La Lettre d’information juridique n° 230 – mai 2024
Lettre de la direction des affaires juridiques du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche
Éditorial
Le droit jurisprudentiel est d’une formidable souplesse. Non pas que le juge décide ce qu’il veut, mais la jurisprudence, en tant que corpus juridique émanant d’un ensemble de précédents, peut, du fait de ce caractère fragmenté, offrir de multiples points d’appui à des inflexions, ajustements et rebondissements.
La récente décision du Conseil d’État relative à la dénomination de l’Université de Rennes l’illustre bien. Par une décision du 29 décembre 2021, le Conseil d’État avait jugé manifestement erroné le choix du pouvoir réglementaire de dénommer "Université de Paris" l’établissement issu du regroupement des universités Paris-V et Paris-VII, en relevant notamment que ce nom pouvait laisser entendre à tort que le nouvel établissement était l’unique successeur de l’ancienne université de Paris et de l’établissement créé en 1896 et scindé en 1968.
On aurait pu croire que ce précédent était "topique", c’est-à-dire transposable, et commandait directement l’appréciation de la légalité du choix de dénommer "Université de Rennes" l’établissement issu du rapprochement de l’université Rennes-I et de plusieurs instituts et écoles, mais n’incluant pas l’université Rennes-II, également issue de l’université créée en 1896 et scindée en 1968.
Mais c’eût été sous-estimer la subtilité dont la jurisprudence peut faire preuve. Le Conseil d’État avait souligné, à propos de l’université de Paris, les "circonstances très particulières de l’espèce" ; il a relevé, à propos de l’université de Rennes, l’association de Rennes-II au nouvel établissement, les spécialisations distinctes de Rennes-I et Rennes-II et le "large regroupement" auquel procède le nouvel établissement. Il est en conséquence parvenu à une conclusion différente : le nouvel établissement pouvait légalement être dénommé "Université de Rennes".
C’est la beauté de la jurisprudence : une solution n’est jamais complètement commandée par un précédent.
Guillaume Odinet
Jurisprudence
Enseignement supérieur et recherche
Autres établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel
C.E., 6 février 2024, Union Pirate de Rennes 2 et autres, n° 470828, aux tables du Recueil Lebon
Autres aides financières
C.E., 22 décembre 2023, n° 488153
Examens, concours et diplômes
Handicap dans l’enseignement supérieur
T.A. Nancy, 25 janvier 2024, n° 2302348
Personnels
Disponibilité
C.E., 16 février 2024, n° 471382, au Recueil Lebon
Protection fonctionnelle
C.E., 15 février 2024, n° 462435, aux tables du Recueil Lebon
Sanctions
C.A.A. Nancy, 1er février 2024, Mme X c/ Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, n° 21NC01424 et n° 21NC14052
T.A. Orléans, 6 février 2024, n° 2201956
Cessation de fonctions
C.A.A. Lyon, 11 janvier 2024, n° 22LY02371
Questions propres aux agents non titulaires
T.A. Marseille, 10 janvier 2024, n° 2101587
Licenciement – Non renouvellement d’engagement
T.A. Versailles, 11 janvier 2024, n° 2106502
Concours
C.E., 27 février 2024, n° 475523
C.E., 6 février 2024, n° 459106 et n° 459108
Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille
Maîtres contractuels
C.E., 27 février 2024, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, n° 467503, aux tables du Recueil Lebon
Mise en demeure et fermeture
C.E., 16 février 2024, Association de l'école démocratique Ma voie, n° 489634, aux tables du Recueil Lebon
Questions générales
Cass., 1re civ., 31 janvier 2024, n° 21-23.233, au Bulletin
Mise en demeure
C.E., 6 février 2024, n° 487634, aux tables du Recueil Lebon
C.E., 6 février 2024, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, n° 476988, aux tables du Recueil Lebon
Responsabilité
Accidents subis ou causés par des élèves ou étudiants
C.A.A. Versailles, 21 décembre 2023, n° 22VE01460
Procédure contentieuse et questions de droit civil et pénal appliquées au droit de l'enseignement
Questions communes
C.E., 27 février 2024, n° 470496, aux tables du Recueil Lebon
Crise – Situation exceptionnelle
Composition du jury
T.A. Montpellier, 19 décembre 2023, Syndicat des moniteurs professionnels de glisses aérotractées et autre, n° 2202309
Sports
Honorabilité
C.A.A. Toulouse, 30 janvier 2024, n° 22TL21117 et n° 22TL21118
Enseignement supérieur et recherche
Autres établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel
- Création d’un établissement public expérimental – Nom de l’établissement – Risque de confusion
C.E., 6 février 2024, Union Pirate de Rennes 2 et autres, n° 470828, aux tables du Recueil Lebon
Le décret du 24 novembre 2022 portant création de l’Université de Rennes et approbation de ses statuts était contesté devant le Conseil d’État par un syndicat étudiant et une association représentant des étudiants ainsi que des personnels de l’université Rennes-II qui demandaient l’annulation du décret en tant qu’il attribue la dénomination d’"Université de Rennes" à l’établissement public expérimental qu’il crée.
Les requérants soutenaient que le décret était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation car la dénomination retenue ne correspondait, selon eux, ni à la réalité historique ni à la réalité géographique, et engendrait un risque de confusion au détriment de l’université Rennes-II qui continuera d’exister sur le même site. Selon les requérants, cette dénomination créait le risque que le nouvel établissement soit perçu comme étant la seule université de la métropole rennaise.
Le Conseil d’État a d’abord souligné que les deux universités rennaises "sont spécialisées, depuis leur création, dans des domaines académiques distincts, pour lesquels elles ont acquis chacune une notoriété propre (…) [et que] la dénomination retenue pour le nouvel établissement n’apparaît pas de nature à induire en erreur les étudiants, personnels ou partenaires français et étrangers des universités rennaises".
Le Conseil d’État a ensuite relevé "que le décret attaqué, en créant le nouvel établissement, a procédé à un large regroupement d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche situés à Rennes, et que l’université Rennes-II a décidé de demeurer en dehors de ce regroupement tout en y étant associée, l’article 14 des statuts du nouvel établissement, approuvés par le décret attaqué, prévoyant une convention d’association entre l’Université de Rennes et l’université Rennes-II pour organiser les modalités de concertation et d’articulation entre les deux établissements".
Il en a déduit que, dans ces circonstances, le choix de la dénomination d’"Université de Rennes" pour le nouvel établissement public expérimental n’était pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation.
N.B. : Cette décision apporte une nouvelle illustration du contrôle qu’exerce le Conseil d’État sur la dénomination des établissements publics à caractère culturel, scientifique et professionnel, et, notamment, de l’appréciation qu’il porte sur les éléments historiques, géographiques et scientifiques qui permettent de déterminer si la dénomination peut ou non prêter à confusion.
En effet, si le Conseil d’État a pu juger que sur le site parisien, un seul établissement ne pouvait être dénommé "Université de Paris" car il n’était pas le seul successeur de l’ancienne université de Paris ni le seul établissement pluridisciplinaire du site (C.E., 29 décembre 2021, Université Paris-II Panthéon-Assas, n° 434489, aux tables du Recueil Lebon), tel n’était pas le cas en l’espèce puisque l’établissement créé était historiquement le successeur de l’université de Rennes fondée au XIXe siècle et que, par ailleurs, la grande différence des matières enseignées et des thématiques de recherche n’était pas de nature à engendrer une confusion avec l’université Rennes-II.
Autres aides financières
- Aides d’urgences – Aides spécifiques ponctuelles – Pièces à fournir – Appréciation de la condition d’urgence
C.E., 22 décembre 2023, n° 488153
Un étudiant avait sollicité auprès du CROUS de Bordeaux-Aquitaine une aide ponctuelle pouvant être accordée aux étudiants qui rencontrent momentanément de graves difficultés. Or, malgré les demandes du CROUS en ce sens, l’étudiant n’avait jamais transmis de justificatif de sa situation. Sa demande avait donc été rejetée.
L’intéressé avait alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux qui avait rejeté sa requête pour défaut d’urgence, après avoir relevé que l’intéressé avait, à plusieurs reprises, refusé de transmettre au CROUS les pièces justificatives sollicitées, faisant ainsi obstacle à ce que sa situation financière puisse être évaluée en commission, en vue d'apprécier s'il y avait lieu de lui accorder l'aide ponctuelle en cause.
Le juge des référés en avait déduit que le requérant s'était lui-même placé dans la situation d'urgence qu'il dénonçait, dès lors que le refus d'aide ponctuelle qui lui avait été opposé et qu'il contestait n'était motivé que par son propre refus de produire les pièces demandées.
Le Conseil d’État a rejeté le pourvoi formé à l’encontre de l’ordonnance du juge des référés en estimant qu’elle était suffisamment motivée et n’était entachée d’aucune erreur de droit.
