé à une retenue de sept trentièmes sur son traitement pour absence de service fait.
Par un jugement du 14 novembre 2023, le tribunal administratif d’Amiens a rejeté la requête de l’intéressé tendant à l’annulation de cette décision.
Il a d’abord rappelé qu’il résultait de la lecture combinée des articles L. 711-2 et L. 712-1 du code général de la fonction publique que si, classiquement, l’absence de service fait s’opposait au versement de son traitement à un agent public, l’administration ne pouvait légalement opposer l’absence de service fait à cet agent lorsque cette circonstance ne lui était pas imputable et résultait au contraire d’une faute de l’administration.
Il a jugé ensuite que si l’avance par l’administration d’une partie des frais de déplacement prévue à l'article 3-2 du décret du 3 juillet 2006 était de droit sur demande d’un agent en service qui, muni d'un ordre de mission, se déplaçait hors de ses résidences administrative et familiale pour l'exécution du service, cette avance devait toutefois être refusée lorsque l’agent, mis matériellement en mesure de bénéficier d’une prise en charge directe de ses frais de déplacement par son employeur, a renoncé à cette solution par choix personnel ou par imprévoyance. En revanche, une telle avance de frais ne saurait être refusée lorsque l’agent en mission n’était pas en mesure de recourir à la prise en charge directe de tels frais de déplacement en raison d’une circonstance exceptionnelle indépendante de sa volonté ou du fait de l’inaccessibilité de la destination de la mission via les offres couvertes par les contrats ou conventions conclus directement par l’administration avec des prestataires de services pour l’organisation des déplacements.
En l’espèce, le tribunal a considéré que dans la mesure où ce professeur n’établissait pas que le trajet vers le lieu d’examen ne pouvait pas se faire par la voie ferroviaire, lui permettant alors de bénéficier d’une prise en charge directe de ses frais de déplacement, il ne pouvait prétendre à une avance sur le paiement de tels frais, les modalités de son transport résultant de son seul choix personnel.
Le tribunal a ajouté qu’en tout état de cause, l’intéressé ne s'était prévalu d'aucune impossibilité ni, à tout le moins, d’obstacle d’ordre matériel ou financier mis au bon accomplissement de ses fonctions résultant de l’absence de paiement d’une telle avance, de nature à le libérer de l’accomplissement de la mission qui lui avait été confiée par son administration, qui faisait, ainsi que l'avait d’ailleurs relevé le recteur, partie intégrante de ses obligations de service en tant que professeur de l'enseignement du second degré.
Primes et indemnités
- Rupture d’égalité de traitement des agents publics – Restructuration de service – Compensations financières
C.E., 14 décembre 2023, n° 473265 et n° 473276
Une unité mixte de recherche, placée sous la double tutelle du Centre national de la recherche scientifique (C.N.R.S.) et de l’École normale supérieure (E.N.S.) Paris-Saclay, dont le site de Cachan accueillait le laboratoire, avait été transférée à Gif-sur-Yvette.
Par un arrêté du 2 juillet 2019, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation avait qualifié ce transfert, du site de l’E.N.S. Cachan vers le plateau de Moulon à Gif-sur-Yvette, d’"opération de restructuration de service" au sens des décrets n° 2008-366 et n° 2008-368 du 17 avril 2008, ouvrant droit à la prime de restructuration de service, à l'allocation d'aide à la mobilité du conjoint et à l'indemnité de départ volontaire pour les agents de l’E.N.S. affectés dans le laboratoire. Les agents du C.N.R.S. affectés dans ce même laboratoire, en revanche, ne bénéficiaient pas de ces compensations.
Le Conseil d’État, après avoir rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle : "Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier", a rappelé que : "Ces modalités de mise en œuvre du principe d'égalité sont applicables à l'édiction de normes régissant la situation d’agents publics qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires."
En l’espèce, il a estimé que "les indemnités instituées par les décrets du 17 avril 2008 peuvent bénéficier à l’ensemble des agents, titulaires ou non, dont le service a fait l’objet d’une restructuration. [Et que] la méconnaissance du principe d’égalité peut utilement être invoquée pour contester, à l’occasion d’une même opération de restructuration, une différence de traitement (…) entre agents publics relevant d’un même ministère."
Il a ensuite jugé que : "En refusant d’inclure les agents du C.N.R.S. affectés au sein de ce même laboratoire dans le champ de cet arrêté, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche a créé une différence de traitement qui ne saurait être justifiée par la seule absence de demande du C.N.R.S. tendant à l’édiction d’un tel arrêté, laquelle n’est pas exigée par les dispositions [des décrets du 17 avril 2008], et a ainsi méconnu le principe d’égalité."
N.B. : Si le principe d’égalité de traitement des agents publics n’est, en principe, susceptible de s’appliquer qu’entre agents appartenant à un même corps (cf. C.E., 28 septembre 2022, n° 451488, aux tables du Recueil Lebon), le Conseil d’État juge, par dérogation, que : "Ces modalités de mise en œuvre du principe d’égalité sont applicables à l’édiction de normes qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même corps ou à un même cadre d’emplois" (C.E., 9 février 2005, Syndicat national unitaire et indépendant des officiers de police, n° 229547, au Recueil Lebon ; C.E., 12 avril 2022, Fédération Sud Éducation, n° 452547, au Recueil Lebon).
La présente décision en est une nouvelle illustration : l’objet des dispositions des deux décrets du 17 avril 2008 instituant des primes en cas de restructuration de service est transversal, une telle opération emportant des conséquences identiques pour tous les agents concernés, quel que soit leur corps d’appartenance (cf. également : T.A. Versailles, 1er décembre 2022, nos 2100238 et 2100329, LIJ n° 225, mai 2023).
Au-delà du respect du principe d’égalité, le Conseil d’État, qui juge que les dispositions des décrets du 17 avril 2008 n’imposent pas que "toute opération de restructuration fasse l’objet d’un arrêté ministériel ouvrant droit à la prime de restructuration de service" (cf. C.E., 3 juillet 2013, n° 347226), exerce un contrôle, restreint, de l’erreur manifeste d'appréciation sur le refus de prendre un arrêté désignant une opération de restructuration, en appréciant notamment la portée de la restructuration et ses incidences sur les conditions de travail des agents concernés (C.E., 3 avril 2015, n° 380349).