Examens, concours et diplômes
Handicap dans l’enseignement supérieur
- Aménagements d’épreuves – Handicap – B.T.S. – Épreuve de technique culinaire – Véganisme – Liberté de conscience – Condition médicale
T.A. Nancy, 25 janvier 2024, n° 2302348
Une étudiante, candidate au brevet de technicien supérieur (B.T.S.) spécialité "diététique", avait sollicité auprès du recteur l’aménagement de l'épreuve de technique culinaire afin de ne composer que sur des recettes adaptées, sans produits d'origine animale tels que la viande, le poisson, les œufs ou les produits laitiers.
Quelques jours après avoir d’abord fait droit à sa demande, le recteur avait rapporté cette décision après avoir constaté que les aménagements proposés à l’intéressée n’étaient pas conformes à la réglementation. Il avait précisé à la candidate qu'il mettrait à sa disposition des équipements de protection individuels, notamment des gants, pour lui éviter de manipuler des denrées d'origine animale.
Devant le tribunal administratif de Nancy, la requérante, qui contestait la décision de retrait prise par le recteur, soutenait notamment que cette décision était entachée d’erreur d’appréciation et d’erreur de droit au regard des troubles du comportement alimentaire dont elle souffrait et méconnaissait sa liberté de conscience ainsi que le principe de non-discrimination.
En premier lieu, le tribunal administratif a estimé que le recteur n’avait commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation. Après avoir rappelé qu’aux termes du 5° de l’article D. 613-26 du code de l’éducation, des adaptations ou des dispenses d'épreuves, rendues nécessaires par certaines situations de handicap, ne peuvent être accordées aux candidats que dans les conditions prévues par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur, du ministre chargé de la culture ou du président ou directeur de l'établissement, il a relevé que : "S'agissant du B.T.S. dans la spécialité "diététique", aucun arrêté ministériel ne prévoyait la possibilité, pour le recteur, d'accorder à une candidate la possibilité de composer sur un sujet différent de celui des autres candidats, comportant, notamment, l'élaboration d'une recette adaptée sans produit d'origine animale."
En second lieu, le tribunal a jugé que la requérante n’était pas fondée à invoquer la méconnaissance de sa liberté de conscience et du principe de non-discrimination au regard "des contraintes liées à l'organisation matérielle de l'épreuve pratique de cuisine qui font obstacle à ce qu'un candidat puisse obtenir une adaptation d'épreuve à raison de· ses convictions personnelles" et du principe d’égalité interdisant que lui soit attribué un sujet différent de celui de tous les autres candidats.
Personnels
Disponibilité
- Disponibilité pour suivre le conjoint – Réintégration – Propositions de postes – Refus
C.E., 16 février 2024, n° 471382, au Recueil Lebon
La requérante, une institutrice, avait sollicité sa réintégration à l'issue d'une période de mise en disponibilité pour suivre son conjoint, accordée en application du 2° de l'article 47 du décret du 16 septembre 1985. Ayant refusé de rejoindre le premier poste vacant dans son grade que l'administration lui avait proposé, elle avait été radiée des cadres pour abandon de poste.
Après avoir cité l'article 47 du même décret, ainsi que les quatrième et cinquième alinéas de son article 49, le Conseil d'État a précisé les modalités de réintégration d'un agent placé en disponibilité pour suivre son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité lorsque celui-ci est astreint à établir sa résidence habituelle, à raison de sa profession, en un lieu éloigné du lieu d'exercice des fonctions du fonctionnaire. Ces modalités de réintégration s'appliquent également aux deux autres disponibilités accordées de droit que sont les disponibilités pour élever un enfant de moins de douze ans (1° de l'article 47) et les disponibilités pour donner des soins à un enfant à charge, à un conjoint ou au partenaire avec lequel l'agent est lié par un pacte civil de solidarité, à un ascendant à la suite d'un accident ou d'une maladie grave ou atteint d'un handicap nécessitant la présence d'une tierce personne (1° bis de l'article 47).
Le Conseil d'État a considéré qu'il résultait des dispositions citées, "d'une part, que l'agent qui sollicite sa réintégration à l'issue d'une période de mise en disponibilité accordée en application du 2° de l'article 47 [du décret susmentionné] a droit d'obtenir celle-ci à la première vacance dans son corps d'origine et d'être affecté à un emploi correspondant à son grade" et qu’"en cas de refus du premier poste assigné, il doit s'en voir proposer deux autres, avant, le cas échéant, d'être licencié, après avis de la commission administrative paritaire, en cas de refus successivement des trois postes proposés". Il a jugé, "d'autre part, qu'il est maintenu en disponibilité jusqu'au terme de cette procédure".
Par suite, le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel qui avait précédemment jugé que la requérante, qui avait sollicité sa réintégration et refusé une proposition de poste du recteur de son académie, pouvait faire l'objet d'une mise en demeure de rejoindre son affectation et, faute de s'y être conformée, d'une radiation des cadres pour abandon de poste.
Protection fonctionnelle
- Attaques – Atteintes aux biens de l’agent sur le lieu et le temps du service – Vol d'effets personnels – Couverture des préjudices subis à l'occasion ou du fait des fonctions
C.E., 15 février 2024, n° 462435, aux tables du Recueil Lebon
Un sapeur-pompier volontaire s’était vu dérober par deux individus qui s’étaient introduits dans le vestiaire de son centre d'incendie et de secours des effets personnels ainsi que les clés de son véhicule. Celui-ci, stationné à proximité de la caserne, avait également été volé. L’intéressé avait demandé en vain à son employeur de l’indemniser des préjudices subis à raison de ces vols.
À la suite du rejet de ses recours par le tribunal administratif et la cour administrative d’appel de Bordeaux, l’intéressé avait saisi le Conseil d’État.
L'article L. 113-1 du code de la sécurité intérieure prévoit que les dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, codifiées désormais aux articles L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique, instaurant l’obligation, pour l’administration, de protéger ses agents des attaques qu’ils subissent dans le cadre de leurs fonctions, s’appliquent également aux sapeurs-pompiers volontaires.
Le Conseil d'État a tout d’abord rappelé sa position constante en matière de protection fonctionnelle, en précisant notamment que la protection "couvre les préjudices [que les agents] subissent à l'occasion ou du fait de leurs fonctions".
Puis il a considéré qu’il ne ressortait d’aucune des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le vol du véhicule personnel et du matériel photographique de l’intéressé résultait d'une volonté de lui porter atteinte en raison de sa qualité de sapeur-pompier volontaire, quand bien même le vol avait été commis sur les lieux et pendant les heures de son service.
Le Conseil d’État a donc jugé que, dans ces circonstances, les conditions d’octroi de la protection fonctionnelle n’étaient pas réunies.
Sanctions
- Personnel de direction – Révocation – Proportionnalité de la sanction
C.A.A. Nancy, 1er février 2024, Mme X c/ Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, n° 21NC01424 et n° 21NC14052
Statuant sur un appel du ministre, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement qui avait annulé la sanction de révocation infligée à Mme X, personnel de direction, au motif de sa disproportion.
La cour administrative d'appel a relevé qu’il ressortait des pièces du dossier que l’intéressée avait adopté un comportement agressif envers les chefs d’établissement qui s'étaient succédés au sein du collège dans lequel elle exerçait, qu'elle avait refusé d’obéir aux directives hiérarchiques, notamment "de se rendre à la convocation du recteur, destinée à lui notifier la décision de suspension", exercé un management humiliant envers certains membres du personnel, porté atteinte à la dignité des fonctions des personnels de direction et manqué à ses devoirs professionnels tels que la correction, l’exemplarité et la discrétion professionnelle au regard de ses responsabilités.
Comme l'y invitait le ministre, la cour a pris en compte, dans son appréciation du caractère proportionné de la sanction, les responsabilités particulières exercées par l'agent en sa qualité de personnel de direction.
La cour a ainsi jugé que les faits reprochés sont constitutifs de fautes disciplinaires de nature à justifier une sanction. En outre, elle a considéré qu’"eu égard à la nature de ces faits, dont Mme [X] ne semble pas avoir mesuré la gravité alors même qu’elle avait déjà été déplacée de l’établissement dans lequel elle exerçait ses fonctions précédemment et avait fait l’objet de plusieurs entretiens successifs concernant sa manière de servir (…) et à la méconnaissance que ces agissements traduisent de la part de Mme [X] des responsabilités particulières qui étaient les siennes en tant que personnel de direction d’un établissement d’enseignement, le ministre n’a pas, en l’espèce, pris une sanction disproportionnée en prononçant la révocation."
- Exclusion temporaire de fonctions – Loyauté de la preuve – Secret des correspondances privées
T.A. Orléans, 6 février 2024, n° 2201956
Une professeure demandait l'annulation de la décision lui infligeant une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de dix huit mois, assortie d’un sursis de six mois, pour avoir diffusé auprès de membres de la communauté éducative un pamphlet dirigé contre son ancien chef d’établissement et plusieurs de ses anciens collègues.
Elle soutenait que l’administration, en se fondant sur ce document alors qu’elle n’en avait pas été destinataire, avait méconnu les principes de loyauté de la preuve et de secret des correspondances privées.
Le tribunal administratif d’Orléans a d’abord rappelé que le principe de la liberté de la preuve permet à "l'autorité investie du pouvoir disciplinaire (...) [d']apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen, notamment en relatant elle-même des agissements imputés à l’agent qu’elle a constatés ou qui lui ont été rapportés" (cf. C.E., Section, 16 juillet 2014, n° 355201, au Recueil Lebon).
Reprenant les conclusions du rapporteur public (en ligne sur ArianeWeb) sur la décision du Conseil d'État n° 414350 du 12 juin 2019, le tribunal administratif a poursuivi en expliquant qu’"il n’appartient pas au juge de vérifier la régularité de la transmission à l’autorité disciplinaire de pièces émanant de tiers. Il incombe seulement à celui-ci, après avoir soumis de telles pièces au débat contradictoire, de tenir compte de leur origine et des conditions dans lesquelles elles sont produites pour en apprécier, au terme de la discussion contradictoire devant lui, le caractère probant. Ainsi, la circonstance qu’une sanction serait fondée sur des pièces dont la production aurait été faite de sa propre initiative, par un tiers, en méconnaissance d’une obligation de secret propre à ce dernier, n’est pas par elle-même de nature à entacher la régularité ou le bien-fondé de la sanction disciplinaire. Il en va ainsi particulièrement de pièces dont il est soutenu que leur communication, au juge ou à la partie adverse, méconnaîtrait des secrets protégés par la loi."
En l’espèce, le tribunal a constaté que le document sur lequel s’était fondée l’administration pour sanctionner la professeure lui avait été communiqué par l’intermédiaire de demandes de protection fonctionnelle effectuées par les agents visés dans les écrits de l’intéressée. Il a ainsi considéré que "la prise en compte de ce document ne procède d’aucune déloyauté de la part de l’administration, qui a, au contraire, réagi dans l’intérêt des personnes mises en cause par le pamphlet (…), pour vérifier les faits portés à sa connaissance et en tirer les conséquences nécessaires".
Par ailleurs, il a relevé que la requérante, qui se plaignait de la méconnaissance du secret des correspondances privées, avait adressé son pamphlet à 80 personnes, dont une élue en charge des affaires scolaires, et que certaines d’entre elles l’avaient reçu à leur adresse professionnelle. Il en a déduit que : "Un tel adressage, de par ses caractéristiques et de par ses proportions, impliquant nécessairement une potentielle rediffusion à un public plus large, ne peut être regardé comme caractérisant une correspondance privée."
Par conséquent, le tribunal a estimé, en tenant compte du "caractère outrancier et injurieux" du document et de "la virulence de la critique émise de nature à jeter le discrédit sur l’éducation nationale et à porter gravement atteinte à son image", que l’envoi du pamphlet révèle un manquement aux obligations de dignité, de discrétion professionnelle et d’exemplarité de la requérante.
Le tribunal a donc rejeté la requête en jugeant que l’exclusion temporaire de fonctions de dix-huit mois, assortie d’un sursis de six mois, était une sanction proportionnée au regard de la nature et de la gravité des faits qui étaient reprochés à l’intéressée.
Cessation de fonctions
- Fonctionnaires et agents publics – Rupture conventionnelle – Délai d’un mois pour la tenue de l’entretien – Garantie (non)
C.A.A. Lyon, 11 janvier 2024, n° 22LY02371
Une professeure des écoles avait présenté à l’administration une demande de rupture conventionnelle qui avait été refusée. Après avoir demandé en vain au tribunal administratif de Lyon l’annulation de cette décision de rejet, la requérante avait formé un appel devant la cour administrative d’appel.
La rupture conventionnelle a été instaurée dans la fonction publique, à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2025, par l’article 72 de la loi du 6 août 2019, aux termes duquel : "I. L'administration et le fonctionnaire mentionné à l'article 2 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 (…) peuvent convenir en commun des conditions de la cessation définitive des fonctions, qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire. (…)."
La procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique est prévue par le décret du 31 décembre 2019, dont l’article 2 dispose que : "La procédure de la rupture conventionnelle peut être engagée à l'initiative du fonctionnaire ou de l'administration (…) dont il relève. / Le demandeur informe l'autre partie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise en main propre contre signature. / (…) un entretien relatif à cette demande se tient à une date fixée au moins dix jours francs et au plus un mois après la réception de la lettre de demande de rupture conventionnelle. / (…)."
La requérante soutenait que la décision de l’administration rejetant sa demande de rupture conventionnelle était illégale dans la mesure où l’entretien prévu s’était tenu plus d’un mois après la réception de son courrier.
Ayant considéré dans un premier temps que le non-respect de ce délai d'un mois ne constituait pas une irrégularité privant l’intéressée d’une garantie au sens de la jurisprudence "Danthony" (C.E., Assemblée, 23 décembre 2011, n° 335033, au Recueil Lebon), la cour a, dans un second temps, examiné si l'irrégularité avait été susceptible d'avoir une influence sur le sens de la décision prise.
Dans le cadre d'une appréciation concrète des circonstances de l'espèce, la cour a considéré que : "Si l’intéressée fait valoir que le non-respect de ce délai d’un mois (…) a eu une incidence sur le sens de la décision, puisque l’administration lui a indiqué qu’elle attendait une note du ministre de l’éducation nationale relative à la mise en œuvre de cette procédure, il ressort des pièces du dossier que l’administration aurait malgré tout disposé de cette note pour prendre sa décision si l’entretien avait eu lieu dans les délais", en relevant que la note du ministre datait du 9 juillet 2020, soit avant l’expiration du délai d’un mois pour fixer la date de l’entretien.
La cour a, en conséquence, rejeté la requête d’appel.
Questions propres aux agents non titulaires
- Modification unilatérale d’un contrat à durée déterminée – Responsabilité de l’État – Contrats distincts
T.A. Marseille, 10 janvier 2024, n° 2101587
La requérante avait été recrutée par contrat à durée déterminée en qualité d’accompagnante des élèves en situation de handicap (A.E.S.H.) pour exercer au sein d’un collège d’Aix-en-Provence de septembre 2016 à août 2019, puis auprès de tout établissement de l'enseignement du second degré du département des Bouches-du-Rhône de septembre 2019 à août 2022. L’intéressée avait présenté une demande tendant à l’indemniser du préjudice résultant de la modification unilatérale de son contrat, qui avait fait l’objet d’une décision implicite de rejet.
Elle demandait au tribunal administratif de Marseille, notamment pour ce motif, la condamnation de l’État à l’indemniser à hauteur de 20 000 euros en réparation de ses agissements fautifs.
Le tribunal administratif a rappelé qu’en application de l’article 45-4 du décret du 17 janvier 1986, l’administration pouvait proposer la modification d’un élément substantiel du contrat de travail tel que le lieu de travail, en cas de transformation du besoin ou de l’emploi ayant justifié le recrutement sur un besoin permanent. Une proposition de modification pouvait être transmise à l’agent, qui disposait d’un délai d’un mois pour y répondre.
Néanmoins, en l’espèce, le tribunal a souligné en premier lieu, que l’intéressée avait bénéficié de trois contrats distincts de 2016 à 2022. Les deux premiers fixaient un seul établissement d’exercice des fonctions à Aix-en-Provence, alors que le troisième indiquait que les missions seraient réalisées au sein de tout établissement d'enseignement "du second degré du département des Bouches-du-Rhône". En second lieu, les trois contrats signés par la requérante comprenaient tous une clause de mobilité stipulant que l'agent pourrait également exercer ses fonctions "auprès d’autres élèves dans l’hypothèse où les élèves bénéficiant de l’accompagnement en question seraient absents".
Dans ces conditions, en missionnant la requérante auprès d'une école élémentaire du département des Bouches-du-Rhône, le tribunal administratif a considéré que l'administration n’avait pas modifié unilatéralement le contrat de l’intéressé et, par suite, n'avait commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l’État.
Licenciement – Non renouvellement d’engagement
- Droit de retrait – Licenciement pour abandon de poste
T.A. Versailles, 11 janvier 2024, n° 2106502
Le requérant, recruté en qualité d’accompagnant des élèves en situation de handicap (A.E.S.H.), avait déclaré, le lendemain de son congé de maladie, exercer son droit de retrait jusqu'à ce qu'il soit reçu à une visite de suivi médical, dès lors qu'en tant que travailleur handicapé, il devait faire l'objet d'une surveillance médicale particulière et qu'il estimait subir d'importantes contraintes de travail liées à son handicap. Après avoir été mis en demeure de reprendre son service ou de justifier de son absence, le requérant avait été licencié pour abandon poste.