- Indemnités – Agents contractuels – Action en reconnaissance de droits
T. A. Montreuil, 13 novembre 2023, C.G.T. Éduc'Action de Seine-Saint-Denis, n° 2114902
Une organisation syndicale demandait au tribunal administratif de Montreuil de reconnaître, sur le fondement de l’article L. 77-12-1 du code de justice administrative, aux personnels contractuels de l’éducation nationale exerçant dans le département de la Seine-Saint-Denis le droit de bénéficier de l’indemnité de sujétions spéciales de remplacement (I.S.S.R.), de la nouvelle bonification indiciaire (N.B.I.), de l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (I.F.T.S.) des services déconcentrés ainsi que du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP).
Le tribunal administratif a rejeté l’action en reconnaissance de droits en rappelant que les dispositions réglementaires instituant ces indemnités réservaient leur bénéfice "aux fonctionnaires titulaires ou stagiaires". Aussi, les personnels contractuels du service public de l’éducation "ne dispos[ai]ent d’aucun droit à bénéficier de ces éléments de rémunération".
Par ailleurs, si le syndicat requérant soutenait que cette situation méconnaissait les principes de non-discrimination et d’égalité vis-à-vis des agents titulaires issus du droit de l’Union européenne, le tribunal administratif a considéré qu'il découlait de l'article 4 du décret du 17 janvier 1986, dont le troisième alinéa prévoit que : "[Le] contrat [de recrutement des agents contractuels] (…) mentionne également le montant de la rémunération, en précisant chacun de ses éléments constitutifs, sa périodicité, ses modalités de versement ainsi que les droits et obligations de l'agent lorsqu'ils ne relèvent pas d'un texte de portée générale", que le droit à bénéficier de ces éléments de rémunération "ne p[ouvait] résulter que du contrat de travail ou d’un texte de portée générale".
Enfin, le tribunal a jugé que : "Le syndicat requérant ne se prévalant d’aucun droit individuel résultant de l’application de la loi ou du règlement, les conditions posées à l’article L. 77-12-1 du code de justice administrative à la reconnaissance d’un droit ne sont pas réunies" et, en conséquence, a rejeté ses conclusions.
Sanctions
- Procédure disciplinaire – Consultation du dossier – Anonymisation des témoignages – Sanction suspendue pour disproportion – Principe non bis in idem
C.E., Section, 22 décembre 2023, Ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports c/ M. X, n° 462455, au Recueil Lebon
Le requérant, professeur certifié, avait fait l’objet, le 31 juillet 2018, d’une sanction de mise à la retraite d’office pour manquements à ses obligations déontologiques ainsi qu’à son devoir de neutralité et d’obéissance hiérarchique. Le juge des référés du tribunal administratif de Paris ayant suspendu l’exécution de cette sanction en raison de son caractère disproportionné, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse avait réintégré l’intéressé et pris à son encontre, le 10 décembre 2018, une sanction d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de dix-huit mois assortie d’un sursis de douze mois.
La cour administrative d’appel de Paris avait annulé ces deux sanctions aux motifs, d'une part, que la procédure disciplinaire avait méconnu les droits de la défense et, d'autre part, que la seconde sanction avait été infligée en méconnaissance du principe non bis in idem, qui s'oppose à ce qu’une autorité administrative prenne deux sanctions à l’encontre d’un agent à raison des mêmes faits.
Statuant sur le pourvoi formé par le ministre, la section du contentieux du Conseil d’État a précisé sa jurisprudence sur ces deux points.
En premier lieu, le Conseil d’État a censuré le motif tiré d'une méconnaissance du principe non bis in idem s’agissant de l’infliction d’une seconde sanction, plus faible, après que la première avait été suspendue par le juge des référés en raison de sa disproportion, sans retirer la première sanction ni attendre qu’il soit statué sur le recours en annulation – le Conseil d’État ayant déjà admis que le prononcé d’une seconde sanction après une telle suspension ne méconnaît pas le caractère exécutoire et obligatoire qui s'attache à l’ordonnance de référé (cf. C.E., 5 juillet 2021, Commune de Bussy-Saint-Georges, n° 442625, qui fait application de la jurisprudence C.E., Section, 5 novembre 2003, Association Convention Vie et nature pour une écologie radicale, n° 259339, au Recueil Lebon).
Le Conseil d’État a jugé que : "Lorsque le juge des référés a suspendu l'exécution d'une sanction en raison de son caractère disproportionné, l'autorité compétente peut, sans, le cas échéant, attendre qu'il soit statué sur le recours en annulation, prendre une nouvelle sanction, plus faible que la précédente, sans méconnaître ni le caractère exécutoire et obligatoire de l'ordonnance de référé, ni le principe général du droit selon lequel une autorité administrative ne peut sanctionner deux fois la même personne à raison des mêmes faits, [et] ce, sans préjudice de l'obligation de retirer l'une ou l'autre des sanctions en cas de rejet du recours tendant à l'annulation de la sanction initialement prononcée."
En second lieu, le Conseil d’État a précisé et synthétisé sa jurisprudence sur la communication au fonctionnaire poursuivi, dans le cadre de la communication de son dossier prévue par l’article L. 532-4 du code général de la fonction publique, des témoignages annexés à un rapport d'inspection, dont les principes avaient été dégagés, pour les sanctions disciplinaires, par sa décision du 28 janvier 2021 (n° 435946, aux tables du Recueil Lebon, LIJ n° 215, mai 2021) et, d'une manière générale, pour les mesures prises en considération de la personne, par celle du 5 février 2020 (n° 433130, au Recueil Lebon, LIJ n° 211, juin 2020).
Le Conseil d’État a ainsi rappelé que : "Dans le cas où, pour prendre une sanction à l’encontre d’un agent public, l’autorité disciplinaire se fonde sur le rapport établi par une mission d’inspection, elle doit mettre cet agent à même de prendre connaissance de celui-ci ou des parties de celui-ci relatives aux faits qui lui sont reprochés, ainsi que des témoignages recueillis par les inspecteurs dont elle dispose, notamment ceux au regard desquels elle se détermine." (Point 4.)
Le Conseil d’État a toutefois précisé que ce droit à communication se limitait aux parties du rapport et aux témoignages ayant trait aux faits reprochés à l’agent, alors que ses précédentes décisions avaient pu donner lieu à une lecture plus peu extensive des documents devant être communiqués à l’agent.
L’évolution la plus notable a trait au tempérament apporté à ce principe, jusqu’alors limité à la situation dans laquelle la communication des témoignages était "de nature à porter gravement préjudice" aux personnes ayant témoigné, le Conseil d’État retenant désormais le critère d'"un risque avéré de préjudice" pour l'auteur du témoignage, sans donc que ce préjudice ne doive nécessairement être grave.
Le Conseil d’État a indiqué que, dans cette hypothèse, "l'autorité disciplinaire communiqu[ait] ce témoignage à l'intéressé, s'il en form[ait] la demande, selon des modalités préservant l'anonymat du témoin" (point 4). Cette anonymisation, déjà admise en matière disciplinaire (cf. C.E., 5 avril 2023, Pôle emploi, n° 463028, aux tables du Recueil Lebon, LIJ n° 226, juillet 2023), ne se limite pas à la seule occultation du nom de l’auteur du témoignage mais concerne toute mention permettant à la personne poursuivie de l’identifier, ce qui peut conduire à la communication, en lieu et place du témoignage, d’une synthèse permettant d’informer l’agent poursuivi de sa teneur (pour une mesure prise en considération de la personne, cf. C.E., 28 avril 2023, n° 443749, aux tables du Recueil Lebon, LIJ n° 226, juillet 2023).
Le Conseil d’État a, en outre, souligné que l’autorité disciplinaire "appréci[ait] ce risque au regard de la situation particulière du témoin vis-à-vis de l'agent public mis en cause, sans préjudice de la protection accordée à certaines catégories de témoins par la loi" (point 4). À cet égard, il peut être considéré que des élèves témoignant au sujet de leur professeur relèvent, dans la plupart des cas, d’une situation particulière justifiant que des mesures soient prises pour anonymiser leurs témoignages, même si l’autorité disciplinaire doit l'apprécier in concreto.
L’autre évolution notable tient à l’office du juge lorsqu’il est saisi d’un moyen tiré de la méconnaissance de ce droit, le Conseil d’État jugeant que : "Dans le cas où l'agent public se plaint de ne pas avoir été mis à même de demander communication ou de ne pas avoir obtenu communication d'une pièce ou d'un témoignage utile à sa défense, il appartient au juge d'apprécier, au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été communiqués à l'agent, si celui-ci a été privé de la garantie d'assurer utilement sa défense." (Point 5.)
Par conséquent, le seul défaut de communication d’une pièce ou d’un témoignage ne saurait justifier l’annulation de la sanction attaquée : il revient au juge d’exercer une appréciation globale, au regard notamment des autres témoignages communiqués à l’agent, de ce que ce dernier a été mis à même d’assurer utilement sa défense et qu’il n’a, ainsi, pas été privé d’une garantie au sens de la jurisprudence "Danthony".
En l'espèce, le Conseil d'État a considéré que la cour avait pu, tout d'abord, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, estimer que la communication au professeur des seuls extraits de témoignages reproduits dans le rapport d'inspection ne suffisait pas à garantir les droits de la défense, et déduire de cette appréciation, sans commettre d'erreur de droit, que, faute que l'intégralité de ces témoignages, qu'il appartenait à l'administration d'anonymiser, s'agissant de témoignages d'élèves sur leur professeur, en fonction de son appréciation du risque de préjudice pour ceux-ci, lui aient été communiqués, le professeur avait été privé de la garantie d'assurer utilement sa défense.
Le premier motif d'annulation de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions retenu par la cour étant fondé, le Conseil d'État a rejeté le pourvoi du ministre en faisant application de sa jurisprudence "Commune de Barcarès" (C.E., Section, 22 avril 2005, n° 257877, au Recueil Lebon).
Abandon de poste
- Abandon de poste – Agents non titulaires – Modification d’un élément substantiel du contrat – Refus
C.E., 3 novembre 2023, n° 461537, aux tables du Recueil Lebon
Le Conseil d’État avait été saisi d’un pourvoi formé par un agent recruté par une commune sous contrat à durée indéterminée, initialement affecté au service Aménagement, urbanisme et foncier en qualité d'instructeur des permis de construire, et qui avait été radié des effectifs par un arrêté du maire assimilant à un abandon de poste son refus d’être recruté par un nouveau contrat à durée indéterminée en qualité d’animateur éducateur sportif et de rejoindre sa nouvelle affectation.
Le Conseil d’État a censuré le raisonnement de la cour administrative d'appel qui avait admis que la procédure d'abandon de poste puisse être mise en œuvre, en faisant abstraction du refus d'une modification substantielle du contrat de travail.
Il résulte de la jurisprudence relative à l'abandon de poste que l’administration est en droit d’estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l’agent et de prononcer à son encontre une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste si, préalablement mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié, l’agent concerné ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par cette mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical présentée par l’agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service (cf. C.E., Section, 11 décembre 1998, nos 147511 et 147512, au Recueil Lebon ; C.E., 11 décembre 2015, Commune de Breteuil-sur-Iton, n° 375736, au Recueil Lebon).
Le Conseil d'État a relevé qu’à l’inverse des fonctionnaires qui se trouvaient dans une situation légale et réglementaire, "la situation [des agents contractuels] [était] régie par les stipulations de [leur] contrat". À ce titre, l’administration était tenue de recueillir l’accord de l’agent pour modifier l’un des éléments substantiels de son contrat (cf. C.E., 31 mai 1995, n° 132639, au Recueil Lebon).