Le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant à la condamnation de l'État à l’indemniser des préjudices résultant de son licenciement, et à lui verser les retenues et rappels de traitement pour absences injustifiées.
Le tribunal administratif a tout d'abord rappelé l'article 5-6 du décret du 28 mai 1982 qui offre à tout agent la possibilité de quitter son poste de travail si, d’une part, il a un motif raisonnable de penser qu’il se trouve exposé à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé et, d’autre part, il constate une défectuosité dans les systèmes de protection. Il a également cité l'article 26 du même décret qui habilite les médecins de prévention à proposer des aménagements de poste de travail ou de conditions d’exercice justifiés par l’état de santé des agents.
Le tribunal a ensuite relevé que le requérant, qui, du reste, avait bénéficié, quatre mois auparavant, d'une visite auprès d'un médecin de prévention concluant à son aptitude physique et à l'absence de maladies ou d'infirmités incompatibles avec les fonctions d'A.E.S.H., n’avait pas précisé dans sa déclaration de retrait la situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé. Il a considéré que ne constituait pas une alerte suffisamment précise la seule mention de "grosses contraintes de travail liées à son handicap".
Si l’intéressé indiquait qu’il aurait dû bénéficier du même fauteuil ergonomique dont il disposait dans le cadre d’une activité annexe au sein d'une association, le tribunal a estimé qu’il ne précisait aucunement les conséquences sur sa vie ou sa santé des conditions d’exercice en l'état de son activité d’A.E.S.H.
De surcroît, le tribunal a souligné que le requérant avait refusé un rendez vous médical avec le médecin de prévention proposé par son administration après sa déclaration de retrait, en sollicitant un autre créneau de visite dès lors qu'il avait une autre activité dans le secteur privé.
Par suite, le tribunal a considéré qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'administration aurait commis une faute en ne proposant pas à l'agent une visite médicale et qu'elle l'aurait ainsi placé dans une situation de danger grave et imminent à compter du jour de sa déclaration de retrait. Dès lors, l'administration était fondée à considérer l'absence de l'agent comme injustifiée et à le licencier pour abandon de poste, et les conclusions indemnitaires de la requête devaient être rejetées.
Concours
- Motivation de la délibération du comité de sélection établissant la liste des candidats qu'il souhaite entendre (non) – Communication des motifs de rejet de sa candidature au candidat à sa demande
C.E., 27 février 2024, n° 475523
Un candidat à un poste de professeur des universités demandait l’annulation, au motif qu’elle était insuffisamment motivée, de la délibération par laquelle le comité de sélection institué pour ce recrutement avait écarté sa candidature et fixé la liste des candidats à auditionner.
Le premier alinéa de l'article 9-2 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences indique à cet égard que : "(…) Au vu de rapports pour chaque candidat présentés par deux de ses membres, le comité établit la liste des candidats qu'il souhaite entendre. Les motifs pour lesquels leur candidature n'a pas été retenue sont communiqués aux candidats qui en font la demande." En l’espèce, à la suite de sa demande de communication des motifs justifiant qu’il ne soit pas entendu par le comité de sélection, il avait été transmis au candidat les deux rapports établis sur sa candidature.
Le Conseil d’État, après avoir rappelé qu'"il résulte des termes mêmes de l’article 9 2 du décret du 6 juin 1984 (…) qu’il appartient au comité de sélection d’établir, lors de sa première réunion, la liste des candidats qu’il souhaite entendre, sans que cette liste n’ait, à ce stade, à être motivée [et qu']il doit, en revanche, lorsqu’un candidat qui n’a pas été retenu pour l’audition le lui demande, communiquer à ce dernier les motifs pour lesquels sa candidature n’a pas été retenue", a jugé que l’intéressé, qui avait d’ailleurs reçu, sur sa demande, la communication des motifs pour lesquels sa candidature n’a pas été retenue, ne saurait utilement se prévaloir de l’absence de motivation de la délibération contestée.
Cette décision est l’occasion de rappeler que si la liste des candidats qu’il souhaite entendre, établie par le comité de sélection lors de sa première réunion, n’a pas, à ce stade, à être motivée (cf. C.E., 25 novembre 2022, n° 449001 ; C.E., 3 mai 2017, n° 392549), le juge contrôle, en revanche, le caractère suffisant des motifs communiqués au candidat à sa demande (C.E., 27 janvier 2020, n° 415314, aux tables du Recueil Lebon).
En l’espèce, le Conseil d’État, qui n’exige pas de formalisme particulier en la matière, a estimé que la transmission au candidat des deux rapports rédigés sur sa candidature par les membres du comité de sélection satisfaisait, en l’espèce et au vu de son contenu, à l’obligation de communication des motifs au candidat à sa demande.
Le Conseil d'État avait déjà jugé, s’agissant de la procédure d’inscription sur la liste de qualification aux fonctions d’enseignant-chercheur, que l’obligation de transmission au candidat des motifs de la décision écartant sa candidature prévue aux articles 24 et 45 du décret du 6 juin 1984 (cf. C.E., 30 décembre 2022, n° 225515, aux tables du Recueil Lebon) était satisfaite par la communication des rapports établis par les rapporteurs sur sa candidature (C.E., 6 avril 2005, n° 269847).
- Recrutement des enseignants-chercheurs – Interruption de la procédure
C.E., 6 février 2024, n° 459106 et n° 459108
Un concours réservé aux maîtres de conférences titulaires d’une habilitation à diriger des recherches sur le fondement du 3° de l’article 46 du décret du 6 juin 1984 avait été ouvert au sein d’une université. Selon cette procédure dérogatoire, prévue à l’article 49-3 du même décret, désormais abrogé, les candidats classés par l’établissement mais non inscrits préalablement sur la liste de qualification aux fonctions d’enseignant-chercheur voyaient leur nomination soumise à l’avis conforme du Conseil national des universités (C.N.U.), le candidat le mieux classé bénéficiant d’un avis favorable de cette instance étant alors nommé.
En l’espèce, le C.N.U. avait émis un avis défavorable à la candidature du candidat classé premier. Estimant devoir être nommé, le candidat classé deuxième contestait la délibération par laquelle le conseil d’administration avait finalement supprimé le poste ainsi que le courriel du ministère chargé de l'enseignement supérieur l’informant que cette suppression ne permettait pas de procéder à sa nomination.
Écartant la fin de non-recevoir opposée par la ministre, le Conseil d’État a estimé que le courriel en litige "révèle une décision de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de ne pas proposer sa nomination au président de la République, laquelle fait] grief à l'intéressé". Ce faisant, il a admis que le contrôle de légalité opéré sur une candidature par le ministre avant transmission au président de la République pour nomination, habituellement réservé au cas où il refusait de procéder à celle-ci (cf. C.E., 7 juin 1995, n° 159362, aux tables du Recueil Lebon ; C.E., 14 mai 1997, n° 176806 et n° 180269, aux tables du Recueil Lebon), devait réciproquement s’étendre à la régularité de l’interruption du processus de nomination par l’établissement lorsque ce dernier avait saisi le ministre d’une liste de candidats pour nomination.
Jugeant, par ailleurs, que la suppression du poste "a eu en réalité pour motif, non de répondre à des impératifs budgétaires, mais de mettre fin au recrutement à la suite de l'avis du Conseil national des universités qui faisait obstacle ce que puisse être nommé le candidat placé en première position sur la liste transmise à la ministre par l'université", le Conseil d’État a censuré le motif retenu par le conseil d’administration de l’université pour supprimer le poste, en retenant que ce motif n’est pas au nombre de ceux pouvant légalement justifier de mettre un terme à la procédure de recrutement, sans toutefois retenir de détournement de pouvoir (cf. C.E., 25 février 2015, n° 374002).
Ce faisant, certes sans l’indiquer expressément, le Conseil d’État vient réaffirmer que la promotion interne n’est pas un motif légitime sur lequel l’université peut fonder sa décision de ne pas poursuivre le recrutement (cf. C.E., 23 septembre 2013, n° 361259 ; C.E. n° 374002, susmentionnée) et que si un motif budgétaire peut fonder la décision de suppression d’un poste en cours de recrutement, le juge contrôle que celle-ci ne révèle pas une volonté d’évincer une personne en particulier (C.E., 4 juillet 1975, Commune d'Arces c/ Sieur X, n° 92471, au Recueil Lebon).
En revanche, l’objectif visant à promouvoir un recrutement extérieur à l’établissement a déjà été jugé comme pouvant légalement figurer dans la stratégie de l’établissement (cf. C.E., 23 décembre 2014, n° 364138, aux tables du Recueil Lebon).
Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille
Maîtres contractuels
- Réduction ou suppression du service des maîtres – Critères d’appréciation – Critère non exclusif – Durée des services d'enseignement – Qualifications professionnelles
C.E., 27 février 2024, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, n° 467503, aux tables du Recueil Lebon
La requérante, recrutée en qualité de maître contractuelle de l’enseignement privé sous contrat en vue d’enseigner la coiffure, avait été informée par son chef d'établissement qu'une nouvelle ventilation de la dotation horaire globale de l'établissement avait été décidée par la rectrice d'académie, entraînant la suppression d'un poste de coiffure, et qu'au regard des formations dispensées par l’établissement et des impératifs attendus concernant les compétences spécifiques de perruquier-posticheur, qu'elle ne détenait pas, son service serait supprimé à la rentrée scolaire suivante.
Par un jugement du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Rouen avait annulé cette décision au motif qu’en se fondant, pour supprimer le service d’enseignement de l’intéressée, sur le motif tiré de l’absence de maîtrise des compétences spécifiques de perruquier-posticheur, alors qu’il devait être exclusivement tenu compte, en vertu de l’article R. 914-75 du code de l’éducation, de la durée des services accomplis dans les établissements d’enseignement publics ou privés sous contrat, l'administration a entaché sa décision d’une erreur de droit.
Par un arrêt n° 21DA01218 rendu le 7 juillet 2022, la cour administrative d’appel de Douai avait confirmé ce jugement en se fondant sur le même motif.
Après avoir rappelé qu’en application des dispositions de l’article R. 914-75 du code l’éducation, dans sa version applicable au litige, le chef d’établissement, pour transmettre au recteur la liste "par discipline des maîtres pour lesquels il est proposé de réduire ou supprimer le service (…), prend en compte la durée des services d'enseignement, de direction ou de formation accomplis par chacun d'eux dans les établissements d'enseignement publics ou privés sous contrat", le Conseil d'État a précisé que d’autres critères pouvaient être pris en considération par le chef d’établissement dans l’élaboration de sa proposition, notamment "celui de la détention de qualifications professionnelles particulières adaptées aux besoins de l’enseignement". Ainsi, la durée des services d’enseignement ne saurait être regardée comme le critère exclusif, tant par le chef d’établissement que par l’autorité rectorale, pour l’établissement de ladite liste.
Par suite, le Conseil d’État a jugé qu’en l’espèce, la rectrice d'académie pouvait légalement fonder sa décision sur le "critère tiré de l’absence de compétences spécifiques de perruquier-posticheur" de la requérante et a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai.
Mise en demeure et fermeture
- Établissement d’enseignement privé hors contrat – Fermeture administrative – Mesure de police administrative – Question prioritaire de constitutionnalité – Absence de renvoi
C.E., 16 février 2024, Association de l'école démocratique Ma voie, n° 489634, aux tables du Recueil Lebon
À l’occasion de son recours contre l’arrêté portant fermeture de l’établissement d’enseignement privé hors contrat dont elle assurait la gestion, une association avait soulevé une question prioritaire de constitutionalité (Q.P.C.) portant sur la conformité à la Constitution des dispositions du IV de l’article L. 442-2 du code de l’éducation, dans leur rédaction issue de de la loi du 24 août 2021, et notamment "[à] la liberté de l'enseignement, [à] la liberté d'association, [à] la liberté d'entreprendre, [aux] droits garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi [qu’au] principe de légalité des délits et des peines et [qu’aux] principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines qui découlent de l'article 8 de cette même Déclaration".
Pour refuser de renvoyer la question au Conseil constitutionnel, le Conseil d’État a, d’une part, relevé que la mesure de fermeture temporaire ou définitive de l’établissement avait le caractère d’une mesure de police administrative, et non celui d’une sanction, en ce qu’elle "a pour objet d'assurer la protection de la santé, de la sécurité et du droit à l'éducation des élèves et de prévenir les risques d'atteinte à l'ordre public" (point 4). Dès lors que la mesure n’est pas une sanction ayant le caractère d’une punition, il a écarté comme inopérants les moyens tirés du respect des droits de la défense et du principe d'impartialité qui découlent de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ainsi que des principes de légalité des délits et des peines et de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines (point 7).
D’autre part, le Conseil d'État a rappelé que "le législateur a entendu concilier la liberté de l'enseignement avec le respect du droit à l'instruction consacré par le treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (...), avec l'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant qui résulte des dixième et onzième alinéas du même Préambule ainsi qu'avec l'objectif de valeur constitutionnelle de respect de l'ordre public", et que : "La mesure de fermeture (…) ne peut être motivée que par les manquements, de nature à porter atteinte à l'ordre public, aux obligations fondamentales qui encadrent l'activité d'un établissement privé d'enseignement hors contrat et aux conditions dans lesquelles le respect de ces obligations est contrôlé."
Il a aussi rappelé que la décision de fermeture "ne peut être décidée qu'après mise en demeure de l'établissement l'invitant, au vu des manquements constatés lors de son contrôle, à fournir des explications et à engager les actions nécessaires pour y remédier et dans le seul cas où il n'a pas été remédié aux manquements constatés à l'expiration du délai fixé par cette mise en demeure".
Il a relevé, en outre, que la mesure de fermeture "peut porter sur l'ensemble de l'établissement ou certaines classes seulement et peut être provisoire ou définitive" et qu’elle est "soumise à l'entier contrôle du juge administratif".
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il a estimé que : "Dans ces conditions, les pouvoirs conférés au représentant de l'État par les dispositions contestées ne sauraient être regardées comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté de l'enseignement ni, en tout état de cause, à la liberté d'entreprendre." (Point 5.)
Il a également écarté le moyen tiré de l’atteinte à la liberté d’association en relevant que "les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet d'encadrer les conditions dans lesquelles les associations se constituent et exercent leur activité" (point 6).
Enfin, le Conseil d'État a estimé que dès lors que les décisions prises par l’autorité administrative sur le fondement des dispositions contestées étaient "placées sous le contrôle du juge administratif", ces dernières "ne sauraient être regardées comme méconnaissant le droit au recours effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme" (point 8).
Questions générales
- Contrôle du juge judiciaire – Clause d’un contrat – Motif légitime et impérieux – Établissement d’enseignement supérieur privé – Article 1103 du code civil
Cass., 1re civ., 31 janvier 2024, n° 21-23.233, au Bulletin
Une étudiante avait conclu avec un établissement d’enseignement supérieur privé un contrat pour un cycle de deux ans moyennant des frais de scolarité s’élevant à 4 900 euros par an. Une clause du contrat prévoyait la possibilité pour l’étudiante de solliciter la résiliation du contrat si elle justifiait d’un cas de force majeure ou d’un motif légitime et impérieux. Cette clause précisait qu’il revenait à la direction de l’établissement d’apprécier l’existence avérée du motif de résiliation.
Au début de la première année de formation, l’étudiante avait sollicité la résiliation du contrat, à laquelle s’était opposé l’établissement qui avait, par ailleurs, obtenu une ordonnance d'injonction de payer la somme de 3 250 euros.
L’étudiante et ses parents avaient alors saisi le tribunal de proximité qui avait déclaré recevable et bien fondée l’opposition à payer formée par les intéressés.
L’établissement d’enseignement supérieur privé avait formé un pourvoi en cassation contre ce jugement en soutenant que le tribunal, bien qu’ayant écarté le moyen tiré du caractère abusif de la clause précitée, avait méconnu l’article 1103 du code civil, qui dispose que "les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits", en substituant son appréciation à celle de l’établissement et en estimant que l’étudiante démontrait bien se fonder sur un motif impérieux et légitime pour demander la résiliation.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi en rappelant que : "L'application par les parties de la clause d'un contrat d'enseignement, prévoyant une faculté de résiliation dans le cas d'un motif légitime et impérieux invoqué par l'étudiant et apprécié uniquement par la direction de l'école, n'échappe pas, en cas de litige, au contrôle du juge et c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis que le tribunal a estimé qu'était caractérisée l'existence d'un motif légitime et impérieux justifiant la résiliation du contrat."
Mise en demeure
- Instruction dans la famille – Contrôles pédagogiques aux résultats insuffisants – Caractère exécutoire de la mise en demeure – Prise en compte de l’intérêt supérieur de l'enfant
C.E., 6 février 2024, n° 487634, aux tables du Recueil Lebon
C.E., 6 février 2024, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, n° 476988, aux tables du Recueil Lebon
Saisi de deux pourvois en cassation, respectivement formés par des parents d’élèves et par le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, le Conseil d’État a annulé deux ordonnances rendues en référé suspension qui portaient sur des mises en demeure d’inscrire des enfants instruits en famille dans un établissement d’enseignement scolaire.
Les enfants qui reçoivent l’instruction dans la famille sont soumis à un contrôle pédagogique qui a pour objet, aux termes de l’article L. 131-10 du code de l'éducation, de "vérifier, d'une part, que l'instruction dispensée au même domicile l'est pour les enfants d'une seule famille et, d'autre part, que l'enseignement assuré est conforme au droit de l'enfant à l'instruction tel que défini à l'article L. 131-1-1. À cet effet, ce contrôle permet de s'assurer de l'acquisition progressive par l'enfant de chacun des domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire."