Le refus de modification de l’un des éléments substantiels du contrat de l’agent, en l’occurrence un changement de grade et d’affectation qui ne correspondraient plus avec les clauses du contrat, est une circonstance autorisant le recours à la procédure de licenciement de l’agent non titulaire dans les conditions prévues, pour les contractuels de l'État, par les articles 45-3 et 44-4 du décret du 17 janvier 1986. Or, cette procédure de licenciement, à l’inverse de la procédure d’abandon de poste, permet notamment de prétendre à des indemnités (indemnité de licenciement, congés annuels non pris, etc.).
Le Conseil d’État a jugé que ne saurait faire l'objet d'une procédure d'abandon de poste l'agent contractuel qui "d'une part, refuse avant l'expiration de [son] contrat de signer un nouveau contrat prévoyant une autre affectation ou d'accepter un changement d'affectation s'apparentant à la modification d'un élément substantiel de son contrat en cours, et, d'autre part, ne rejoint pas cette nouvelle affectation". Un tel refus ne pourrait fonder qu'un licenciement prononcé dans les conditions rappelées supra.
Nomination
- Fonctionnaires et agents publics – Refus de nomination en qualité de professeur stagiaire – Garanties requises – Faits incompatibles avec l’exercice des fonctions
T.A. Paris, 1er décembre 2023, n° 2200070
Bien qu'admis aux concours de recrutement des professeurs certifiés et des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré de la session 2021, le ministre de l’éducation nationale avait refusé de nommer M. X en qualité de professeur stagiaire dans l'un et l'autre de ces corps.
Le requérant a, en vain, demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler cette décision.
Le tribunal administratif a tout d'abord rappelé l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983, désormais codifié à l'article L. 321-1 du code général de la fonction publique, aux termes duquel : "Sous réserve des dispositions des articles L. 321-2 et L. 321-3, nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire : (…) / 3° Le cas échéant, si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions ; (…)", ainsi que l'article L. 111-3-1 du code de l’éducation qui dispose que : "L'engagement et l'exemplarité des personnels de l'éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l'établissement et contribuent au lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l'éducation. Ce lien implique le respect des élèves et de leur famille à l'égard des professeurs, de l'ensemble des personnels et de l'institution scolaire."
Puis il a fait application de la jurisprudence selon laquelle les conditions désormais énumérées par l'article L. 321-1 du code général de la fonction publique pour accéder à la qualité d'agent public ne sont pas exhaustives et l'autorité compétente pour nommer en qualité de fonctionnaire stagiaire les lauréats admis aux épreuves d'un concours conserve la possibilité d'apprécier, dans l'intérêt du service, si les intéressés présentent les garanties requises pour être nommés, compte tenu de la nature des fonctions auxquelles ils postulent (cf. C.E., 10 juin 1991, Garde des Sceaux, ministre de la justice, n° 107853, au Recueil Lebon ; C.E., 25 octobre 2004, Préfet de police, n° 256944, aux tables du Recueil Lebon).
En l’espèce, le requérant avait été condamné par le juge pénal, douze ans auparavant, pour avoir commis une agression sexuelle sur une mineure âgée de moins de quinze ans en dehors de tout cadre professionnel.
Le tribunal administratif a considéré que ces faits étaient incompatibles avec les garanties exigées par l’exercice des fonctions d’enseignement, eu égard à leur gravité ainsi qu’à l'exigence d'exemplarité et d'irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, y compris en dehors du service, et compte tenu de l'atteinte portée, du fait de la nature des fautes commises par l'intéressé, à la réputation du service public de l'éducation nationale ainsi qu'au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du service (s’agissant de la proportionnalité des sanctions disciplinaires, cf. C.E., 18 juillet 2018, Ministre de l'éducation nationale, n° 401527 et n° 401629, aux tables du Recueil Lebon).
Par suite, et alors même que ces faits étaient anciens, que le requérant n'avait pas été condamné à une peine de prison ferme ni n'avait commis d'autres infractions depuis sa condamnation et bénéficiait d'une expertise psychiatrique favorable, et que ses qualités professionnelles avaient toujours été reconnues par ses précédents employeurs, notamment dans le domaine de l'enseignement, le tribunal a jugé que le ministre avait pu, sans erreur d’appréciation, refuser sa nomination en qualité de professeur stagiaire.
Licenciement – Non-renouvellement d’engagement
- Recrutement – Absence d’autorisation de travail – Compétence liée
C.A.A. Versailles, 30 novembre 2023, n° 21VE00884
Ressortissante algérienne, titulaire d’un certificat de résidence d’un an mention "étudiant", la requérante avait été recrutée pour accomplir sur le fondement de l'article R. 914-7 du code de l'éducation, en qualité de maître délégué, des suppléances dans un établissement d'enseignement privé sous contrat qui devaient s'achever le 31 mars 2017. Titulaire d'un premier contrat à durée déterminée pour la période du 3 novembre 2016 au 10 février 2017, elle avait reçu de l'administration la promesse que son engagement serait renouvelé pour la période du 11 février au 31 mars 2017, sous la réserve expresse que son titre de séjour, expirant le 10 février 2017, soit renouvelé.
L'intéressée avait sollicité le renouvellement de sa carte de séjour avant son expiration et s'était vu délivrer, le 20 février 2017, un récépissé de demande de renouvellement de son titre de séjour ne l'autorisant toutefois pas à travailler sans autorisation provisoire de travail octroyée au préalable. Le 27 février 2017, l'administration lui avait demandé de cesser immédiatement son service d'enseignement au motif que son récépissé ne l'autorisait pas à continuer d'occuper son emploi et l'avait informée de sa décision de ne pas renouveler son contrat de travail.
La cour administrative d'appel de Versailles a rejeté la requête de Mme X tendant à l'annulation de la décision de non-renouvellement.
La cour administrative d'appel a rappelé dans un premier temps que "la circonstance qu'un contrat à durée déterminée a été reconduit tacitement ne peut avoir pour effet de lui conférer une durée indéterminée. Le maintien en fonctions de l'agent en cause à l'issue de son contrat initial, s'il traduit la commune intention des parties de poursuivre leur collaboration, a seulement pour effet de donner naissance à un nouveau contrat, conclu lui aussi pour une période déterminée et dont la durée est celle assignée au contrat initial. Ainsi, sauf circonstance particulière, la décision par laquelle l'autorité administrative compétente met fin aux relations contractuelles doit être regardée comme un refus de renouvellement de contrat si elle intervient à l’échéance du nouveau contrat, et comme un licenciement si elle intervient au cours de ce nouveau contrat."
En l'espèce, la cour a précisé que le simple maintien en fonction de l’agent ne saurait être regardé comme un nouveau contrat à durée déterminée tacite dès lors que la promesse de renouvellement du contrat était clairement subordonnée à l’obtention d’un titre de séjour valant autorisation de travail. Par suite, la décision devait s’analyser comme un refus de renouvellement de contrat à durée déterminée.
Or, l’article 3 du décret du 17 janvier 1986 dispose qu’un agent non titulaire ne peut être engagé si, de nationalité étrangère, il ne se trouve pas dans une position régulière au regard des règles relatives au droit au séjour. L’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 permet aux Algériens possédant un titre mention "étudiant" de travailler à mi-temps et l’article L. 311-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa version alors en vigueur et applicable aux ressortissants algériens, permettait aux étrangers présentant une attestation de demande de renouvellement d’un titre de séjour d’une durée supérieure à un an de conserver leur droit d’exercer une activité professionnelle.
En l’espèce, le certificat de résidence de la requérante étant inférieur à un an, son récépissé de demande de titre ne lui permettait pas de travailler, l’accord de l'administration du travail pour le maintien du lien de travail étant postérieur à la décision du recteur d'académie de ne pas renouveler le contrat à durée déterminée.
La cour a donc estimé que c’était à bon droit que l’administration, en situation de compétence liée du fait de l’absence d’autorisation de travail, avait refusé de renouveler le contrat de la requérante.
Personnels enseignants
- Instituteurs – Professeurs des écoles – Différence de traitement dans le déroulement de la carrière – Règles de reclassement différentes – Atteinte au principe d’égalité (non)
C.E., 22 décembre 2023, n° 472661
Le corps des professeurs des écoles a été créé par le décret du 1er août 1990 afin de revaloriser le métier d’enseignant du premier degré et d’aligner en partie leur statut sur celui des enseignants du second degré en prévoyant, entre autres, le classement de ce corps dans la catégorie A de la fonction publique de l’État ainsi qu’un recrutement au vu d’une licence ou d’un titre ou diplôme au moins équivalent. Ce décret, tout en créant le corps des professeurs des écoles, a également prévu au profit des membres du corps des instituteurs, classé quant à lui dans la catégorie B et placé en voie d’extinction par le décret du 23 décembre 2003, outre la possibilité de se présenter au concours externe, deux voies d’intégration spécifiques dans ce nouveau corps, sans condition de détention du diplôme de la licence, par un concours interne réservé et par inscription sur liste d’aptitude.
Plus de deux cents anciens instituteurs ayant intégré le corps des professeurs des écoles, réunis dans un collectif dit "des oubliés", estimant avoir fait l’objet d’une différence de traitement illégale par rapport aux professeurs des écoles recrutés directement dans ce corps, avaient saisi les tribunaux administratifs de demandes indemnitaires.
Saisi d’un pourvoi formé par l’une de ces requérants contre un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qui, comme le tribunal administratif de Grenoble, avait rejeté sa requête, le Conseil d’État s’est prononcé sur la première affaire de cette série.
En ce qui concerne, d’une part, la différence de traitement dont les instituteurs et les professeurs des écoles feraient l’objet dans le déroulement de leur carrière à raison de l’appartenance de leur corps respectif à des catégories différentes, le Conseil d’État a fait application de sa jurisprudence constante selon laquelle le principe d’égalité n’est, en principe, susceptible de s’appliquer qu’entre les agents appartenant à un même corps (cf. C.E., Assemblée, 13 mai 1960, nos 44334 et 44335, au Recueil Lebon, p. 324), sauf à ce que la norme en cause ne soit, en raison de son contenu, pas limitée à un même corps de fonctionnaires (C.E., 9 février 2005, Syndicat national unitaire et indépendant des officiers de police, n° 229547, au Recueil Lebon ; C.E., 12 avril 2022, Fédération Sud Éducation, n° 452547, au Recueil Lebon, LIJ n° 221, juillet 2022), ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Le Conseil d’État a, d’autre part, écarté le moyen tiré de l’erreur de droit qu’aurait commise la cour en jugeant que le décret du 1er août 1990 avait pu, sans méconnaître le principe d’égalité, prévoir des règles différentes pour le classement des agents recrutés directement dans le corps par voie de concours externe et le reclassement avec reprise d’ancienneté des anciens instituteurs recrutés par les voies d’intégration spécifiques, en faisant, à nouveau, application de sa jurisprudence selon laquelle des règles de reclassement dans un corps variant selon les voies d’accès ne sont pas contraires au principe d'égalité dès lors qu'elles ne s'appliquent qu'à l'entrée dans le corps et que la carrière des agents recrutés par les différentes voies est ensuite régie par les mêmes dispositions (cf. CE, 21 novembre 1984, n° 40885, aux tables du Recueil Lebon).
Le Conseil d’État a, en conséquence, rejeté le pourvoi.
Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille
Déclaration – Autorisation
- Demande d’autorisation d’instruction dans la famille – Exercice de l’autorité parentale – Désaccord d’un parent
T.A. Paris, 8 novembre 2023, n° 2223170
La mère d’un enfant régulièrement instruit à domicile au cours de l’année scolaire 2021-2022 demandait au tribunal administratif de Paris l’annulation de la décision par laquelle la commission académique d’appel avait refusé de faire droit à sa demande d’autorisation d’instruction dans la famille, sollicitée sur le fondement du IV de l’article 49 de la loi du 21 août 2021 pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024, au motif que le père de l’enfant avait exprimé son désaccord à l’instruction de son fils dans la famille.
Le tribunal administratif a tout d’abord rappelé les dispositions applicables en matière d’autorité parentale, en particulier le premier alinéa de l'article 372 du code civil qui prévoit que : "Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale (…)" et l’article 372-2 du même code aux termes duquel : "À l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant."