Ce même article prévoit, en outre, qu’à la suite de deux contrôles successifs dont les résultats sont jugés insuffisants, "l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation met en demeure les personnes responsables de l'enfant de l'inscrire, dans les quinze jours suivant la notification de cette mise en demeure, dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé (…). Les personnes responsables ainsi mises en demeure sont tenues de scolariser l'enfant dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé au moins jusqu'à la fin de l'année scolaire suivant celle au cours de laquelle la mise en demeure leur a été notifiée. (…)."
En application de l’article 227-17-1 du code pénal, le non-respect d’une telle mise en demeure d’inscription scolaire est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.
Statuant sur le premier pourvoi, le Conseil d’État a estimé qu’en se fondant sur la circonstance que les requérants n’avaient pas encore déféré aux mises en demeure attaquées pour rejeter leur requête pour défaut d’urgence sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, la juge des référés du tribunal administratif de Grenoble avait commis une erreur de droit dès lors que "ces mises en demeure, qui valent, comme le prévoit l'article L. 131-10 du code de l'éducation, jusqu'à la fin de l'année scolaire suivant celle au cours de laquelle elles avaient été notifiées, étaient exécutoires – leur inobservation étant d'ailleurs passible de sanctions pénales" (C.E. n° 487634, point 9).
La portée de cette décision tient à sa solution implicite car en soulignant que les mises en demeure attaquées produisent des effets jusqu’à la fin de la période de scolarisation obligatoire qu’elles imposent, le Conseil d’État a jugé que la circonstance que les enfants des requérants avaient été scolarisés postérieurement à la réception de ces mises en demeure (et à l’ordonnance du juge des référés) n’avait pas pour conséquence de priver d’objet la demande de suspension de la décision attaquée.
Examinant le second pourvoi, le Conseil d’État a déduit des dispositions de l’article L. 131-10 du code de l’éducation précité que : "Lorsque les résultats du second contrôle de l'instruction d'un enfant dans la famille sont jugés insuffisants, il appartient, en principe, à l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation, dans l'intérêt même de l'enfant et afin d'assurer son droit à l'instruction, de mettre en demeure les personnes responsables de l'enfant de l'inscrire, dans les quinze jours suivant la notification de cette mise en demeure, dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé." (C.E. n° 476988, point 7.)
Il a ensuite relevé qu’en l’espèce, les résultats du second contrôle de l'instruction en famille dispensée au fils des requérants étaient insuffisants, si bien que le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers avait dénaturé les pièces du dossier "en retenant, après avoir seulement relevé que la scolarisation du jeune [X] serait de nature à créer pour lui d'importantes difficultés d'adaptation, que le moyen tiré de ce que la mise en demeure était contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant était de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée" (ibid., point 9).
Après avoir annulé les deux ordonnances dont il était saisi et réglant ces affaires en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'État a estimé qu’aucun des moyens soulevés n’était propre à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées et, par suite, a rejeté les pourvois.
Responsabilité
Accidents subis ou causés par des élèves ou étudiants
- Accident subi par un élève – Surveillance par un membre de l'enseignement public – Incompétence de la juridiction administrative – Défaut d’organisation du service public de l’enseignement ou dommage afférent à un travail ou à un ouvrage public (absence)
C.A.A. Versailles, 21 décembre 2023, n° 22VE01460
Une élève de première avait été victime d'un accident au cours d'une séance de musculation organisée dans le cadre d’un cours d’éducation physique et sportive au sein de son lycée, sous la surveillance de son enseignante. Saisi par les parents de la victime, le tribunal administratif de Versailles avait rejeté leur demande d’indemnisation des préjudices subis du fait de cet accident.
Par un arrêt du 21 décembre 2023, la cour administrative d’appel de Versailles a annulé le jugement attaqué et rejeté la demande d’indemnisation formée par les requérants.
À cette occasion, la cour administrative d'appel a rappelé que l'article L. 911-4 du code de l’éducation, issu de la loi du 5 avril 1937, institue une "responsabilité générale de l'État, mise en jeu devant les tribunaux de l'ordre judiciaire pour tous les cas où un dommage causé à un élève a son origine dans la faute d'un membre de l'enseignement et [qu']il n'est dérogé à cette règle que dans le cas où le préjudice subi doit être regardé comme indépendant du fait de l'agent, soit que ce préjudice ait son origine dans un dommage afférent à un travail public, soit qu'il trouve sa cause dans un défaut d'organisation du service" (cf. C.E., 3 novembre 1978, Caisse primaire d'assurance maladie de Béziers-Saint-Pons, n° 04615, au Recueil Lebon).
En premier lieu, la cour a annulé le jugement du tribunal administratif "en tant qu’il s’[était] prononcé sur les conclusions à fin d’indemnisation pour défaut de surveillance de l’enseignante en charge de la séance de musculation" dès lors que de telles conclusions, en vertu de l’article L. 911-4 précité, "relèvent de la compétence de la seule autorité judiciaire (…) et ne peuvent qu’être rejetées, à ce titre, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître".
En second lieu, s’agissant des autres fondements de responsabilité pour faute invoqués, d’une part, la cour a relevé que l’accident dont l’élève avait été victime était "intervenu durant le premier cours de musculation, qui figure dans la liste nationale d’activité physiques, sportives et artistiques (APSA) de l’année scolaire de la classe de première, lors de la pratique d’un exercice de musculation sur une machine". Elle a ensuite estimé que si les requérants soutenaient que le poids de la machine était manifestement disproportionné au regard de la capacité physique de l’élève, "l’accident n’est pas survenu dans la pratique de l’exercice de musculation mais au moment de la manipulation de la barre de réglage des poids de l’appareil qui s’était bloquée" et que, dans ces conditions, l’exercice litigieux ne comportait pas de caractère dangereux ou inadapté.
De plus, la cour a considéré qu’"il ne résulte (…) pas de l’instruction que l’activité en cause aurait nécessité la présence d’une équipe encadrante alors que ce type d’activité ne nécessite habituellement qu’un enseignant par classe". Ainsi, la cour en a déduit que "les modalités d’encadrement et d’organisation du cours d’éducation physique et sportive ne rév[élaient] pas de défaut d’organisation ou de fonctionnement du service public de l’enseignement de nature à engager la responsabilité de l’État".
D’autre part, après avoir rappelé que "la responsabilité du maître [d’ouvrage] est engagée en cas de dommages causés aux usagers par cet ouvrage dès lors que la preuve de l'entretien normal de celui-ci n'est pas apportée (…), à la condition que le dommage soit imputable à un bien immobilier, seul susceptible de recevoir la qualification d'ouvrage public [cf. C.E., 26 septembre 2001, Département du Bas-Rhin, n° 204575, au Recueil Lebon], ou que ce bien soit physiquement incorporé à un ouvrage public ou n'en soit pas dissociable", la cour a considéré que l’appareil de musculation, qui n’était pas fixé au sol, ne pouvait être regardé comme incorporé à l’ouvrage public constitué par le complexe sportif du lycée, alors qu’il "ne constitu[ait] pas davantage un élément indissociable de la salle de musculation de ce complexe, l’utilisation de cet appareil n’étant pas indispensable à l’exercice de l’activité de musculation en cause".
Ainsi, elle en a conclu que la responsabilité de l’État pour défaut d’entretien normal d’un ouvrage public ne pouvait être engagée, alors que, en tout état de cause, l’appareil de musculation avait "fait l’objet d’une vérification (…) un mois avant les faits et [qu’]aucun élément ne permet[tait] par ailleurs de retenir un défaut d’entretien."
Procédure contentieuse et questions de droit civil et pénal appliquées au droit de l'enseignement
Questions communes
- Juridiction disciplinaire instituée pour les membres du personnel enseignant et hospitalier – Non-respect du délai de transmission du rapport d’instruction – Annulation de la sanction – Admission à la retraite du requérant – Cassation sans renvoi
C.E., 27 février 2024, n° 470496, aux tables du Recueil Lebon
Un professeur des universités-praticien hospitalier (P.U.-P.H.) s’était pourvu en cassation à l’encontre de la décision de la juridiction disciplinaire compétente à l’égard des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires et des personnels enseignants de médecine générale, instituée par l’article L. 952-22 du code de l’éducation, lui infligeant la sanction de l’exclusion temporaire de ses fonctions universitaires et hospitalières d’une durée de dix-huit mois, avec privation totale de rémunération.
Le Conseil d’État a jugé, tout d'abord, que l’intéressé était fondé à demander l’annulation de cette décision au motif que s’il s’était vu communiquer une première version du rapport d’instruction plus de trois mois avant la tenue de l’audience, il n’avait pu toutefois prendre connaissance de la version définitive, notamment complétée des éléments recueillis à l’occasion des mesures d’instruction diligentées par la rapporteure, que douze jours avant la tenue de l’audience, en méconnaissance du délai minimal de quinze jours devant être observé entre la transmission aux parties du rapport d’instruction et l’audience, prévu au dernier alinéa de l’article 2-2 du décret du 18 septembre 1986 fixant les règles de procédure devant la juridiction disciplinaire concernée.
En jugeant que le respect du délai de quinze jours devait être apprécié à compter de la mise à disposition de la dernière version du rapport dès lors qu’il comportait, en l’espèce, de nouveaux éléments recueillis dans le cadre de l’instruction, le Conseil d’État a confirmé son appréciation stricte des délais imposés lorsqu’ils visent à garantir le respect des droits de la défense.
Il a ainsi déjà jugé qu’eu égard à la nature et à l'objet de la procédure suivie devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire, le délai imparti par le premier alinéa de l'article R. 232-38 du code de l'éducation pour convoquer l'intéressé à la séance de jugement, à savoir quinze jours au moins avant celle-ci, avait non seulement pour objet de l'informer de la date de l'audience, mais aussi de lui laisser un délai suffisant pour préparer utilement sa défense. Il en résultait que la lettre recommandée convoquant le mis en cause devait lui parvenir ou, s'il était absent, lui être présentée au moins quinze jours avant la date de la séance (cf. C.E., 22 février 2012, n° 333573, aux tables du Recueil Lebon).
La solution retenue est identique s’agissant du respect du délai de convocation à la séance de jugement par la Cour nationale du droit d'asile (cf. C.E., 27 mars 2020, n° 431290, aux tables du Recueil Lebon, pour une annulation de décision au motif que l’avis d’audience avait été adressé quatorze jours avant la date fixée pour cette dernière au lieu des quinze jours réglementairement prévus, alors même que l'avocat mandaté pour assister l'intéressé était présent lors de l'audience).
Ensuite, le Conseil d’État, après avoir constaté que l’agent avait, depuis l’introduction de son pourvoi en cassation, été admis, sur sa demande, à faire valoir ses droits à pension de retraite et radié des cadres, a jugé que : "Il n’y a, dès lors, pas lieu de renvoyer M. [X], qui n’a plus la qualité d’agent titulaire, devant la juridiction disciplinaire instituée par l’article L. 952-22 du code de l’éducation pour les membres du personnel enseignant et hospitalier, laquelle, en l’absence de dispositions légales le permettant, n’est plus susceptible de prononcer de sanction à l’encontre d’un professeur des universités-praticien hospitalier ayant déjà été radié des cadres et admis à la retraite."
En conséquence, le Conseil d’État, jugeant pour la première fois qu’aucune sanction disciplinaire ne pouvait être prononcée, sauf texte contraire, à l’encontre d’un fonctionnaire radié des cadres à la suite d’une liquidation de ses droits à pension (s’agissant du cas d’un agent contractuel après résiliation de son contrat, cf. C.E., 4 novembre 1955, Sieur X, nos 13289, 17141 et 17142, au Recueil Lebon, p. 517), a prononcé la cassation sans renvoi.
Crise – Situation exceptionnelle
Composition du jury
- Nomination du jury – Absence de reconduction – Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport – Manquements déontologiques
T.A. Montpellier, 19 décembre 2023, Syndicat des moniteurs professionnels de glisses aérotractées et autre, n° 2202309
Un membre du jury du brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport et du diplôme d’État de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport mention "glisses aérotractées nautiques" avait été destinataire d’un courrier en date du 9 décembre 2021 par lequel il avait été informé de ce que sa nomination au sein de ce jury n’était pas "reconduite", invoquant notamment des manquements aux règles déontologiques.
L'intéressé ainsi que le Syndicat des moniteurs professionnels de glisses aérotractées, dont il était le vice-président, demandaient, notamment, l’annulation de cette décision.
La décision de non-reconduction était fondée sur deux motifs. Le premier motif était tiré de manquements incompatibles avec l'article A. 212-19 du code du sport qui dispose que : "Il est mis fin par le directeur général de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale aux fonctions d’un membre du jury en cas : / (…) – de manquement aux règles déontologiques du jury (…)." Étaient reprochés au requérant une remise en question et une contestation du fonctionnement du jury ainsi que la formulation de demandes durant le jury qui n'entraient pas dans le champ de la délibération. La décision contestée faisait également état d'un second motif tiré de l’application des articles A. 212-20 et R. 212-10-2 du même code qui confient au directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale la mission d'arrêter la liste annuelle des membres du jury, aucun membre du jury de la précédente session n'ayant à cet égard un droit à être retenu pour le nouveau jury.
En ce qui concerne le premier motif, le tribunal administratif de Montpellier a jugé que l'article A. 212-19 du code du sport permettait de mettre fin aux fonctions d'un membre du jury en exercice mais ne pouvaient servir de base légale à une décision de non-reconduction pour l'année suivante. Au surplus, le tribunal administratif a relevé que l'administration, qui ne produisait aucune pièce ni ne se référait à aucune obligation déontologique qui aurait été méconnue par le requérant, avait fait une "inexacte appréciation des faits de l’espèce en prenant la décision attaquée".
Toutefois, il a jugé que le second motif, qui n'était pas contesté par les requérants, était de nature à lui seul à fonder la décision contestée, faisant ainsi application de la jurisprudence "Dame X" du Conseil d’État du 12 janvier 1968 (C.E., Assemblée, n° 70951) permettant de neutraliser un motif erroné lorsque la décision en comporte un ou plusieurs susceptibles à eux seuls de fonder légalement la décision. Par voie de conséquence, il a rejeté les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 9 décembre 2021.
Sports
Honorabilité
- Mesures d’interdiction d’exercer des fonctions d'enseignement, d'animation, d'encadrement ou d’entraînement d’une activité physique ou sportive – Plainte pour des faits de viol classée sans suite en raison de la prescription de l'action publique
C.A.A. Toulouse, 30 janvier 2024, n° 22TL21117 et n° 22TL21118
Un professeur d’équitation retraité, intervenant en qualité de formateur et d’expert au sein d’un centre équestre dirigé par sa compagne, avait fait l’objet de deux arrêtés préfectoraux d’interdiction d’exercer, l’un à titre temporaire pour une durée de six mois et l’autre à titre définitif, "bénévolement et contre rémunération", les fonctions d’enseignement, d’animation, d’encadrement ou d’entraînement d’activité physique et sportive énumérées à l’article L. 212-1 du code du sport.
Les mesures d’interdiction d’exercer les fonctions énumérées à l’article L. 212-1 du code du sport constituent des mesures de police que l’autorité administrative peut prononcer, sur le fondement de l’article L. 212-13 du même code, à l’encontre de toute personne dont le maintien en activité "constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants" (cf. C.E., 19 juin 2023, Ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, n° 465978, aux tables du Recueil Lebon, LIJ n° 227, novembre 2023).
La cour administrative d’appel de Toulouse a confirmé les deux jugements qui avaient rejeté les demandes d'annulation des deux arrêtés.
En premier lieu, le requérant soutenait que les mesures d’interdiction d’exercer avaient été prises au terme de procédures irrégulières.
En ce qui concerne la mesure d’interdiction temporaire d’exercer, il faisait ainsi valoir que la situation d’urgence au sens de l’article L. 212-13 du code du sport, permettant de se dispenser de la mise en œuvre de la procédure contradictoire et de la consultation de la formation spécialisée du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative (C.D.J.S.V.A.), n’était pas caractérisée.
Après avoir rappelé que la situation d’urgence ne saurait s’apprécier au regard du délai pris par l’autorité administrative pour édicter une telle mesure depuis la date où les agissements en litige ont été portés à sa connaissance, la cour a estimé qu’en l’espèce, au regard de la gravité particulière des agissements de l’intéressé, la situation d’urgence permettant la dispense de ces formalités préalables était caractérisée.
En ce qui concerne la mesure d’interdiction définitive d’exercer, le requérant alléguait que des personnes ayant participé à l’enquête administrative concluant à la nécessité de prononcer une telle mesure à son encontre et à la réunion du C.D.J.S.V.A. ne présentaient pas les garanties d’impartialité requises.
La cour a considéré qu’il ne ressortait d’aucun élément que ces personnes avaient fait preuve d’une animosité particulière à l’encontre de l’intéressé durant l’enquête administrative ou lors de la réunion du C.D.J.S.V.A. au cours de laquelle les interventions d'un membre, dont l'objet était de faire la lumière sur les faits en litige, n'avaient pas été de nature à exercer une influence sur les autres membres. En tout état de cause, la cour a relevé que la formation du C.D.J.S.V.A. avait, par onze voix contre une, émis un avis favorable à l'interdiction définitive d’exercer.