Après avoir constaté que le père exerçait conjointement avec la requérante l’autorité parentale sur leur fils, le tribunal en a déduit que : "Étant informée de l’opposition [du père] à la demande d’autorisation d’instruction en famille présentée par [la mère], l’administration ne pouvait faire droit à cette demande sans méconnaître les dispositions de l’article 372 du code civil."
Les juges ont à cet égard précisé que : "Si Mme [X] soutient que la seule demande de renouvellement de l’autorisation d’instruction en famille constitue un acte usuel qui ne nécessite pas l’accord des deux parents et se prévaut à cet égard du fait que la notice de la demande de renouvellement précisait qu’un seul des deux parents pouvait signer la demande, la circonstance qu’une décision puisse être regardée comme un acte usuel de l’autorité parentale a seulement pour effet, ainsi que cela ressort des dispositions précitées de l’article 372-2 du code civil, de créer au regard des tiers une présomption d’accord des deux parents, et non de permettre à l’administration de faire droit à la demande d’un parent quand elle est informée, comme en l’espèce, du défaut d’accord de l’autre parent."
Le tribunal a estimé que "quand bien même Mme [X] remplissait les conditions pour obtenir une autorisation d’instruction en famille de plein droit en vertu des dispositions précitées du IV de l’article 49 de la loi du 24 août 2021, elle n’est pas fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit au regard de ces dispositions", et a, par conséquent, rejeté les conclusions de la requérante.
Responsabilité
Mise en cause de la responsabilité de l’administration
- Responsabilité de l’État – Dommages subis ou causés par les élèves – Membre de l’enseignement public – Psychologue de l’éducation nationale
Cass. crim., 5 décembre 2023, n° 22-87.459, au Bulletin
Par un arrêt du 21 novembre 2022, la cour d’appel d’Orléans avait condamné une psychologue de l’éducation nationale à une amende de 1 000 euros pour avoir exercé des pressions sur les croyances de deux collégiens en leur remettant, au cours d’entretiens, des pierres et médaillons religieux, une hostie et des cartes de prières sur lesquelles apparaissaient des saints. Elle l'avait également reconnue civilement responsable du préjudice subi par ces élèves et leurs parents et l'avait condamnée au paiement de dommages-intérêts aux parties civiles.
Par un arrêt du 5 décembre 2023, la Cour de cassation a censuré cet arrêt sur la partie civile en estimant que la cour d’appel avait méconnu l'article L. 911-4 du code de l’éducation, qui prévoit un régime de responsabilité spécial des membres de l’enseignement public. Issu de la loi du 5 avril 1937, ce régime consiste en la substitution de la responsabilité de l’État à celle des "membres de l’enseignement public" lorsque leur responsabilité est engagée à raison, notamment, des faits dommageables commis au détriment des élèves qui leur sont confiés.
La Cour de cassation a jugé que : "Doit être considéré comme un membre de l'enseignement public, au sens du texte susvisé, un psychologue de l'éducation nationale, dont la mission, définie à l'article 3 du décret du 1er février 2017, applicable à la date des faits, est notamment de participer à l'élaboration des dispositifs de prévention, d'inclusion, d'aide et de remédiation auprès des équipes éducatives, dans l'ensemble des cycles d'enseignement, auquel est imputée une faute pénale commise à l'occasion d'activités scolaires ou périscolaires." (Point 11.)
Ce faisant, la Cour a continué d’étendre le champ d’application de ce régime de responsabilité, après avoir récemment jugé que les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) devaient également être regardés comme des membres de l’enseignement public (cf. Cass. crim., 2 février 2022, n° 21-82.535, au Bulletin, LIJ n° 220, mai 2022).
La solution retenue par la Cour de cassation revient sur une jurisprudence ancienne qui écartait l’application de ce régime aux personnels de santé exerçant au sein d’un établissement scolaire. Le tribunal administratif de Paris comme, avant lui, le juge judiciaire, avaient en effet considéré que les infirmières scolaires ne pouvaient être regardées comme des membres de l’enseignement public dès lors qu’elles "ne participaient pas à une mission d’enseignement ou d’éducation" (cf. T.A. Paris, 24 novembre 1966, au Recueil Lebon, p. 798).
N.B. : Ce cas d’espèce constitue, à la connaissance de la DAJ, la première application de l’infraction prévue par l'article L. 141-5-2 du code de l’éducation, créé par l’article 10 de la loi du 26 juillet 2019, qui dispose que :"Les comportements constitutifs de pressions sur les croyances des élèves ou de tentatives d'endoctrinement de ceux-ci sont interdits dans les écoles publiques et les établissements publics locaux d'enseignement, à leurs abords immédiats et pendant toute activité liée à l'enseignement."
Dans la même affaire, la Cour de cassation avait précédemment écarté une demande de renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur cet article, estimant que celui-ci, rédigé "en des termes suffisamment clairs et précis pour exclure tout risque d’arbitraire, (…) laisse au juge, dont c’est l’office, le soin de qualifier des comportements que le législateur ne peut énumérer a priori de façon exhaustive" (cf. Cass. crim., 20 juin 2023, n° 22-87-459, point 4).
Commande publique, constructions et domanialité
Exécution des marchés
- Loyauté des relations contractuelles – Collusion fraudeuse – Conflit d'intérêts – Enrichissement sans cause
C.A.A. Toulouse, 19 décembre 2023, Société X Technologies, n° 22TL00596
Le recteur de l’académie de Montpellier avait conclu avec une société, par un acte d’engagement en date du 20 avril 2017, un accord-cadre non reconductible de fourniture de prestations d’assistance à l’élaboration d’architectures logicielles. À l’issue de ce marché dont la durée totale était de douze mois, une nouvelle procédure d’appel d’offres avait été lancée en mai 2018. Toutefois, ce marché avait été déclaré sans suite pour motif d’intérêt général par le pouvoir adjudicateur.
Se prévalant de la réalisation de prestations d’expertise entre le 12 avril et le 12 juillet 2018 qui lui auraient été demandées et dans la continuité de celui-ci, dans l'attente de la conclusion du nouveau marché, la société avait saisi le rectorat d’une réclamation. Cette réclamation ayant été implicitement rejetée, la société avait alors recherché en vain la responsabilité de l’État, à titre principal, sur le fondement contractuel et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l’enrichissement sans cause afin d’être indemnisée des préjudices qu’elle estimait avoir subis.