En deuxième lieu, le requérant soutenait que les mesures d’interdiction d’exercer étaient entachées d’inexactitude matérielle dès lors, notamment, que le classement sans suite de la plainte pour les faits de viol déposée à son encontre par une ancienne cavalière attestait que les agissements qui lui étaient reprochés n'étaient pas établis.
Après avoir rappelé que ce classement sans suite pour prescription de l’action publique n’avait ni pour objet ni pour effet de remettre en cause la réalité des faits dont cette ancienne cavalière avait été victime, la cour a jugé que cette décision de classement "n’[était] de nature ni à priver l’autorité préfectorale de l’exercice de son pouvoir de police des activités d’enseignement du sport ni à lier le juge administratif". Puis, la cour a estimé que l’intéressé "ne produi[sait] aucun élément probant de nature à contredire le contenu de la plainte pour des faits de viol répétés sur une cavalière". Elle a ajouté que le requérant se bornait d'une manière générale à faire valoir que les comportements malsains qui lui étaient reprochés ne renvoyaient qu’à des jeux et se prévalait de témoignages de moralité généraux, mais "ne contest[ait] sérieusement pas les circonstances selon lesquelles, indépendamment des faits de viol (…), il a[vait] fait preuve de comportements inappropriés constitutifs de violences sexistes et sexuelles, matériellement établis (…)".
En dernier lieu, la cour a jugé qu’eu égard à la gravité des faits en cause, le préfet avait édicté des mesures d'interdiction d'exercer pleinement proportionnées et strictement nécessaires à l’objectif d’intérêt général tenant à la protection de la santé et de la sécurité physique ou morale des pratiquants.
Elle a ajouté que si le motif tiré de ce que l’intéressé n’avait pas procédé, en application de l’article L. 212-11 du code du sport, à la déclaration de son activité auprès de l’autorité préfectorale ne pouvait légalement justifier une mesure d’interdiction définitive d’exercer, ce motif pouvait être neutralisé dès lors que le préfet, à qui il incombait de faire cesser définitivement tout contact de l’intéressé avec les pratiquants, aurait pris une telle mesure d’interdiction définitive en se fondant uniquement sur le motif tiré de ce que le maintien en activité de l’intéressé constituait un danger pour la sécurité physique ou morale des pratiquants.
Actualités
Enseignement scolaire
Inscription des élèves
- Procédure d’affectation en collège et en lycée – Zone de desserte – Démarches d’inscription – Opposabilité du calendrier d’affectation
Décret n° 2024-109 du 14 février 2024 relatif à l'affectation des élèves au collège et au lycée
J.O.R.F. du 15 février 2024
Le décret du 14 février 2024 modifie l'article D. 211-11 du code de l’éducation, qui prévoit que les collèges et les lycées accueillent les élèves résidant dans leur zone de desserte, pour préciser que l'accueil des élèves de collège et lycée est désormais soumis au respect des règles relatives à la procédure d'affectation.
À cet égard, le décret crée dans le code de l’éducation un nouvel article D. 331-38-1 qui encadre la procédure d’affectation des élèves dans les lycées publics afin de permettre à l’autorité académique d’identifier plus rapidement les places disponibles et de réduire le nombre d’élèves en attente d’affectation à la rentrée scolaire.
Il prévoit à cet effet que le recteur d’académie définit chaque année, conformément à un cadre national, le calendrier de la procédure d’affectation en lycée dont les dates et échéances sont opposables aux élèves et à leurs représentants légaux. En conséquence, il précise que l’élève est susceptible de perdre le bénéfice de son affectation si ses représentants légaux – ou lui-même s’il est majeur – n’effectuent pas les démarches d’inscription dans le délai indiqué par la notification de la décision d’affectation.
Enseignement supérieur et recherche
Cycle master
- Diplôme national de master – Inscription en première année – Plateforme nationale dématérialisée
Décret n° 2024-149 du 27 février 2024 modifiant la procédure dématérialisée de candidature et de recrutement en première année des formations conduisant au diplôme national de master
Arrêté du 27 février 2024 relatif au calendrier de la procédure dématérialisée de candidature et de recrutement en première année des formations conduisant au diplôme national de master au titre de l'année universitaire 2024-2025
Arrêté du 27 février 2024 modifiant l'arrêté du 20 février 2023 pris pour l'application des articles D. 612-36-2 et D. 612-36-2-1 du code de l'éducation établissant les dérogations à la procédure dématérialisée de candidature et de recrutement en première année des formations conduisant au diplôme national de master et fixant le nombre maximal de candidatures sur la plateforme dématérialisée
Arrêté du 27 février 2024 modifiant l'arrêté du 9 mars 2023 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "Mon Master"
J.O.R.F. du 28 février 2024
Quatre textes réglementaires du 27 février 2024 sont intervenus pour modifier la procédure dématérialisée de candidature et de recrutement en première année des formations conduisant au diplôme national de master.
Le décret du 27 février 2024 prévoit en particulier la mise en place d'une phase complémentaire de recrutement et d’une phase de gestion des désistements, et il modifie la procédure d'admission dans les formations en alternance.
En outre, il donne la possibilité aux formations conduisant à la délivrance du diplôme national de master par un jury rectoral de recruter via la plateforme.
Enfin, il prévoit que les établissements ne peuvent demander au candidat aucune information relative à ses autres candidatures, qu'ils doivent attribuer un rang de classement à toutes les candidatures répondant aux attendus et aux critères généraux d'examen d'une formation donnée, et qu'ils peuvent procéder à un recrutement en dehors de la plateforme pour ce qui concerne les formations dont le recrutement via la plateforme est arrivé à son terme.
Sports
Honorabilité
- Violences dans les milieux sportifs – Protection des mineurs
Loi n° 2024-201 du 8 mars 2024 visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport
J.O.R.F. du 9 mars 2024
Ces dernières années, le secteur sportif a été confronté à de nombreuses affaires de violences sexuelles.
En 2019, une mission d’information sénatoriale sur les violences sexuelles sur mineurs en institutions alertait sur le manque de contrôle de l’honorabilité des éducateurs sportifs bénévoles, qui représentent pourtant 90 % des éducateurs.
Le ministère chargé des sports, pour sa part, lançait en 2020 une cellule de signalement des faits de violences ou de violences sexuelles (Signal-sports). Depuis sa mise en place, plus de 907 signalements ont été enregistrés, concernant dans leur très grande majorité des faits commis sur des mineurs.
Par ailleurs, le contrôle de l’honorabilité des éducateurs bénévoles a été renforcé depuis 2021, avec la mise en place progressive d’un contrôle automatisé et systématique de leur honorabilité.
L’objet de la loi du 8 mars 2024 est d’intensifier le dispositif de contrôle des intervenants au sein de structures sportives.
Pour ce faire, la loi renforce le contrôle des incapacités en prévoyant un contrôle annuel par les services de l'État de l'honorabilité des éducateurs et des intervenants en milieu sportif – bénévoles ou professionnels – placés au contact des mineurs, assuré par la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire et l'accès aux informations du FIJAIS, le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (cf. I bis de l'article L. 212-9 du code du sport).
De plus, les fédérations agréées devront désormais informer sans délai le ministre chargé des sports lorsqu’elles ont connaissance du comportement d’une personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants (article L. 131-8-1 du code du sport).
La loi instaure également une obligation pour les dirigeants de club de signaler auprès de leur autorité administrative les comportements à risques des bénévoles qu’ils emploient (article L. 322-4-1 du code du sport).
Enfin, elle introduit une mesure administrative d’interdiction temporaire ou définitive d’exercer à l'encontre d'un dirigeant de club qui emploierait un éducateur sportif au mépris du contrôle de l’honorabilité, qui refuserait de signaler des comportements à risques dans son club ou qui présenterait lui-même un danger pour la sécurité et la santé morale et physique des pratiquants. Un président de club qui emploierait un éducateur sportif faisant lui-même l’objet d’une interdiction d'exercer (article L. 212-13 du code du sport) pourra être sanctionné par la même mesure (article L. 322-3 du code du sport).
Un décret d'application fixera les conditions d'application de l'article L. 322-3 du code du sport.
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Secrétariat de rédaction et mise en page : Anne Vanaret
Ont participé à ce numéro : Simon Barthelemy, Jennifer Bême, Cédric Benoit, Louise Benoit, Florence Brown, Valentin Dailly, Camille Dasset, Chloé De Jonckheere, Philippe Dhennin, Isaure Ferran, Stéphanie Frain, Alexandra Gaudé, Julien Hée, Carla-Mary Hennion, Chloé Hombourger, Alexandre Jamet, Jean Laloux, Alexandra Lecomte, Barbara Le Guennec, Morgane Le Nozarch, Chloé Lirzin, Pauline Ozenne, Inès Paris, Marion Puget, Amandine Renault, Lucie Saccani, Virginie Simon, Baptiste Soubrier, Juliette Uzabiaga, Pierre-Louis Vincent, Henrick Yerbe
N° ISSN : 1265-6739