La cour administrative d'appel a rejeté sa requête.
La cour a tout d’abord rappelé le principe tiré de l’exigence de loyauté des relations contractuelles (cf. C.E., Assemblée, 28 décembre 2009, Commune de Béziers, n° 304802, au Recueil Lebon), précisant que seules les irrégularités provenant du caractère illicite du contrat ou un vice d’une particulièrement gravité relatif aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement pouvaient exclure l’application du contrat.
Elle a relevé par la suite que les manœuvres employées par la société appelante traduisaient une collusion frauduleuse entre la gérante de la société et son compagnon, qui occupait un poste de responsabilité au sein du service informatique du rectorat et avait rédigé le cahier des clauses administratives particulières et le cahier des clauses techniques particulières du marché en litige ainsi qu'un rapport d'analyse des offres, classant l'offre de cette société en première position malgré son coût plus élevé et le faible écart de notation avec une seconde société.
La cour a alors considéré que ces agissements constituaient un dol et une fraude de nature à caractériser un vice d’une particulière gravité tenant aux conditions dans lesquelles le pouvoir adjudicateur avait donné son consentement, écartant ainsi l’application du contrat et confirmant la décision du tribunal administratif de régler le litige sur le terrain extracontractuel.
À cet égard, s'agissant de l'enrichissement sans cause, la cour a tout d'abord rappelé que "l'entrepreneur dont le contrat [était écarté] [pouvait] prétendre, [y compris en cas d'annulation du contrat par le juge du référé contractuel,] sur un terrain quasi contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui avaient été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; [et que] les fautes éventuellement commises par l'entrepreneur antérieurement à la signature du contrat [étaient] sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat [avait] été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui [ferait] obstacle à l'exercice d'une telle action" (règle dégagée par la décision C.E. du 22 février 2008, n° 266755, aux tables du Recueil Lebon ; règle reprise dans la décision de Section C.E. du 10 avril 2018, n° 244950, Société Decaux, au Recueil Lebon).
Puis, la cour a jugé que les manœuvres frauduleuses et dolosives auxquelles la société s’était livrée faisaient obstacle, en l'espèce, à l’exercice d’une action fondée sur l’enrichissement sans cause et que la société ne pouvait, par conséquent, obtenir le remboursement des dépenses exposées au profit du rectorat.
Procédure contentieuse et questions de droit civil et pénal appliquées au droit de l’enseignement
Questions communes
- CNESER statuant en matière disciplinaire – Erreur de droit pour l’application du principe du contradictoire – Dénaturation des pièces du dossier
C.E., 20 décembre 2023, n° 468551 et n° 468665
C.E., 20 décembre 2023, n° 468552 et n° 468666
Deux professeurs agrégés de l’enseignement secondaire, affectés au sein d’une université et animant des cours d’arts plastiques en commun, avaient fait appel devant le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en formation disciplinaire, de deux décisions de sanction d’interdiction définitive d’exercer des fonctions d’enseignement ou de recherche dans tout établissement public d’enseignement supérieur. Cette sanction leur avait été infligée par la section disciplinaire du conseil académique de l’université à raison de pratiques pédagogiques contraires à la déontologie, ayant eu pour conséquence de placer les étudiants dans une situation de harcèlement moral et sexuel. Le CNESER avait annulé les deux décisions et prononcé la relaxe des deux enseignants.
Ce litige est l’occasion pour le Conseil d’État, saisi de pourvois introduits par l’université et la ministre chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche, de préciser le maniement des règles de la procédure contradictoire, principe essentiel des droits de la défense et du procès équitable.
Pour annuler les décisions de sanction de première instance, le CNESER avait retenu que le fait d’avoir entendu "uniquement des témoignages à charge d’étudiants (…) et aucun collègue enseignant de Monsieur X" constituait une violation du principe du contradictoire.
L’article R. 712-33 du code de l'éducation, alors applicable, dispose que : "La commission d’instruction instruit l’affaire par tous les moyens qu’elle juge propres à l’éclairer. Elle doit convoquer l'intéressé, qui peut se faire accompagner de son défenseur, afin d'entendre ses observations. (...)". Ainsi, il appartient à la seule commission d’instruction de décider s’il y a lieu de procéder à l’audition de témoins (cf. C.E., 29 janvier 2001, n° 194914, aux tables du Recueil Lebon), "sans que l’audition de tel témoin particulier constitue un droit pour la personne poursuivie", comme le souligne le rapporteur public dans ses conclusions (accessibles sur ArianeWeb) sur la décision commentée.
Le Conseil d’État a ainsi estimé qu’en se fondant sur la seule circonstance qu’aucun témoin susceptible de corroborer les déclarations des deux professeurs pour leur défense n’avait été auditionné par la commission d’instruction, alors que cette circonstance était insusceptible d'affecter par elle-même le caractère contradictoire de l'instruction, pour juger que celui-ci n'avait pas été respecté en première instance, le CNESER, statuant en matière disciplinaire, avait entaché sa décision d'erreur de droit.
Par ailleurs, le Conseil d’État a retenu la dénaturation des pièces du dossier. Le CNESER avait en effet considéré que "le principe de la personnalité des peines n’a pas été respecté puisque dans les témoignages, deux enseignants sont visés sans qu’il soit possible d’identifier les actes et les propos de chacun d’entre eux". Or, comme l’a relevé le Conseil d’État, il ressortait pourtant des pièces du dossier soumis aux juges du fond que des étudiants avaient imputé personnellement des actes et des propos précis à chacun des deux professeurs et que les deux décisions de la section disciplinaire retenaient d'ailleurs elles-mêmes des agissements précis à l’encontre de chacun d’eux.
Les deux décisions du CNESER ont donc été annulées et lui ont été renvoyées dans une nouvelle composition à la suite de l’entrée en vigueur du décret du 5 septembre 2023.
Informatique et libertés
Collecte de données sensibles
- Formalités préalables – Traitement de données sensibles – Sens de l’article 6 de la LIL
C.E., 20 décembre 2023, Association Act Up-Paris, n° 468295, aux tables du Recueil Lebon
Cette décision donne l’occasion au Conseil d’État de préciser l’interprétation de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (LIL) concernant les traitements de données sensibles.
Comme l’a rappelé le rapporteur public dans ses conclusions (en ligne sur ArianeWeb), il existait jusqu’alors une "divergence d’interprétation" sur la portée du renvoi prévu par ces dispositions (le III de cet article dispose que : "(…) ne sont pas soumis à l'interdiction prévue au I les traitements, automatisés ou non, justifiés par l'intérêt public et autorisés suivant les modalités prévues au II de l'article 31 et à l'article 32"), qui avaient pu être lues comme créant une obligation de recourir à un décret en Conseil d’État pour tout traitement de données justifié par l’intérêt public comportant des données sensibles.
Confirmant au contentieux la position des formations administratives (cf. avis de l’Assemblée générale n° 403628 relatif au traitement "Livret de parcours inclusif" (disponible sur la base d’avis juridiques du Conseil d’État ConsiliaWeb), le Conseil d’État a jugé que les dispositions en cause n’avaient pas pour effet d’imposer que tout traitement comportant des données sensibles justifié par l’intérêt public doive nécessairement être autorisé par un décret en Conseil d’État, mais seulement ceux relevant du champ d’application des articles 31 et 32 de la LIL.
Cette formalité ne s’applique donc qu'aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l’État et intéressant la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique, à ceux qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales, l’exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté (article 31), ou encore à ceux portant sur des données génétiques ou sur des données biométriques nécessaires à l'authentification ou au contrôle de l'identité des personnes (article 32).
Saisi par une association d’un recours pour excès de pouvoir en annulation du décret du 17 août 2022 relatif à la création d'un traitement de données à caractère personnel dénommé "Traitement de données de santé nécessaires à l'accompagnement adapté des personnes en situation de handicap", le Conseil d’État a ainsi jugé qu’il résultait des dispositions combinées des articles 6, 31 et 32 de la LIL que "la légalité de l’acte instituant un traitement portant sur les catégories particulières de données à caractère personnel mentionnées au I de l’ article 6 de la [LIL] est subordonnée à la condition, prévue au II de cet article, que ce traitement relève de l’une des exceptions énumérées au point 2 de l'article 9 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (R.G.P.D.) ou, s’il s’agit d’un traitement relevant du champ d’application du II de l’article 31 ou de l’article 32 de la même loi, à la condition, prévue au III de l’article 6 de cette loi, qu’il soit justifié par l’intérêt public et autorisé par décret en Conseil d’État pris après avis motivé et publié de la CNIL".
Accès aux documents administratifs
Autres motifs
- Direction diocésaine – Incompétence de la juridiction administrative – Organisme gestionnaire d’un établissement privé sous contrat
C.E., Section, 13 novembre 2023, n° 466958, aux tables du Recueil Lebon
Un parent d’élève avait sollicité, auprès de la direction diocésaine de Haute-Garonne, sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l’administration (C.R.P.A.), la communication de divers documents relatifs à la prise en charge de son fils par une psychologue intervenant dans une école privée sous contrat d’association avec l’État.
Statuant sur le recours formé par ce parent contre la décision de refus de communication des documents, le tribunal administratif de Toulouse avait, par ordonnance, rejeté la requête comme portée devant une juridiction incompétente, en considérant que "ces documents ne présentaient pas, dès lors qu’ils ne relevaient pas de l’exercice de prérogatives de puissance publique, le caractère de documents administratifs communicables".
Saisi d’un pourvoi à l’encontre de cette ordonnance, le Conseil d’État l’a rejeté, en jugeant toutefois que le tribunal administratif avait commis une erreur de droit s’agissant du fondement de sa décision.
Le Conseil d'État a tout d’abord rappelé qu’en application des articles L. 300-2 et L. 311-1 du C.R.P.A. : "Le litige né du refus opposé par une personne privée à une demande tendant (…) à la communication de documents, que ceux-ci revêtent ou non un caractère administratif, ne relève de la compétence de la juridiction administrative que si cette personne exerce une mission de service public."
Il a ainsi considéré que : "[Un] organisme gestionnaire d’un établissement d’enseignement privé sous contrat d’association, qui participe à ce titre au service public de l’enseignement, est une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public, tenue par conséquent (…) de communiquer à toute personne qui en fait la demande les documents qu’elle a produits ou reçus dans le cadre de sa mission de service public."
En l’espèce, il a toutefois observé que le contrat d’association relatif à l’école concernée avait été conclu entre l’État et un organisme de gestion de l’enseignement catholique, et non avec la direction diocésaine.
Il a ainsi rejeté le pourvoi de la requérante en substituant au motif de l’ordonnance attaquée le motif d’ordre public selon lequel : "La circonstance que, en vertu des règles d’organisation propres à l’enseignement catholique, la direction diocésaine de l’enseignement catholique de Haute-Garonne exerce certaines prérogatives à l’égard de [l’]établissement [concerné] ne permet pas de la regarder comme un organisme gestionnaire de ce dernier et comme étant elle-même chargée par l’État d’une mission de service public."
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Ont participé à ce numéro : Bertille Avot, Mathilde Bauché, Jennifer Bême, Cédric Benoit, Louise Benoit, Florence Brown, Valentin Dailly, Camille Dasset, Chloé De Jonckheere, Lilou Delhoume, Philippe Dhennin, Isaure Ferran, Stéphanie Frain, Agathe Frenay, Alexandra Gaudé, Hugo-Pierre Gausserand, Julien Hée, Carla-Mary Hennion, Chloé Hombourger, Alexandre Jamet, Alice Johanet, Jean Laloux, Barbara Le Guennec, Alexandra Lecomte, Chloé Lirzin, Pauline Ozenne, Inès Paris, Sarah Prieux, Marion Puget, Amandine Renault, Virginie Simon, Baptiste Soubrier, Marlène Spinhirny, Juliette Uzabiaga, Henrick Yerbe, Dana Zeitoun
N° ISSN : 1265-6739